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PHILOSOPHIQUES ET RELIGIEUSES
DE
PHILON D'ALEXANDRIE
LES IDES
PHILOSOPHIQtES ET RELIGIEIISES
DE
PHILON D'ALEXANDRIE
PAR
MiLE
BRHIER
DOCTEUR S LETTRES
PROFESSEUR AGRG DE PHILOSOPHIE AU LYCE DE LAVAL
PARIS
82
1908
INTRODUCTION
On a beaucoup crit sur Philon, et le philonisme reste encore pour une g-rande part inexpliqu. Les uvres de Philon ont eu ds le dbut de leur histoire une sing-ulire destine elles ont d leur conservation, alors que tant d'autres ont pri, l'usag-e
;
nombreux
fragments que Ton en retrouve encore dans les Florilg^es et les Chanes , les imitations pousses jusqu' la servilit d'un saint Ambroise, enfin pour couronner le tout la lgende propage par Eusbe qui fait de Philon un chrtien, sont la preuve du got que tmoignaient pour lui les premiers sicles chrtiens. Cependant ses ides et sa mthode ne jetaient pas de profondes racines dans le judasme la colonie juive alexandrine reste aprs son poque presque ignore, tandis qu'en Palestine, puis Babylone, Texgse palestinienne se meut dans un cercle
((
:
les historiens
pourquoi Philon a d'abord proccup les thologiens et qui cherchent les origines du christianisme. Que l'on ajoute le rapport indniable de sa thorie du Logos avec celle du quatrime vangile, et l'on verra la signification historique du philonisme dans son rapport la conception essentielle du christianisme de Jean^ celle du Messie-Logos. Les recherches sur Philon se sont peut-tre ressenties de ce rapprochement. Pendant tout le XVIII sicle, et une moiti du xix^, on s'est demand si et jusqu' quel point Philon tait chrtien Malgr quelques excellents
C'est
Kirschbaum, qui voit entre Philon et le christianisme un lien si troit qu^il fait des uvres de Philon une invention apocryphe des chrtiens, et la thse de Carpzov qui refuse de voir dans le logos philonien aucun trait du logos johannique. Dans ces ingnieuses comparaisons, on perd ainsi de vue l'essentiel, qui est d'expliquer l'origine du philonisme par les
11
INTRODUCTION
s'est
il
dvelopp. La seconde
les tudes philoniennes, par une recherche plus attentive de ce milieu. Ce sont en France les ouvrag-es de Biet, de Bois, et d'Herriot, en Allemagne de nombreuses tudes de dtail sur les dbris de la littrature judo-alexandrine, qui essayent de replacer Philon dans son cadre historique. On cherche d'une part quels liens intellectuels
le
et d'autre
rattachent encore la Palestine (Frankel, Ritter, Sieg-fried), part quelle est la marque distinctive de son alexan-
drinisme.
la pnurie des sources, soit pour toute autre Philon apparat toujours dans le dveloppement du judasme alexandrin comme un isol. 11 est impossible de reconstituer une cole juive alexandrine, dont les uvres de Philon
raison,
les
travaux
et les aspirations.
La philo-
la Sag-esse
de Salomon ou de
la Sibylle, le
bien des partis diffrents y a, comme l'a montr Friedlnder chez les juifs de la dispersion et le philonisme peut ne reprsenter
qu'un parti assez restreint. Mais peut-tre faudra-t-il, pour mieux comprendre Philon, tendre ses vues au del de la colonie juive. Aussi bien a-t-on vu depuis longtemps que le philonisme nat d'une fusion entre l'esprit juif et l'esprit hellnique. Mais encore faut-il bien l'entendre. Il n'y a rien dans cette union d'artificiel et de voulu Philon qui a reu une ducation grecque, qui crit des traits philosophiques sans aucune intervention de la loi (comme le de incorruptibilitate et le de Providentiel)^ ne parat jamais avoir vu la moindre contradiction entre le g-nie hellnique et le mosasme, et, nulle part, il n'prouve le besoin de les concilier. Il n'y a donc pas, chez lui, fusion de concepts opposs. O trouverait-on d'ailleurs une philosophie propre au judasme ? L'entente parat se faire moins sur la philosophie elle-mme (que Philon accepte tout entire) que sur certains concepts relig-ieux comme ceux du Logos et de la Sag-esse. Des concepts de ce genre ont, en partie du moins, une orig-ine hellnique, mais ils. ont subi, Alexandrie, une laboration qui en renouvelle la signification. C'est par cette base commune que le philonisme va
;
I,
INTRODUCTION
populaire.
philosophe que dans les rg-ions obscures de la relij^ion Nous essayerons de montrer, par l'analyse des ides
philosophiques et religieuses de Philon, que les uvres du juif alexandrin nous rvlent une transformation profonde de la pense grecque, qui s'est accomplie en grande partie en dehors du
judasme.
L^activit intellectuelle de Philon s'exerce,
comme
l'on sait,
;
quarante premires annes de l're chrtienne c'est aprs la mort de Galigula en 4i qu'il crit un ouvrage qui est probablement son dernier, V Ambassade Caus. Nous ne parlerons pas ici de sa vie dont un seul vnement d'ailleurs est bien connu plus de soixante ans, Philon fut choisi par ses coreligionnaires pour aller porter Rome devant l'empereur Galigula les dolances des Juifs contre le gouverneur P'iaccus. Les belles tudes de Massebieau et de Gohn ont apport la lumire dans un sujet prliminaire de la plus haute importance pour Ttude du philonisme, le classement des uvres de Philon. Admettant la triple division en crits purement philosophiques {de incorruptib. miindi quod omnis probus liber de providentia de animalibus) , crits d'explication du Pentateuque, et crits missionnaires et apologtiques {Vie de Mose apologie des Juifs, et TuoGsTu (ces deux derniers ne sont connus que par fragments), ils sont arrivs prciser le classement du second groupe d'crits
pendant
les
qui est
le
le
plus important.
allgorique qui
i*^
premier
il
tait
suit avec
quelques interruptions qui proviennent sans doute de la perte 2^ l'Exposition de la loi qui des textes, Tordre de la Gense commence par le de opiJicio, se continue par le Trait sur Abraham (il ne comprend pas la Vie de Mose qui est intercale dans les ditions entre le de Josepho et le de Decalogo) V Les Ques;
;
tent de montrer, dans la Revue de V Histoire des nous appuyant sur les notes de M. Massebieau \ que V Exposition de la Loi est antrieure au Commentaire, et les Questions en partie antrieures et en partie contemporaines. Religions^ en
I Nous saisissons ici l'occasion de remercier la famille de M. Massebieau, qui a mis gracieusement notre disposition les notes et bauches d'articles qu'il a laisss sur Philon, sans avoir pu malheureusement les publier.
.
Nous avons
IV
INTRODUCTION
mais non pas pour les principaux. On n'a g-ure que des traits philosophiques sur V Incorruptibilit^ sur la Libert du Sage^ sur la Providence et le petit trait sur La vie contemplative. Il n'y a donc pas lieu de se poser dans l'introduction des questions sur l'authenticit qui seront mieux leur place dans le cours de notre expos ^
uns des
traits,
attaqu, en
effet,
I. Nous citerons, pour les traits parus dans l'dition Cohn-Wendland en renvoyant au parag-raphe pour les autres en renvoyant au chapitre et la pag-ination de Mangey (ou d'Aucher pour les Questions) qui est reproduite dans l'dition Holtze.
;
I.
MANUSCRITS ET EDITIONS
On
les prol:
gomnes de
Cobn
(Berlin, 1896,
Tischendorf, Philonea inedita (p. vii-xx). Pitra, Analecta sacra. II, 314.
commun
(Cohn, p. xxxviii)
et
un
mort en 307. Un des traits de Philon, le de Posteritate Caini, ne se trouve que dans un seul manuscrit (cod. Vaticanus grsecus, 381 U). Deux traits, quis rerum divinarum hres et de Sacrificiis Abelis et Caini ont t trouvs en outre en 1889 dans un papyrus du vi^ sicle (dits dans Mm. publis par les membres de la miss, archol. franaise au Caire,
t
Cohn
ont la
mme
source
que les manuscrits de Csare. Une dcouverte plus importante fut celle de traductions armniennes d'uvres de Philon perdues en grec, connues seulement par quelques courts fragments de Procope. Les manuscrits dcouverts Lemberg en 1791 sont
traduits en latin par
Aucher
(2 vol.
du
en grec
s'est
duction armnienne de cette uvre, pour combler une lacune (ch. IV,
483 M.).
Les
trois ditions principales
;
avant
celle
de Wendland
et
Cohn, sont
2 d.
1640
Cophini
la
traduction latine
deux traits indits en grec de festo Ang. Malo, Milan. 1818, in-4o, puis des manuscrits armniens par Aucher (le^" vol. I et
:
de
Providentia
2'
vol.
Qusliones in
VI
MANUSCRITS ET DITIONS
Qusestiones in
Genesin
1826).
Exodum
de
Sampsone
la
de Jona, Venise,
pagination de Mangey,
les autres,
pour
les
et
de Mai pour
dans
la
seule
L'dition
Golm qui
est
opra
qu
mmes
que) est bien suprieure, au point de vue critique, aux prcdentes .ditions
Commentaire allgorique
et III) et le
dbut de V Exposition de
la
la Loi,
discussion
du Philologus,
les
Mangey
:
tra-
et
vraiment importants
Fragmente Philos, von P. Wendland (Berlin, 1891), contient un fragment important du de Animalibus sacrificiis idoneis, du
entdeckte
Neu
et
Procope
et
Theodoret.
tirs
le
par Pree-
Une
traduction latine
anonyme d'une
(IV, 154-245), dite Ble en 1538 (reproduite dans Tdition Holtze) peut
servir de
tmoignage
la
traduction d'Aucher
^.
Cohn
Le de ternitate mundi, par Cumout (Berlin, 1891), dition critique, qui a rendu bien plus facile l'interprtation de cette uvre, en retrouvant
l'ordre vritable des chapitres, troubl
dans
le
manuscrit
life,
d.
trouvera la liste dans Herriot, Philon le Juif. Cette traduction, d'une concision et d'une obscurit parfois extrmes, est mle de remarques critiques du traducteur; il rattache Philon une opinlej! des ApoUinaristes ( 2i5), ce qui place la traduction vers la fin du
i
On en
1.
ivc sicle. Il est peu favorable Philon (cf. surtout le 2 de la partie npn conserve dans l'armnien aprs le | 195, Aucli., p Sg). Il trouve dans son interprtation du puits une contradiction. Il le considre non pas comme un chrtien, mais comme un juif (ce qui prouve que la l;-ende d'Eusbe n'tait pas universellement accepte) qui, suivant la coutume des Juifs a corrompu
fe
texte; cf.
'^in,
10
d'autres
remarques
BIBLIOGRAPIIIE
VII
Dans
ses
P/iUonea inediia
(Leipzi^^,
1868), ischendorf
donne
la pre-
mire dition critique du de Pont. Caliii. Voyons maintenant les fragments. Ils sont utiles tant pour faire connatre quelques
thenticit
uvres perdues (comme les TTrosnxa) que pour vrifier l'audu manuscrit d'Aucher. Ils sont tirs d'crivains ecclsiastiques comme Eusbe et tous les auteurs de chanes et de florilges Maximin, Procope, Theodoret, Ant. Melissa, Leontius. Ce fond a t utilis
:
par
Mangey,
Philonea inediia, Leipzig, 1868 Tischendorf. Fragments of Philo Judseiis, Cambridge, 1886 Harris.
*
;
(qui
met en
regard
les
fragments grecs
et la
traduction d'Aucher)
2,
fragments de ischendorf
et
Une
La traduction
3' d.,
de Bellier
(uvres de Philon
le
Juif, conlenant
in-8'')
;
l'
interprtation de plusieurs
2^ d.,
1612
1619)
V Oraison de
Il
d'Auge, 1855),
le livre
de Philon
On possde en outre une traduction anglaise de Yonge (Philo J Works, 4 vol. in-8^, 1854 1855), et en Allemagne, la Chrestomathia philoniana de Dahl (Hambourg, 1880, 2 vol.).
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69 sq.
tifier le
le
quatrime (oO G'/zt x hp. ts),t-^) Qii. in Gen IV, 8, 262; le premier passage de la col. 2, p. 70 (r r 7r),ov;tav) Qa. in Gen. IV, 211, lii^.
Dans les passages non identifis des Questions, nous avons pu idendeuxime passage (ustov yjatwO'vri) Qu. in Gen., IV, 179, 882
VIII
BIBLIOGRAPHIE
p. 388-
488); F. Picavet, Esquisse d'une histoire gnrale et compare des philosophies mdivales (Paris, 1905)
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Philon
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Gottleber.
Sur
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Animadversiones
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ad Caium
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Bernays.
Berlin
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Lettres sur
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r histoire
ecclsiastique, Il
Mmoires pour
et 269j.
servir
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Clemens. Delaunay.
Lucius.
Askese.
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Die Therapeuten
Eine
kritische
und
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Massebieau. - Le
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vie contemplative de
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dans Schurer
Essenerquellen (Th. Stud. u. Krit., 1900, pp. 20-92). question des Essniens que Philon dcrit dans ce trait, voyez
la littrature considrable
du
sujet.
Sur
les livres
apologtiques perdus
Hilgenfeld.
Sur l'Apologie
Philon
s
(dans
l'article
sur
le ivdXi
quod omn.
p. L, pp. 276-78).
Bernays.
1876, p. 389)
Ytto-tixk
(Gesamm. Abhandl.,
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Chronologie
der
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Philo'
Massebieau et Emile Brhier. Chronologie de la vie et des uvres de Philon (Rev. d'Hist. des Relig., 1906, 1, 2 et 3). Les tmoignages sur la personne de Philon sont rassembles au premier
volume de
p. 4.35.
l'dition
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la fin
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mme
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Karppe.
Philon
LIVRE
LE judasme
CHAPITRE PREMIER
LE PEUPLE JUIF
Sommaire
L'avenir du peuple juif comment il est dcrit dans VExposition de la Loi. L'ide du roi messianique sa parent avec celle du sage-roi des Stociens. Dans le Mose, l'avenir de la Loi se substitue l'avenir du peuple juif. Dans le Commentaire allgorique, les ides eschatologiques sont totalement absentes.
:
Philoii se
toutes les
donne comme un Juif fervent, observant avec pit coutumes religieuses de son peuple. Son activit phi-
losophique est presque entirement consacre l'explication de la loi mosaque. Si l'on ne considre que la forme de son uvre, elle prend place dans l'immense littrature exgtique qui a suivi, dans les coles des rabbins, la fin de la priode cratrice
du judasme.
Pourtant
il
n'est
ses ides philosophiques au texte de la loi que par le lien fragile de l'allgorie. Elles ont en elle-mme une valeur universelle et dpassent la nationalit juive. Ce contraste entre le fond et la forme de ses uvres, l'auteur lui-mme ne parat pas un moment en avoir conscience. C'est donc un problme qui doit prcder tous les autres de' savoir ce qu'tait au juste ce judasme philonien, et comment pouvait, sans contradiction apparente, se dvelopper en lui une religion univeibelle. Que pensait Philon du peuple juif considr comme nation ? Que pensait-il de la loi juive comme loi positive? Quel lien, enfin, tablissait-il entre cette loi et sa philosophie? Nous voulons chercher dans ce chapitre quelle place tient dans les ides de Philon l'ide nationale juive. Les crits de Mose constituent avant tout en efet, non pas une philosophie,
ne sont
LE PEUPLE JUIF
mais une
loi.
chercher d"ag-er. L'on sait qu' cette poque, des Juifs dont les conceptions nous ont t conserves par le livre III des pomes sibyllins, rvaient
et
de bonheur universel.
dans une situation difficile par rapport ces ides eschatologiques; toute la prosprit matrielle que les Juifs, comme les auteurs de la Sibylle, dcrivent comme aboutissement du progrs \ n'tait rien aux yeux de Philon, au prix de la pit et de la connaissance du vrai Dieu. Elle ne concernait que le corps et les choses extrieures, alors que les biens de l'me seule sont les vrais biens. Mais alors le progrs extrieur et historique du peuple cde le pas un progrs intrieur et moral. Un tel progrs ne peut se concevoir comme celui de tout un peuple, mais seulement d'un individu. Par l on retire toute valeur et tout prix aux promesses de bonheur extrieur faites par Dieu son peuple. Philon revient deux reprises sur l'avenir de la race juive. Dans le premier de ces textes (de prsemiisy ch. XIV, fin), il montre comment le peuple juif, tant par excellence celui qui obit
la loi divine, doit atteindre tous les biens extrieurs et corporels
Tnumration de ces biens se trouve l'absence de la ; dans guerre laquelle un roi prdit par les oracles doit mettre fin. Le second {de exsecrat.^ ch. VIII et IX) est destin expliquer
les
maux
des Juifs
comme un
avertissement de Dieu
et
ils
doi-
mme
Mais de pareils espoirs ne trouvent pas dans l'esprit de Philon une signification bien profonde. Nous croyons mme que Ton se tromperait en rattachant ces peintures aux ides eschatologiques qui avaient pris une si grande valeur chez l'auteur juif du livre III des Sibylles. 11 est ais en effet de trouver dans le Deut' ronome le fend et la suite de ces ides. Le premier texte est une explication des quinze premiers versets du chapitre XXVIII du Deatronome le second une explication des dix premiers versets du chapitre XXX. Philon, en nonant ces ides, fait donc
\
qu'il faille
S'il
y voir
a d'autres
que ceux du Deiitronome, c'est g"alement aux livres le dbut du chapitre XIV du de prxmiis sur le bien qui est prs du cur de Thomme est emprunt un passage voisin du Deutronome (XXX, ii, 12, i3). Le prophte Isae est galement utilis dans les passages sur la pacification des animaux sauvages et pour le portrait du prince de la
dtails
paix ^
La part personnelle de Philon dans ces explications serait plutt d'avoir vit ce que les prophties avaient de trop prcis. C'est ainsi qu'on trouve dans les passages comments par Philon ride d'une nation spcialement lue par Dieu et conduite par lui pour combattre les Juifs (Beat., XXVIII, 49? 5o). Cette
ide faisait partie intgrante
conceptions de la Sibylle Philon la laisse dans le vague; pour lui, cette nation ennemie devient un cadre dans lequel il fait entrer toutes les perscudes
tions contemporaines
les
Juifs \
Il
calyptique.
On
le
portrait
du prince de
le
la paix, ce
guerre, et dont
la Sibylle
Examinons de prs
messianique des uvres de Le chapitre XVI est le plus Philon il montre que la paix devait rgner dans le pays des pieux (8(. ytopa sa-stov), soit par la honte que les hommes
:
auraient d'tre moins paisibles que les animaux, soit parce que
ennemis verraient combien l'alliance du Juste rend les pieux Si par une rage incomprhensible, les mchants avaient l'audace de combattre contre les pieux, vaincus par une
les
invincibles.
ils fuiront en droute, la crainte seule les poursuivra car il viendra un homme, dit l'oracle % puissant et guerrier qui s'emparera de peuples grands et nombreux Dieu
envoy l'aide convenable aux saints (xoc; oo-wk), savoir l'audace dans l'me et la force dans le corps. Il aura srement
lui
1.
De praem., ch.
Opao-o
XX
chez Philon
2. Sib. III, 3. Cf. p.
-^Myrric,
praem., id.
et
(comp.
xat
[3ov)./j
489-572 Gog- et Magog-. 436 fin, l'allusion des perscuteurs srement contemporains qui
;
aux
ftes officielles.
653 de praem., ch. XVI fin.^ 5. L'oracle de Balaam, Deutron,, 24, 71.
6
la victoire sans verser
LE PEUPLE JUIF
de sang- (va(.[/.coT(j, mais de plus, il g-ouvernera sans rsistance pour l'utilit des sujets qui viendront lui par amour, ou par crainte ou par honte son srieux inspire
;
la honte,
l'amour . Philon a donc eu Tide d'un Messie g-uerrier et roi, qu'il rattache une prophtie des livres de Mose, et qui tait destin tablir la paix universelle. Mais sa pense sur ce point est singulirement hsitante. Le Messie n'est en effet qu'un des trois moyens possibles d'tablir la paix universelle. Il n'est nullement considr comme ncessaire. Les traits de ce Messie sont ceux du roi idal que Philon a dpeints diffrentes reprises dans le portrait de Mose et dans le paradoxe stocien du sage-roi
son air terrible
la crainte, sa bienfaisance,
*
;
d'abord
il
une
(vat.-
piwTl), de mme que Mose a eu la royaut non pas comme quelques-uns^ en s'levant au pouvoir par les armes et la puis-
sance militaire
(alw),
la
impose
le
respect
qui inspire
la
crainte, la
le
bienfaisance qui
inspire l'amour
('jvof.av).
De mme dans
est
peu aprs
il
dit
la crainte
faut indiquer
ici
que Dieu sur l'homme moral par ses puissances. inspire par sa bont l'amour, mais ceux qui ne peuvent
la crainte
et
le
Philon,
le caractre divin de la vraie royaut; le sage est un roi, non pas choisi (xy(.poTOV7i[i.vov) par les hommes, mais par Dieu c'est une rcompense que Dieu donne Mose pour sa vertu ^ Le sage est non un roi, mais le prince des princes, il est divin,
;
c<
nom, mais il a tous les traits du Messie de la du Messie est de faire cesser la g-uerre). Dans un commentaire se rapportant au mme passage du Deutr.{de fortitit.y 8, p. 382), ce n'est plus un homme, mais bien Dieu qui commande les armes (6soO f7zpa.Tv.oy^o\j-jroc, oparw;), preuve du peu de consistance de cette ide. mme opposition Qu. in Gen. IV, 76, p. 3o4, entre le sage 2. V. M. I, i48 roi et ceux qui russissent per vim violentam , et surtout de Abi^ah., 216.
1.
le
Sibylle
surtout
III,
653, le rle
3. 4. 5. 6.
De fuga
243.
et roi
des rois;
))
Dieu
ides
ordonn non par les hommes mais par \ Ce dveloppement sur le Messie contient donc deux l'ide du Messie consacr Dieu, et Tide stocienne du
il
a t
sag-e-roi.
Philon s'inquite moins au fond de l'avenir de bonheur promis aux Juifs que des conditions morales de cet avenir. Il y a parfois mme des rserves sur la ralit future du bonheur. Il n'en faut pas dsesprer , dit-il simplement ^ Il refuse d'accepter le bonheur matriel sans l'amlioration de l'me. N'est-il pas sot, dit-il comme s'il rpondait quelque adversaire, de supposer que nous chapperons aux btes, tout en
((
exerant la frocit celles qui sont en nous. Ces ides morales que Philon introduit videmment aprs coup dans une eschatologie trs matrialiste, produisent parfois un contraste assez bizarre, comme au chapitre XVII, o la frug'alit, dcrite la manire des diatribes cyniques, est considre comme le
moyen
devant celui de l'avenir de la loi. A la fin de la F/e c/^7l/o,se, Philon parle des prophties que Mose fit au moment de sa mort. Il ressort de ce passage qu'il croyait une prophtie mosaque dont tous les rsultats ne s'taient pas encore produits ^. Il y a
ici
une vidente allusion l'attente d'vnements prdits par Mose. Mais tout l'ouvrag-e prouve que cette attente se rapporte la loi juive plus qu'au peuple. Le Mose est une uvre apologtique adresse aux paens pour montrer la supriorit du lg-islateur juif et de sa lg-islation sur tous les autres. Aussi met-il l'accent, dans cette uvre, sur l'avenir de la loi. La g-rande supriorit d cette loi, c'est qu'elle est reste immuable travers toutes les vicissitudes du peuple juif, malgr les famines, les guerres, les tyrannies, et que l'on peut esprer qu'elle durera autant que le monde Le sort de la
Qu. in Gen.^ IV, 76, 384; cf. de Abrah., 261 V. M. II, i3i, celui qui consacr Dieu est roi . 2. De praem.^ ch. XX, cf. Vita os., II, 43. XV. pkv ri-fi (yv^SsS-r}y.s, r npoaoy.oira.t cL de Humanit., 3. V. M., II, 288 ch. IV, II, 388 (s.e., les prophties mosaques), , qtl -safop-nQrio^ovTUL, nta1.
;
est
Tsvrov)
4. Pour Philon, la loi juive n'est pas diffrente de la loi de nature, de celle de la cit du monde, et par l, l'ide stocienne du cosmopolitisme acquiert une valeur pratique et politique.
8
loi
LE PEUPLE JUIF
comme
ind-
pendant de celui du peuple juif. Cette impression est renforce par Targ-ument qui suit la conqute du monde par la loi juive, d'aprs le tableau que trace Philon, n'est plus faire, elle est faite il n'y a pas une cit qui n'ait en honneur et le sabbat et le jene de la hiromnie^ Le fait fondamental de cette domi:
nation de la
loi
par les Septante, entreprise non, pense-t-il, pour les besoins des Juifs, mais uniquement par le dsir que les Grecs avaient de
dont ils entendaient dire tant de merveilles. Nous sommes donc ici en plein universalisme. Pourtant le souci de la russite du peuple juif lui-mme revient dans la conclusion qui prsente la victoire dfinitive de la loi comme attache au bonheur du peuple Les lois sont l'objet des dsirs de tous, particuliers et gouvernants, bien que le peuple depuis longtemps ne soit pas heureux (ox stu-^^ouvto) s'il se produisait quelque impulsion vers un tat plus brillant, quel accroisseconnatre cette
loi
:
ment prendraient ces lois! Quittant ses coutumes particulires, abandonnant celles de ses pres, chacun se tournerait vers l'honneur de ces lois seules; par la russite (euTuy^ta) du peuple, par
leur clat, elles obscurciront les autres,
fait
comme
ici le
le soleil
levant
:
des toiles
;
(II,
63-44)-
Remarquons
conditionnel
ei
yivoLTO
peut gure douter que la condition qu'il passe sous silence est le repentir moral de la fin du de exsecrationibus. Mais il et t maladroit, dans une uvre de propagande, d'insister sur le ct purement nationaliste de la question d'avenir. Nous prenons ici, sur le fait, une des raisons qui ont pu faire abandonner Philon ce point de vue d'un nationalisme troit; on ne pouvait gure faire de la loi juive une image de la loi ternelle du monde qui doit s'imposer tous les hommes et en mme temps faire dpendre son succs de la russite politique d'un petit peuple. Le public tendu auquel Philon destinait son Mose n'aurait pu admettre une telle absurdit; les ncessits de la propagande Le poussaient donc attnuer ce qu'il y aurait eu ici de trop choquant pour tout autre qu'un Juif. Pourtant il y a une autre raison plus profonde on a pu remarquer que le seul chapitre du Deutronome utilis par Philon
;
I.
V. M.,
Il,
20-25;
le
cf.
ibid.j
est
I,
2.
La gloire des
rpandant travers
monde
dans Mose est le chapitre XXXII sur les bndictions. Il laisse entirement de ct les chapitres XXVIII et XXX qui ne dcriabandonnant ici vent que des biens ou des maux matriels l'avenir extrieur du peuple, il pense seulement son pe-rfectionnement moral ultrieur Les demandes de Mose, dit-il propos des bndictions, taient des demandes des vrais biens (ylv/^non seulement il demande (7ti Yio-av al Twv A'/iGivwv yaOwv) mais surtout aprs la vie mortelle, que l'me arrivent dans qu'ils sera libre des biens de la chair \ Au point de vue nationaliste de la russite du peuple dans sa richesse et sa sant se substitue donc ici d'une faon complte le point de vue mystique et individualiste du perfectionnement moral qui doit aboutir la les vrais biens sont opposs aux biens extrieurs vie ternelle et aux biens du corps. Il y avait dj dans l'Exposition une certaine bizarrerie dans
^
le sag^e et
comme
rcompense. C'est ce qui a pu dcider Philon une poque postrieure du dveloppement de sa pense' abandonner entirement l'avenir matriel de son peuple, la gloire, la richesse et les honneurs au profit de Tavenir purement moral. Cette impression est fortifie par l'examen de certains passages du Commentaire allgorique c'est la dernire en date des uvres de Philon et il s'y montre rsolument hostile aux doctrines qui comptaient sur un avenir de prosprit matrielle. Dj les quelques passages des chapitres XXVIII et XXX que Philon y interprte sont, par l'allgorie, tourns en un sens moral; la pluie bienfaisante de Z>eM^e>._, XXVIII, 12, devient le bien cleste oppos aux biens terrestres^; les || 65 et 66 du mme chapitre dsignent non pas des maux matriels, mais par allgorie rinstabilit du mchant*. Enfin, la runion en une seule contre des Juifs revenus au repentir (Z>gM^., XXX, 11) est interprte comme l'union et Taccord des vertus opposes la dispersion et la dissipation du vice ^
;
1.
De
flamaji.,
p. 388.
2.
Le Mose
est postrieur
V Exposition de la Loi. Cf. Massebieau et uvres de Philon [Revue de l'Hist. des Relig., jan-
4.
5.
i56.
cf.
10
Il
LE PEUPLE JUIF
dans
les
Questions ou
le
Commen-
l'avenir historique du peuple juif; en revanche Philon s'lve diverses reprises contre une doctrine qui voit les fins de la vie autant dans les biens extrieurs comme la richesse et les honneurs et dans les biens du corps comme la sant que dans les seuls biens de l'me, la vertu cette doctrine
taire
;
une allusion
le
nom
de Joseph
et
quelque-
de Gan
et
combattue au
nom du
nte seul est bon, parat tre celle d'un parti juif qui, comptant
mondain
dans l'accomplissement de la loi le but de la vie nationale/ Peut-tre faut-il voir autre chose qu'un pur symbole dans le portrait de Joseph le a politique qui donne l'Egypte la prosprit matrielle, tandis que ses frres (les stociens) ddaignent les biens extrieurs ^ Ainsi cette seule ide reste vivante chez Philon de toute l'eschatologie juive
:
Tout le reste vient s'imposer lui comme un cadre sans valeur, ou bien devient symbole du progrs moral intrieur.
Philon, en raison du succs de la propagande juive travers les pays de amen donner un rle g-al, dans l'extension de la Loi aux trangers convertis et aux Juifs de naissance {laoriiim, de Mon., I, 7 II, 219). On sait quelle estime il faisait des proslytes qu'il recommande d'aimer comme soi mme {de humanit., 12); il fait d'Abraham le modle des proslytes {de nobilit., 5 fin). Sans aller aussi loin que l'auteur du livre IV de la Sibylle qui fait dans son pome l'loge des saints , sans laisser aucun rle aux Juifs de naissance dans l'avenir messianique, il les admet cependant dans la nation juive (cf. sur ce point Bertholet, Die Stellung des Isral, u. der Juden zu d. Fremden.\)^. 257-803, qui traite de la propagande, et Friedlnder, das Jadenthum in der vorchristl. griech. Welt, pp 66-74 sur la situation des partis juifs vis--vis des convertis).
I.
la dispersion, est
CHAPITRE
LA LOI JUIVE
II
Sommaire:
La Loi juive comme loi naturelle. i . La Loi juive suivant Philon. Lieux communs contre la loi civile issus Critique des lgislateurs. Emploi du Gorgia$ et du Politique de Platon. ~ La politide l'cole cynique. Le 3. Critique des Lois de Platon. que et la parntique stocienne. Mose et le roi idal des nolgislateur. Mose et l'Herms Trismgiste. Rapport des portraits de Mose avec celui du Messie et de pythagoriciens. Le de opificio niundi prol'empereur romain Exposition de la Loi. 4Les lois du code mosaque logue des lois. Les patriarches ou lois non crites. 5. et leur interprtation. Le gouvernement politique. Les lieux communs sur les gouvernements. L'empire romain. Thorie de l'empire et de l'empereur. L'empire romain et la tolrance.
2.
I.
La
loi Juive
suivant Philon
Aux
lois civiles
fondes sur
de Mose.
le
cas,
loi
y voit Timage de
gouverne \ Toute pour rattacher la loi positive de Mose cette loi naturelle. Il peut sans doute dans les dtails, avoir suivi les exgtes juifs de son poque et de son milieu. Mais Tenlreprise hardie qu'il tentait est cependant issue d'une origine toute grecque. Le stocisme, considrant le monde comme une cit administre par Dieu et l'homme comme un citoyen du monde, avait propag l'ide d'une lgislation suprieure toutes celles des cits c'est la loi morale conue dans son essence la faon d'une loi civile ternelle dont nous trouvons l'expression l'tat de puret complte et dgage de tout
suivant laquelle la grande cit du
est
monde
V Exposition de la
loi n'est
qu'un long
effort
II,
ii,
comme
Philon
fait
de Mose.
12
LA LOI JUIVE
lment proprement politique dans les uvres de Marc-Aurle. Mais l'ide d'une loi universelle et positive la fois est trangre aux proccupations du g"rand empereur. Le stocisme prend ici son dveloppement moral le plus lev. D^autre part, sa priode grecque il n'avait pu produire davantage tous ses rsultats politiques. Les rivalits des cits grecques qui tenaient chacune, comme un bien propre leur lgislateur, ne pouvaient gure permettre de faire descendre dans le monde
des ralits une
loi
ques
frapp Philon
Or
ce
et
dans l'univers civilis ^ une place spciale le peuple romain et le peuple juif. Tous les deux sont remarquables par une universelle extension et en mme temps par leur unit. Les murs
:
mmes
travers le
monde
entier
dputations de chaque colonie Jrusalem pour apporter au temple les contributions des fidles. De plus la conqute du
monde par
espoirs
;
la
religion juive
pouvait donner
les
meilleurs
grande expansion des deux nations il devait ds lors se trouver, et dans le monde juif et dans le monde romain, des hommes qui,
les
proslytes taient
nombreux. Dans
cette
profondment imbus des ides stociennes contre les lois civiles, mais en mme temps attachs avec force leurs lois nationales, devaient, pour conserver un sens celles-ci et leur donner un fondement, montrer qu'elles taient l'image exacte ou l'manation de la loi ternelle du monde nous avons nomm Gicron d'une part, Philon d'autre part. On n'a gure remarqu la singulire analogie dans le plan et dans l'objet qui unissent les deux
;
ouvrages de Gicron sur La Rpublique et sur Les Lois, et V Exposition de la loi de Philon il y a le mme souci des deux cts de dfendre leurs lois respectives en les mettant sous l'invocation de la loi naturelle le travail de Gicron n'est que le dbut de l'immense laboration qui devait aboutir sous l'inspiration
;
cit
Dans la Grce et les pays barbares, il n'est pour ainsi dire aucune qui honore les lois d'une autre. Les Athniens rejettent les murs "et les lois des Lacdmoniens, les Lacdmoniens, celles des Athniens, etc.
1
.
(F.i^f.,
2.
Il,
19).
le
Philon borne
la g-rande
3. Cf.
monde civilis aux limites de l'empire romain, extension de la dispersion suffisamment prouve par les
Flaccum,
7, II,
textes de Philon in
524.
SUIVANT PHILON
13
la codification
donner pour lois. univercoutumes romaines. A Atticus qui remarque, aprs que Gicron a numr les rg'les naturelles du culte Gette constitution ne diffre pas beaucoup des lois de divin Numa et de nos propres murs , il rpond Puisque notre rpublique est la meilleure, n'est-il pas ncessaire que les lois
Lois, Gicron veut
selles et naturelles les
: :
de
la
murs
? et
Ce n'est pas au peuple romain^ mais tous les peuples bons et fermes que nous donnons des lois \ Il oppose il est vrai, le droit de nature connu par nos propres rflexions, et le droit romain connu par les traditions [de Legg. III, 20 fin.), mais cette opposition ncessaire aussi chez Philon n'empche pas la concidence. Pour une fois le point de vue traditionaliste concide avec le point de vue rationaliste. Le code philonien a eu une moins brillante destine suivant Philon en effet chaque juif devient citoyen du pays o ses aeux la cit romaine ont colonis et s'y attache comme une patrie absorbe, au contraire, tous les peuples conquis. L'application d'un code crit suppose non seulement l'expansion religieuse d'un peuple mais sa puissance politique sinon les prescriptions politiques, comme telles, deviendront lettre morte, et il ne subsistera que le souffle moral qui l'animait la formule crite n'aura plus qu'une valeur symbolique. G'est ce qui arrive chez Philon lui-mme lorsque les lois ne sont pas des prescriptions purement religieuses, il est fort incertain si l'on a affaire une loi rellement pratique ou un simple desideratum moral. Le dernier cas est sans doute le plus frquent. Pour faire accepter la supriorit du mosasme dans le milieu o il vivait, en faire une loi universelle, il fallait en modifier singulirement les caractres nationaux. Nous allons montrer que de fait, Philon examine et dfend la Loi en se plaant toujours au point de vue des ides rgnantes dans les coles de rhteurs ou de philosophes. G'est ces coles qu'il emprunte la critique des cits et des lgislateurs devant laquelle toutes les lois doivent tomber sauf celle de Mose c'est chez elles qu'il prend
plus loin
; ;
1.
Leg.,
et
II,
I,
i4;
7,
cf. III, 5.
2.
In Place.,
lem
la diffrence le
pays o
ils
commune,
Jrusa-
14
le
LA LOI JUIVE
d'elles enfin
2.
Philon trouvait dans la philosophie grecque, et en particulier dans l'cole cynique de violentes polmiques contre la politique,
les cits
.et les lgislations positives. Il s'approprie ces ides pour opposer la loi juive aux lois ordinaires. Mais nous devons y voir moins une doctrine suivie (qui serait d'ailleurs contredite par des passages logieux sur la politique) que des lieux communs. Nous essayons donc seulement de les classer et d'en chercher
Torigine.
Le premier
civiles
:
est le lieu
la
commun
lois
suivant
connue par
Dion Ghrysostome,
c'est par suite de leurs vices, et en particulier de leur avidit que les hommes ont d ajouter aux lois de la nature (Gsct^ol) les lois civiles (vojjiot.) K Peu importe qu'ailleurs en dcrivant les dbuts de l'histoire j uive, il attribue la runion des hommes en cits la sociabilit entre les hommes ^ Philon, suivant les points de vue, est sduit par les ides les plus diverses, les plus opposes. D'origine galement cynique est l diatribe contre les cits qui occupe tout le dbut du la fume d'orgueil (6 Tcpo) qui trait sur \q Dcalogue (4-i3) le mpris l'effronterie, engendre et l'impit, est une expression favorite de l'cole cynique. Toute la partie allgorique du trait sur Joseph est occupe par le dveloppement d'un second lieu commun contre le politique. Le politique dont il s'agit ici n'est pas le lgislateur, ni le roi, puisqu'il ne commande pas le peuple ( i48), mais celui qui se mle un titre quelconque de la vie de la cit pour conseiller le peuple et le persuader. Un pareil type est chez Philon tout d'emprunt ce n'est que dans une dmocratie et particulirement dans la dmocratie athnienne qu'il pouvait se
:
pense que
Txou
28 sq. {de Decal., i5, o les lois sont zvpriiJLurcx. v0pwoppose jus existant par nature et lex existant par convention), Dion Chrys., Orat. (II, 244; H, 177, Arnim). Le
I.
;
Comp. de Josepho,
Qu. in Gen., IV,
184, qui
passade du de Josepho se rapproche de Gorgias, 483 est la crainte de l'avidit des puissants.
2.
b,
le
De
15
De fait dans le triple portrait qu'il trace du politique \ fond d'ides et d'expressions est emprunte au Politique et au Gorffias de Pldiion. Le premier portrait insiste, d'aprs le trait de Platon (294 a^b) sur l'absence de rg^les fixes en politique, par suite de la diversit des objets. Le second qui dcrit le politique comme un sophiste cherchant flatter la foule, rappelle le Gorffias sur bien des points ^ Le troisime o le politique est prsent surtout comme un rhteur, s'attachant au vraisemblable
raliser.
le
en des sujets particuliers rappelle la fois le Gorffias et la dfinition de la rhtorique qu'a donne Aristote ^. Mais la source la plus immdiate dePhilon parat tre la critique, que Ton trouve dans l'cole stocienne d'Ariston et qui nous est connue par Snque, de la parntique laquelle il rduit de fait toute la Les prceptes que donne le politique de Philon ont politique caractre que les prceptes que Snque donne en le mme exemples. Ceux-ci portent in rem, non in omne sur un fait particulier non sur un tout, et ceux-l r^t^l exo-TOu. Snque au 87 rapproched'ailleurslui-mme les prceptes des lois, puisque u non seulement elles commandent, mais elles instruisent . Il critique cet g-ard l'opinion de Posidonius qui voulait faire les lois brves, sans explications ni prologues qui instruisent. Or nous trouvons dans le Mose cette mme critique, et ce rapprochement de la parntique avec la politique ^ Philon se sert, pour montrer la varit des rgles de la politique, de la comparaison avec l'art du pilote et du mdecin c'est cette comparaison mme (95,7) que Snque indique comme tant celle des Stociens qui voulaient rduire la morale la parntique. Un mot de Snque qui leur est adress n'est pas facile comprendre sans Tu te trompes, dit-il, si tu crois le dveloppement de Philon que la philosophie te promet seulement des uvres terrestres elle aspire plus haut je scrute, dit-elle, le monde entier, et je ne me tiens pas dans le contubernium mortel, en me contentant de vous conseiller et de vous dissuader . Cette apostrophe touche justement la politique de Philon, qui, non seulement s'en tient
;
: ;
:
1.
2.
De De
comparaison de
la
rhtorique et de
la
l'art culi-
naire.
3.
(Juvap-f Tspt
cf. Aristote, Rht., II, ch. I" 143 et Gorg., 459 c ; 'xaa-TOv tou BswpijiTat t6 kvz-/^6u.fJ0-j 7Tt6av6v.
rhtorique est
4.
5.
Gomp. de Jos.,
V.
32
et Sn.,
M.,
Il,
5o.
Il
est trop
Ep., 94, 35; de Jos., i44 et Ep., 95, 87. tyrannique d'ordonner sans conseiller .
16
la vie
LA LOI JUIVE
humaine
et terrestre,
Le politique, comme tel, est que Mose sont aussi Tobjet de vives critiques. Ces critiques sont rassembles dans deux passages peu prs identiquespourle fond, d'abord au dbut de l'expos del Loi mosaque; et au dbut de la partie du yl/oise consacre au mme sujet: Parmi les autres lgislateurs, est-il dit dans la premire phrase du de Opi/icio, les uns ont ordonn ce qui leur a paru tre juste sans ornement de style les autres, ayant entour leur pense d'une grande pompe, ont aveugl la foule et cach la vrit par des ficlateurs autres
;
mythiques. Le premier procd est inconsidr, faible sans philosophie le second, mensonger et charlatanesque . Le second passage reproduit avec plus de dtail la mme division et les mmes critiques. Aux premires lgislations, composes sans plus des ordres lgaux et des chtiments contre les transgresseurs, il reproche leur despotisme, leur
tions
(Ta).aL7rcL)pov), et
;
tyrannie
elles
Une bonne
lgislation doit
ordonnent sans conseiller comme des esclaves . donc dans sa pense exposer les prin;
cipes sur lesquels elle est fonde, et les raisons des lois
elle
implique toute une philosophie de la nature. Philon ne songe pas lorsqu'il parle de lgislations aux codifications pratiques et immdiatement applicables, mais plutt aux lgislations philosophiques, telles que celles de Platon dans les Lois ou des nopythagoriciens. Les deuximes lgislations sont meilleures elles
;
commencent par
nent
la
fonder par la pense une ville , puis imagiconstitution qui conviendrait le mieux la cit idale
qu'elles n^ordonnent
, et
emploient,
des pilogues
reproche d'tre bonnes pour une ville artificielle (y^s'.poTroiYiTo;), mais de ne pas tre ce que doit tre une lgislation, l'image du gouvernement de l'univers, la grande cit. Ce dernier trait montre que ceux qu'il critique ici ne sont pas les Stociens au reste nous savons par le tmoignage de Cicron ils en restaient en qu'ils se sont fort peu occups de lgislation politique des principes trs gnraux. Pourla premire espce de lgislateurs, leur thorie correspond trs exactement un vu de Posidonius que nous avons dj rencontr. Les lgislations prologue et pilogue sont frquentes l'poque de Philon chez
;
I.
V.M.
II,
49-52.
17
les no-pythag-oriciens
dans
livre
trouve dans les Lois de Platon, et c'est bien celles-ci qui sont la seconde partie de nos deux textes l'objet des critiques
de Philon. Tout ce qu'il dit se rapporte trs exactement au IV des Lois, qui prcde immdiatement le dtail des lois. Nous mettons ici les textes en regard ^ Le reproche de fiction
^
dans le Mose peut s'adresser Platon, et l'emploi que celui-ci souvent des mythes peut expliquer les pnjO'/z- TrXa-fjLa-a du premier passage. Mais c'est srement le procd de Platon qu'il dcrit en l'approuvant lorsqu'il parle des prologues qui doivent ter aux lois tout caractre despotique ou tyrannique et le remLa critique qu'il fait (sous l'influence placer par des conseils pas d'approuver, et (ce qu'il fait soul'empche ne du stocisme) vent lorsqu'il approuve) d'attribuer Mose les traits essentiels de la mthode. Ce ne sont pas les seuls contacts que Philon ait avec l'auteur des Lois. Pour nous en tenir aux critiques, la fire comparaison entre les lois des autres peuples branles par mille circonstances, guerres, tyrannies et autres malheurs dus au hasard , avec la Loi mosaque inbranlable au milieu de toutes les preuves du peuple, semble tre une rponse un pasfait
Lois de Zaleucus, de Charondas, conserves en partie par Stobe. Lois, 712 b. nstpwaOa TTfjoac/.p^oz-ovze^ rvj tzoIsl... tt^ttsiv t^'j yw rc; puis il invoque le Dieu pour qu'il ordonne avec lui la volJLOvq (dit l'Athnien cit et les lois). Puis sur le travail du lg-islateur, 719 e. norepov ouv r^urj Trayavo kn rot; vouloir xcrJh zotovro^j Tvoo^-ayoocvj sv OLoyj tm'j voumv svO;
1.
2.
el TZQubj xt
ix-fj
fodi'-f)
xt
7Ta;rt),/;(7a;
t'v
''/juLLCty
krJcCiXo^j
'pr^z'ui voaov,
u-(i Iv
ajoute-t-il, le
libres,
remdes, non pas celui des esclaves). 722 esq. montre la ncessit des prolog-ues sans lesquels ordre tyrannique (sn-rayaa TLoavvr/.dy; r.r/n-j V. M., 49 (sur la seconde espce de lg-islateurs)
:
un
>,6yr,)
xTta-avrc;
.
r,-j
VJoy.io'j
or/.toTarvjv.,. stvai
rv:
ATiai)iiT,
r.o'f.iriiv.-j
ot fxsv
OO a t /pi}
(Mose) t u'v -poTtpo-j uTTola^Mv TUjOavvtxo'v t xat zTnort.y.v chjix> TrapaW ox D.'jOOOt^ /)/>. I^OUAOI (Sc. MoSC) VTrOTtOcTat Xt TTKjO/jyOpl - 7r)v6v V7 xAt, uTCf. TzpooLuicyj xa'f. STTiloyMy r Tzlsiaru xt juyAC<t6-:ot.-rA ttcipwasvo xjffiyzd^ixi, rou r:pozpi-^y.i^)yii yj^-p^'^ aXXov V7 |3ia(7a(76at.
Uu6t
TZpOfXZC/.TTSt.V
3.
propos du dbut de l'histoire des cits ou des lgislateurs .nythiques IV, 713 d. Platon prsente sa lg-islation e, 683 d
\
comme un mythe
4. Lois,
W,
709 a.
2
18
sag-e
LA LOI JUIVE
o Platon montre
par des
cir-
constances accidentelles \
Tout ce recueil de lieux communs doit montrer la supriorit de Mose. Mais quelle ide se fait il de Mose comme lgislateur
?
3.
Le
lgislateur
Chaque cit grecque plaait son origine un lgislateur mythique. Mose est suprieur tous ces lgislateurs parce qu'il est unique et qu'il a donn au peuple juif une loi universelle et immuable mais de fait, les traits par lesquels le dpeint Philon dans le deuxime livre de sa Vie, sont presque tous emprunts
;
telles qu'elles se
sont fixes
Nous avons vu que Philon connaissait les Lois. Un texte du montre avec certitude qu'il III des Questions sur la Gense
Il
parle de
soutenue par Aristote^ il ajoute On dit cependant que telle est aussi la lgislation pythagoricienne . Or les prologues qui nous ont t conservs par Stobe contiennent prcisment, dans leurs principes, cette doctrine d'Aristote \ Le lgislateur est en mme temps roi, grand prtre et prophte. C'est au roi d'abord qu'il convient de lgifrer. Puis
est
comme
il
il
lui faut la
science du culte,
sacerdoce. Enfin,
il
comme
cernable
Thomme,
divine
il
est pro-
comme
du
les
prcdent
dons,
la
( la fin
livre P^)
royaut,
le
sacerdoce
lgislation.
Reitzenstein
signale un texte
Hyrcan
1.
la
de Josphe ^ qui attribue au roi des Juifs souverainet, le sacerdoce et la prophtie . Il recher-
Cf.
44, 20-21,
Gicron, de legg., II, 2, imitant Platon, et [ZaleucosJ chez Stob. Floril., donnant pour raison que la loi s'adresse non des esclaves, m^iis
libres.
188.
;
des
3.
4.
hommes
2. iG,
et poen., 9,
II,
4i6. Le don de
don de sacerdoce.
I,
68.
LE LGISLATEUR
19
che le prototype de cette conception commune dans le mythe gypto-grec de l'Herms-roi. Il en voit la trace dans le culte des Sabiens, qui adorent l'Herms trismgiste comme roi prophte et
philosophe. Mais
postrieur, et
il
faut
est d'un
ge fort
que l'Herms roi qa'W retrouve dans l'Eg-ypte pharaonique ou encore reprsent l'poque impriale sous la forme d'Auguste n'offre pas encore tous les traits de notre Mose. Quoi qu'il en soit, comme nous verrons que le mythe d'Herms a influ sur certaines parties du rcit de la vie de Mose, une influence de ce genre n'est pas invraisemblable. Les ressemblances de dtail que nous trouvons entre ce portrait et celui du lgislateur des no-pythagoriciens font supposer
que,
s'il y a eu influence gyptienne, elle s'est exerce la fois ceux-ci et sur Philon. Chez Philon, Mose n'est lgislateur sur
que parce
roi. C'est comme roi qu'il prend humaines et divines^ puisqu'il est comme tel, lgislateur et grand prtre. Il y a dans toute la suite, une description d'un gouvernement Ja fois paternel et irrespon-
qu'il est
d'abord
sable dont
il
de Diotogne, de Stnids de Locre et d'Ecphante sur la Royaut K Pour Diotogne le roi est la loi vivante ou le souverain lgal
(vop-o [j.(J;uyo
t,
v6(X!.(j.0s
consquences de la vertu royale sont celles de stratge, de juge et de prtre (o-xpTayov xs xal Suaa-xv xal l'osa). Comme le pilote sauve les passagers en pril, et le mdecin, les malades, le roi stratge sauve ses sujets. Il a sur eux une souverainet irresponsable (ap'^7,v vuTrsuSuvov) d'o il rsulte qu'en en faisant un a souverain lgal , Diotogne ne veut pas dire que la loi est une borne sa puissance, mais que par nature et par essence, son pouvoir est lgal. Il se fait donc du roi la plus haute ide, et en fait sinon un Dieu, au moins autre chose et mieux qu'un homme. Il est la cit ce que Dieu est au monde il ne doit pas tre semblable aux autres, mais suprieur; il est convenable que, commandant aux autres, il puisse d'abord matriser ses passions. Ce n'est pas la richesse, la puissance cl la force des armes qui le distinguent, mais la vertu. Vient ensuite le portrait de ce roi idal son attitude n'est ni rude, ni mprisante. Il imite les vertus de Zeus (G6[jLt.[jiov Tcpay^xa).
essentielles qui toutes sont les
;
I.
au
Ces uvres sont impossibles dater avec prcision mais elles tombent sicle avant J.-G. (Zeller, Philos, de?' Gr., \, p. loo).
;
20
Il
LA LOI JUIVE
est
vnrable
(o-jjlvo)
commander
tous.
est bienfaisant
il
fait part
que le roi doit imiter Dieu, avoir comme lui l'me g-rande, la douceur et peu de besoins (pisyaT^ocppova, Dieu qui il ressemble, n'est pas seulement Tpov, oAt-yoSa)
dveloppe surtout
;
une tKse analogue. Cette thorie est une utopie politique, qui nglige
conditions
pratiques.
fort toutes
Au
reste,
chez
et
les
no-pythagoriciens,
comme
la
fluence que V auteur des Lois a eu sur ces conceptions, nous pou-
vons dire que jamais Platon n'a perdu contact ce point avec la ralit. Le portrait du bon tyran platonicien est videmment un des modles ^ Ce tyran qui n'est pas le lgislateur, mais sert celui-ci de moyen pour imposer les lois, est jeune, temprant, apprend et retient facilement, est courag-eux et magnanime . A
il est vrai, mais non pas utopique, il faut joindre un autre passage, d'aprs lequel Gronos, sachant qu'aucune nature humaine, si elle exerce la toute-puissance, n'est capable d'tre exempte de violence et d'injustice, a institu comme rois pour les cits, pendant l'ge d'or, non des hommes, mais des ^. Ce que tres d'espce plus divine et meilleure, des dmons Platon considre comme un mythe a t pris au srieux par les no-pythagoriciens qui en dduisent la nature divine du roi. Mais le lieu mme o ils crivaient, l'Egypte, a d tre une circonstance dterminante dans cette accentuation d'une ide jete en passant par Platon. La royaut pharaonique, laquelle avait succd, sans qu'il y ait eu de changements dans les principes politiques, la royaut des Ptolmes, puis l'autorit romaine tait absolue et d'essence divine. Or ce sont bien les deux caractres les plus frappants et les plus nouveaux des frag-ments no-
ce portrait idal
>>
pythagoriciens.
Nous
dans
les
le
Mose de Phlon,
et
Pour
lui
une
loi
1.
c.
2. Ih.,
LE LGISLATEUR
21
vivante et
un souverain lg-al ^ Pour ses fonctions, si l'on ne tient pas compte de la prophtie qui est toujours attribue Mose, mais non pas toujours au ['iao-Qvj; idal, le roi est prtre<
et lg"islateur
Il
comme
chez Diotogne
mais
de montrer pourquoi et comment Mose n'est pas stratge, comme s'il engageait une polmique contre une thorie ordinairement accepte \ Toutes ces qualits dpen-
Philon se croit
oblig"
la
A mon
premiers rois furent en mme temps des prtres . La comparaison du roi un mdecin ou un pilote, est, depuis Platon, une banalit, que l'on rencontre souvent chez Philon mais, en un passage, elle reoit une expression fort semblable celle de Diotogne Le pouvoir absolu (vuTrs'jO'jvo), grce la peril est au fection morale du roi, n'est pas une tyrannie fond le mme que ce pouvoir raisonnable (g-jv "Xoyw), par
;
;
'\
Un
tel
pouvoir est
[le^.
ad Caum,
5, II, 55o).
Ce
n'est
seul trait
l'influence
d'autres
tendait
raliser
la figure
du
roi idal;
rencontrer d'autres. Le pouvoir royal est de nature divine est Llu de Dieu (uno GsoG y^eipozoyrfizi; de pr et poen., 9,
417)5 pourtant avec
l'acceptation de
la
volont populaire,
est le
le roi
Il
ment
pour son compte le raisonnemauvais empereur s'assibouvier, dit-il, est suprieur aux bufs, le
1. V. M., II, 4; justit., 4, II, 354. Le portrait de Mose comme roi se 1 le caractre pacitrouve trac V. M., I, i48-i63. Ce portrait fait ressortir 2^ il est dsintress, il ne cherche ni des avantages de fique de la royaut famille, ni des richesses 3^ il est bon modle pour ses sujets. Il y a srement dans ce portrait des intentions critiques (cf. i48, Manso hioi... i52, fzvo; -w TrwTTo' cy^^J-o-jeva-dvzMv. i6o il parle de rois qui sont de mauvais modles. 2. Cf. aussi Mose juge, F. 31., l, ^'j 3. De vita Mos.,], 1^8. 4. De justit., II, 366. Il compare le roi au matre de maison, au pilote, au stratge, en disant qu'ils peuvent le bien et le mal, mais doivent vouloir le bien. Comp Diotogne De l'ensemble dont chacun ( savoir, pilote, mdecin, roi) est chef, il est aussi le guide et le dmiurge {sKLfjrdru; xt
:
(?,atouyo.
5.
De Somn.,
II,
i54; cf. de
fuga
et inv., 10,
|3c7t).sa
^.cjyjt
joutao;.
22
LA LOI JUIVE
hommes est aussi suprieur aux hommes \ Ces paroles ne sont d'ailleurs qu'une reproduction peu prs exacte
conducteur des
d'un passage des Lois de Platon ^ Nous pouvons voir dans ces paroles une apologie raisonne du pouvoir imprial. Dans le portrait
du
roi,
il
suit la
mme
le rprimandant, dans des termes que l'on emprunts Diotog"ne L'empereur ne doit tre semblable aucun homme, mais l'emporter autant dans chaque action de sa vie qu'il l'a emport en bonne fortune le matre de la terre et de la mer ne peut tre vaincu par un chant ou par une danse . Aussi bien, il attribue encore aux empereurs Tibre et Aug'uste tous les traits du roi idal. C'est Aug-uste qui a dpass la nature humaine dans toutes ses vertus Tibre est remarquable autant par son intellig-ence que par son heureuse fortune; il est, comme le tyran de Platon, trs noble, prudent et raisonnable ^ Il y a des natures royales aptes la suprmatie c'est une telle nature que montra, d'aprs Philon, le g-ouverneur Flaccus, avant de
croirait
fait-il
de l'hrdit
<(
J'ai t
le
ventre de
l'empereur qu'il attribue a le plus g"rand de tous les arts, Thg-monie ^ Pourtant ce n'est plus Rome, mais c'est chez Mose ou dans son roi messianique qu'il cherche les vertus royales. C'est
Mose qui
les
est arriv
au pouvoir
\ C'est
le roi
messianique
il
bienfaisant
La
liste
des
Mose
(I,
i54),
correspond
celle de
commun Philon et aux une ide de Platon {Lois, IV, 711 b.-c), le roi est encore le modle que les sujets suivent par force il a donc dans ses propres murs la responsabilit
la
royaut est
no-pythag-oriciens.
Suivant
des
1
.
murs
Leg.
d'autrui ^
1 1
ad Caum,
IV, 718 d, a propos du g'ouvernement des 3. Leg. ad. C., 7, II, 262 ibid., 21-24.
2.
;
hommes
par
les
dmons.
4.
5.
In Flacc,
Gharondas (Stobe,
Ecphante,
II.
V. M.,
I,
i58-i62.
l'exposition de la
LOr
23
le
portrait
Mose qu'il cherche tantt il nous dcouvre l'existence et voir cet idal ralis comme l'esquisse imparfaite d'une thorie de Tempereur romain idal qui, peut-tre, jouera plus tard un grand rle une fois, enfin^ par un tour d'ides peu frquent chez Philon, le roi idal devient le messie bienfaisant qui donnera la victoire aux Juifs. Cette ide du roi est donc une sorte de cadre, qui l'poque de Philon, cherche son contenu. Drive d'influences g^yptiennes, prcise par les no-pythagoriciens sous l'influence de Platon, elle aura plus tard, dans l'histoire des ides politiques et religieuses, des consquences que nous ne pouvons mme pas songer indiquer. Il nous fallait seulement tudier le moment philoroi.
du
Tantt
c'est
;
dans
le lg-islateur
4.
Z^^
Exposition de la Loi
indique avec le plus de force, pour des raisons faciles comprendre dans l'ouvrage apologtique sur la Vie de Mose ^. Ces lois dont la solidit a rsist aux preuves les plus fortes que
est
jamais subies, peuvent tre considres selon lui imprimes par les cachets mme de la nature . Mais ce principe forme en outre l'inspiration commune de tous les traits du grand ouvrage sur l'Exposition de la loi, dans laquelle les rcits de la Gense comme les prescriptions sont
ait
peuple
comme
et justifis
la loi
La
cosmogo^
premier des cinq livres de Mose, dont l'ensemble est appel la loi ou les lois . Philon tente de justifier ce titre en montrant comment les lois crites de Mose se rattachent la constitution du monde. Le Pentateuque suivant cette concepnique, est
1. Il
faut
le roi
le roi est
la fois
connat les lois II, 6 II, 187). Il faut en rapprocher Diodore de Sicile (I, 94) qui fait (F. ainsi des premiers lj^islateurs gyptiens ou recs des inspirs, et cite, ct d'eux, Mose; et Strabon (16, 2, 89) selon qui les lg-islateurs, et parmi eux Mose, sont des devins levs la royaut. 2. Surtout II, 45 sq.
lg-islateur et prophte, et c'est par l'inspiration divine qu'il
24
lion se divise en
LA LOI JUIVE
deux parties i*' la partie historique qui se subdu monde, et g-nalogie, relative aux chtiments des impies et la rcompense des pieux 2^ la partie relative aux prescriptions et aux dfenses ^ L'union de ces parties est tout fait essentielle. Mose dans la partie historique notamment, n'est pas un simple annaliste (o-uyypcpsu;) qui collectionne les traditions pour le plaisir de la postrit dans cette partie mme il fait uvre de lg-islateur en montrant le modle des lois qu'il va crire et dans Torg-anisation du monde et dans les vies des patriarches. L^exposition de la Gense est conue comme un prologue (7rpooiti.!.ov) des lois, que l'on doit rap:
divise en cration
procher des prologues dont les lgislateurs anciens faisaient prcder leurs lgislations. Ces divisions n'indiquent pas, comme Gfrrer l'affirme, le plan de l'ensemble des oeuvres de Philon. Elles ne correspondent mme pas exactement, comme on Ta cru aprs lui aux diverses parties de l'Exposition de la loi. Cet ouvrage dbute bien en effet par l'histoire de la cration du monde (de opifcio mandi) mais les vies des patriarches qui viennent ensuite ne contiennent que la vie des hommes bons, mais rien qui soit relatif leurs rcompenses, ni aux chtiments des mchants. Ce sujet n'est dvelopp que dans les deux derniers traits^ le de Prmiis et le de Exsecrationibus^ aprs l'expos de toutes les lois crites. Il serait d'ailleurs fort peu dans les habitudes de Philon de n'indiquer la division de son uvre que tout fait la fin ou dans un trait qui comme \e, Mose, est tranger cette uvre. Ce plan prsente en revanche une grande ressemblance avec celui des lgislations no-pythagoriciennes. Le pseudo-Zaleucos, dans le prologue que nous a conserv Stobe [Flor.[\[\, 20) dmontre d'abord Fexistence des dieux et parle des chtiments qu'ils infligent au mchant puis il conseille d'aller vers des hommes qui ont une rputal'homme de bien tion de vertu pour entendre parler de la vie humaine et des chtiments des mchants , ce qui est prcisment l'objet de la deuxime subdivision de Philon. Mais si cette phrase n'indique pas le classement des traits,
;
F. M., II, 46-48. Au dbut du de praem. et poen., division en trois pari'' la cration du monde; 2 la partie historique o qui revient au mme l'on raconte la vie des hommes mauvais et des hommes bons, leurs chtiments et leurs rcompenses 3^ la partie lg-islative qui expose les lois
1
.
ties
crites.
2.
F. iW.,48.
L EXPOSITION DK
LA LOI
25
elle nous renseigne au moins sur leur inspiration gnrale. Le premier d'entre eux se rapporte bien la cration, et, s'il en est le monde s'accorde avec la loi, et la loi avec le ainsi, c'est que monde^ et que l'homme lgal est vraiment un citoyen du monde qui divise ses actions conformment au dsir de la nature, suivant laquelle le monde tout entier est aussi gouvern K Si le de opijcio se rapporte au monde en g-nral les traits suivants {y Abraham et le Joseph qui se compltaient par un Isaac et un Jacob perdus) nous prsentent j ustement ces cosmopolites , qui, en dehors de toute loi positive, vivent d'accord avec la nature. Lorsqu'il aborde les lois spciales ( partir du de decalogo), il commence par montrer dans la monarchie divine le principe de toutes les lois qui gouvernent les hommes {de monarchial et II). Donc les deux ivd\is [de opificio ei de monarchia) qui
<(
sont
la tte
comme
les pro-
gouvernement divin de
le
Dans
le
premier de ces
o l'amne
:
hasard de l'ex le
il
rement dans
existe^ qu'il
les
derniers paragraphes
montrer que
divin
y a un seul dieu, que le monde est engendr, qu'il est unique, et gouvern providentiellement. Or, c'est l, d'aprs sa phrase finale, l'objet du premier livre de la Monarchie^ tandis que le second commence parler des lois spciales concernant le culte. IL Aprs le cosmos dcrit dans le de opificio vient le Cosmopolite ))y dpeint sous les traits des patriarches juifs. Ceux-ci, donnent, avant toute loi crite, les modles des vertus. L'ide d'une littrature difiante qui faisait voir dans les hros
(II, 4)
et
mythe d'Hercule entre le vice et la vertu qui vient du cynisme que Philon utilise. A ct et en dehors de l'explication allgorique d'Homre se dveloppe une autre interprtation de source galement stocienne et que nous trouvons chez Polybe^, d'aprs laquelle Homre a voulu instruire, en montrant dans ses hros les modles des vies^ Plutarque crivant un trait pour
1.
De
opificio, 3.
2. Cf. Hirzel,
3.
Untersuchungen,
le
II,
p. 878.
rv vSpot. rov Tvpuyiiuzi^v zhut,
olov
propose
comme modle
personnage d'Ulysse.
26
LA LOI JUIVE
utiliser
la lecture
prendre
les
des
hommes
sag-es et justes et
toute rectitude
V Philon luides
mme
grecs
^.
conu
la
lecture
pomes
ches, au
dans ces dispositions que Philon crit les vies des patriarmoins en partie. Ce n'est pas, dit-il, pour faire leur loge, mais pour encourager les lecteurs et les amener aux mmes dsirs {de Abr. 4). C'est titre d'encouragement qu'il fait ressortir que, si ces hommes ont pu obir aux lois morales, alors qu'il n'y avait pas de loi crite pour ordonner et punir, l'accomplissement de la loi est d'autant plus facile, maintenant
C'est
{ib. 5).
Ils
non
il
les
trouvons
il
ici la
mme double
la
conception de
la loi
non
que
;
premire de ces conceptions avait seule persist chez les juristes romains. Mais il n'y a pas de raison que chez Philon, ces deux concepts tendent se rapprocher les coutumes, quelquefois signales comme bonnes, mais qui peu:
montr comment
comme
les
patriarches ^
le plan en est troubl par des dveloppements d'origine toute diffrente, et qui viennent, selon nous, la traverse de l'exposition, sans rpondre au but tel qu'il a t dfini. Il ne s'agit pour lui que de retracer la pit,
1.
2.
De audiend De Abrah .,
poet., 8.
23;
l'g-e
du
yd^}-j
judo-grecque, le livre IV des Macchabes peut se rapporter cette littrature difiante. 3. No'tzot s'j.-'liuy^ot qui est la dfinition mme du roi, ib.,5 voao aypa^o;, ib.,
o-uyyoa/xaarwv.
la littrature
;
Dans
276.
4.
De
justit., 3,
II,
36o-36i
mauvaise ducation
5. G.
l'enfant.
I,
10,
l'exf^osition de la
loi
27
rhumanit et les autres vertus des patriarches. Mais en outre par la mthode allgorique, il fait de chacun d^eux le symbole d'une vertu particulire, ou plutt d'un moyen d'acqurir la vertu la vertu par enseig-nement (Abraham), par nature (Isaac),
:
par exercice (Jacob), et enfin le politique (Joscphj. Les patriarches ne sont plus alors des hommes vertueux mais des symboles. Tandis qu'au premier point de vue, ils taient considrs comme des autodidactes, qui suivaient spontanment la nature ( 6), au second, ce caractre ne convient qu' un seul d'entre eux, Isaac. Au premier point de vue tous sont galement vertueux au second, Abraham et Jacob n'arrivent la vertu que progressivement, et Joseph, symbole du politique, reste un degr infrieur. Enfin les patriarches, comme tres humains, sont bien des lois non crites; mais comme symboles de vertu, rien de tel ne leur est attribu, par exemple au dbut du de Josepho^ ou la fin de V Abraham, o celui-ci est nomm loi non crite, non pas comme symbole de la vertu par instruction, mais comme anctre
;
du peuple.
L'exgse allgorique, qui rpond au problme de l'origine de
la vertu^ a
donc
t ajoute
le
aux biographies
nous confirme que cette addition n'est pas essentielle. Dans V Abraham, chaque rcit est suivi de son interprtation allgori-
que dans
;
le Jo.6/)/z,
il
en
est ainsi
jusqu'
la
moiti; la dernire
la fin, le rcit se
poursuit sans
Les biographies difiantes dgages, d'ailleurs assez aisment (puisque le passage l'explication allgorique est toujours fort nettement annonc) de tous les symboles concernant la thorie de l'origine des vertus, prsentent un plan assez net. Bien que Philon y suive la chronologie des vnements raconts par la Gense, il fait correspondre chaque groupe successif de faits une vertu particulire. On sait que, dans l'exposition des lois crites, il groupe toutes les lois de Mose en classes, dont chacune correspond un prcepte du Dcalogue. Ces prceptes euxmmes commandent les diffrentes vertus, les cinq premiers la
pit, et les cinq derniers les devoirs envers les
hommes ou
la
justice. Ces
les
deux vertus sont en somme les principales et parmi nombreuses classifications, c'est elle qui revient le plus souvent chez Philon. Or dans ses Vies, Philon, tout en conservant
28
LA LOI JUIVE
Tordre chronolog-ique, cherche un mojea de g-rouper les vnements, de la mme faon qu'il g-roupe les lois dans les Lois spciales. Dans V Abraham, il choisit au milieu d'une foule d'autres faits, d'abord les exemples de pit, puis les exemples de justice. Le trait (en exceptant bien entendu les allgories) se trouve divis en deux parties, comme il est indiqu au | 208 Tels sont les faits concernant la pit il faut maintenant rechercher
: ;
hommes
de
il
son
amour de amour
la patrie et
;
la
famille
quand
il
reoit Tordre de
Isaac, sans cder
s'exiler (62-68)
par pit,
va sacrifier son
fils
moment o ordonne vient de ce qu'il est dompt par Tamour divin (170). Aussi reoit-il les rcompenses de cette pit soit dans la visite des ang-es (ii4 sq.), soit dans la protection que Dieu lui accorde contre les Egyptiens (89-99) \ Dans la deuxime partie^, il montre son caractre pacifique, lorsqu'il se spare de Lot (208-217), son courag-e dans ses expditions guerrires (225-236). Son attitude la mort de Sara, lorsqu'il ne s'agite pas comme pour un malheur trs nouveau, et qu'il ne reste pas impassible, comme si rien de douloureux ne lui tait arriv, mais que choisissant le milieu, il s'efforce une douleur modre , le montre encore matrisant ses passions. Joseph est le hros populaire dont les vertus sont victorieuses de toutes les circonstances adverses. 11 arrive au plus haut pouvoir politique, et il Texerce pour le plus grand bien de ses sujets,
son
Toracle
le lui
((
grce sa bont naturelle, sa noblesse, sa temprance, sa pruIl est arriv, dit Philon, au comble de la beaut^ de la dence. prudence, et de la puissance oratoire ))^ Il a, disent ses frres dans leurs discours d'log^e Toubli du mal, l'affection pour sa
((
ture
^
et
bons contrastent
fort,
par
1. Le rcit de l'incendie de Sodome qui s'intercale avec son explication symbolique (iBS-iy) est srement un hors d'uvre. A la fin du 182 finit l'explication symbolique de la thophanie. Il se rattache immdiatement au Voil que nous avons montr, dit l'auteur, ce qui se rapporte la 167 vision (s. e. des ang-es) et l'hospitalit (celle qu'Abraham offre aux an^^es).. (le sacrifice d'Isaac). Ce Il ne faut pas taire maintenant l'acte le plus g-rand rcit est un appendice l'explication allg-orique qui a pour objet de montrer que l'identification des trois tres apparus Abraham avec Dieu et ses puis:
>^
142).
De
If).,
Jos., 268.
8.
24O-250.
L'Er^POSrnOiN
DE LA LOI
29
morales qu y ajoute
l'allg-orie
la poli-
tique. Le trait
commun
de
la
thie, la victoire
Abraham chez
qui l'amour
de la patrie, ou l'amour paternel cdent la pit, et ne manimort de Sara, aucun chag'rin violent. Tel Joseph qui
dans
la
maison o
il
est esclave,
aux sductions de
la
femme de son
matre, ou bien
quand
il
un
ouvrage populaire du mme genre, mais de but diffrent, il montre Mose rsistant, dans le choix d'un successeur, aux sentiments de famille \ Ce point de vue prsente une ressemblance parfaite avec celui du IV^ livre des Macchabes, dont Fauteur a voulu montrer, sur l'exemple des hros juifs, que la raison (XoyLo-fjLo) pouvait non pas retrancher et dtruire, mais gouverner
et
modrer les passions". Cette espce de prdication, crite selon Schrer au i^' sicle aprs J.-C, mais avant la destruction du temple de Jrusalem, est d'inspiration semblable celle de nos Vies. Elazar comme Abraham garde dans la douleur sa volont stable et droite ^ Les martyrs voyant leur mre mourir d'avance rsistent l'amour fraternel, et leur mre l'amour maternel. Vies, quantit d'lments et de Il y a, d'autre part, dans les procds populaires, citations de potes, proverbes ou lieux communs. C'est l'bauche d'un discours sur l'Exil, dans VAbraham (63-66), le discours de consolation sur Sara (267 261), auquel on doit joindre l'espce de discours consolatoire par prtrition, o Jacob dsigne successivement tous les moyens de se consoler des morts ordinaires. C'est enfin le discours sur l'adultre que Joseph adresse la femme de Putiphar^. Wendland^ a trouv chez Crantor et dans la Consolation ci Apollonius de Plutarque les traits essentiels des discours d'Abraham et de Jacob ^
1.
Vita Mos.,
I,
i5o.
1
2.
3.
1,
Didot
3, p.
Sg/j,
/.ai;
ko.
yS/jvrj, et
dans
les
Macchabes au
4.
5.
De
Die Kymsch-stosche Diatribe bel Philo. 6. Ces traits contrastent avec un court fragment de Qii. in Gen., IV, 73,3o3, qui recommande, suivant le stocisme le plus rigoureux, l'apathie complte.
30
III.
LA LOI JUIVE
Throsme naturel
et
spontan
il
des patriarches juifs nous amnent l'expos des lois crites qui
commence au
dra les
dfen-
de Mose, celui que nous voyons revenir toutes les pages et sous toutes les formes, qui fait le commencement et la
de son apologtique, est le suivant les prescriptions mosaques sont les prescriptions mmes de la nature; les lois ne sont pas l'invention d'un homme. Aussi toutes ses explications, toutes ses interprtations, littrales ou symboliques, tendent montrer dans les lois des prescriptions de pit, de justice ou d'humanit. On chercherait en vain dans cette uvre une pense de politique pratique: le code mosaque ne fut sans doute jamais viable, et ce n'est pas le travail de Philonqui pouvait le rendre plus directement applicable. L'ide de grouper les lois suivant les diffrentes vertus en lois concernant la pit (les offrandes Dieu et les ftes), l'honneur des parents, la justice, la temprance n'est rien moins qu'une ide de juriste. Aussi bien les lois inapplicables ou utopiques, concernant notamment la proprit^;, celles qui ne peuvent avoir qu'une signification symbolique, comme les lois concernant la temprance 2, montrent que l'on a affaire un pur moraliste. Lorsqu^il fait des reproches ceux qui, sous prtexte d'explication symbolique, ne pratiquent pas la lettre de la Loi, il cite exclusivement des rgles religieuses, toujours vivantes dans la communaut juive, telles que le sabbat ou l'offrande au temple. Mais il ne se fait pas faute de
fin
:
simple commentaire
sont classes
Il
suivant
le
texte biblique.
D'abord
suivant
lois
les
commandements du dcalogue.
la famille et l'union
la pit,
qui rgissent
sociale.
lgislation
Ensuite ces
ii'ont
lois sont
compltes. Les
t faites.
ne remplis-
sent pas en effet les cadres de ces divisions pour lesquelles elles
videmment pas
lois
Il
arrive
modifie les
mosaques
ou bien
qu'il gnralise ce
2.
De De
septen., 8
scj.
,
f\-nr
3. CepeiicJaiil UiUcr,
Phih
u. die llaLucka,
p. j8,
remarque que
l*liloii
se
l'exposition de la loi
31
que dans un cas particulier \ ou enfin qu'il ajoute Il est a priori douteux que Philon respectueux des traditions de son peuple ait de lui-mme ajout ces complments. D'autre part, Ritter, en comparant les additions philoniennes avec la tradition palestinienne, a montr que sur un grand nombre de points, elles ne s'accordaient pas avec la Halacha. Il suppose, avec un grand degr de vraisemblance qu'il puise une tradition proprement alexandrine qui se formait des dcisions du syndre alexandrin. Ces additions sont d'ailleurs souvent suggres par le texte mme de la Bible \ Cependant on ne peut mconnatre les rapprochements depuis longtemps signals par Mangej entre quelques-unes de ces prescriptions complmentaires et des lois trangres grecques ou romaines*. Les influences ne s'tendent pas au del de quelques
n'a prescrit
dtails.
Enfin
le
morales de
la
pit
des
animaux
impurs signifie que les dsirs doivent tre rfrns. Au total une pareille interprtation enlve dcidment la Loi juive tout caractre politique, et la transforme en une chose tout fait nouvelle dans la pense grecque, en loi morale. Dans la morale grecque, on ne conoit pas dans l'me humaine une conscience lgislative qui impose le devoir, et on laisse le bien agir par son seul attrait en revanche, les lois positives, au moins telles qu'elles sont conues idalement par un Platon, dpassent sans
:
que la tradition palestinienne. Pour les modifications, voyez par exemple l'interprtation d'Exode, 22, ()-i4 sur les rgles du dpt {de spec. legg., IV, 7). 1. Cf. le principe de cette mthode expos de concupisc, 3, II, 35i. Mose, ami de la concision se sertd'un seul exemple au lieu d'numrer l'infinit des cas. Ainsi, Philon tire de la loi des prmices tous les prceptes de la temtient plus prs de la lettre de la Bible
prance.
2.
leg.,
III,
i5 (les
punitions du meurtre);
ib., 20,
sur
de spec. legg., ll, 19 fin, o la punition est sug-3. Exemples dans Ritter gre parla traduction des LXX de spec. legg., 11,6; la punition du parjure sug-g-re par Lv., 5, i. 4. Le pouvoir judiciaire de Mose {de judice) fait songera celui du roi gyptien (cf. Dareste, Journal des Savants, mars i883, p. 6). Voyez particulirement les notes de l'd. Mangey, II, 3i5 (sur les empoisonneurs) II, 317 (sur le meurtre involontaire. Philon soutient contre la tradition juive le droit de vie et de mort des parents sur les enfants {de par col., 4, p. i4):
;
32
LA
LOI JUIVE
cesse la vie extrieure du citoyen, et visent en outr le rendre vertueux elles contiennent des prescriptions morales. Philon, en plaant dans la nature mme la source des lois mosaques, de plus en identifiant la loi, conue comme un discours qui commande et qui dfend , avec le lo"os intrieur au monde et
;
Tme,
et
de
devoir.
5.
Le
gouvernement politique
et
mme
non de
nationalit.
Chaque
il rside. Les questions polifond trs peu. On rencontre sans doute tiques l'inquitent au chez lui des discussions sur les diverses formes de gouvernement. Mais ce sont en gnral de simples thmes oratoires qui ne prsentent aucune doctrine fixe. Aprs avoir fait l'loge de la dmocratie, le meilleur des gouvernements parce qu'il s'appuie sur Lgalit*, il reprsente la monarchie,, comme le gouvernement le plus naturel et le meilleur ^ Philon ne critique jamais un point de vue thorique une forme de gouvernement quelconque. Ce qu'il y a de vivant dans ses considrations politiques, c'est le dsir d'un gouvernement
pacifique et fort, assez fort pour protger les droits des Juifs.
]e
souffrir de la faiblesse
populace alexandrine se dchaner contre eux. On sait d'ailleurs diaprs d'autres tmoignages % combien cette populace tait instable, capricieuse et toujours en mouvement. Ce fait donne un fondement rel aux peintures vives, et d'o se dgage une animosit bien comprhensible que Philon fait de la foule, et de
1.
dveloppe
2.
(dans un loge de l'galit). Quisrer. div. h., i45, Dejustit., i4) IL le principe de l'galit politique. De Decal., i55 elle est rapporte l'univers. De confus, lingu.j
:
principe pos par Caus /.otvwvflrv p^}v bauLO^ a>(jr,j. La royaut est pour lui la royaut gyptienne absolue (cf. la thorie du sol tout entier proprit royale, de plantt., 56-58). Cf. les critiques incidentes contre la royaut, contre l'habitude de l'espionnage {V. M., I, 10), contre la succession hrditaire {ih., i5o, de humanit., i, p. 384). 3. Cf. Bouch-Leclercq, Hist. des Lag., Il, p. 35.
170; teg
ad Caum.
22;
cf.
le
LE GOUVERNEMENT POLITIQUE
33
l'lec-
le
plus sympathique ^
S'il
de Tochlocratie qui en drive. Or ce "0uvernement fort et pacifique, Philon le trouve ralis dans l'empire romain^ qu'il ne serait pas loin de considrer comme le g-ouvernement idal, s'il admettait qu'il pt y avoir sur la terre, une monarchie vritable ' et un monarque dig"ne de Il n'en rassemble pas moins sur l'empire et sur l'emce nom pereur tous les traits de la monarchie et du monarque idals. Il
voit surtout
II
s'tend
sur tout
depuis
l'Euphrate jusqu'au
Rhin, puisqu'au del de ces limites, il n'y a plus que des nations sauvag^es \ Auguste est particulirement lou d'avoir, en substituant le g'ouvernement d'un seul celui de plusieurs, garanti la paix et l'harmonie du monde ^ Les expressions par lesquelles il dsigne l'empereur en font un personnage vritablement divin. Nous ne pouvons sur ce point que signaler le contraste assez trange qu'il y a entre les vifs reproches que Philon fait Caligula pour avoir voulu s'assimiler aux dieux, et les attributs divins qu'il lui dcerne lui-mme. Il a, dit-il, le pouvoir de faire pleuvoir sur l'Asie et sur l'Europe des sources nouvelles de biens pour un bonheur indestructible, en faveur de l'individu et en faveur de la socit ^ . Ce contraste vident rapproch de ce que nous avons dit plus haut du lgislateur idal, nous amne croire que Philon rencontre et adopte une thorie de l'empereur idal cette thorie s'accorde bien avec les anciennes con ceptions de la royaut gyptienne, et il est naturel qu'elle soit
;
1.
5, II,
5i2
de praem.
(il
et
de pn.,
3, II,
mut. nom.,
,
i5i
est
sou y^iipozQvr,^q
/.oucrt&j
.
les associations, in
3.
4.
5.
6.
Flacc il ne peut y avoir chez les hommes que l'anarchie. decal., 4i-44 o il rappelle au roi qu'il est un homme. Leg. ad C, 2. vri nolvxp-^iv.; ht xusoy/jT/j TTupcioq z xotvv ay-cicoo; oic/y.ovoust)J Ib., 22
^ur
De De
decal,, i55
aurj.
7.
ch.
IV
cf.
un prince
:
doit Tocutivra.
;^tpt
xoc't
XXI.
rliv
11
tav artv
siq
ciyry.yw-^j..,
r; yvoi-aq -Ktxtz-
uaov npoQsiq.
1902),
nique (Paris,
crateur.
Comp. Moret, Caractre religieux de la royaut pharaole roi g-yptien est au mme titre que le dieu un p. 297
:
34
LA LOI JUIVE
ne en Egypte, o, comme Ton sait, les empereurs romains avaient succd aux rois, en gardant tous leurs pouvoirs. Cette vue est encore renforce par les paroles de Macron Galigula.
((
salut la barque
la proue, gouverne pour son de l'humanit, joyeux par-dessus tout de faire du bien tes sujets \ 11 ressort de ces expressions que
la
Envoy par
nature
(utco cpo-co)
commune
n'est pas conventionnelle, mais naturelle du monde en s'opposant aux maux rsultant du suffrage populaire^ (TcoXu^lricpiat.). Le bonheur de Tempire sous Tibre^ Taccroissement de richesse et d'galit font songer l'ge d'or, comme Philon le dit lui-mme, et il peut y avoir, dans le rappel de ce mythe, plus qu'une comparaison flatteuse,
l'autorit
romaine
que nous appellerions aujourd'hui un homme de il a vu dans l'empire romain une garantie de la culture juive; l'empereur gouverne avec les lois , c'est--dire respecte les lois de chaque pays o son pouvoir s'tablit et spcialement la loi juive. Auguste prend autant de soin d'aff'ermir les lois particulires dans chaque peuple que ls lois romaines . Les Juifs de Rome n'ont pas t forcs de changer les coutumes le chapitre XXIII tout entier nous montre compaternelles ment il concevait l'accord entre l'empire romain et la loi juive. H faut bien distinguer ce point de vue purement pratique, qui n'empche pas Philon lui-mme de rsister aux empitements
Philon
est ce
gouvernement;
de l'empereur sur les Juifs, et la doctrine thorique de l'empereur divin dont Philon ne peut tre l'auteur. Le Juif veut comme le Romain l'empire universel. Mais ces
n'est
le
sage est
comme un
il
tranger sur
apparat
1.
revient
ciel
comme un
songe, et
[bld., 7, II, 534. Ibid., 22, II, 567. peregrinatur in terra^ 3. Qu. in Gen., 10, p. 182 4. Ibid., II, i84; ib., l, 5i {Maigris, p. i4).
2.
:
non sua.
CHAPITRE
III
LA MTHODE ALLEGORIQUE
Sommaire
Gnralit de la mthode l'poque de Philon. i. La mthode allgorique chez les Grecs. L'allgorie stocienne chez Philon. Parent intime de l'allgorie philonienne avec l'allgorie no-pythagoricienne du Tableau de Cbs. 2. La thorie des nombres. La mthode allgorique chez les Juifs. Critique du tmoignage de Philon sur l'allgorie Le faux Aristobule. chez les Essniens. L'allgorie chez les Juifs de Palestine. L'allgorie chez Philon et chez les Thrapeutes. Les tmoignages de Philon sur la tradition allgorique juive les diverses directions de l'allgorie. Philon et ses adver3. saires juifs. L'interprtation mythologique de Thistoire juive ses traces chez Philon. C'est contre cette interprtation que se dirigent les attaques de Philon et non pas contre la simple interprtatiou littrale.
:
La pense philosophique ne
Philon d'une
exgse des textes de la Bible. Ces textes, dans leur sens littral, ne contiennent bien entendu pas les thories de l'auteur. De l
la ncessit
de
les
l'interprtation allgorique.
L'allgorie semblera
des textes,
le
un lecteur moderne tre, dans l'exgs domaine de T peu prs et de la fantaisie sans
dterminer une ide par une image. Mais l'image concrte qui veut exprimer une ide abstraite, la figure extrieure qui veut reprsenter la pense intrieure s'y efforcent vainement. Il restera toujours dans Tide quelque chose d'inexprimable qui fait prcisment qu elle est une ide, non une image. Aussi peut-on dire que les images, les allgories peuvent servir rveiller une ide qui sans elles deviendrait peut-tre difficilement consciente mais elles ne forment que le premier anneau d'une chane de penses qui se prolonge souvent bien loin ensuite, anneau non pas mme indispensable, quoique souvent utile. Elle n'est au fond qu'un signe
:
36
LA MTHODE ALLGORIQUE
plus concret, plus vivant que les sig-nes ordinaires, mais qui exige pour tre compris que l'on connaisse d'abord la signification. Ceci donn, la mthode allgorique se pose le problme de renverser le sens de l'allgorie au lieu de partir de la pense
;
pour aboutir Timage, elle part de Timage, cette pense incomplte, pour reconstituer par elle l'ide gnratrice. Cette reconstitution ne pourra tre videmment que tout fait arbitraire.
Telle est
la
que contiennent
le
point
de dpart unique,
source de
la
humaine,
le
modle,
entre
Dans une
exgse
le lien
le texte
et
toujours arbitraire.
On
introduire
et c'est
dans
textes les
doctrines
en
effet le
reproche qui
est
au fond
de cette formule si souvent employe que la mthode allgorique a servi Philon trouver la sagesse grecque dans les livres
juifs .
Ce reproche n'est pourtant pas justifi. Pour un lecteur moderne, l'exgse allgorique est arbitraire, mais il n'en est pas de mme du tout en se plaant au point de vue de Philon et de son entourage. Quelles sont les raisons qui ont pu justifier ce que nous serions ports aujourd'hui considrer comme une aberration mentale ? La mthode d'interprtation allgorique tait l'poque de Philon employe trs gnralement dans le monde grec. Nous ne voulons pas ici retracer cette histoire qui a t excellemment
par Decharme K ]Vien avant les stociens, le procd avait appliqu la mythologie grecque et aux pomes homriques. Mais c'est l'cole stocienne qui, ds son dbut, dans l'intention avoue de retrouver sa doctrine dans la mytholog"ie
faite
le
plus de dveloppement.
U Abrg
du sens allgorique que celui-ci prtait aux divinits grecques et tous leurs attributs et leurs actions. Mais il n'est pas de systme philosophique, mme celui d'Epicure
I.
CiHEZ
LES GRECft
mthode. Cette rag-e d'allg"orie tait d'ailleurs diversement apprcie; elle rencontre dans le bon sens pratique des Stociens de l'poque romaine des critiques assez vives, comme celle de Snque qui reproche chacune des sectes de vouloir rendre Homre, suivant ses doctrines, stocien, picurien ou
la
mme
pripatticien \
en effet bien vident que par des interprtations arbion pouvait retrouver chez Homre tous les systmes. Aussi les philosophes rests fidles une cole ne pouvaient g-ure accepter l'autorit d'Homre, puisque, par la mthode employe, d'autres coles pouvaient leur opposer cette mme autorit. Il n'y eut jamais, de fait, une exgse fixe et traditionnelle. Au contraire^ des philosophes qui, ainsi que Philon et tant d'autres son poque, n'acceptaient aucune doctrine particulire, mais prenaient partout leur bien, pouvaient sans dang-er accepter la mthode. Le syncrtisme est donc une cirIl
est
traires
constance
g-orique.
minemment
T.
les
Grecs
si,
en
effet, la
mthode
all-
gorique est universellement rpandue, nous pouvons cependant prouver d'abord que c'est Alexandrie, vers le temps de Philon,
qu'elle fut
g"ot et plus
de faveur que
partout ailleurs; ensuite qu'elle y prit sous difl'rentes influences une teinte beaucoup plus relig-ieuse que philosophique, ce
il s'ag^issait non plus d'absorber les mythes reliqui veut dire gieux dans des doctrines philosophiques prconues, comme les Stociens ne voyaient en Zeus que leur feu artiste mais on tentait de trouver sous de grossiers rcits de la mythologie l'tre
:
tre objet
d'amour
et
de
La source la plus importante sur cette direction de l'allgorie Alexandrie dans les cercles hellniques, c'est Philon lui-mme, mais son tmoig-nage acquiert une haute valeur, si nous le conI.
Denat. rerum,
II,
698;
III,
976
II,
655.
s.^"^., 88, 5.
38
LA MTHODE ALLGORIQUE
Philon connat dans leurs dtails les allg-ories communes II cite le plus souvent en les acceptant formellement, trs rarement en les carlant, l'interprtation du
Fcole stocienne.
mythe de Mnmosjne \ de celui de Vesta 2, d'Ouranos ^, du Hads ^, de l'ambroisie % de Triptolme % de Lynce \ des Sirnes ^ Il faut ajouter cependant que dans ces mythes certains ont seulement la valeur d'expressions toute faites ou proverbiales, comme le supplice de Tantale, pour exprimer le tourment du dsir ou le Hads pour parler des malheurs de la vie mortelle. Mais pour les autres, il accepte Tallg-orie en ellemme et sans essayer du tout de la justifier par un texte de la
De la mme faon, il lui arrive d'exposer des doctrines philosophiques sans les mettre sous l'autorit de Mose. La valeur qu'il attribue l'allgorie grecque est prouve encore par l'estime qu'il fait d'Homre et d'Hsiode, considrs comme autorits philosophiques. Dans le trait sur la ProviBible.
venge Homre et Hsiode de l'accusation d'impit ardeur que l'auteur des Allgories homriques. Dans ce texte son Homre est plutt un stocien qui cache la physique sous le voile de l'allgorie; ailleurs c'est un politique qui affirme la supriorit de la monarchie il est aussi pythadans un goricien et il a montr la dignit du nombre trois " texte fort curieux, il rapproche sans nommer cependant Homre, du rcit de l'apparition des anges Abraham (Gen.^ t8, 2), l'apparition de Dieu dans l'Odysse (17, 486-7) sous la forme de deux trangers ^Ml faut encore citer une interprtation mystique
dence % avec la
il
mme
cf
Gornutus,
p. i5,
I,
i5
la fonctioa
des Muses
filles
2.
3.
De Cherub.^ 26 parallle presque littral avec Gornutus, p. 52. De Plantt., 3. Le texte de Philon reste inexplicable si on ne le complte
;
par Gornutus, p. 2, 1, i, qui explique 4- Quis rer. dw.^ 1, 45. 5. De Somn., II, 249. 6. De praem. et poen., 2,409.
7. Qii.
wulY.x-qoiov
par wpsstv.
in Gen.,
II,
72, i58.
3,
III,
128;
cf.
encore de incorriipt.,
7, II,
494;
la terre-
9.
10.
11.
39
le
l'g-e
d'or reprsentant
monde
;
intel^
Vge d'argent, le ciel, l'ge d'airain, la terre Hsiode n'est pas cit, mais Homre est appel en g-arantie de l'interprtation du dernier ge \ Mais c'est l le bien commun des allgoristes, bien que le dernier texte suppose une thorie platonico-stocienne particulire Talexandrinisme. L'influence proprement alexandrine se montre surtout dans la mythologie abstraite des intermdiaires et des puissances. Cette mythologie contient, comme nous le montrerons plus baSj le rsultat d^un travail d'interprtation allgorique, qui a eu pour principe le syncrtisme religieux g-rcog-yptien et auquel paraissent avoir la plus grande part les philosophes stociens. Le Log-os, la Sagesse, les Puissances rsultent de la spiritualisation par la mthode allg-orique des divinits grco-gyptiennes. Il est certain d'ailleurs que par sa nature mme la religion gyptienne se prtait de telles allgories. On y rencontre de trs bonne heure des dieux abstraits, sortes d'essences presque impersonnelles, qui sont en gnral invoqus dans leurs rapports avec les autres dieux ^. Nous n'insistons pas ici sur ce point parce qu'on retrouve chez Philon, non pas le travail allgorique lui-mme, mais le rsultat de ce travail. Ces penseurs ont influ bien plus sur la doctrine que sur la mthode. Philon admet ces tres divins abstraits sans paratre se douter de l'interprtation allg-orique d'o ils sont issus. Le Log-os et les autres hypostases analogues ont droit de cit dans la religion \ Il en est autrement des no-pythagoriciens. Le centre de leur cole est Alexandrie Clment d'Alexandrie cite quelques-unes de leurs allgories qui n'ofl'rent aucune originalit bien spciale mais montrent qu'ils employaient les mmes procds que les stociens ^ Mais le clbre petit trait allgorique no-pythagoricien intitul le Tableau de Cbs nous rvle une manire d'al-r lgorie dans le fond et dans la forme, qui a, avec la manire de Philon, de nombreux points communs. L'allgorie stocienne
Qu. in Ex., Il, 102,534. Maa, desse de la vrit [Ann. du Muse Guimet, X, 56i);elle est reprsente par l'Athna de Sais dans le de Iside de Plutarque. 3. La raison en est probablement qu'il trouvait dans le judasme mme, une thorie des puissances qui s'appuyait sur la Bible. 4. Zeller, Ph. derGr., t. V, p. 99. 5. Cit par Abel, Orph., 267.
1. 2. Cf.
40
LA MTHODK ALLGORIQUE
mythiques, transmis
ou rencontrs dans la religion populaire. Mais la doctrine philosophique par laquelle ils les interprtaient en tait indpendante et dveloppe auparavant pour elle-mme. Tout autre est la mthode du Tableau. L^auteur dcrit une peinture place dans un temple et il y montre en l'expliquant allgoriquement toute une doctrine morale. Ici la peinture, l'image concrte, est le moyen indispensable sans lequel on ne saurait arriver la doctrine morale qu'il reprsente. La vrit est par
les potes,
par
comme
les figures
Une
non plus une mthode auxiliaire, comme chez les stociens, mais tout fait indispensable la recherche de la vrit. D'o est provenue cette ide que la vrit doit tre cache sous des symboles? Elle parat tre ne des
mystres, et plus particulirement des mystres orphiques.
la
du oppose
fin
II
le
l'oracle
de Delphes
qui s'exprime
).wv)
Orphe qui parle par symboles ^ Certes on admet gnralement que les mystres, dans leur origine et dans leur essence, ne comportaient pas d'enseignement allgorique; l'initiation tait moins la rvlation d'une doctrine secrte que des pratiques par lesquelles on pouvait arriver au bonheur dans la
vie future.
Ce qui tait cach, ce n'tait pas le sens mystique et symbolique des mythes, mais les mythes eux-mmes et les spectacles qui les reprsentaient ^ Mais sous la mme impulsion critique qui introduisait partout l'allgorie, les mythes mystrieux eux-mmes commenaient tre considrs comme des symboles de vrits profondes. Alors le sens mme du mot initiation changea. L'initiation dsigna moins l'accs matriel au spectacle du mythe que la vision spirituelle de sa signification cache. La v^rit tait rserve au petit nombre des initis et des sages qui pouvaient le pntrer. Au sage il appartient d'user de la parole symbolique, et de connatre ce qui est dsign par elle ^ Aprs coup on trouve de nombreuses raisons d'interposer ainsi un voile
difficile
humain
et la vrit
des raisons
1.
2.
3.
Abel, Orph., 256 (Glm. Alex., Stroi.^ V, p. 242). Foucart, [Acad. des Inscr. et Belles-Lettres, octobre 1898) Abel, Orph.^ ibid.
.
CHEZ
LliS
GRECS
41
comprend pas jusqu' des raisons grammatipuisque l'allg-orie permet la brivet. Tous ces motifs sont prsents dans le trait sur /sis, crit par Plutarque. La comparaison de l'initiation allgorique avec l'initiation aux mystres, sans tre frquente se rencontre chez Philon, comme dans le tableau deCbs. Sa conception mme de la vrit cache sous l'allg-orie n'est pas sans rapport avec celle des mystres. La vrit ne doit tre communique qu' un petit nombre et avec prcaution les oreilles des profanes ne pourraient la contenir \ Le sage doit donc non pas dvoiler la vrit tous, mais il saura mentir par pil et par humanit ^ Ceux qui ne veulent pas admettre la mthode allgorique sont non seulement des sots, mais des impies ^ On sait le chtiment terrible qui atteignit celui qui se moqua de Tinterprtation du nom d'Abraham *. L'usage des mythes dans la philosophie remontait jusqu' Platon et au del mais Platon ne s'en servait pas de la mme
sur ce qu'il ne
cales,
;
le
le
ristes c'est
dans
les sujets
le
vrit,
que
se dcouvrir
qu'aux
initis.
Nous comprenons
ne d'arriver
la vrit.
se
deman-
riques qui semblent n'intervenir que pour interrompre et obscurcir le dveloppement. Mais c'est au contraire
les
un des
traits
procds indirects de connaissance. Une preuve en est le rle important que jouait la divination sous toutes ses formes aux dpens de la prvision rationnelle des vnements, et mme dans
les vrits
morales qui semblent pourtant devoir tre perues par l'intuition directe de la conscience aussi bien que par un
De Cherub., 4^ de sacr. Ab. et G., 6i. Qu in Gen., IV, 67, 299; double sens d'un d'auditeurs Qu inGen., IV, il3, 34i.
1.
;
2.
passa<j-e
3. Ce sont d'abord des ig-norants, des aveug-Ies de l'me , Qu. in Gen., IV, 168, 374. Les allg'oristes sont appels oi o - ^lavoicf. ^lKtr.v SuvdavjoL,
4-
De mut. nom.,
42
LA MTHODE ALLGORIQUE
oracle. La vrit ne se connat que par des signes qui ne sont pas toujours vidents et qu'il n'est pas donn tous d'interprter. Or la parent de la mthode allg"orique avec la divination
mystres ^ second caractre du Tableau de Cbs est le fond mme de l'allgorie. Le plus grand nombre des allgories stociennes que nous connaissons sont physiques l'ouvrage presque entier de Gornutus est destin identifier les dieux avec les diverses
est peut-tre plus
les
Un
la
mythiques immoraux deviennent des descriptions d'vnements cosmiques. Quand certains stociens font d'Homre un matre de morale, ils l'interprtent non plus allgoriquement mais la
lettre,
les traits
inaccepta-
bles.
contraire la peinture dcrite par le pseudo-Gbs est exclusivement symbole d'une doctrine morale. C'est la doctrine du repentir et les moyens pour l'me de se librer des passions et du plaisir. C'est un procd tout fait nouveau. Comment est-il possible? Les personnages mythiques peuvent bien tre
Au
mais leurs actes et leurs penses semblent devoir rester moralement les mmes. L'auteur du Tableau rsout la question en voyant dans chaque personnage le symbole d'un tat de l'me humaine, le dsir, la pasidentifis des forces impersonnelles,
sion, la vertu
par
il
rieure de
vnements
L'histoire extrieure des personnes devient l'histoire intrieure des diffrentes puissances d'une me. La doctrine morale dveloppe ici est certainement issue des doctrines
sa
et
peinture
orphiques du salut et pour autant que ces doctrines ont agi sur Philon, elle est semblable la doctrine philonienne de la libration ^ Mais la faon d'allgoriser est aussi semblable. Philon considre comme un des buts principaux de l'allgorie de transformer les personnes des rcits bibliques en manires d'tre o bonnes ou mauvaises de Tme \ Des rcits inexplicables au sens littral trouvent leur sens ds qu'on en fait la narration intrieure des tats de l'me. La Gense dans son ensemble jusqu' l'apparition de Mose reprsente la transformation de l'me humaine d'abord moralement indiffrente, puis se tournant vers
III, ch. P^ I fin. une diffrence importante la ngation du rle de l'ducation encyclique dans la vertu. 3. Par exemple de Congr. erud. gr., i8o.
1.
Liv.
2. Cf.
43
le vice, et enfin, quand le vice n'est pas ing-urissable revenant par degr jusqu' la vertu. Dans cette histoire, chaque tape est reprsente par un personnag-e. Adam (l'me neutre) est attir par la sensation (Eve) elle-mme sduite par le plaisir (serpent)
;
par
Tme engendre en elle l'orgueil (Can) avec toute la suite des maux; le bien (Abel) en est exclu, et elle meurt la vie morale. Mais, quand le mal n'est pas incurable les germes de
l
elle
peuvent
se
des rechutes
est la
rie
dluge, Sodome),
trame du Commentaire allgorique de la Gense l'allgomorale j est on le voit l'essentiel, et si l'allgorie physique yjoue un rle elle est seulement auxiliaire et subordonne. Mais le no-pythagorisme a influ d'une faon plus vidente dans les allgories numriques. Les nombres sont, pour Pythagore, Ttre mme des choses. Ses successeurs dgnrs d'Alexandrie n'ont pas compris la profondeur de cette pense. Le pylhagorisme ne se dveloppa nullement comme on aurait pu le croire, en une recherche des lois numriques des choses. S'appuyant sur la partie la plus contestable du pythagorisme qui identifiait les nombres aux tres moraux, ils firent du nombre le symbole des tres bien plutt que leur substance. Les nombres sont interprts allgoriquement comme reprsentant un tre diffrent d'eux, une vertu ^
I. La thorie des nombres n'a, chez Philon, aucune porte physique ou mtaphysique, pas plus sans doute que chez les no-pythagoriciens auxquels il l'emprunte, mais uniquement un sens allgorique. Il trouve le symbolisme de chaque nombre soit dans ses proprits mathmatiques, soit dans la niiture
des tres affects de ce nombre (voy, pour l'analyse de textes sur les nombres du de opificio m. Carvallo, Revue des Et. juives, i88a). L'un est indivisible {de An. sacr. id., Wendland, g, i6), il est principe, lment, mesure (ibid., 12, 5 Qu. in Gen., I, 77, 52), imag-e de la cause premire (de spec. legg., III, 82, 829; de Somn., II, 70), g-nrateur de l'me et de la vie {Qu. in Gen., II, 46, 12). Deux est par opposition divisible {de An. sacr. id.., Wendland, 9, I, i5, 12) le mal est son frre (II, 12, 16), principe de discorde {Qu. in Gen 98). Les proprits mathmatiques dont il use le plus sont les suivantes I** nombre vide, c'est--dire pair partag" en deux parties g^ales, ayant un commencement et une fin sans milieu {Qu. in Gen., II, 12, 191); 2'' nombre plein ayant dbut, milieu et fin comme 3 {Qu. in Gen., III, 8,169 crt, princ, 4, II, 854; Qu. in Gen., II, 5, 80; ib., IV, 8, 25o Exod., Il, 100, 682); 30 les puissances le carr primitif est 4 ^de plant., 121) le cube primitif 8 {Qu. in Gen., Il, 5, 80; ib., III, 49, 288) le premier nombre la fois carr et cube 64 (Qu. in Gen., III, 49. 228) 4^ le nombre parfait est celui qui est gal la somme de ses parties aliquotes, comme 6 i -|- 2 -|- 8 {de decal., 28 Qu. tn Gen., III, 88, 206) ou 28=:i-[-2 8 7 {Qu. in 4-f-5-f-6
; ,
;
= + +
LA MTHODE ALLGORIQUE
Nous avons
Philon.
ainsi fini
d'numrer
les
circonstances contempo-
mthode allg-orique de de Tallg^orie surtout stocienne, nous avons discern Tinfluence du stocisme proprement alexandrin, celle des mystres et du no-pythagorisme. Mais un lment important nous manque pour le j ug"er entirement c'est l'influence du milieu judo-alexandrin.
raines et immdiates qui ont agi sur la
En dehors de
l'influence g-nrale
Ex.,
II, 87, 526; de Septen., i, II, 278); 5*^ le nombre pair-impair ;^-al au double d'un impair {de Sept., 6, II, 282); 6 Construction d'un nombre avec des sries d'autres nombres. Ainsi 3oo est la somme de i44 i56; i44 est le 24* terme de la progression suivante
I I
9
16
II
i3
i5
17
19 81
21
23
121
4
les
25
36
49
64
100
i44
termes suprieurs forment une prog-ression arithmtique et les infrieurs sont la somme de l'infrieur et du suprieur prcdent; i56 est le 24^ terme de la srie (4 3-j- i,9 5-|-4, etc.) 6 8 10 12 16 18 20 22 I i4 4 24 12 i56 20 3o iio i32 56 42 90 72 obtenue dans les mmes conditions {Qu. in Gen., II, 5, 80). Par l Philon veut faire voir la parent du nombre 3oo avec le nombre 24. Cf. le mme procd
dont
26
pour
trois
la g-nration
du nombre 3o
(ibid.. 5 82),
du nombre
00,
compos des
;
premiers carrs et des trois premiers cubes, et aussi de la somme des 16 -|- 25) {Qu. in Gen., II, 5, 81 in Ex., carrs du premier rectang-le (9 II, 93, 53o), de 100, qui a diverses compositions [Qu. in Gen., III, 56, 23i), de 120 {ib., I, 91, 63), de i65 [ib., i83, 87), de 45 eng-endr par la somme 18 contenant les trois proportions arithmtique, gomtrique 6 -|- 12 -f- 9 in Gen., IV, 27, 266), 127 (in Gen., I, 83) 70 Un nombre et harmonique donn contient en puissance des nombres ou des rapports. 4 contient tous les nombres jusqu' 10 (de plant., i23-i25, F. 31. II, 84 ib., I, 1 15 de Septen., Ex., Il, 27, 487); il contient aussi I, II, 278; Qu. in Gen., III, 121, i85; les harmonies musicales (II, ii5); 10 renferme les diverses proportions arithmtique, g-omtrique, harmonique, musicales (de decal., 3i-32) le sens de ces termes a t lucid dans l'article cit de Garvallo. 80 Le nombre 7 a une * place unique dans la dcade parce qu'il est premier et qu'il n'engendre pas d'autre nombre dans la dcade {de Abr., 28 leg. alleg., I, 46; quod deus immut.. Il de decal., 102-106; de Septen., i et 6 Qu. in Gen., II, 119 ibid. ,11^ 12,91 et 93 II, 78, 162; VitaMos, II, 210; de opif., 89-128). Ces diverses combinaisons permettaient Philon ou plutt aux no pythagoriciens auxquels il l'emprunte (cf. sur les sources de Philon, Schmekel, \ sq.^en donnant un sens symbolique aux premiers Die Mittlere Stoa, p. nombres ou leurs proprits les plus simples (pair, impair, premier) d'obtenir le sens symbolique des nombres apparents avec eux par ces combinaisons ainsi i3, ge d'ismal lorsqu'il est circoncis, est pair comme contenant les deux premiers carrs (4 -\- 9) et impair, donc imparfait et parfait {Qu.^ in Gen., III, 61, 235) 99, ge d'Abraham lorsque Dieu lui apparat, est la somme de 5o (nombre sacr, anne du jubil) -|- 7 7> 7 indiquant le repos et la paix, et son carr les biens venant de la vertu (^?^. in Gen Wl, [\o, 207).
m
.
45
2.
La
les
trois sources
la
de ses explicapersonnelle et
l'inspiration,
Il
recherche
rflchie, la tradition \
chaque
nou-
Mais si nous ne connaissons pas l'tendue de cette tradition, nous sommes du moins assurs qu'il y en avait une.
velles qu'il introduit.
Deux moyens
:
d'abord l'examen des littratures juives^ palestinienne tradition et judo-alexandrine, antrieures Philon. Pour la littrature
judo-alexandrine de trop courts fragments nous en ont t conservs parEusbe et Clment. Un second moyen est Ttude attentive des allusions
de
Philon lui-mme
aux
allgoristes
ant-
rieurs
qui
pourra nous
le
et leur
doctrine.
Sur
le
premier point,
et
complte sur quelques points par Karppe ^ Sans doute un trait gnral de l'esprit j udaque a persist chez toute pense quelle qu'elle soit, philes Juifs de la dispersion losophique, historique ou juridique fait partie de Texgse de la Bible. Philon, sauf quelques exceptions, a toujours conu le dveloppement de la pense philosophique et religieuse sous la forme exgtique. Mais les rapprochements de dtail que l'on constate entre l'exgse philonienne et rabbinique ne peuvent nullement prouver une influence de celle-ci sur celle-l. D'abord ils prsentent le rsultat les textes sont impossibles dater d'une exgse poursuivie depuis le ii*^ sicle avant J.-G. j usqu'au IV sicle sans aucune suite chronologique. Il n'est donc pas impossible que les ressemblances soient dues l'action en retour du philonisme sur les exgtes palestiniens. Friedlnder con:
;
d'une
1.
communaut judo-alexandrine
:
Jrusalem mme, au
Tradition
V.
V. i/.,
122.
II,
rale,
M.
II,
2. Siegfried,
3.
Jena, 1875.
Etude sur
du Zohar,
Paris, 1901,
LA MTHODE ALLGORIQUE
temps des aptres. Un membre influent et actif de cette communaut nous est mme connu \ Si l'on songe qu'il y a eu une influence considrable de ce judo-alexandrinisme sur le christianisme naissant ^, on comprend que cette propagande ait pu quelque peu agir sur les rabbins. De plus si les explications allgoriques se rencontrent et l, elles sont bien loin de former la substance des commentaires de la Loi. Le principe de Texgse rabbinique lui est tout contraire elle prend pour tche, comme l'a remarqu Bousset, d'expliquer la lettre de la Loi ^ Si nous nous tournons vers la littrature judo-alexandrine, les dbris qui nous en restent ne nous permettent nullement de croire qu^elle manifestait un got spcial et marqu pour l'all;
gorie.
Il
la
Gense
mle l'histoire de la tour de Babel, Gants et des fils de Cronos. Artapan faisait de Mose un dieu inventeur des arts '\ Bestent la Sagesse de Sirach qui est la traduction grecque d'un original hbreu crit en Palestine (original dont on possde seulement quelques fragments), la Sagesse de Salomon^ le livre IV ^s Macchabes^ la lettre di'Ariste, enfin les fragments 'Aristobule. Si nous laissons pour le moment ce dernier, nous trouvons dans les autres crits des traces d'explication allgorique mais elle est employe d'une faon toute occasionnelle, et sans aucun lien avec les doctrines qu'ils renferment. Ecclsiastique renferme une seule allgorie, celle d'Enoch ^, symbole du repentir. Cette allgorie se retrouve chez Philon. Mais ainsi que l'a remarqu Drummond, elle est fonde chez lui sur le texte de la traduction des Septante ((j.T9r,xv) et elle peut tre dans V Ecclsiastique une interpolation du traducteur d'origine alexandrine ^ La Sagesse de Salomon nous prsente une histoire du peuple juif, faite pour y montrer l'influence constante de la sagesse en rgle l'histoire est interprte dans
livre III des Sibylles
Le
celle des
communaut
I,
Cor., 3, 6-9
6-9,
sur la
du nouveau Testament la circoncision du cur dans du Temple, II, Cor., 3, i5. Bousset, p. iSy. 3. Certaines interprtations des noms propres ne s'expliquent que par des tymolog-ies hbraques (Karppe, Orig et nat. du Zohar, p. 55o sq.).
2. Cf. les allg-ories
:
ep.ad Rom.,
28, le voile
4.
Prp. v.,
9, 27, 3 sq.
5. 44, 16.
6. Cf.
Drummond,
p. i44'
47
son
sens
littral.
Montrer dans
la
les
jacente de l'esprit et de
sag-esse, ce n^est
Philon transformer l'histoire extrieure en histoire intrieure. Les trs rares allg'ories que l'on rencontre ne permettent donc nullement de rang-er Fauteur dans une cole allgorique juive antrieure Philon. 11 faut remarquer cependant qu'elles sont communes Philon et au pseudo-Salomon le vtement du grand prtre est le symbole du monde \ la femme de Lot de l'incrdule ^ le serpent d'airain du salut ^ Les autres exemples cits par Bois * sont moins des allgories que des mtaphores interprtes en un sens spirituel. Ces allg"ories suffisent du moins prouver qu'il existait
; ;
mmes
allg-ories se
procd.
allg-orisles ?
Ce juif
les
de Philon, nous montrerait le procd dj constitu une poque bien antrieure celle de notre auteur. L'objet d'Aristobule est tout autre et bien moins tendu que celui de Philon il s'attache uniquement deux points viter l'anthropomorphisme par la mthode allgorique, et faire de Mose le matre des philosophes grecs ^ Quant au premier point on sait que c'est une des proccupations de toutes les traductions de la Bible partir du ii^ sicle, soit de la traduction grec:
1.
Sap.,
;
i8,
24
Philon, F.
2. 10, 7 leg. alleg., III, 2i3. 3. 16, 5, 7 ; leg. alleg., II, 79.
Essai sur l'origine de la philosophie alexandrine, Toulouse, 1890. Le fragment principal est une explication des membres que l'Ecriture attribue Dieu {pr. ev., III, 10) comp. Philon, de post.^ C, 7 de conf.lingu., i35, etc.) soutient que la philosophie grecque vient de Mose (XIII, 12).
4.
5.
;
;
48
LA MTHODE ALLGORIQUE
que, soit des traductions aramennes d'viter les anthropomorphismes trop vidents. On se sert pour cela de la thorie des puissances divines auxquelles on attribue les actes que le texte primitif attribuait Dieu, par exemple les thophanies ^Ce fut un procd tout diffrent, et dont, sauf Aristobule, nous ne rencontrons pas d'indice avant Philon, d'utiliser pour cela la mthode allg-orique. C'est d'ailleurs chez Philon lui-mme un objet trs secondaire de cette mthode. L'objet principal de la mthode allgorique chez Philon et aussi comme nous le verrons tout
l'heure ^antrieurement lui, c'est la dcouverte
de
l'histoire
intrieure de
Tme
elle
est
Nous avons Timpression d'un auteur, qui aurait utilis sans en comprendre toute la porte quelques-uns des procds philoniens.
Pour le second point, Aristobule est le premier qui systmatiquement ait rattach la philosophie grecque Mose. Rien de
pareil chez Philon. S'il ne faut pas aller aussi loin qu'Elter
^
qui
mconnat entirement chez lui l'existence d'une pareille ide nous voyons du moins
qu'il
se
somme
parElter et
la
Wendland
avec
le
texte de Philon.
11 en ressort que l'auteur, qui d'ailleurs n'est connu d'abord que par Clment d'Alexandrie, a copi Philon, en l'abrgeant, en l'obscurcissant, et bien souvent sans le com-
prendre Il ne reste donc dans la littrature antphilonienne pas un seul fragment conu dans la mthode et l'esprit de Philon. Cette vrit est trop peu reconnue. Il ne faut pas se laisser guider par des ressemblances trop gnrales, formes de traits communs
Deissmann, Die Hellenisierting des semitischen Monotheismus,
Leipzig-,
1.
1903.
de gnomolog. graecor. hist. atque orig., Bonn, 1894-1895, p. a-ai. Mose matre d'Hraclite, de Socrate, des stociens, le texte Qu. in Gen., IV, 167, 373, o les stociens en nriorale drivent de Mose. Le procd est comparable celui des allg-oristes d'Homre, plus que des apologistes chrtiens.
2, Elter,
49
le
comme
la
Tanthropomorphisme. L'essentiel de la doctrine philonienne est une transformation par la mthode alli^orique de l'histoire juive en une doctrine du salut. C'est ce que ron ne
retrouve nulle part ailleurs.
Faut-il
antrieurs,
conclure avec Elter qui, sans nier les allgoristes soutient que le philonisme est dans l'histoire des
*
une apparition sans prcdent, que tout chez lui, procd et systme, vient de sa personnalit. Ce serait aller trop loin. L'opinion plus modre de Bousset qui montre comment le philonisme tranche seulement sur le reste des doctrines de la diaspora, et par consquent n'a pu exister que dans un
ides juives
Nous connaissons, en effet, non pas d'aprs leurs uvres^ mais par de courts tmoignag-es des contemporains, un milieu juif assez restreint o, ds avant Philon, on pratiquait de la
mme
ler
les
de
mthode allgorique. Nous voulons parcommunaut des Essniens. Elle nous est connue par
la
tmoig'nag-es concordants de
Philon, de Josphe
'
et
d'un
La communaut essnienne, l'poque de Philon, tait dj fort ancienne on en constate l'existence sous les rois Jonathan et Aristobule I^^. 11 ressort formellement de nos sources qu'elle
:
o ses membres, au nombre de 4-ooo, les bourg-s et dans les villes. En aucun pays de la dispersion, il n'est fait mention d'Essniens. S'il y en avait eu Alexandrie, Philon n'aurait pas manqu de le dire. Mais leur doctrine se distingue par des traits si nombreux et si essentiels du judasme orthodoxe, que presque tous les auteurs sont d'accord pour y admettre des influences extrieures au judasme. Schrer lui-mme tout en les appelant, cause de leur thorie de la providence inconditionnelle \ des Pharisiens dcids admet cependant bien des lments trangers aux ides juives notamment l'adoration ou
n'existait qu'en Palestine^
vivaient en plusieurs
communauts dans
Loc. cit., p. 227. Philon, Quod omn. prob lib. 12, i3, Pline, Hist. nat., V, 17 Jos., Bell. Jud., XVIII, 1-5; XIII, 5-9.
1.
2.
II,
458
et;
8,
11;
II, 8,
2-i3
10,
45
3.
5,
91);
le
mot
LA MTHODE ALLGORIQUE
rinvocation du
soleil, la
rim mortalit
et
de
la
Philon indique dans les termes suivants que les Essniens employaient l'allgorie Au saint sabbat, ils vont dans des lieux saints, les synagogues o ils s'asseyent par rang d'ge, les jeunes au-dessous des plus gs. Ils se disposent couter dans Tordre convenable. Ensuite l'un prend les livres et on les lit ; puis un autre parmi les plus savants, s^tant avanc, explique tout ce qui n'est pas comprhensible ^; c'est qu^en effet, chez eux, la plupart des passages sont mdits ^ au moyen de symboles suivant un got trs ancien . Ce passage se trouve au milieu d'un dveloppement o Philon expose les doctrines philosophiques essniennes. Aprs avoir dit qu'ils rejettent la logique comme sans usage pour la vertu, et la physique trop leve pour la nature humaine, il montre dans l'thique, l'objet de leur principale tude. Dans cette tude ils se servent comme soutien de la loi juive. Cette loi est enseigne au sabbat, avec les symboles qui la recouvrent. La phrase qui vient ensuite (TtaiosovTa'. o) se rattache la phrase que nous avons traduite pour indiquer l'objet de cet enseignement. Ce qui leur est enseign (certainement comme il ressort du contexte au moyen des interprtations allgoriques de la loi) c'est la
:
l'conomie,
la
la
des
est
maux
et
volont
de ce
du contraire . Le reste du paragraphe dans les murs des Essniens, les excelmontrer destin
ducation. Ainsi le centre de leur philosophie est une ducation morale reposant sur une exgse allgorique de la loi. Il y a une ressemblance tout fait remarlents rsultats d'une pareille
quable entre cette peinture et le tableau de l'enseignement des synagogues alexandrines que l'on trouve dans les autre uvres de Philon. L'poque de l'enseignement est la mme il se fait en le moyen d'enseignement tout temps mais surtout au sabbat
:
est
aussi
la
lecture
et
sacrs
triple
enfin
l'objet est
uniquement
l'thique, avec
mme
division
1.
y.zL.
.
Le texte est
.y\aoiy^oii.v.i
irspo;
rrjiv
kunLporc/.ZMv ocra
signifie s'avancer
(Cf. Zeller,
Phil. d. (?.\V, 293. n. 3). 2. ftloaofdTKi n'a pas ici d'autre sens. 3. F. M., II, 21 5, propos de la synagogue de Mose
cf. les
Essniens
Tvup.
51
^
les vertus en que Ton rencontre dans l'enseignement essnien la pit et Thumanit. Dans un autre texte ^, l'attitude des assistants assis en ordre, et celle de l'interprte ( un des "plus expriments s'tant lev... ) est peinte peu prs de la mme faon. Nous constatons une seule diffrence, mais d'une importance extrme. Nulle part il n'est dit, que dans les synagogues alexandrines, on employait l'explication allgorique. Nous voyons d'ailleurs trs bien, par les uvres de Philon lui:
gnral,
mme, comment
les
la seule
pouvons conclure de ce dfaut d'information que, dans les synagogues extrmement nombreuses de la dispersion, l'on n'employait jamais cette mthode. Un paralllisme aussi parfait entre la synagogue essnienne en Palestine et les proseuques que Philon connaissait et frquentait Alexandrie n'est pas pour nous inspirer beaucoup de confiance dans l'exactitude de cette peinture. Il est vraisemblable que Philon a pu imaginer sur le modle de ce qu'il voyait autour de lui, les loisirs des Essniehs. D'ailleurs cet enseignement allgorique est tmoign uniquement par ce passage de Philon les
;
Josphe qui pourtant contiennent des peintures d'ensemble de l'essnisme omettent les runions hebdomadaires et l'explication
des textes.
Comparons les deux portraits de la Libert du Sage et de V Apologie. Les dtails prcis sur leur nationalit, leurs lieux d'habitation, l'tymologie du nom, leurs occupations matrielles,
les rgles
de leur
communaut
sont, quelques
nuances prs,
les
l'allgorie et les
exercices sabbati-
une
le premier portrait comme Bien plus ce que nous savons de leurs ides n'implique nullement ou mme exclut cette exgse allgorique qui, d aprs le passage cit, aurait fait le soutien de leurs doctrines. Les livres de la secte qu'ils conservaient n'taient
livres
allgoriques.
Ils
renfermaient entre
1. Cf. quod omn. pr, lib., tm t)oGw xat fLlaptro xa ^t>av6pw7rw et l'numon enseigne d'abord les quatre vertus cardinales, puis les ration de Mose vertus concernant les choses humaines et divines.
:
2,
De
Septen.,
6, II,
282
cf.
encore Fragments,
II,
63o.
52
LA MTHODE ALLGORIQUE
pour
deviner l'avenir^
ils
Mais c'est non seulement le passag^e sur l'allg-orie, mais le dveloppement tout entier dont il fait partie, qui doit tre inexact. Zeller a dj remarqu que l'on ne pouvait pas dire la lettre que les Essniens s'abstenaient de toute physique puisqu'ils avaient une thorie du destin et de la divination, des ides astrologiques, la croyance la prexistence des mes dans l'ther. Philon parle des Essniens en apologiste non en historien. 11 s'agit de montrer chez eux certains traits de son propre idal. Ils lui sont un prtexte des thmes moraux qui nous sont familiers dans l'uvre de Philon au dbut, c'est le thme contre les cits reposant sur l'ide que les Essniens n'habitent pas les villes, ce qui est en dsaccord complet avec l'autre tmoignage de Philon puis le thme contre Fesclavage et sur l'galit humaine. Dans le texte de V Apologie, nous avons d'abord l'indication d^un thme contre la noblesse de naissance, puis un long dveloppement contre les femmes. Ce sont l des ides connues, et les Essniens servent seulement de prtexte leur introduction. Le long passage sur leur philosophie, dont nous cherchons maintenant la valeur dveloppe l'ide philonienne bien connue que les subtilits du discours et les recherches physiques doivent tre abandonnes pour la morale. Ceci s'accordait bien avec le genre de vertu purement pratique, avec l'asctisme des Essniens, mais n'a rien voir avec leurs doctrines, telles que nous les connaissons d'ailleurs. Il reste donc peu certain que les Essniens employaient l'allgorie et nous ne pouvons voir en eux les reprsentants de la tradition juive que Philon invoque souvent. D'une faon gn:
semblent chouer. Bousset a clairement dmontr contre Zeller que cette communaut n'a rien emprunt aux communauts no-pythagoriciennes ou orphiques dont le sige se trouvait surtout Alexandrie \ Friedlnder ^ a tent sans y russir de voir dans leurs doctrines des traces d'alexandrinisme. Il met en avant les explications allgoriques et les thories secrtes nous avons vu ce qu'il faut penser de l'explication allgorique dont l'existence n'est pas prouve et des thories secrtes qui sre:
Bousset, p. 432, contre Zeller, Zeitschr. fur wiss., Th. 1899. Zur Ensteh des Chi^ist., ^p. ^S-ili2.
.
CHEZ
Li:S
JUIFS
AVANT PHILON
53
d'allgories. Pour le sujet des sacrifices, Essniens reste obscure un premier texte dit non l'opinion des pas qu'il rejetait les sacrifices mais qu'ils pensaient ador-erDieu
un deuxime que Tenceinlc du temple leur est interdite . Il est donc impossible de comparer leur attitude avec le schisme g-yptien du temple d'Onias. La thorie platonicienne de Dieu, cause du bien seulement, se trouve dans la partie de la peinture de Philon dont nous contestons l'exactitude. L'interprtation que donne Friedlnder de la petite hache que recevaient les novices de la communaut par un passage de Philon o le pi symbolise la raison, n'est qu'une hypothse sans consistance. Reste la thorie de l'me, du corps-prison qui, elle seule n'est pas suffisante pour faire de l'essnisme un rameau du judo-alexandrinisme. L'essnisme se trouve donc bien en marge du judasme alexan-
mieux par
texte
^
le
<(
culte intrieur
que par
les sacrifices \
dit
sacrifices parce
la
tradition allgorique.
nous renseigne sur une autre tradition allgorique chez les Thrapeutes, dans les termes suivants Ils ont aussi des crits anciens, de ceux qui furent les chefs de la secte, et qui ont laiss plusieurs documents de l'espce les Thrapeutes les prennent pour modles et allgorique imitent leurs systmes (ch. III, p. SyS). Ce sont donc des livres qui n'ont aucun caractre secret, et qui transmis dans la secte,
: :
p. 48o) et le
passage de
la
mer Rouge
;
inter-
comme
la sortie
p. 48b), explica-
que Ton retrouve chez Philon {de Somn., II, 269 V. 71/., II, ne sont pas formellement attribues aux Thrapeutes et elles
1.
Jos.,
Ant.
18, 2.
Qu. omn. p. L, 12, signifie qu'ils considrent essentiel non qu'ils ne font pas de sacrifices.
2.
le
culte intrieur
comme
54
LA MTHODE ALLGORIQUE
peuvent venir de Tauteur lui-mme. En ce seul passag-e l'auteur dcrit avec quelque dtail le principe de leur exgse. Les explications des saints crits se font au moyen d'interprtations par allg-orie toute la lgislation ressemble pour ces hommes un animal le corps c'est la prescription littrale; l'me c'est Tintelligence invisible qui gt dans les mots. Par elle l'me raisonnable a commenc contempler ses propres objets travers le miroir des noms, elle a vu les beauts singulires des penses
;
elle a
la
dlabord dvelopp et dgag les symboles, puis elle a amen pleine lumire les ides pour ceux qui peuvent, en partant
d'une mention insignifiante \ voir les choses invisibles travers les visibles (ch. X, p. 483). Il y a des ressemblances fort grandes avec le philonisme. Philon explique aussi sa mthode par la
comparaison de Tanimal et du miroir ^ Les Thrapeutes, comme lui, emploient la mthode d'une faon continue, pour tous les passages de l'Ecriture, alors qu'ailleurs on ne rencontre que des
^
traces d'allgorie,
au milieu
nature. Enfin
la
parties, la recherche
mthode d'exposition qui se compose de deux du symbole puis l'expos de la doctrine qui
Philon.
Il
en est
la
ne s'agit plus,
et
comme dans
Nous sommes donc ici sur la voie d'une vritable tradition purement juive. Il peut d'abord paratre invraisemblable qu'un groupe aussi peu important que la communaut dcrite par Philon aie donn naissance l'exgse allgorique toute entire. Mais les Thrapeutes du lac Maria ne sont pas les seuls. Il y en a surtout au tmoignage de Philon autour d'Alexandrie, mais aussi dans tous les nomes gyptiens et mme dans tous les pays grecs ou barbares. Comme l'a montr Massebieau *, ils ne constituent pas un ordre rigoureusement ferm ayant une maison mre
et
des rgles fixes, mais dsignent d'une faon trs gnrale ceux
murs et une vie d'tudes. pouvaient donc former un parti juif assez tendu. Nous avons vu chez Philon l'influence de l'allgorie non plus stocienne,
qui adorent Dieu par leurs bonnes
Ils
T Allusion probable aux consquences importantes que la mthode allgorique tire de textes insignifiants, comme l'addition d'une lettre au nom de Sarra, d'Abraham,
.
2.
3.
De
Decal., 21.
d'hist. des
4.
Relig.yXVl, 170-284.
55
mais plas prcisment stoco-g'yptienne el no-pytha*5"oricienne. le judasme des Thrapeutes s'inflchit prcisment dans le sens mme du mysticisme alexandrin. Le g-enre de vie des Thrapeutes est celui des prtres gyptiens d'aprs Ghrmon une vie d'abstinence et de contemplation. Chez eux seulement a pu s'tablir, sous l'influence grecque, une tradition proprement juive, qui comprenait, outre la thorie des puissances divines, la mthode d'explication allgorique. C'est, en efFet_, ds l'poque des premiers Lagides, avec Manthon, que l'uvre de syncrtisme religieux qui devait aboutir au culte spirituel et allgorique d'un Chrmon avait commenc II pouvait donc y avoir du temps de Philon une tradition assez solide et ancienne. L'uvre de Philon se rattache aux mmes influences. Il les a sans doute subies directement; mais il tait Juif, trop pieux et fidle pour qu'il aie pu les accommoder avec le judasme, s'il n'avait pu les appuyer sur une tradition proprement juive. Jusqu' quel point a-t-il imit et reproduit les Thrapeutes, nous ne le saurons jamais moins que quelque dcouverte de papyrus ne vienne nous renseigner sur l'activit littraire de ces religieux. Encore ne paraissent-ils pas avoir crit le rsultat de leurs mditations qu'ils exposaient oralement, au jour des grandes ftes, leurs correligionnaires ils n'crivaient que des hymnes et n'avaient comme livres que les anciens livres allgoriques de la secte o ils puisaient des modles d'interprtation. Mais quelquefois Philon indique des explications empruntes un allgoriste antrieur le cas est d'ailleurs assez rare, il ne note pas la plupait du temps si l'explication est personnelle ou traditionnelle. Nous avons runi une vingtaine de passages o l'indiMais, d'autre part,
:
entendues par
logue celui des Thrapeutes^ Quelquefois il l'annonce comme une simple tradition sans aucune mention particulire d'originel Il dsigne quelquefois plus clairement les exgtes aux-
Emploie le mot vxou(xa de Abr 99 de Jos., i5i Mut. nom., i4i i43 V. M., II, 98; Qa. in Gen., I. 8. Les formules sont Ttvk; ^(Ttv {nonnull dixerunt III, 11, 184 ih estmuUorum sententia-, ib., III, i3 quidam dixerunt; Qa. in Ex., II, 56, 3io nonnulli accipiunt. De oi Si dyoytrvj. Quelquefois la traplant., 52, -tvk (^aa-av leq. alleg I, 59 dition peut se prouver parce qu'il oppose une interprtation comme personnelle, une autre qui doit tre courante {de An. sacr. id., 6, II, 242).
1
.
2.
LA MTHODK ALLGORIQUE
quels
il
fait
des emprunts
comme
donc connu
personnellement ou par tradition, des allgoristes qui s'occupaient exclusivement ou peu prs de l'interprtation. Ces allg-oristes sont dsigns une fois sous le nom de physiciens ^ Le mot ne peut d'aprs le contexte, puisqu'il s'agit d'une question morale, tre pris en un sens troit. Il dsigne plutt ceux qui tudient la nature pour s'y conformer: il prsente une remarquable ressemblance avec la dsignation des Thrapeutes^ et s'explique par la distinction du de Ebrietate entre ceux qui honorent la nature (qui sont les allgoristes) et ceux qui respectent la convention (les interprtes littraux). Lorsque Philon parle ailleurs, propos d'un passage anthropomorphique de la Gense d'en venir la mthode allgorique habituelle aux physiciens \ ces physiciens ne seraient donc pas, comme on l'a cru souvent, des Stociens mais des Juifs. Cette dsignation devait tre courante nous nous expliquons aussi qu'il reproche certains interprtes d'exprimer propos de l'arbre de vie une opinion plus mdicale que physique^ allusion probable leur dsignation de physiciens . Les interprtations cites par Philon comme traditionnelles portent peu prs sur toutes les parties du Pentateuque; c'est sans doute un simple accident si les plus nombreuses se rapportent la vie d'Abraham ^ Mais il y en a d'autres sur Adam et le paradis, Joseph, l'Exode, les miracles et la prire de Mose, enfin sur les divers ornements du temple \ Elles se prsentent sous dif" frentes formes tantt c'est un recueil des sens divers d'un mme passage, parmi lesquels Philon en choisit un auxquels il oppose une interprtation personnelle ^ tantt une seule opinion est dveloppe sans critique ^ Le premier cas nous montre que l'interprtation allgorique est fort loin d'tre fixe par un
))
; :
1. Ole,
Ex.,
2.
3.
np; lv]yopto!.v so, de Septen., i8, II, 298 cf. Qu in de plantt., 74. De Ab'ah., 99 les physiciens sont ici sans aucun doute des Juifs. Qui ont consacr leur vie -wpta twv tvj; f'jfjM^ npocypt--M-j, ch. VIII, II,
p-rixv.
romu
;
II,
71, 5i8
481.
4.
5. 6.
De
post.
.
C,
mut. nom., 42 de Abr., 99 qu. in Gen., III, 1 1 et i3. de Jos., i5i sq. de Septen., 18 V. M., II, 182 de plantt., 62 V. M., II, 198 Qu. in Ex., II, 58 et 71 8. Exemple, Qu. in Gen I, 10 [Leg. alleg., I, 69) sur l'arbre de vie.
sq.
;
69.
;
I,
8 et 10
De
3o$.,
i5i sq.
57
cit
par Philon
les
canons de Tallgo-
champ
C'est qu'en effet ces interprtations reposent sur les doctrines philosophiques les plus disparates. Tous ces exgtes ne voulaient pas voir dans Mose la mme philosophie. D'une faon g-nrale les interprtations traditionnelles que Philon combat forment un g-roupe part; elles voyaient dans la loi une doc-
tout des thories physiques ou astronomiques. Ce sont ces interprtes qui tiraient le fatalisme
les
du verset suivant de la Gense pchs des Amorrhens ne sont pas encore accomplis ))^
:
Toute une srie d'interprtations traditionnelles parat avoir eu pour objet de chercher dans l'arche d'alliance et les autres objets du culte un symbole du monde et de ses parties les Chrubins qui soutenaient le propitiatoire taient les deux hmisphres clestes^ les parois de l'arche avec leurs anneaux reprsentaient les deux quinoxes et les quatre saisons*. Ce genre d'interprtation s'tendait mme toute la loi. L'arbre de vie du paradis tait pour certains, la terre, le soleil ou les cercles clestes ^ D'aprs une autre interprtation les pres d'Abraham vers lesquels il retourne sa mort sont soit les corps clestes, soit les lments dans lesquels tout compos vient se dissoudre*^. Dans la vie de ce patriarche lui-mme le chang-ement de nom d'Abram en Abraham est interprt par Philon comme le passag-e de l'astrolog'ie la connaissance de soi-mme et de Dieu. Mais il cite,
;
il
est vrai,
Abraham
serait
de l'Exode, il cite avant seconde est traditionnelle; la premire qui assimile la montagne de l'hritage au monde et qui est rejete doit l'tre galement. Nous voyons dans tous ces passages les traces d'un systme d'allgories physiques et astronomiques pour lequel parle en
la
propos de
montag-ne de
l'hritag-e
la
la
1. De Som?i., l, 78 de Abrah., 68. Il ne s'ag-it l d'aucune rgle spciale, mais seulement de la transformation d'une chose sensible en intelligible. 3oo cf. Qu in Gen., III, i3, 181. 2. Qiiis rer div. h 3. De Cherab.y 21-27 oppos l'explication inspire du 29.
;
4.
Qu. in Ex.^ II, 56. Qu. in Gen.^ I, 10. 6. Quis rer. div. h., 280-283. 7. De plantt,, 48-52.
5.
58
outre l'expos
allgorique^
LA.
MTHODE ALLGORIQUE
effet
mme
de Philon. En
la
dans
les
textes des
en reste
les
physique. Dans
incorruptible conte-
nant toutes
lui (58)^
du monde (53) avec sa couronne d'toi(56), la connexion des causes qui est en reprsent symboliquement par les divers accessoires.
les parties
quinoxes
Dans
les
Chrubins
Questions (62-69) sig^nificalion astronomique des est remplace par une autre mais nous savons par
;
de prsentation
est le
deux hmisphres clestes. La table symbole du corps (69) avec ses continuels
de
le
changements
.c
(70), la ncessit
la
nourriture (71)
le
candla-
ciel
le
Le
monde sublunaire, spar par Tair (reprsent par le voile) du monde cleste. Vient enfin le vtement du Grand Prtre qui, comme dans la Sapience de Salomon reprsente le monde et ses diverses parties \
tabernacle avec ses accessoires est
Certaines parties de cette exgse, soit
ici, soit ailleurs_,
sont
notes
comme
de son unit qu'elle ne le soit tout entire. Mais elle s'en superpose en gnral une autre toute diffrente, bien plus spirituelle
et
comme
personnelles.
L'arche y reprsente le monde intelligible, et tous ses accessoires sont les diverses puissances divines^ Une de ces interprtations,
Chrubins, symbole des deux premires puissances divines, formellement reprsente ailleurs^ comme rsultat d'une inspiration personnelle; il est donc probable qu'il en est de mme pour l'autre interprtation. Philon va encore plus loin dans cette spiritualisation lorsqu'en superposant encore une troisime interprtation, il fait des objets du culte des symboles de l'tat intrieur de l'me. L'arche est l'me avec ses vertus incorruptibles (53, fin), ses penses invisibles, et ses actions visibles (54)
les
est
le
la table est
Dieu (71);
et
le
lis
humaines
1.
divines (76)
Toute
cette interprtation
h.,
2?i-
281
2.
3.
Qu. in Ex.,
II,
68.
De Cheruh.t
27.
59
la
l'huile
de la lampe,
sagesse (io3).
dont les objets* sont le ou les tats intrieurs de l'me. Il y a souvent ailleurs superposition des deux exjgses la division des membres dans la victime de l'holocauste reprsente non la marche dans le monde de Tun au multiple et du multiple l'un, mais son avis, les divisions de la prire d'action de g^rces^ L'arbre de vie du paradis n'est rien de matriel, ni le cur, ni le soleil, mais symbolise la pit centre de la vertu. Les pres d'Abraham sont pour certains des lments matriels, mais pour d'autres des ides intelligibles. On voit aisment, mme quand il ne l'indique pas, o sont les prfrences de Philon. Ce sont seulement des interprtations du second genre qui sont indiques comme personnelles, et elles servent souvent en remplacer d'autres de nature physique. Cette allg"orie proprement morale qui cherche saisir sous la lettre de la Bible, les rapports intimes de l'me avec le monde intelligible, est-elle, elle aussi, traditionnelle ? Certes, et nous rencontrons mme la tradition dans les interprtations les plus essentielles au philonisme. De plus, il n'y a pas une doctrine vraiment importante du philonisme que l'on n'y retrouve. D'abord sur les tres intelligibles considrs dans leur rapport l'me humaine, des e^cgtes antrieurs connaissent la thospirituelle,
une interprtation
intellig"ibie
monde
rie
du
log"OS
ils
dans laquelle
d'agir
la
2.
la
Tintelligence
humaines cessent
le
Ils
identifient encore le
bien
au* logos,
'\
logos est
vertu
introduit
ils
Le monde des
la
savent distinguer
puissances despotiques
gneur-Dieu des livres saints sont cits; par ses bienfaits Dieu devance le temps ^ Pour l'histoire intrieure de l'me, nous
De Anim.
le
1.
sacr. id.,
7,
prtre.
fxjzzDaov,
la tl-jz: ^7v porte en effet au moins jusqu' xarapuisque les pithtes du log-os lev et cleste, compltent ncessairement l'allg-orie de la montagne. mut. nom., i4i-3 Qa. in Gen., I, 8, 6. 4. Quis rer. div. h., 280 5. De plantt., 74-93; mut. nom., i^i. 3.
:
;
60
LA MTHODE ALLGORIQUE
trouvons l'interprtation
tion de la vertu par Dieu.
si
Un passage insiste pour montrer l'impuissance radicale de Tme laquelle la vertu ne peut venir que de l'extrieur ^ Le culte spirituel est indiqu^ ainsi que l'immortalit de l'me par la pit
'
et
ici
la
Il
faut faire
;
de Feffort
assez
longuement
la
thorie de
l'effort.
Une
interprtation tra-
Pharaon, dveloppe la thorie des vavxala '\ Cette brve numration contient en somme tous les principes de Philon, les rapports mystiques avec le monde intelligible et
l'asctisme.
n'est
une description de l'me humaine. Mais cette mthode n'est en effet que celle mme des Thrapeutes. Dans le passage que nous avons cit, les termes employs excluent formellement toute interprtation astronomique ou physique et ne parlent que d'interprtations morales. L'auteur y insiste chaque membre de phrases. Ce que l'on voit sous les mots c'est l'intelligence invisible qui y est contenue (voGv opaTov) les beauts des ides {y,yXk'f\ vor,|jLTtov), les ides (v8'j|j.ia ), enfin
((
les
choses invisibles
(ib. ccavr).
une mthode qui aurait voulu retrouver le monde physique sous le texte littral. D'autre part, nous savons quelle extension chez
les Juifs
et la tho-
du monde qui, - cette poque, en est solidaire. Philon lui-mme en est un tmoin ^ Il n'est donc pas tonnant que l'on trouve des allgoristes qui veulent tirer dans ce sens le
rie stocienne
texte sacr.
On
voit
combien, avec
la
les
la
lit-
question de
1.
DeAbrah.,
99.
2.
3.
4.
5.
Qu. in Gen., II, 72, 5x8, Tme libation. Qu. in Gen., I, 10. De plantt 52-54. V. M., Il, S2 el de Jos., i5i-i57.
.
0. Cf. liv.
II,
ch. IV,
2.
61
mais qui du moins prouvent Nous avons vu que nous ne pouvions pas considrer comme l'un d'eux le faux Aristobule. Du-ct du
judasme palestinien, il est fort contestable que les Essniens aient employ l'allgorie et l'on ne peut prouver que les rares allgories des livres rabbiniques si hostiles d'ailleurs en principe l'esprit allgorique, n'aient pas t prcisment influences par les ides judo-alexandrines. Reste le tmoignage de Philon lui-mme la mthode allgorique qu'il attribue cer;
Son
dans
la
autre
de montrer
mouvement
fonant dans ses fautes ou bien esprant le salut et l'entre dans le monde invisible et suprieur, grce la misricorde de
Dieu.
Si la tradition juive se restreint eux, le
mouvement
allgo-
dans le monde juif, aussi peu considrable en tendue qu'important par ses consquences loignes. Cette exgse n'est pas conciliable avec toute espce de doctrines. A l'poque de Philon spcialement elle s'unissait troitement aux thories mystiques des no-pythagoriciens, des orphiques, enfin des prtres gyptiens. Les Juifs qui l'employaient furent naturellement ceux qui taient en contact le plus intime avec cette civilisation hellnique dont les ides religieuses nous sont connues, surtout par le trait de Plularque sur Isis. Philon fait partie de ce groupe peut-tre peu nombreux et qui a peu marqu dans l'histoire nationale juive. Il acquit, moins d'un sicle aprs sa mort, droit de cit dans les coles chrtiennes d'Alexandrie, et c'est par elles non par les Juifs que la mthode allgorique prit une
rique
fut,
signification historique.
3.
Philon
et ses
adversaires juijs
parti philonien
sible de la
Quelle place a ce que nous pouvons maintenant appeler le parmi les autres partis juifs ? Il n'est pas impos-
mme
de Philon.
62
LA MTHODE ALLGORIQUE
Dans
le
trait
il
possibles vis--vis de
Loi
d'abord
la
considrer
comme
simple
coutume traditionnelle; en second lieu mpriser la loi positive comme telle et rendre Dieu un culte purement spirituel; enfin combiner le respect des lois positives et le culte divin, en observant les lois, mais en leur cherchant, par la mthode allgorique, un sens intrieur et profond.
Philon accuse les reprsentants de ce premier parti d'tre de faux lgislateurs qui, par attachement aux biens extrieurs, et
par dfaut d'initiation aux biens divins, prfrent conformer
la nature. Ils sont formellement polythisme de l'criture sainte \ Si nous tions rduit ce texte isol, nous pourrions douter qu'il s'agisse ici d'un parti rel et nous croire en prsence du simple dveloppement oratoire, si frquent chez Philon, contre les lois civiles et les coutumes. Mais nous pouvons montrer que nous
leurs lois la
coutume qu'
le
avons
Il
affaire ici
un
fragments de littrature judo-grecque qui nous ont t conservs par Eusbe, dans la Prparation vangliqae, des fragments d'historiens j uifs, Artapan et Eupolme, qui
existe,
les
dans
tentaient
dans l'histoire des patriarches, des mythologie grecque et gyptienne. Ils ne voyaient d'ailleurs dans ces mythes aucun sens symbolique, mais les ramenaient, la faon d'Evhmre, la proportion d^un rcit historique. Le Mose d'Artapan, par exemple, est conu sur le modle de l'Herms Thot ^ En dehors de ces indications sommaires, les uvres de Philon lui-mme nous donnent des raisons de croire qu'au moment o il crivait se poursuivait depuis longtemps un travail de syncrtisme, qui identifiait des mythes grecs chaque rcit de la Bible. Par exemple, numrant les sources d'aprs lesquelles il a crit la Vie de Mose, il cite d'abord les livres sacrs, puis les traditions reues des anciens ^ Nous pouvons nous faire une ide de ce qu'taient ces traditions, d'aprs les parties de son rcit qui
de
retrouver
lgendes de
la
Parmi
elles se
trouve en pre-
contre les faux lgislateurs, de agric, 43;-rfe 1. Cf. les mmes thmes mulat. nom., io3-io4. Sur le polythisme rattach la vie des cits: de decal.y Qu. in Ex., II, 5, 4712, et la coutume prep. ev., IX, 2. Sur ce point cf. Reitzenstein, Poimandres, p. 181 (E^us
:
:
mire ligne
le rcit
de rducatioii de Mose
.
^
;
celui-ci
Or,
Mose qui a transmis aux prtres les n lettres Le dtail du rcit philonien ne s'expliquerait pas, s'il n'avait t prcd du rcit d'Artapan Mais on rencontre, en outre, chez Philon bien des assimilations du mme g^enre dont quelques-unes paraissent tre acceptes comme traditionnelles *. Philon n'est mme pas du tout hostile l'ide qu'il se trouve dans la Bible de vritables mythes, des
Arlapan que
sacres
c'est
et les a interprtes^.
pour
cette raison,
il
^.
remarqu bien souvent que Philon avait employ la mthode allgorique justement pour se dbarrasser des difficults de l'interprtation littrale mais ce que l'on n'a pas vu, c'est que bien souvent il attaque sous le nom d'interprtation littrale non l'explication littrale simple (cpt.).6v!.xov) dont il se sert luimme et dont il ne fait que des loges, mais l'explication tendancieuse et mythologique c'est de l'lment mythique, dit-il^ propos du serpent, que l'on se dbarrasse avec l'allgorie ^ Bien plus dans les passages de la Bible incrimins de mythologie, il lui arrive souvent avant de passer l'allgorie, de combattre l'interprtation mythologique sur son propre terrain, au
a t
;
moyen de
D'aprs
il
l'explication littrale.
le
de
Abrahamo
qu'il
(169-200) propos
du
sacrifice d'Isaac,
n'est pas
douteux
logie grecque
culiers,
mais des rois qui ayant peu souci de ceux qu'ils avaient
1.
Ibid., 28,
ev., IX, 27, p. 432,
2. Pr-ep. 3.
Willrich, Judaca, p. place la limite infrieure de cet crit avant la premire moiti du premier sicle avant J. C. Ou. in Ge?i., I, 92, 66. Dieu 4. Les gants de la Bible, et ceux des potes dcrit avec les attributs de Zeus tonnant quod Deus inmut., 60. Les Titans d'Homre ont construit la tour de Babel [de confus, lig., 4)- Ce passage ne s'expliquerait pas, puisque ce sont dans la Bible, les hommes, non les gants qui btissent la tour^ sans un passage d'un historien juif anonyme (Eus., prep. ev., 9, 18, 7) qui attribue cette construction un gant chapp la destruction des Titans. le serpent parlant de agric, 5. La naissance d'Eve, leff. alleg., II, 19 9, Dieu auteur de la peste congr. erud gr.^
:
m,
6.
De agric, 97.
64
LA MTHODE ALLGORIQUE
armes
d'envie
au lieu de leur rpondre tout de il s'attache d'abord dmontrer (i84-20o)^ au point de vue littral, la supriorit d'Abraham sur les autres dans le sacrifice de son enfant. Nous avons un bon exemple de ce procd au dbut du de confusione liiiguarum^ (6-i5). Philon expose d'abord un mythe grec que les contempteurs de Mose rapprochent de celui de la confusion des lan'gues \ D'aprs ce mythe, btes et hommes parlaient au dbut le mme langage. Puis il ajoute (Mose) s'approchant
(3!.alAoua-t.v, etc)
et,
suite par
une
explication
allgorique,
plus prs de
la vrit a
hommes seulement
.
;
y a
donc
pour
le
mais, ceci
mme,
Philon
comment on
ne peut admettre que la confusion des langues soit un remde donc un effort pour monaux vices de l'humanit (9-i4)- H y trer, mme au point de vue de la lettre, l'impossibilit d'identifier le rcit de Mose et le mythe grec. Cet effort est rapport par Philon des exgtes qu'il approuve et qui, d'aprs la suite, ne sont autres que les interprtes de la lettre il ajoute, en effet, ceux qui emploient ces artifices ( la fin de ce dveloppement les rcits de Mose et les mythes) seront rfuts savoir d'identifier dans le dtail par ceux qui gardent avec simplicit (cpt.Xov(.xw)
;
mais suivent
le
lien des consquences... Mais nous disons... (suit l'interprtail y a tion allgorique). La situation est donc bien celle-ci
:
littrale
tendancieuse vhmriste,
L'on comprend, en face de cette exgse mythologique systmatique, l'acharnement de Philon dfendre le mosasme contre
l'accusation de mythographie,
parer qu'
la
dfense de
la pit
1.
I 180.
ib., 184, parle de leur ^un^v-viot., ni-Apiot., ib.^ 91. Ils ont des bouches sans frein et injurieuses. 3. L'identificaiion se trouve dans l'historien juif Eupolme (Eus., pr. ev.,
2.
De Abrah., 178;
IX, 17,
2).
65
dans cette exclusion des mythes de la Mose, mosaque, Philon suit incontestablement Platon gants est bien des loin propos faire de dit-il, des mythes il a chass de sa cit la peinture (piuGoTrXaa-TcLv) et la sculpture,
les
Stociens allgorisants
cit
Cependant Platon faisait usage des o l'on ne peut atteindre que le vraisemblable il semble bien que ce soit contre un pareil usage qu'est dirig le 12 du Mose n'aime pas les choses trait de sacrificiis AbeA et Cani vraisemblables et persuasives, il poursuit la vrit sans nuage, car... au serviteur de Dieu il convient de s'attacher la vrit en laissant de ct la mythologie imaginaire (slxaa-T'.xYjv) et incertaine du vraisemblable . Ce sont donc ces partisans d'une exgse mythologique, et non d'autres que Philon poursuit sans cesse sous le nom de a sophistes du sens littral ^ Si, il est vrai, ce sont quelquefois des paens qui, pour critiquer la Bible, y cherchaient des ressemblances avec la mythologie grecque ^, ce sont bien des exgtes juifs qu'il accuse dans le passage suivant Ceux qui, accabls d'une puissance invincible ( savoir celle de la coutume) ont subi l'anthropomorphisme trouveraient piti plus que haine; mais ceux qui
arts nobles et sducteurs... \
mythes
volontairement
C'est
(Ixoua-uo
yvto|jiri)
se sont
dtourns de
l'Etre..
qu'ils
blable,
la
nouveaux bien ce parti qui, abandonnant le vrai pour le vraisemtend faire du mosasme une mythologie au niveau de
mythologie grecque. Ce sont les cits qui ont invent les et c'est la coutume oppose la loi naturelle qui les maintient ^ Ceux qui restent attachs au sens littral sont des |i.upo7oXlTat., qui, par consquent, ne considrent le judasme que comme une petite cit, alors que les Juifs allgoristes sont des citoyens du monde ^ Ce dernier mot rsume le dessein de Philon dans l'emploi de la mthode allgorique. C'est l'universalisation de la loi juive. Pourtant les vritables adversaires que Philon rencontre devant
mythes,
lui
ne sont pas
les Juifs
la
1.
2.
3.
propos de la statue
du
sel,
de faga
et iiv-, 121
9 cf. Quod det. pot ins., i3, d'tre impies, de rabaisser les lois.
4.
:
De
De confus, post. C,
De
iingu., 2.
5.
sac. et Ab. et
I,
C,
76.
6.
De Somn.,
39.
5
66
lettre
LA MTHODK ALLGORIQUE
il est de leur ct, et il n'a pas pens un moment observances lgales soient un obstacle la religion universelle K Le vrai danger est plutt chez ceux qui, suivant les
de la Loi
que
les
De Ebriet.,
80-98.-
LIYRE
II
ET LE MONDE
CHAPITRE PREMIER
dieu-
Sommaire Dieu est radicalement isoJ du monde; il est non seulement l'unil. et l'Ide suprme, mais suprieur l'un et au Bien. Le Dieu sans qualits. Les Influence des stociens, du dterminations de Dieu dans son rapport l'homme. platonisme altr par les stociens, des religions populaires. Les influences juives L'importance du culte intrieur dans la dtermination du sont prpondrantes. concept de Dieu. Le Dieu de Philon est non le terme de l'explication des choses, Philon n'a pas l'ide de la mais objet de culte. Le problme de la cration cration ex nihilo.
:
Il
n'y
a rien
que
le
concept de
Dieu chez Philon. Dans la science de Dieu se trouve le salut, le comble de tous les bonheurs et de toutes les perfections ^ C'est ce dsir de la conscience que rpond le concept de Dieu, et
Philon n'hsite pas, sans souci de l'unit des doctrines, ni de leur convergence, prendre partout ce qui satisfait ce dsir.
I.
la
thologie de Phi-
lon, le
se,
comment peuvent
les
d'une part,
dterminations
plus abstraites de
nature
de l'Etre, exclut toutes les proprits, et, d'autre part, les dterminations concrtes et morales, qui attribuentDieu l'gard de l'homme les sentiments d'un pre ou d'un justicier ? Il j a l, rpondent la plupart des interprtes ^ une contradiction, dont Philon n'a pas pu se dgager,
divine,
identifi la notion
I, 5i, 5o5; de sacrificant., i3, II, 2G4. Rville (le Logos d'ap. Philon, p. 191) distingue des dterminations ngatives qui loignent Dieu du monde, positives qui l'identifient avec lui, et religieuses. Cohn (TV. Jahrb. f. das Kl. Alt., 1898. 2, p. 535) voit dans la conception fondamentale une influence juive, et grecque seulement pour le
1.
o Dieu,
Qa. in Ex.,
2.
dtail.
70
entre la reprsentation juive
DIEU
du Dieu vivant et humain toujours en contact avec son peuple^ et Tide abstraite du principe impersonnel, issu du platonisme, et o les meilleurs d^entre les Grecs voyaient un refuge contre les grossirets du polythisme. Prcisons d'abord l'opposition que Ton veut voir chez Philon.
part, Dieu tant l'tre en soi est aussi le genre suprme \ Philon s'inspire du platonisme, en ne sparant pas le caractre logique et le caractre rrioral de ce genre. Pour Platon, c'tait ride du Bien pour Philon, il est galement le meilleur des tres ou le premier bien ^ employant la mme mtaphore que dans la Rpublique, il en fait le soleil du soleil, le soleil intelligible du soleil sensible ^ Dieu, en ce sens, reste en somme la premire des Ides c'est ce titre qu'il est dans le mme texte la source de la vertu et le modle des lois et qu'il est quelquefois appel lui-mme une ide * la visionde Dieu, telle qu'elle est dcrite, avec ses blouissements^ suit de prs la vision de l'Ide du Bien ^ A ce caractre se rattache la srie des pithtes qui excluent de cette Ide suprme toute composition Dieu est une nature simple , sans mlange , sans composition ^ Nous trouvons, au dbut du livre II des Allgories (2 4) un curieux essai de dmonstration de la simplicit, qui nous permettra de dcouvrir l'origine platonicienne de l'ide. Si un lment quelconque s'ajoute la nature de Dieu, cet lment sera suprieur, gal ou infrieur Dieu. Egal ou suprieur cela est impossible. S'il est infrieur, Dieu sera amoindri, et s'il est amoindri, il sera aussi corruptible (xal auTo );aTTCjjQ7]a"Tat.. touto, xal cpGapTo so-Tai), ce qu'il n'est mme pas permis de penser. Cette argumentation'suppose la dfinition de la corruption que nous trouvons au chapitre II du de Incorrupti;
;
D'une
bilitate
mundi
la
corruption, c'est
le
changement vers
le pire .
Mais pour la forme et le fond de la pense, elle est semblable celle qui dmontre au chapitre XIII du mme trait l'incorrup-
1.
To
ov,
mut. nom., 27
II,
86.
;
2.
3.
4.
5.
De fuga et inv., i3i de sacrif. Ab., 92 de sacrifcant., 4 de Septen., De sacrifcant., 4De Abr., 122. Dieu mesure des tres; de congr er. gr., loi. Gomp. TO Tj; -itD^/ri^ o^u'x xoTo^tvLciv ra; iiocp^ap -jya^ (de Mon., I, 5)
;
.
6.
et
^t
zb.c,
atyv (de
Abr., 122
leg. alleg.,
il^i
;
II,
2;
quod deus,
56.
Il
227
DIEU SPAR
DTI
COSMOS
71
du monde si Dieu dtruit le monde pour en faire un nouveau, dit cet argument, le nouveau sera pire ou semblable ou meilleur s'il est pire, Dieu sera donc pire s'il est senblable, Dieu aura travaill en vain s'il est meilleur, le dmiurge sera donc devenu meilleur il tait donc imparfait, dans sa premire cration, ce qu'il n'est mme pas permis de penser Dieu est gal et semblable lui-mme^ n'admettant ni relchement en mal, ni tension en mieux . L-bas Dieu tait simple, parce que toute composition le rendrait infrieur lui-mme ici le monde est incorruptible, parce que Dieu n'est jamais infrieur luimme. Or cet argument vient d'un platonicien il fait corps avec l'argument prcdent qui s'appuie lui-mme sur un passage du Time. Le passage des Allgories finit ainsi Dieu est rang dans l'un et la monade, mais plutt la monade en Dieu qui est
tibilit
:
:
un
le
car tout
nombre
que
le
temps^ mais Dieu est plus vieux que le monde et il en est dmiurge . L'on sait que pour les no-pythagoriciens. Dieu est
c'est cette ide que parait viser Philon, et combat clairement en d'autres passages ^ Il le fait par une thorie d'origine platonicienne, que nous rencontrons ailleurs chez lui, et d'aprs laquelle les dterminations numriques ainsi que le temps sont postrieures au ciel l'astronomie est en mme temps la science des nombres ^ Mais en levant ainsi le paradigme suprme au-dessus de l'un,
identique l'un
qu'il
dpasse Platon. L'on connat le clbre passage du de opijcio dans lequel Dieu est dclar meilleur que la vertu, meilleur que la science, meilleur que le bien en soi Les deux premires dterminations ne souffrent pas de difficults cela revient au mme que d'appeler Dieu source de la vertu , ou source de la science ^ et elles s'accordent parfaitement avec le texte de la Rpublique^ o Platon cherche une justice en soi suprieure la justice sensible, et une ide qui sera le principe commun de la science et du su ^ Justement parce qu'il suit
il
;
dans Diels, p. 3o2 a, 6. plus pur que l'un yo9oO xpstTTOv xa [t.ov(/Ao<; Kpsa^rspov x vb siXtxptvc'oTspov, de praem. et poen.^ 6. yaoG xpsrrov leg. ad C, II, 546. 3. De opif. m., 8 comp, V. C, i II, 472 wv et Tr/jyvi ro- ^riv, de 4 Dieu est la fois t-^sov tl 4. De sacrificant
1.
2.
Dieu
1 ,
rj
fuga,
5.
198.
e,
5o4
est
6.
De
op. m.,
8,
Dieu
dans le mme texte meilleur que par lequel le monde est form.
le
bien,
^oKcrz-ri-
72
Platon jusqu'ici,
vaQov
,
DIEU
la
dernire dtermination
xpsixTcov
r,
axo to
sonne trangement, par son opposition avec le mme passage de la Rpublique. Dieu est donc ici suprieur l'Ide suprme nous ne trouvons rien d'analog-ue dans aucun des textes no-pythagoriciens que nous avons conservs Dieu y est seulement l'un et le bien, tout la fois il ne s'oppose pas moins aux no-pythagoriciens qui nous sont connus qu' Platon. Cependant l'union d'pithtes tels que le bien en soi avec le caractre de cause active , ou d' intelligence de l'univers ,
; ;
:
caractrise bien
le
que.
On peut donc
? Est-ce,
comme
on
le dit
On prend en
ce
sens la dclara-
^ Nous ne recommencerons pas aprs Drummond ^'excellente discussion d'o il rsulte que iroiov ne doit pas tre pris au sens gnral de
que Dieu
(aT:o!.o)
les Stociens
de quid
le
thropomorphisme des Epicuriens, et que l'intention de Philon ne va pas plus loin que de prouver que Dieu n'a ni corps analoAinsi la thorie de Dieu sans gue au corps humain, ni passions qualits n'a rien de commun avec celle du Dieu suprieur au
bien en soi
.
Une
que Dieu
:
n'est
semil
que les Ides sont semblables aux choses chez Philon lui-mme le Logos qui est un intelligible peut trouver son image dans le monde sensible Dieu au contraire ne le peut pas. C'est pour viter cette conclusion que Philon a refoul Dieu au del mme de l'Ide suprme, et a ainsi volatilis son concept. Cette
;
1.
Guyot,
pp. 45-48.
55.
I,
2. 3.
l\.
Leg
alleg.,
36
p. 23.
:
oiixoiov
5.
De Somn.,
I,
73
leg
alleg.,
II,
i.
73
le but de la morale platonicienne ou cynique, Tide plus ou moins cache d'Arislote et des Stociens, c'est la similitude du sag-e avec Dieu. Au contraire
:
dans un prophte comme le Deutro-Isae, se trouve exprime presque chaque page l'ide que Dieu est incomparable tout tre K Philon ne fait que teinter d'hellnisme cette ide, en disant que pour arriver Dieu, il faut aller au del du monde sensible, et mme au del du monde intelligible. Mais cette dissemblance trouve surtout son expression dans l'idal de saintet et de puret comme saint et pur, Dieu doittre l'cart et l'abri absolues il ne peut se souiller au contact du de toute chose profane il en est spar par le monde sensible, pourquoi monde et c'est
:
intelligible.
Donc
la
du
monde
premier caractre
il
du Dieu de Philon.
D'autre part, Dieu dirige l'univers
cette force de nature la fois
et
l'me humaine
est
morale qui, suivant les trouve chez Philon ces doubles dterminations mais cependant les dnominationspurement matrialistes^ comme le feu , sont supprimes, et l'aspect moral de la divinit, grce la pit juive, prsente comme un caractre de tendresse et d'intimit plus grandes. Ce dernier aspect est de beaucoup le plus frquent l'explication physique des choses n'a pas pour lui d'intrt. A ce point de vue pourtant, Dieu est l'intelligence ou l'me de l'univers ^ il l'emplit tout
physique
et
On
entier, et
il
pntr
il
*
;
par sa substance,
% et il est d'ailleurs au-dessus du temps et de l'espace ^ en un autre sens il est partout par sa puissance qu'il tend jusqu'aux confins du monde \ Il est ais de voir ce que Philon recueille du stocisme tout le panthisme mystique qui affirme que le monde est comme plong dans la divinit, que tout est plein de Dieu. La croyance mme la ralit du monde sombre dans ce sentiment Dieu est a un
il
2.
46, 5-9; 44, 7. op. m., 8; mig?\ Abr., 192. II, 238. 3. F. 4. Migr. Ab., 182.
1.
;
48, 18-25
De
temps
et lieu,
deconf.
iing., i36.
74
et
DIEU
tout
* ;
il
est le
commencement
le
'
et la fin
a
Au
point de vue
Time,
pre et crateur
du
^ Bien des expressions sont d'ailleurs empruntes au Time lorsqu'il appelle Dieu le gnrateur suprme et le plus ancien , ou le dieu des dieux il song-e au rapport entre le dmiurge suprme et les dieux infrieurs; d'ailleurs, il a imit brivement le discours du dmiurge platonicien dans un discours de Dieu ses puissances ^ Cependant, comme nous le verrons plus loin, Pide de la paternit divine, par ses dveloppements/dpasse singulirement le platonisme. Dieu a, d'autre part, tous les caractres du sage stocien Philon dans une sorte de* litanie, numre de suite, son propos, beaucoup des paradoxes connus, que les Stociens appliquaient au sage Dieu est en ce sens le seul sage , ce qui implique la doctrine de l'impossibilit du sage. Suivant des comparaisons habituelles, il est le chef de la grande cit de l'univers, le stratge, le pilote, le cocher, le prytane de l'univers ^ Enfin d'autres pithtes introduisent comme des rapports plus intimes entre Dieu et l'homme. Nous voulons parler de dsignations d'un caractre plus populaire, qui donnent la thologie de Philon un aspect beaucoup plus religieux que philosophique. On sait que les Grecs attribuaient une mme divinit des fonctions diffrentes, et accolaient son nom autant de dsignations qu'elle avait de fonctions. On peut voir la fin de la mythologie de Preller la quantit trs grande d'pithtes que possdaient des dieux comme Zeus ou Apollon. D'autre part, dans les effusions Dieu des Psaumes et des Prophtes, l'on voit se substituer l'appellation sche de Seigneur Dieu que Ton rencontre dans les premiers livres une richesse trs grande d'pithtes de caractre surtout moral. Philon connat les pithtes grecques, et il en use le dieu des hommes libres^ des htes, des suppliants et du foyer , qui est mpris par le Pharaon, n'est autre que le Zeus hellnique ^ Lorsqu'il appelle son Dieu
;
;
monde
1.
rence,
2.
Leg alleg.^ I, 44- Dieu est seul quod det. pot. ins., i6o. De plant., 22.
.
.
les autres
3. nT/7p
xat
TToivTvj,
;
4.
5.
6.
7.
64
de Jos., 265,
etc.
202,
8.
V.
M.,l, 36.
75
suprme sauveur, porteur de victoire, bienfaisant, qui nourrit, libral, il donne des pithtes que l'on voit frquemment appliques
tes,
Hasard (Tych), l'Occasion (Kairos), la Paix (Eirn). Ces divinits, dont certaines sont en mme temps des principes cosmiques ou moraux sont connues cepen-
que
Grecs adorent
le
dant de Philon comme divinits. Elles sont lies, en gnral, non pas au Dieu suprme, mais, comme nous le verrons plus loin, aux intermdiaires cependant deux d'en(re elles, Kairos et Eirn sont assimiles Dieu lui-mme. Kairos est, comme dans la mjtholog-ie g-recque, rapproch de Tych ^ Ils sont tous
:
pour cela qu'il accuse les mc'est non pas Kairos, mais Dieu qui est la vritable cause ^ Dans ce passag-e le dieu est reli la doctrine du destin. Mais en un autre passage, le Dieu suprme est assimil Kairos ^ dont le caractre mythologique est mis hors de doute par ce qui prcde. Aussi lorsque Dieu est ailleurs identique Eirn, nous sommes ports penser la desse grecque ^. Deux sentiments fondamentaux animent le psalmiste la confiance en la bont divine, et la crainte de sa justice. Les pieux
deux causes
d'instabilit. C'est
doivent se remettre
grce leur vertu
;
la
les
impies doivent
le
Ce sentiment du divin plus vivant et plus concret que tout ce que l'on pouvait tirer de la mythologie abstraite des Grecs s'exprime frquemment chez Philon. Dieu est bienveillant et favorable il combat pour le juste, il le secourt; il est ami des hommes et bon*. Mais il est aussi le roi des rois, le matre, celui qui voit toujours, le tmoin de la conscience, auquel il est impossible de cacher ses penses les plus secrtes, le juge incorruptible auquel aucun ne peut chapper ^
vice ne lui chappe.
;
Ainsi
la
divinit remplit le
monde
et
l'me humaine de sa
zvpyrci;, (26., 1. Imt/^p {de conf. ling., 98) ; vfn-fopo; {de congr.er. gr., 98) 97) ; rpo'^eu, Klourfopoq xt pLzyo^Mpo, {ibid., 171 : cf. Preller, p. 2. De Somn., II, 81 ; cf. Preller, Mythologie, p. 509.
;
4.
Qu. in Gen., I, 100, p. 72 (Harris, 19). De migr. Abr., 126. II, 253. Autres lments grecs 5. De Somn
8.
, .
Dieu
oopoc.
i,
Abr.,
M.,
Il,
2^2).
;
7. Atx(7TV3
(de Ab7\,
Dec,
187); et f^livM'^, pLprvp rou (rvvsLzoq [de Jos., 2G5) 4i ) ; <^so-7r6-yj {de festo Coph., 2).
76
DIEU
du monde
intellig'ible.
On
de solution dialectique de cette opposition. Ces deux points de vue sur la nature de Dieu ne sont pas au mme niveau, mais
est
un
ainsi
attributs
moraux
et relatifs
de
la divinit
l'essence
mme
au contraire plac au dessus de tout relatif. Plaons-nous donc au point de vue proprement philonien, celui de l'exprience intime de Dieu. A ce point de vue il est tout fait faux de dire que le culte n'est possible qu'au moyen des attributs de l'Etre. De mme que l'on distingue un Dieu absolu, vrai, et un Dieu en relation avec l'homme, paralllement dans les sacrifices, Philon distingue ceux qui sont faits en l'hoaneur de Dieu tout seul, et ceux qui
relatifs, alors qu'il est
De mutt, nom.,
Ibid.
L'tre est
27.
I, 7O quis rer. div. h., 170; Vita Mos permet de lui donner un nom, de Ahrali
,
2.
?).
indicible
,
il
mais
5i.
les
hommes,
Loco
citt.
DIEU
77
sont faits en
grces, ou
le
nous, pour demander Dieu des remercier ^ Le premier g-enre de sacrifice, l'holo-
ment dans lequel l'me, pour connatre Dieu, s'abandonne ellemme, avec toutes ses facults; c'est l vritablement le culte du
Dieu absolu, et aussi le culte suprieur. Il a fallu, pour y arriver, une transformation intrieure complte, dans laquelle Tme entirement purifie n'est plus dans l monde sensible, ni dans le monde intelligible, ni en elle-mme. Le Dieu absolu ne pourrait pntrer dans l'me, ni l'me en lui. Donc la thorie de l'extase est troitement lie, comme l'a dj fait remarquer Bousset", la thologie. Son Dieu est un Dieu d'exprience intime. Mais si ce Dieu suprme n'excluait pas le culte, et au contraire correspondait au moment le plus lev du culte, pourquoi Philon a-t-il gard le culte infrieur et ne se contente-t-il pas de
l'extase ?
res.
Il y en a bien des raisons tant extrieures qu'intrieuD'abord l'extase est un tat rare, inaccessible la plupart
des
hommes
et peut-tre
le
mme
tous les
hommes, comme
tels
faut-il
donc que
monde
divin ? \
et
De plus Philon est dvot: or l'extase risque d'aboutir une religion purement
et
pratiques
une raison interne plus importante. Antrieurement Philon, on trouve dans le Deutro-Isae ces deux ides parfaitement unies d'une part Dieu n'est semblable personne, d'autre part il a envers l'homme des sentiments de bienveillance ou de colre. C'est de ces deux ides que sont sortis les deux aspects, abstraits et concrets, de la tholog"ie. Or ces deux ides, le prophte les avaient concilies de la mme faon que les concilieront les mystiques de tous les temps, et parmi eux Philon. Jamais un mystique n'a jug- contradictoire, dans son exprience
Mais
il
et
comme un
[n. sacr
la piti
matre avec
le
1.
De
id.^
[\,
II,
2/10.
2.
P. 427.
:
;
comme
de Dieu qaod det. pot. Ins., 93 gO l'abandon de Dieu plus grand mal, 142. 4. Ceux qui ne pratiquent que le culte immatriel se croient devenus des mes pures, de migr. Ab., 90 sq.
3. Cf.
le
1^
mit dans lequel Textase
le
DIEU
plonge.
Il
proprement
comme Mose,
chez Philon, lorsqu'il annonce les lois, tantt est le simple instrument passif de Dieu, tantt converse avec lui. Il est d'un mystique et d'un mystique seul d'affirmer la fois comme Pliilon que Dieu est retir du monde, et qu'il le pntre cependant et le
remplit. Car
le
Dieu chappe pour ainsi dire devant Tme qui la pourcependant Tme a la conscience de son nant et du nant des choses en face de Dieu qui contient tout et qui est tout. Dieu est la fois trs prs et trs loin. Cette conception nouvelle dans l'histoire des ides d'un II. Dieu absolu et transcendant, modifie considrablement le problme des rapports de Dieu et du monde. L'lment divin, fondement et raison des tres, s'obtenait dans la philosophie grecque par l'analyse du monde donn dans lequel on isolait un terme permanent et gnrateur. Telle fut videmment la mthode des premiers physiciens mais telle fut aussi celle de Platon et d'Aristote qui virent dans l'Ide ou la forme, sorte d'essence mathmatique toujours identique elle-mme dans les tres, le genre suprme et des Stociens, qui placrent ce principe dans la force interne qui contient en germe l'volution de tous les tres. Le monde n'est donc pour eux que l'apparition ou le dveloppement mme du divin. Le temps est poui Platon l'image mobile de l'ternit. Au contraire ce qu'il y a de plus important dans la notion philonienne de Dieu s'est form en dehors de toute conception cosmologique, ou plutt en opposition avec le monde sensible. Dieu exclut radicalement de son tre non seulement le monde, mais toutes les proprits d'un tre sensible, serait-ce mme les proprits mathmatiques et idales comme l'unit ou le bien. Il est indubitable cependant que dans la description de la formation du monde, les formules sont empruntes de prfrence Platon, et parfois aux Stociens. Presque tous les passages importants du Time, depuis le chapitre V (p. 27 c), jusqu'au
Tme,
et
suit*,
et
chapitre
XIV
(4i a),
qui traitent
comme
du monde, du dmiurge et des divinits infrieures, vent, plus ou moins altrs, dans l'uvre de Philon^
1.
2.
des passag-es utiliss jusqu' 29 6 est tout entier cit dans l'ordre
:
LE PROBLME DE LA CRATION
79
le
le
monde
(| 7).
y a quelques altrations la
pense et au texte de Platon, elles paraissent venir exclusivement de l'influence stocienne. C'est ainsi que le dmiurge platonicien est remplac par la cause active , et X intelligence de Tunivers (8-10), expressions entirement stociennes \ D'autre part la thorie de la matire immobile et inerte d'ellemme est la thorie stocienne oppose terme terme la thse platonicienne; la formation des lments parle changement de La faon dont le monde cette matire est galement stocienne intelligible est introduit et expliqu, comme la pense de Dieu crant le monde, ne ressemble gure aux Ides de Platon (16-21); le monde intelligible est un modle que Dieu cre dans sa pense pour le monde sensible. Il ressemble beaucoup en revanche au platonisme altr que Snque nous fait connatre ^ De mme l'argument de l'ternit du monde tir de la providence (I 10, II), la dignit et l'honneur du ciel ( 87) paraissent revenir aux Stociens beaucoup d'entre eux (Ghrysippe et Posidonius
;
notamment) faisait du ciel la partie hgmonique du monde, et Ghrysippe donne au ciel les pithtes mmes que Philon attribue
l'intelligence de l'univers
Un
le
pripatticiens par les Stociens (7-9) la formule platonicienne de Taction divine (sis x^t-v s xa^La aywv 6 xoo-p.oTcA(7Tr;) est suivie
suivant opif. mundi, 12 ibid., 16 de provid.^ \, 21 de opif. m., 12 ibid., 7 L'imitation reprend partir deopif. m., 16; de plantt., i3i de provd.,1, 21. de 29 d sur la cause de l'univers (le mot yao se retrouve, de opif. m., 21 de Cherub., 127 quod deus immut., loS; de mut. nom.,l\^); sur le passage du dsordre l'ordre {de plantt., 3). Puis l'unit du monde, 3i b [de op. m., 171 ; de Ebriet., 3o); sur l'emploi de tous les lments dans la formation de l'univers, 32 c {de provid., 1, 21; de opif. m., i^ji quod det. pot. ins., i54; de plantt., 6) sur le mouvement circulaire du monde, 34 a {de opif. m., 122) sur la formation des cercles clestes, 3(5 c {leg. alleg., I, 4 et plus complet de Cherub., 21-24) j sur le temps, 37 d {quis. rer. div. ., i65 quod deus immut., 3ij; 38 6 {de provid., I, 20) ; sur les plantes, 38 c {de Cherub. le discours du Dmiurg-e aux dieux infrieurs, l\i a {de fuga, 69 22) de confus, lingu., 166). Un loge de la vision (47 a) est assez souvent reproduit et dvelopp de opif. m., 53, 54; de spec. legg., III, 34, II, 33o. 1. Diog-., 7, i34; CAc, de nat. d., II, 22, 58. 2. De opif., 9: cf. Time, 3o a, et Sen. Ep., 65, 2 Sextus, Math.^ X, 3i2. 3. Ep.j 65, 7, Haec exemplaria.. deus intruse habet... mente complexus
:
est.
4.
Deop.m.,
i),
x6c<pwTTov xai
80
DIEU
d'une formule stocienne qui lui parat dans la pense de l'auteur quivalente sx o-uy-^jo-scos 8(.xpLc7!.v Nous pouvons remarquer la langue stocienne, au milieu mme de phrases empruntes
:
dans une citation presque textuelle du Time (82 c) que le dmiurge emploie tout entiei pour faire le monde chacun des quatre lments (twv TST-raptov v oXov sWttov), Philon dit qu'il a ordonn la matire dans son oXlov 0).7]v | 5) ensemble (ttiv la matire dsigne ici, comme chez les Stociens, les quatre lments confondus, et le terme
au Time.
lieu de dire avec Platon
;
Au
oXojv est
Il
spcifiquement stocien.
dans
cration du
la cration
monde
reste
assez semblable au
dmiurge
la matire. D'abord si l'on considre seudu monde sensible, Philon admet une matire prexistante; il la dsigne quelquefois mais rarement par des expressions platoniciennes elle engendre toute chose la faon d'une mre '\ Il reprsente les tres, avant d'tre remplis par
platonicien informant
lement
Tessence divine,
comme
'
Mais,
nous l'avons dj vu, il substitue dans le de opificio la matire mobile de Platon, l'tre inanim et immobile du stocisme. La matire suivant cette conception est une essence corporelle qui drive du mlange confus des quatre lments. La cration ne serait alors, ce qu'elle apparat en effet quelquefois, que l'introduction de l'harmonie, de l'galit, du mme dans cette matire confuse ^ Dieu use, pour introduire cet ordre, d'une division qui spare et isole les tres contraires ^ Si le monde est son. uvre (Ipyov), c'est seulement en ce sens qu'il fait apparail les a ordonnes tre les choses, qu'il en montre les natures il en est le dmiurge. La dsignation de Dieu comme pre et crateur ne dpasse pas le Time ^ Philon fait galement ressortir^ mais comme le Time, que la cration est un acte de la
"
;
;
1.
De mme
7,
II,
tcvj
utu^lk, xt
^ TTOtwv TzotorrirKq.
in Gen., IV, iGo, 348; de Ebriet., 61. alle I, 44- t)eci est dj plus stocien. spvjiJLCK, xv, leg 4. Qu. in Ex. y II, 70, 5i8. 5. Qu. in Gen., I, 55, 38; de crt, princ.^ 7, II, 31)7.
2. Qii. 3. sTTLrJ-,
.
6. Ibid.;
7. cdulvzl; rJtrJcf:cvu;,
8. Ibid., 121
9.
De Mon.,
5;
II,
217; Time, 28
LE PROBLME DE LA CRATION
81
il
volont divine, non une ncessit; c'est par bont qu'il a cr; peut les contraires, mais il veut le meilleur V
Il
y aurait pourtant, d'aprs certains interprtes des expressions qui ne seraient comprhensibles que dans l'hy'pothse d'une cration ex nihilo. Dieu, dit Philon, n'a pas seulement amen les choses la lumire, mais celles qui n'taient pas auparavant, il les a faites; il est non seulement dmiurge, mais mme crateur ^ Le mot xt^o-tt,? est le mot employ quelquefois par les Septante pour dsigner la cration \ Philon a donc pu croire, en employant ce mot, opposer une ide spcifiquement juive la thorie grecque du dmiurge. On ne peut pas y la distinction d'une cration du monde voir, avec Drummond intelligible et du monde sensible. Le mot, en l'absence de tout commentaire, reste nigmatique. Un autre texte prsente galement des difficults n Dieu a engendr, avec les corps, l'espace
:
admet d'autre part que la matire est corporelle, il y aurait l une preuve de la cration ex nihilo. Mais il veut dmontrer ici que Dieu n'est pas dans le lieu. De mme, pour dmontrer que Dieu n'est pas dans le temps, il fait voir, avec Platon, que le temps a t cr avec le monde ^ Peut-tre ne faut-il donc voir ici qu'un paralllisme sans grande porte. Ainsi la cration se fait sur une matire^ mais cette matire
et le lieu
S'il
cration
l'action
il
1.
De
7, II,
e).
867
Qu. in Gen.^
55, 38
de op. m.,
21
de
Cherub.,
2.
[Time, 29
O riaioupyq povov V/ xcct xrtOT/j; a'jr; wv, de Soin., I, 76. Dieu est xTt(7TV3;, de Mon. ,1, 3 II, 216. Nous ne pouvons tenir compte des traductions armniennes dans lesquelles, d'aprs la traduction d'Aucher, la matire est prsente comme cre {de Deo, 6, p. 616). L'abb Martin {Philo7i, p. 74) voit la cration de la matire par Dieu dans provident., II, 5o db., dont Eusbe a conserv le texte g-rec (II, 625 3Iang. Mais le mot yzy-Jv dans la parenthse zl h yiy-jzv ovtw vazvjo ('?)^ s'applique au monde, non la matire; Philon, pour rpondre Alexandre envisage successivement deux hypothses lo (ch. 49) si le monde est ternel, la providence est encore possible 2^ (ch. 5o) si le monde est n, Dieu en a t l'artisan par sa providence. E/,tvo qui ne se rapporte rien parat douteux il faut peut-tre lire 6 AO^oq et traduire Si donc, rellement le monde est n, parlons de la quantit de matire . 'E(7-o;/a-c<To ne peut dsigner la cration, mais seulement comme il ressort de la suite qui compare le procd de Dieu au procd dmiurg-ique,
appel
;
l'acte
3.
4.
II,
I,
de l'artisan qui prpare sa matire. Reg., 22, 82: Judith., 9. 12 Sirach., 24,
;
8, etc.
Leg. alleg
., I,
2.
82
matire
:
DIEU
c'est la
pures. Ces tres sont eng-endrs par Dieu sans mre, c'est--dire
et
eux seuls peut s'appliquer le mot de cration ex nihilo. Elle n'est donc pas conue sous une autre forme que comme une production d'ides dans l'intelligence divine. Ce sont ces deux sortes de cration que Philon dsig-ne en distinguant l'homme idal que Dieu a fait (sTOLTia-sv) et l'homme terrestre qu'il a faonn (l7Xa(7v). L'homme terrestre est rCkki^zic, et non yvv7lpLa^ Par ce texte Philon a une tendance attribuer la filiation divine aux tres idaux l'exclusion des tres sensibles ^ Ce qui fait donc l'essentiel de la distinction entre ces deux crations, c'est moins le rapport physique de causalit entre Dieu et la crature que le rapport moral. Puisque tout est possible Dieu, il semblerait en rsulter que la cration ex nihilo ne peut lui tre refuse *. Mais il faut d'abord se demander si l'tre est dig-ne d'une telle origine divine. Seules les choses les meilleures peuvent natre la fois par Dieu (uto) et par son intermdiaire (oi BsoGi). Les autres naissent non par lui, mais par des intermdiaires infrieurs lui ^ La cration ne vient pas de la puissance, mais de la bont de Dieu. Aussi l'tre ne peut-il tre cr par Dieu seul que dans la mesure o il peut recevoir cette bont. L'action divine sur les tres imparfaits n'aura donc lieu que par des intermdiaires plus parfaits. L'ide que Philon introduit dans la philosophie n^est pas l'ide de cration ex nihilo, mais celle de cration
divers degrs et par des tres intermdiaires.
1.
Pour
la sagesse,
de Ebriet., 6i
pour
la
368.
2.
Leg. alleg.,
I,
3i.
III, I,
ler.
3. Cf.
ci-dessous, ch.
Logos
serait le
cachet,
1^7/.
in
Ex.,
II,
122,
548;
ib.,
12Z.
CHAPITRE
LE LOGOS
II
Sommaire
Logos et 't du monde. Phi1. La thorie stocienne du Logos. Le trait sur la division dans le 2. Le Logos diviseur. Ion et Glomde. Le quis rerum divinarum hres et ses complments dans l'uvre de Philon. Le Logos comme principe de changement Logos diviseur et le Dieu d'HracIite. Le Logos comme tre intelligible. Logos unit et Logos (Logos-Tych). 3. Le monde intelligible du Commentaire allgorique est le droit nombre sept. ^. Le Logos comme intermLogos des stociens devenu entit intelligible. Embarras de Philon dans la dtermination de la place du Logos par diaire. La conception du Logos n'est pas destine rsoudre un prorapport Dieu. Le Logos comme parole 5. blme cosmologique, mais un problme religieux. Le Logos culte intdivine. Le Logos divin comme ispq loyo, mystrieux. Distinction du langage intrieur et profr. Le Logos rvlation rieur rvl. Le Logos divin comme apaisant la infrieure l'intuition directe de Dieu. 6. Le Logos tre mythologique, C'est dans la mythologie allgopassion. rique des stociens et du trait sur Isis que l'on trouve unis en un seul tre tous Le Logos philonien, l'Herms de Cornutus, l'Osiris et les traits prcdents. l'Horus du trait sur Isis.
:
Etudier
entier
la thorie du Logos, c'est tudier le philonisme tout un certain point de vue la parole divine retentit d'un
;
;
bout l'autre de la chane des tres c'est le principe de la stabilit du monde, et de la vertu de Tme humaine. Le vice qui est la mort vritable, Tinslabilit des choses qui fait ressembler le monde un songe fuyant, arrivent lorsque les tres se dtournent du logos ou le retranchent d'eux-mmes \ Nous connaissons antrieurement Philon des concepts analogues, le logos stocien, la sophia juive des Proverbes et des Sagesses, la parole (prip^a) de l'Ecriture, Chercher dterminer la part de ces diffrents concepts dans la doctrine de Philon est une uvre intressante et utile. Elle a t entreprise depuis longtemps et en partie mene bien cependant la doctrine de Philon
;
I
Leg. alleg
III,
aa
84
LE LOGOS
mthode d'tude, au lieu d'en fragmente en parcelles que l'on ne sait plus
est rduit voir, et
le
comment
voient en
runir.
effet
On
dans
Dieu
et le
monde;
Il
le
commun
de
pourtant de remarquer que chacune de ces doctrines est bien antrieure Philon^ il serait fort trange qu'elles se soient introduites dans la pense de Philon comme des ides contemporaines et il est, d'autre part, impossible de le
toutes ces ides.
suffit
;
considrer
Il
comme un
le
est
exceptionnel que
elle-mme;
concept
en gnral
la
comme connu
et
nature de ce concept?
:
le
Logos
la
divinit
suprme
Tunivers
il
est la
raison
commune
de toutes
les
parties de
cette conception est prsente et vivante dans les uvres de Philon. D'autre part, ce Logos avec les mmes attributs que chez les Stociens n'y est cependant plus la divinit suprme, mais un intermdiaire entre Dieu et le monde. Nous aurons rsolu le problme de Torigine et de la nature, lorsque nous aurons montr sous l'influence de quelle conception interfrente, le Logos stocien s'est ainsi altr et a chang d'aspect.
:
Notre premire tche, bien facilit par le travail de Heinze, de montrer la prsence d'une conception du Logos, lien des parties de l'univers, issue, pour l'essentiel, de la philosophie
est
stocienne,
laquelle
cependant
il
d'Hraclite et de Platon.
La
thorie stocienne
du logos
taient
L'on sait par un texte de Plutarque % que les Stociens admetun logos de la nature, suivant lequel arrivaient tous les
vnements de l'univers. Ce logos universel (xoivo Aoyo) n'est pas pour eux diffrent du principe suprme, qu'ils appellent nature commune, destin, providence et Zeus.
.
Seule, la Sagesse de
Salomon
d. Gr.^
p. 269).
III,
2,
p. 278 n), la place au temps d'Auguste. 2. De Stoc. repugn ch. XXXIV {St. Vet. Fr.
,
d'Arnim,
II,
85
Philon a accept, sans la transformer, cette notion du logos K il en contient toutes les Le log-os est le lien de tous les tres parties \ les reserre (o-cplyysi) et les empche de se dissoudre * et
;
de se sparer
et
(oiapTao-Sat.)
il
d'eux-mmes vides
la
bants
le
;
(-^ava);
matire;
(oAov
il
forme
oXtov)
^
tissu
est
il
de chaque continu et indivisible ^ Il g-ouverne l'univers, et le pilote \ Philon admet des logoi spermatiques
il
est
rpandu partout
o'/
il
la
et,
chez
le
les
hommes,
Mme
Logos garde
;
mis une fois en parallle avec les cercles de l'ther^-. Philon introduit formellement la notion du logos divin dans le sens d'i^i du monde dans un dveloppement dont on peut retrouver avec quelque exactitude la source stocienne, et o il remplace le mot i^^ par l'expression Oslo Xoyos. Notre auteur rsout cette difficult quelle peut tre la base du monde? dans Rien de matriel n'est assez puissant les termes suivants pour avoir la force de porter le fardeau du monde, mais c'est un log-os, le log"os du Dieu ternel qui est Fappui le plus rsistant et le plus solide de l'univers. Tendu du centre aux extrmits et des extrmits au centre, il court la course invisible de la nature en rassemblant et en resserrant toutes les parties c'est lui que
: :
:
le
pre
fit
lien infrang-ible
du tout
^^
les
parties de se
une
trois
partie de l'argumentation de
1.
Glomde
celle-ci
numre
Comme
l'a
2.
De fuga,
112
surtout montr Heinze, p. 235-245. quis rer. div. h., 188; Qii. in Ex.,
;
II,
118, 545
ibid.,
90, 528.
3.
4.
5.
De fuga, De fuga,
Ibid.
112.
112.
Quis rer, div. h., 188; Qu. in Ex., II, 118, 545. De Somn., l, 245 guis rer. dib. h., 188; Qu. in Ex., II, 118, 545. 8. Leg. alleg., III, 169, 170. il est ordonnateur du cours des saisons; de C/ie9. Vita AIos., II, 124-125 rub., 36; de Migr. Ab., 6. 10. Leg. ad Caum, 8, II, 553 (Fhrdite des princes) de opif. m., 43, leg.
6.
7.
De Cherub., 3o De plantt.,
h%sp^ov xat
,
izuctr^i^-t]
lyov.
12.
13.
79.
10, Ziegler.
14.
I,
i,
p.
86
arg-uments contre
le
LE LOGOS
vide dont
le
deuxime
se retrouve
chez
Philon
Clomde
Et
7)V
Philon^
X-OGp.OU
6
% 7
IzXriiZ
Y.Cfl
^(0
TOU
X.v6v,
El
|7.V St]
X,V0V T
TO
CppTO
v
)(_(OV
Si'
aUTOU
/wOO-pLO,
VOCCTTOV
X,ai
TV OVTWV
PoCp'JTaTOV
oSv
TO
a-UVylV
T
.
XOCl
f;pl'6l
Ta"XVTUOV,
aTp0O
U7i:pl'SlV
auTv Suv|XVOV.
p.7)SV0 T:pl'SoVTO;.
Philon continue en dveloppant le mme argument ^; ce dveloppement manque chez Clomde, qui passe tout de suite au troisime arg-ument pripatticien s'il y a du vide, la substance qui par elle-mme est fluente (-^sopLv/^) se dissiperait et se disperse:
rait l'infini. A ce troisime argument Clomde rpond ceci ne peut arriver parce que la matire a a une \iq qui la contient et la conserve . C'est cette rponse qu'adopte Philon et que nous avons cite plus haut, mais il remplace seulement sit.? par Xo'yo
:
D'une faon assez singulire, il n'expose pas l'argument (le troisime de Clomde) auquel elle s'adresse. Il semble que Philon a utilis la mme source qu'a rsume Clomde, mais seulement en partie et surtout sans vue d'ensemble. C'est ce que confirme encore l'examen du texte car dans la discussion sur le vide, deux hypothses sont annonces en dehors du monde ou il y a du vide ou il n'y a rien ^ Le si \kh t, xsvov, qui commence l'examen du premier point, annonce l'intention de traiter le second mais Philon n'en fait rien et il coupe court aprs un seul argument l'expos du premier point avec une sorte de mauvaise humeur Si Ton veut viter les soupons qui sont dans ces difficults... qu'on dise en toute franchise, etc.. ^ La notion du logos semble donc tellement tablie qu'on peut viter toute discussion ce sujet. Nous voyons donc ici le logos divin prendre la place et le rle exact de l'ei^
8ou.
pripatticien
stocienne.
2.
Le Logos diviseur
On
d'une
1
sait
monde
:
drivait
loi invisible,
tait le
Logos
au milieu
Le
7 (fin)
ou (^a^Tf
/xsp/j
est altr.
La deuxime hypothse est examine par Clomde, ibid., p. 6. videmment les apories pripatticiennes concernant 3. 'Ev rot; rrop/jOto-t le vide. Cette mauvaise humeur peut venir de ce qu'ici le Log-os est li l'existence du vide, alors qu'ailleurs le vide est repouss [quis rer. div. h., 228).
2.
;
LE LOGOS DIVISKUR
87
le
De
sidr
stocisme, drive
un lment du un
comme
de
dans constitution du monde. Philon qui cite si rarement ses auteurs, nous apprend ici que ce dveloppement vient d'Hraclite^ Il y montre successivement les divisions binaires de l'univers (i33 i4i), puis Tg-alit de chacun des deux membres de la division (i4i-2o5), enfin la contrarit qu'il y a entre ces deux membres (2o5-2i5). Nous n'avons pas ici faire
Il nous serait ais cependant de dmontrer qu'elles tiennent une place importante dans Toeuvre de Philon, et que le rapprochement de divers passages nous amne une source syncrtiste, dont la note dominante est rhraclitisme ^ Qu'il nous suffise de voir que sur cette cosmologie se constitue la notion du logos diviseur. Il est g-rossirement compar un
1.
l'a
emprunt
Mose, 2i4,
215
La phrase d'introduction du frag-ment du ^wis rer. div. lier, montre qu'il d'une suite, et que s'il est question ici des divisions de l'univers, il s'ag-issait, dans ce qui prcdait, des divisions de l'me el^du corps. Ce dbut
2.
s'ag-it
III, 5,
comme
il
le
membres
.
du monde sont aussi divises en deux La premire partie de notre frag-ment sur l'g-alit est dveloppe peu prs de la mme faon, de crt, princ, ch. XIV, II, SyS; l'galit y est lie comme ici la justice, iv.'n, qui, comme on sait, joue chez Hraclite un rle important (cf. encore Qu. in Ex., p. 452): ce morceau est d'ailleurs prsent comme
faut savoir
que
les parties
incomplet {hizCkzi-^u). L'ide de l'harmonie des contraires dans retrouve, de plantt., lo Qu. in Gen., II, 64, i49 (Harris, Sg).
;
:
le
monde
se
Le syncrtisme se marque d'abord par la quantit d'exemples stociens qui ne peuvent venir d'Hraclite les quatre lments; les divisions 'f ^Jo-t, rationnel-irrationnel (iSg) la notion de la matire sans forme (oi3(7ta, i33), la division des zones terrestres (cf. Arnim fr. vet. st., II. 195, 6), la division du temps {ib., 3oi), la thorie de la sant. Enfin la notion mme de toulc est identifie celle de la division d'aprs laquelle dans le stocisme les lments confondus d'abord dans la matire se divisent ( i35). 11 y a aussi des sources platoniciennes l'g-alit par analogie des lments ( i53; Time, 32 b; 3i c), l'homme microcosme (Time, 43 d). Ailleurs qu. in Gen., I, 04 (VVendland, 39), la zoun est identifie avec la Tt; platonicienne. Elle a les caractres du concept stocien du destin xo)vOTjOta, etpaoq (de an. sacr. idon., 4, H,
;
:
240).
88 couteau
LE LOGOS
que Dieu
aig-uise
pour diviser
les tres
jusque dans
A cette
En
particulier le
n'est pas
eng'endr\
Quelle liaison y a-t-il entre cette conception et le premier lment de la thorie, le logos stocien ? Le stocisme insistait surtout suY l'unit de l'univers. Le danger de cette doctrine tait
pour Philon, comme il le dit souvent, dans la monstruosit mythique de la conflagration universelle, qui supprimait et la
distinction de l'univers et de Dieu, et l'quilibre stable des parties
et
d'impit, qui
tait
logos^
pourtant celle de quelques Juifs% tait lie la thorie du comme raison sminale commune, Dieu universel dans
Philon a
de
la
sparation
et
de
la
mme
tmoi-
L'on
sait,
par
le
Dieu d'Hraclite est non seulement il est le principe des contraires, mais l'identit des contraires hiver et t, guerre et paix, satit et famine . Philon fait au contraire ressortir avec une insistance qui ne s'expliquerait gure s'il n'y avait une intention de polmique, l'impossibilit d'attribuer au logos lui-mme les prdicats contraires. Tandis que d'aprs Hippolyte, le Dieu hracliten est ysvT^To vvYiTo;, x-zirri Sijji'lo'jpvos, le logos philonien n'est ni inengendr comme Dieu, ni engendr comme nous \ L' Homme de Dieu qui n'est qu'un aspect du logos, comme nous le montrerons ci-des;
1.
2.
Log-os comme principe de l'harmonie des contraires, de leur concorde, de leur amiti Qu. in Ex., II, ii8, 545 ibid., 90, p. 528; ibid.^ II, 67. Harris, p. 68. Il est remarquable que dans le trait du monde du Pseudo-Aristote (ch. V, au dbut), la mme ide se retrouve rattache d'une part une citation d'Hraclite et d'autre part la dfinition stocienne du Log^os {lv. tzvzm'j ^iriy.ovfju ^vvciULiq). 3. Quis rer. div. h., 2o5.
Cf. surtout
;
:
4. Ibid., 228.
5. 6.
7.
saci\ idon., 6, II, 242. Hipp., Haeres. refut., p. 288. Ihid., p. 281 et quis rer. div. //., 206.
De an.
89
lui-mme suprieur aux contraires, et indivisible Le log-os, principe de la stabilit du monde est oppos l'univers lui-mme, qui, la faon hraclitenne, est dpeint comme ballott et branl de haut en bas (a^/w xal xaTw) comme un
est
vaisseau sur la
mer
En
vant la
loi
immuable de
l'quilibre \
Son action
pour rsultat
Logos y
reste l'tre
suprme:
mme et non plus au Logos. Remarquons cependant qu'en mme temps, sa fonction de
{de opijcio m. 33) attribu Dieu
mdiateur
et
d'arbitre^
nous Dieu
fait
et le
monde.
3.
Le Logos comme
tre intelligible
Les Stociens cherchaient l'tre suprme dans une raison sminale qui se dveloppe la faon d'un tre vivant. Platon voyait l'essence de l'tre dans un modle intelligible, toujours identique lui-mme. Ce n'est pas la moindre tranget des ides de
Philon que de voir deux conceptions aussi opposes donner naissance un troisime lment de la thorie du logos, le logos
comme
tre intelligible.
Il
les rai-
un problme: sans
le
la
traite le logos
le
comme
monde
intelligible.
moinCe
monde
n'est
que
il
monde
est toujours le
quis rer. div., 164. dveloppement, 280-237. 3. f. quod deus immut., 173-176: ce passage (concernant les sorts des cits) est la suite d'un dveloppement du de Josepho (i34-i37), galement imprg-n del notion hraclitenne de l'coulement des choses (sur les sorts individuels). Ce n'est qu'une forme hraclitenne du lieu commun de la rvolution des empires que l'on rencontre chez Dmtrius de Phalre {ap. Polf/b., XXIX, 6) et chez Plutarque (de fort. Rom., 1) (cf. encore PoLyb., VI, 9, 10). Mais la fortune est chez Polybe et Plutarque irrationnelle et dissemblable la Sagesse. Chez Philon, elle est le Logos. 4. De opifcio m., 26. 5. Tantt il en est le modle, tant lui-mme imitation de Dieu de fug a
op. m., i34
;
;
De
2. "Arc/yj-o;
90
I.
LE LOGOS
Un
les
donn par
au logos. Le Logos,
comme
principe du
(sv
monde
intelligible est,
la
chez
ou
;
|j.ovor).
parole
incor-
elle
mme:
unit.
le
augmentales
et
elles
ne sont resserres
logos divin
))
Le logos, tant principe de l'union dans les tres est en soi unit. Nous entrevoyons d'autre part dans les sources de Philon, une thorie des intelligibles dans laquelle le monde intelligible ne serait autre chose qu'un ensemble de logoi chacun d'eux est une des units qui par leur composition produisent le nombre u Dieu parle des units (kcflzl ikovoL^a *. Les logoi eux-mmes sont indivisibles et indcomposables ^ Le nombre infiniment infini en composition l'analyse finit l unit, et c'est en partant de l'unit que, par composition, on obtient la multitude indfinie , dit Philon peu aprs avoir mentionn le logosmonade c'est--dire que toute multitude est un nombre compos d'units. Ces units sont en elles-mmes sans mlange et, dans le monde intelligible, ne se composent pas les unes avec les autres. Le monde intelligible, conclut-il, a une unit monadique ^
;
;
;
12; leg.
monde
alleg.,
1. 2.
'
alleg., 19-21. Tantt au contraire il est directement le modle du sensible, et par consquent absorbe en lui tous les intellig-ibles leg.
.
96; de confus, ling 97. Cf. Schmekel, Die Mittlere Stoa, p. 4o3. Pi.Lot.rj,ofiSiv quod deus imm., 83 notre lang-ag-e est oppos au
III.
;
Logos divin comme la dyade la monade. t/wv 3. Quis rer div. A., 187, 8. L'unit
.
:
soO
logos qui
p. 329).
n'est
prcisment que
spec. leg.^
le
Cf. pov;
stxrjjv
atrtou
irprTov {de
III, .32,
Il y a fusion dans ce passage entre le stocisme et le no-pythagorisme. Il admet cependant [Qu. in Gen., 1, 45, 12) une distinction entre la puissance unifiante qui lie les tres et l'unit, premier nombre. l\. De confus, ling .,^1
5.
6. Ib,, 190.
91
Nous rencontrons
de
le log-os et le nombre sept le monde intelcompos de sept termes dont le principe est le ciel puis viennent les ides de la terre, de l'air, du vide, t ensuite celles de l'eau, du souffle et en dernier lieu de la lumire. Le ciel comme fixe et indivisible (dans le Time, le cercle du mme) est un et premier par rapport aux six autres cercles plantaires
mme
nature entre
lig-ible est
(le
cercle de l'autre)
le
septime terme,
la
lumire, est
le soleil
intelligible,
modle du
nous
apparat aussi
comme
le
triades l'ensemble
des
il
est,
continue-t-il
Timage du logos divin . Le terme nous remarquons d'abord que ce soleil intelligible est proche parent de l'ide du bien de Platon, et que le bien est chez Philon, toujours une imitation du logos non le log'os^ ensuite que le logos lui-mme est souvent dsign comme nombre sept. Cette identification n'apparat pas dans le de opiJicio, mme pas dans le trs long dveloppement o sont numres les proprits du nombre sept (89-129) elle devient, au contraire, dans le Commentaire allgorique, un principe admis. Quelques particularits du logos, sans cela assez incomprhensibles, s'expliquent naturellement comme proprits du nombre sept: Il y a six divisions, est-il dit dans l'appendice de l'abrg
dans
le
de opificio (3i)
si
slxwv s'expliquera
sur la division,
les triades ))^
les six
le
le
le
dans la progression morale des six patriarches partir d'Abraham, Mose qui est par ailleurs identique au logos, est le plus parfait et le septime ^ Dans l'me mme, le sensible en nous s'arrte et nous passons l'intelligible suivant le logos du nombre sept\ De cette identit rsulte aussi le symbolisme du logos angle droit*, le premier triangle rectangle ayant pour cts de l'angle droit trois et quatre^; de mme que le logos est intermdiaire entre le corporel et l'incorporel, le septime terme d'une propuissances divines*
Quis rer. div. h., 222. Log-os suprieur 766t; de Cher.^ 27. 3. Quis rer. div. h., 219.
1.
2.
4.
Qu. in Ex.,
1.
5 et 26).
5.
De
7.
8.
97.
92
LE LOGOS
et
carr,
c'est--dire
relle
symbolises par
donc conu comme La spculation sur le logos comme intelligible se rattache aux spculations sur les nombres tardivement, car les traits du Commentaire o nous l'avons rencontre, paraissent tre les dernires uvres de Philon. IL Le monde intelligible^ dans V Hexamron % tait conu comme Ta srie des modles des tres psychologiques et des dis-
est
positions morales.
le
sensation, l'ide de
la faon dont se dvemorales du monde terrestre, nous pouvons supposer comment Philon entendait le monde intelligible. Dieu cre, correspondante la sagesse divine, une sagesse terrestre, identique au droit logos et la vertu ' cette vertu est la vertu gnrique qui elle-mme engendre les vertus spcifiques ^. La vertu terrestre (op9os Xoyo) est l'imitation d'un archtype qui n'est autre que le log"os divin ou sagesse divine. Il doit donc y
loppent
les dispositions
avoir un
bles,
monde intelligible de vertus, modle des vertus sensiun monde moral idal, modle du monde moral terrestre.
si elle
n'tait
confirme par
voY|Tal psTat
modles
et types
mode de conception
nous
et
intresse, c'est
dres
comme
des logoi.
amis de
il
l'opGo Xoro;
vertu...; lorsque
Dieu spara et divisa les peuples de l'me..., posa les bornes des tres drivs de la vertu ^ en nombre gal aux anges car autant il y a de logoi divins, autant il y a d'espces de races et de vertus. Quels sont donc les lots
alors
;
1.
Ib
92.
et
Trait perdu qui prcdait le premier livre des Allgories le premier chapitre de la Gense. I, 21-22 (yvtxov vorjrv et to-/jTv. 3. Leg. alleg
2.
expliquait
4.
6.
7.
Leg. alleg.,
65.
I,
5. Ibid.,
ling.^ 81 o ^oywv Ostwv revient vovjrat; Phdre, 247 d-e. 8. Twv osTvi xyovM-j qui dsigne les vertus spciales.
De confus
p7t;.
93
chef
?
commandant
il
et leur
La
genre lu Isral
s'ag-it
dans ce texte
^
les logoi
aux vertus
tant
l'ide
les
de la vertu gnrique. Ce
les
de
la
nature
engendre
Sovxa)
nombreux passages o
la
temprance parle
du logos de
de la temprance
la
*.
Remarquons que
pourtant a un
effet
le
:
moral. La parole
est le principe
comme nous
le
le
verrons est
tel
un remde pour
dans notre logos
mauvais; rien de
non de la cessation du vice; il se montre aussi fort diffrent du logos TotjLsu la fois principe du bien et du mal ^ Nous sommes dans un cercle
de
la vertu,
le
logos dont
il
s'agit ici
est
le
droit
comme
le
modle idal
des vertus.
D'abord en effet la doctrine morale stocienne de l'opOc Xoyo est incorpore tout entire et sans modification l'uvre de Philon sans aucune tendance platonicienne. Le droit logos est en certains passages identique la vertu c'est suivant son ordre que s'accomplissent les bonnes actions ^ c'est un logos il est le spermatique qui est gnrateur des bonnes actions pilote et le guide, il est le mari de l'me qui par lui devient fconde en vertus^ tout ce qui est sans logos est honteux; tout ce qui est avec lui est ordonn^ le mchant a retranch de lui le droit logos, il s'en est dtourn ^\ il agit contre lui Celui
*^
1.
De
Cf.
post.
C,
I.
2.
3.
4.
note
loyov
tvj
rssta k^zx-nq
99
quod
Le
log'os se
rapproche par
I,
6.
7.
Leg. alleg
.
III,
i48
quod.
det. pot.,
149;
qnod deus
9. Ko(xix.iu,
ib.,
i58
;
de Somn., Il, 198. Post, Caini, 24; quod deus imm., 126.
25r-252
94
LE LOGOS
qui peut user du logos est raisonnable koyv/.) ; celui qui ne peut pas ou ne veut pas est sans raison et malheureux * ; c'est le
logos qui fait obir les sens et la partie irrationnelle de
il
Tme
^
;
est
il
et
il avertit, il instruit % chef et guide du compos humain il est le principe de la vertu et des sciences " et conseille
;
aussi de la stabilit
du sage
^
;
il
jugements sur
la
coutumes ^ et il est lui-mme une loi incorruptible \ ou encore La loi. n'est rien qu'un logos divin qui ordonne ce qu'il faut et il blme aussi Lorsque le logos dfend ce qu'il ne faut pas sacr est dans l'me, il n'y a aucun danger de pch, mme invo:
lontaire
tt
mais
s'il
commencent
les
gurissent les maladies de l'me, donnent des conseils, entrapar ses rprimanIl dtruit Topinion vaine nent la vertu
des *^ Ainsi le logos est la raison morale naturelle, la loi telle que les stociens la comprennent. Nous voyons chez Philon, comment, pour eux, cette notion de la droite raison dans la conduite se rattachait la notion du logos dans la nature la vertu est comme un principe d'unit (psTri svcocrsoj;) le vice, c'est
;
;
le logos a donc, au moral, le mme spermatique et fconde les facults il est physique, qu'au rle humaines. Aucun de ces passages ne dpasse beaucoup les notions morales communes des Stociens. Mais Philon les quitte entirement,
la
dispersion et l'instabilit
morale en monde
129.
intelligible.
De Cherub.,
89
cf.
passages, le logos tient la place du vou platocf. Mg7\ Ab., 60-67. nicien, quod det. pot. ins., io3 ii3. 3. De post. C, 68; de mutt nom.
2. Ici
4. Ibid., 142.
5. Ibid.,
1
'
36-1 53
;
de gig.,11.
;
6.
7.
De
gig., 48
90.
8.
9. Ibid.,
10.
De Migr. Ab.,
i3o, c'est la
I,
6,
18
Katio
summa
insita in natura,,
que contraria
. Cf. le
quae jubel ea quae facienda sunt, prohibetrapprochement vopto xi ).6yo [de Somn., II, 223).
et invent., 6, 118.
de fuga
68-69.
96.
13.
14.
95
le
conu tantt
comme un guide
le
est
mme
mais
cipe de ce
lui-mme (monde intelligible ou prinmonde) qui guide l'me humaine. Pour la deuxime
il
conception
que
la
raison
(vou xal
un
souffle
(izye^cf.),
une
empreinte
d'un caractre divin, une image de Dieu . C'est le logos divin lui-mme non la sagesse terrestre qui guide et reprend Agar ;
bien plus
reprsents
les
vertus et parfois
mme
et
les actes
du sage
sont
comme
l'homme se distingue en homme idal, et homme terrestre ou compos; cet homme idal lui-mme n'est pas directement l'image de Dieu, mais a t fait suivant une image de Dieu (xax'slxova GsoG) qui est le logos il y a donc quatre
plus complique;
;
termes
Dieu, logos;
homme
xaVs 1x6 va
homme
terrestre
dans
restre est
ou droit logos qui guide l'homme terelle-mme terrestre et imitation d'un modle cleste.
Lorsque
deux logoi
n'est
point indique,
intelligibles.
logos
comme
deux
logoi, et cette
fluctuation dans la
pense de l'auteur
tifier
le
stocienne),
donner
l'homme
la
puissance de proil
faut donc carter l'homme comme un principe suprieur et transcendant vers lequel il doit monter; l'homme n'est dans le logos et la sagesse qu'en puissance^; croire que son intelligence peut
ce logos de
les intelligibles, sa
le
sensation atteinla
plus possible de
On comprend donc
la ncessit
le
la fin
de
Migr. Ab., 129. Leg. alleg., I, 53-56 l'homme n'entre dans le paradis ( n'a des notions de la vertu) que pour en tre chass bientt aprs.
1.
2.
96
LE LOGOS
son progrs. Mais lorsque ce log-os divin sera atteint chez les parfaits, il n'y aura plus de diffrences entre l'me parfaite et le log-os elle ne sera pas g-ouverne par le logos, elle sera ellemme logos \ D'autre part pour rendre possible ce prog-rs, il faut chez l'homme une facult rationnelle (Suvapi!.; Xoyixrj) et au moins une possibilit d'y atteindre c'est ce plus bas degr
;
que se place la sag-esse humaine, elle est le germe de bien dont aucun tre n'est priv ^, la notion inne ou commune du bien qui fait que l'homme ne pourra excuser ses fautes sur son ig^norance
^ j
elle est
un
souffle lger
(tcvo7j)
'^j
et
non
le souffle
puissant
(TtvsOjjia)
mais
elle n'a
logos divin.
Que cette ncessit d'un logos transcendant distinct de la simple facult morale des stociens soit bien la raison dterminante dans la construction d'un log-os moral idal, c'est ce que prouvent d'une faon dcisive les rares passages o Philon fait
allusion aux ides d'allgoristes juifs antrieurs sur
le
logos
en premier lieu dans le dveloppement du de plantatione^ 62 suivant quelques-uns, dit Philon, l'hritage dans lequel Dieu doit nous placer, c'est le bien (to yaGov), et la prire que Mose u nous qui commenadresse Dieu signifie sj^mboliquement ons peine apprendre, introduis-nous dans un logos lev et cleste . Le log-os est donc chez ces allg-oristes, le Bien que nous devons nous efforcer d'atteindre. De mme dans un autre passage ^ Philon citant des interprtes d'un verset de VExode, dit que suivant leur opinion a tant que l'intellig-ence croit comprendre srement et parcourir les intelligibles, ou la sensation, les s.ensibles, le logos divin est bien loign; mais lorsqu'ils avouent leur faiblesse, aussitt se prsente, en lui ten:
:
Le donc oppos au vou, comme un tre transcendant qui ne peut apparatre dans l'me que si le voj lui cde la place. Philon ^ admettait donc une interprtation platonicienne du logos qui en assurant son indpendance, rpondait aux condidant
la
main,
le droit
)>.
log-os est
tions de la pit.
1.
Aoyot
=11
I,
127.
2.
Leg. alleg
Ibid., 42.
34
fin.
4.
5.
De Somn,,
I,
18-1 19.
Et peut-tre mme les allg-oristes antrieurs qui semblent identifier loyoq et T yav (l'ide platonicienne du bien).
6.
LE LOGOS
COMME
iUllE INTELLIGIBLE
97
le loj^os
Rpandu
ensemble,
les
contenant
apparat au 'premier
abord
le
un
tennes,
forme cette notion, compose d'ides hracliplatoniciennes. La conception hraclitenne du log-os diviseur est si imprgne d'ides stociennes que l'on ne peut gure douter que ce syncrtisme drive du stocisme. Comment le troisime sens, le logos comme pense divine cratrice du monde, est-il venu s'ajouter aux deux premiers et se fusionner avec eux? La conception de la pense divine prsente deux formes sous sa premire forme, elle est
s'est
Gomment
stociennes, et
en rapport avec une thorie des nombres ; le logos est soit l'unit, principe de tous les autres nombres, identifis leur tour avec les logoi ou les Ides, soit le nombre sept, qui, d'aprs les thories no-pythagoriciennes, est identique l'unit. Le logos unit des no-pythagoriciens est intimement uni, dans un des textes que nous avons cits \ au logos lien du monde des stociens. Dj au dbut du de opificio nous avons rencontr une fusion analogue du Dieu cause active et du Dieu suprieur la vertu et au bien. Donc le Dieu-monade, que nous connaissons comme celui des phythagoriciens est interprt comme logos, et par l mme le logos devient Ide. Schmekel ^ a prouv, en analysant
les
sources du de
la
o/)(/Zc/o
:
que
c'est
du stocisme lui-mme
qu'tait
venue
Posidonius a modifi la thorie de Platon sur les Ides, qu'il a identifies d'une part avec les forces actives ou logoi spermatiques du stocisme, d'autre part avec les nombres pythagoriciens. Or Philon a utilis, dans le de opificio, le commentaire du Timede Posidonius. Mais reste l'autre forme de la pense divine, le monde intelligible, comme compose des
fusion
tres
moraux
et
Ici
encore
la
thorie sto-
cienne de
ligible.
la droite
conu
comme monde
intel*
1.
2,
Quis rer. div. h., 187-188. Die Mittlere Stoa p. 43o sq.
,
L LOGOS
4-
no-pythagori-
pensaient avoir trouv un principe dernier d^explication de l'univers. Rien, dans ces doc^ trines que Philon accepte, et dont il nous fait connatre quel-
ques parties avec grande exactitude, ne peut faire prvoir que le logos n'est qu'un intermdiaire entre Dieu et le monde, d'un degr infrieur l'tre suprme. Il est aisment comprhensible que Philon, en soutenant une pareille ide, ait rencontr des contradicteurs chez ses contemporains. Gomment en serait-il autrement, puisque lui-mme, s'il spare en thorie Dieu et le logos_, aboutit souvent en fait donner les mmes attributions
fort embarrass pour dterminer la place du Dieu suprme et du logos dans la thorie des principes. C'est une des parties les plus faibles et les plus inconsisne se trouvant videmment soutenu tantes de cette doctrine par aucune grande cole philosophique grecque, il tente seulement de s'y rattacher par des liens bien fragiles. C'tait un des mrites dont les Stociens se vantaient le plus
se trouve
:
d'avoir mis
fin,
dans
la
essaim de
causes
tence d'un tre, pour les remplacer par une cause unique, dont
justement le logos ^. Aussi est-il bien trange de Voir Philon^ dans le problme de l'origine du monde, faire appel la thorie pripatticienne des quatre causes, et encadrer le logos comme simple cause instrumentale entre Dieu, la cause formelle, la bont, cause finale, et les lments, cause matrielle ^ C'est pourtant une des formules prfres de Philon, qui aime considrer le logos comme l'organe dont l'artiste divin s'est servi pour modeler le monde
est
un aspect
Leg. alleg., II, 86 le log-os est le second g-enre, et Dieu le premier et le logos est le premier g-enre. Tantt c'est Dieu qui est l'Ide suprieure, tantt c'est le Logos (cf. ci-dessus, ch. pr et ch. H, 3). Tantt c'est Dieu qui divise les tres, tantt le logos. Dieu est la force qui soutient le monde (cf. ch. P') cette force est le logos (ci-dessus, i*"'). 2. Sen. Epist. 65, 11, (Arnim, Fr. vet. St. II 120). 3. De Cherub., 127. de Migr. Abr., 6 (o'pyav&v, di'o^j) ; quod deus imm.: 4. Leg. alleg., 111, 96 le logos par lequel {u) Dieu a fait le monde. Philon a pu tre amen prs de cette conception par la, thorie du log-os diviseur.
1.
:
99
Mais ce n'est pas la seule lorsque le logos par exemple est conu comme la pense de Dieu en tant que crateur, ou comm fondement idal de la vertu, il se rapproche beaucoup plus de la cause finale du monde que de sa cause matrielle ;et, de fait, il est presque identique l'Ide du Bien \ Philon rattache encore bien artificiellement quelques problmes de philosophie grecque la ncessit de distinguer entre Faction de Dieu et celle du Logos. Il admet sous Tinfluence de Platon que Dieu qui peut la fois le bien et le mal, ne veut cependant que le bien \ Or il trouve dans le logos, conu suivant une inspiration hraclitenne, comme le hasard, le principe des contraires, du bien et du mal. Auprs de lui le bien et le mal sont accomplis c'est le logos divin... pilote et surveillant de l'univers qui nous fait participer aux biens et aux maux 3, C'est lui qui dtruit la guerre, dissipe nos dcouragements et Le logos seul nos dsespoirs et proclame la paix de la vie peut tre principe des contraires, mais non pas Dieu. L o il y a couple de contraires, en effet, il y a ncessairement bien et mal ; l'un est rceptacle d'une bonne, l'autre d'une mauvaise ^. De plus il y a ncessairement guerre et changement, ide car les contraires s'attaquent et cherchent se dtruire. Or Dieu ne peut tre principe que du bien. Ds qu'un tre contient la fois mal et bien, le logos intervient dans son principe. Ainsi c'est le logos non Dieu qui est principe de l'asctisme, mode de l'me caractris par le retour au mal ^ Les puissances (intermdiaires analogues au logos) participent avec Dieu la cration de l'homme qui est mlang de bien et de mal \ On comprend par l comment le Logos peut tre infrieur Dieu. On ne peut attribuer en ceci Philon, Thonneur d'une solution du problme du mal. Le Logos, en effet, lorsqu'il apparat dans le monde intelligible comme le modle de la vertu, ne peut tre une explication du mal, mais seulement du bien chez l'homme. L'union des deux conceptions de Platon et d'Hraclite fut bien plutt une occasion, pour introduire dans le problme
: ;
((
)^
1. Cf.
ci-dessus
le
logos et l'intellig-ence
et
de plantt., 52-53.
2.
3.
4.
5. 6. 7.
II,
I,
1
33, p. 92.
15.
De confus,
100
LE LOGOS
philosophique de Forigine des tres, une distinction entre Dieu et le Logos, qui en ralit ne drive nullement de la position de ce problme, mais bien de conceptions religieuses d'une origine et d'une nature tout autres. Ce n'est pas du ct des thories philosophiques et cosmologiques qu'il faut nous tourner pour comprendre la place du Logos. 11 faut plutt considrer Dieu et le Logos comme objets de culte. Philon veut, en distinguant Dieu et le Logos, sparer leur culte, et sn montrer la hirarchie. Chez les Stociens, les trois fins vivre conformment la nature ou au droit Logos, successives ou Dieu n'taient pas distinctes. Philon, lorsqu'il ne traite pas la question pour elle-mme, emploie indiffremment lui:
mme
les trois
expressions
xo)vO'j9w
xaT'l'-^vo
opGoO
Nous retrou-
vons ailleurs la mme triple division, mais l'auteur y marque plus nettement la hirarchie des trois termes ceux qui aiment mais, s'ils ne le poula science il convient de dsirer voir l'tre vaient pas, au moins son image, le logos trs sacr, et aprs lui l'uvre la plus parfaite dans les sensibles, le monde ^ Lorsque l'me humaine s'lve vers Dieu ces trois termes marquent les tapes successives de sa monte lorsqu'Abraham a abandonn la terre chaldenne, c'est--dire la croyance la divinit
:
du monde, alors
sations
;
il
commence
se connatre
lui-mme
et ses sen-
et lorsqu'il
abandonne
les sensations
et les sensibles,
logos)
s'est
peut contempler les intelligibles (c'est--dire ouvert ^ Lorsque par un mouvement inverse
la
l'ascte
abandonnant
il
la vie
sensible,
le
du monde
la pit.
est
srie d'intermdiaires
que
fait,
tre parfait
rend Dieu
et
de
1.
cf.
le lang-age
habituel;
7vsOso-0t
cf.
2.
De confus,
ling., 97;
de plantt., 48-73.
3.
f\.
101
les tres parfaits sont eux-mmes des log-oi ou au moins arrivs au niveau des logoi K Le culte du Logos, au milieu, est celui des tres imparfaits, encore dans le monde sensible,, mais qui
le
bien
5.
des mystres, qui Il existe en Egypte, Tpoque de Philon, ont chacun leur Ispo Aoyo;, parole sacre qui ne doit pas tre rvle, et par laquelle les vrits concernant les choses divines
sont rvles
si
le
Pentateuque,
souvent
nomm par
lui
discours sacr
apparaisse Philon
comme
l'objet d'un mystre dont Mose est le hirophante ^ Bien il entendu, ce terme n'a ici que la valeur d'une comparaison mystres, dans le judasme de en un sens s'agir positif et peut ne
:
rel.
C'est
qui permet Philon de donner cette ide un sens intrieur et spirituel. Le Logos sacr ou divin est pour lui cette parole intrieure, rvle
le
secret de son
me,
et
-dire le culte
paratre
le
mme mot
monde
et
considre
comme
mme
qui
mne
le
Le culte intrieur
1.
de la notion du Logos. n'est pas contenu tout entier dans les senti-
lui-mme
le.g
.
2.
3.
sage est g-al au monde, sacr. Ab. et C, 8, tantt au log-os type moral du grand-prtre et des Lvites) {fuga et invent., i lo alleg., III, 43; de sacr. Ab. et C, i3o). De Somn., l, 2^0, ; leg. alleg .y\Uj 20^]. Cf. en particulier pour les mystres isiaques, Plutarque, de /s. et Osir,,
Tantt
le
(le
ch.
4.
ler.
:
De Somn., II, 1G4 hirophante, dit-il en s'adressant Mose, parlemoi, guide-moi, et ne cesse pas les onctions, jusqu' ce que, nous conduisant l'clat des paroles caches [iiowj Aoywv), tu nous en montres les beauts invisibles aux profanes . 5. Le culte est la voix qu'entend l'me purifie et les paroles mortelles (OavKTwv loywv) dont Dieu l'emplit {Mut. nom., 270). De post. C, 79 sur le logos que Dieu lui-mme rvle au sage autodidacte. 6. Cette route royale (vers Dieu) que nous disons tre la philosophie, la Loi l'appelle parole et langage Q.oyo'j xa't ov/^a) de Dieu . De post. C, 102. Cf. les logoi des sciences quoddet. pot. ins., 11^; de fuga, 200; ib., i83 Migrt. Ahr., 70.
:
102
LE LOGOS
ments pieux de Tme il comporte, outre ces effusions, un dveloppement rationnel sur la divinit il a pour charge l'explica;
;
(t7]v
^;
twv ylwv
^
0!.7]y7](7!.v)
et
il
est
Tinter-
le
et
les
mag-nifiques
discours sur
Pour pratiquer
l'adoration,
ou les divisions des parties du monde, des races humaines, des parties de Thomme ^ C'est dire que la prire est non pas effusion dsordonne, mais dveloppement philosophique et divis en chapitres avec leurs
toc /.cp).a(.a xal Ta sl Ixacrrov TroSs'l^sL) ^ Le donc un mlange de prire et de rflexions philosophiques dont l'uvre dePhilon lui-mme nous prsente le meilleur modle, et qui sans doute tait en usage dans les cercles religieux dont il faisait partie. Il est par un certain ct le triomphe de la religion rationnelle \ Seulement ces paroles ne sont pas des formules extrieures et verbales. Mose ou Abraham parlent avec Dieu non par la bouche et la langue, mais par Torgane de l'me, qui n'a pour auditeur aucun mortel, mais seulement l'incorruptible ^ Les Lvites qui, symboliquement, sont les logoi divins, abandonnent toutes les facults sensibles, y compris le langage ^ Suivant le commandement du silence impos par les mystres, Philon pense que la parole extrieure est impropre au culte et la vrit Il n'est tout au plus qu'une chose indiffrente dont on peut faire C'est ce propos que Philon introduit bon ou mauvais usage
dmonstrations (tU
culte est
1.
2. 3.
4.
5.
6.
7.
Quod det. pot. ins.y iZ^ Leg alleg III, 82. De Somn, II, i85. Desacr. Ab. et C, 84. De An. sacr. id., 6, p. De sacr. Ab. et G., 85.
.
243.
Le culte
est la
8.
Quod
']i de Ebrietate, 70. Migr. Abr., 12; recommandation du silence dans le culte rfe Ei^r., 71 de fuga, 92: quis rer. div. A 71 cf. de fuga, i35-i3G; h^^yj^ et r.oy^h runis; de gigant., 52, 11. Cf. le langag-e du bon et du mchant quis rer. div* h., 109-110. Le mauvais usage du langage de mut. nom., 238, 240-242.
9. Ibid.^
10.
LE LOGOS
COMME
J'AROLE DIVINE
103
int-
sa fameuse distinction,
rieur (Xovo
vo!.9T0s) et
En son
sens pri-
mitif, cette distinction est celle de la pense intrieure restant dans l'me et de la pense exprime au dehors. Les Stociens admettaient une pareille distinction ces deux lang-ages ne sont, en ce sens qui est admis d'ailleurs par Philon, que deux facults humaines ^ Mais il faut bien admettre que cette parole intrieure est identique au logos divin rvl au sage. En effet la distinction en question est identique celle de l'intelligence et de la parole profre qui en drive". Or l'intelligence, en tant qu'intelligence du sage est gardienne des dogmes de la vertu , paroles divines s'oppose, et des paroles de Dieu \ A ces dans le passage mme, la parole du sage lui-mme, par laquelle il enseigne aux imparfaits les dogmes de la vertu. Nous ne voyons donc pas que les penses intrieures du sage soient autre chose que le langage divin lui-mme *. Le langage divin est oppos au langage extrieur, driv du choc de deux masses d'air, comme l'un la djade ^ Pour un moderne, le mot est le signe d'une pense mais il n'a en lui-mme, comme son, aucune ressemblance avec la pense. C'est au contraire une conception que l'on rencontre souvent dans l'antiquit, et en particulier chez Phlon que la parole garde, attache elle-mme, quelque chose des penses qu'elles exprime ^. Les paroles, tant en elles-mmes les ombres des choses ^, sont non seulement le moyen que l'homme a d'arriver
;
'< ;
1.
Vifa Mos.,
Il,
127
de Migr. Abr.,
71
ibid., 81,
tion (^ivoi-),6yo.
2.
quod
Quod
4.
se
beaucoup discut sur cette question, si le double logos del'homme rencontre aussi en Dieu le passade du Mose (II, 127) contient en effet
a
:
On
double log-os d'une part en Dieu, d'autre part chez l'hcmme. Les deux logoi de Dieu, celui qui se rapporte aux ides et celui qui se rapporte au monde sensible correspondent-ils au logos intrieur et profr de l'homme? Oui, dt Heinze (p. 281); le premier logos divin est la pense divine du monde sensible, restant intrieure le second c'est la pense se dveloppant dans la cration extrieurement. Mais lO les deux logoi divins s'expliquent, comme nous le verrons plus bas, par la mythologie allgorique 2^ le logos intrieur de l'homme n'est autre chose que la parole divine elle mme* 5. Quod deus immut., 83, 6. Thorie de Platon reproduite par Philon, Qu. in Gen., 1, 20, o. Les mots du langage reprsentent clairement et immdiatement les choses mmes. 12, 7. De Migr. Abr.
l'affirmation
; :
;
d'un
104
^
LE LOGOS
ordonnes ^, distinctes \ mais sont encore des penses fixes en elles-mmes une espce de pense infrieure. En particulier le logos ou parole de Dieu est une ombre de Dieu mme % et les paroles de rvlation qu'il met dans l'me pieuse koyoi xal p7]|jiaTa) ne sont pas difFrentes des penses (vG'j[jir|[j.aTa) ^. Nous comprenons par l comment le Logos divin (identique
la parole rvle et
au culte intrieur), est comme une notion dgrade de Dieu, un second dieu propre aux imparfaits. Le Logos est un discours, une formule qu'il faut dpasser pour atteindre la vision directe de TEtre. Il est infrieur Dieu comme Toue par laquelle le langage nous instruit, la vue qui nous fait voir les tres \ Atteindre le Logos divin, c'est donc arriver une formule divine, qui, dans Fme, exprime Dieu c'est par consquent non pas comprendre Dieu, mais que Dieu est trs loign du devenir. Abraham, dans sa recherche de Dieu s'arrte, lorsqu'il a rencontr les logoi divins car il a vu qu'il tait engag dans la poursuite d'un tre qui restait toujours une distance infinie \ Le Logos spare et unit la fois Dieu et l'me, il est d'une part une borne limite (opo;), une frontire entre le sensible et la divinit ^ D'autre part en tant que prire comme et culte, il est auprs de Dieu notre supplication grand-prtre, il prie pour le monde entier dont il est revtu Par une association d'ides naturelles, il comme d'un habit n'est pas seulement l'enseignement divin, mais le hirophante lui-mme qui, suivant une expression qui fait une allusion certaine aux mystres, doit changer nos oreilles en yeux , nous faire passer de la rvlation apprise l'intuition directe ^\
;
;
1.
2.
3.
De Agric.^ i33. Leg. alleg., 111,96. 6. Migr. Ab?\, 80-81. 7. Il ne faut pas prendre la comparaison au pied de la lettre ; le loir^-os tant par ailleurs non une formule, mais le rayonnement du soleil divin, parat tre parfois un objet de vision [Migr. Abr.^ 49-52 de Somn., I, 164 quis
4.
5.
; ;
Somn., I, 66. Quis rer. div. h., 2o5 quod deus immut., 79 6pM xt lyM. " 10. De sacr. Ab. et C, 119; de Somn., 1, 142 Migr. Ab., 122. 11. Vita Mos., de mon., l, Q. 12. Comme le hirophante qui, dans les mystres d'Eleusis, est charg d'abord de dire les formules mystrieuses {uTToppcTu), puis de faire voir les objets sacrs. Lysias, VI, 59, cit par Foucart, Personnel et crmonies des myst. d'Eleusis.
;
: ;
105
Cette relig"ion des imparfaits nous conduit au cur mme de la pense de Philon, sa proccupation constante d'une religion humaine faite pour les malades de l'me, pour ceux qui sont encore subjugus par la sensation et la passion \ Les parfaits qui comme Mose n'prouvent plus ni la passion (Bu'jlo) ni
le dsir (7w'.9'j[jiia) peuvent se passer des secours du logos. G'est Dieu lui-mme qui lui donne le bien, tandis que le Logos divin soigne fait seulement viter le mal -. Il rprimande, conseille il a sur elle cette action apaiIl n'extirpe pas les passions, mais sante et calmante que Platon attribuait autrefois l'intelligence. S'agit-il en effet des remdes du 9u[jl; et de r7r9'j|j.'la ? Ce n'est pas l'intelligence qu'il faut faire appel pour les refrner et leur imposer comme guide et comme pilote la raison n
^
;
c'est la
parole
distincte et exacte
(xxpt,|i.vo
xal
oox'.tjio;;)
son exactitude aux mensonges du dsir ^ Cette puissance, elle l'acquiert uniquement parce qu'elle vient de Dieu, et elle ne
peut donc la possder que dans une me sanctifie au service de l'Etre. Philon n'admet aucun des moyens humains que les la notion moralistes indiquent pour l'apaisement des passions
:
(xaQyiVvOvttov,
xaTop9w|i,Twy),
celle
des lois
vue proprement religieux est entirement substitu au point de vue moral; toute amlioration dpend de l'action de la parole divine que seuls les pieux sont capables d'entendre.
positives sont inefficaces en elles-mmes. Le point de
Nous sommes
rit
ici
sur
le terrain
mouvant de l'exprience
reli-
gieuse. Cette mystrieuse influence de la parole divine qui gutuelle des paroles
presque songer quelque interprtation spirimagiques, que, dans l'Alexandrie de l'poque de Philon, employaient les mdecins \ La parole qui amliore s'empare de l'homme comme par une possession divine et ne doit pas tre rvle ^ Il s'agit probablement d'une espce
ferait
nous
1.
De Somn.,
I,
i48.
III,
2. Leg. alleg
3.
l'jj
-,
182
de fiiga, 5-G; de
So?7in.,
I,
G8-69.
Leg. Alleg., III, 177; quis re7\ div. h., 297. Question traite Leg. alleg., III, 118-129. G. Philon donne au lang-ag-e par lui-mme non seulement le pouvoir intellectuel de fixer les ides, mais celui de fixer la vertu de Sacr. Ab. et C, 89 7. Cf. fragments de Nchepso-Petosiris (Riess, dissert., Bonn, 1890). 8. De sacr. Ab. et C, G2.
4.
5.
106
LE LOGOS
l'homme mme qui un sentiment de paix, de certitude et de scurit. C'est du moins ce sentiment de victoire assure sur le mal qui domine dans les expriences personnelles que Fauteur lui-mme a faites de cette
d'amlioration spontane inexplicable
l'prouve, mais qui lui donne, Tide des rechutes possibles,
influence divine \
N'est-ce pas par une sorte de ralisation extrieure de cette exp-
rience que
la vraie
le
for-
mais
comme
spcieux des sophistes ? - Il devient ici une espce d'enseignement moral inspir, qui par ses dmonstrations
armes tranchantes et dfensives , rfute les dogmes impies, et sait retrancher le mal qui cherche corrompre les mes \ C'est toujours, dans tous les cas, un appel l'inspiration religieuse pour se sauver du mal. Si Philon parat parfois accorder beaucoup la simple argumentation philosophique dans la vie morale \ c'est sans doute parce qu'elle se trouve appuye par une inspiration divine qui la rend
et les divisions
dont
il
se sert
comme
d'
efficace.
du Logos, distingu du La parole divine ne peut tre Dieu elle est la rvlation de Dieu l'me pieuse, et aussi la prire qui monte vers lui. Elle inspire l'homme pour l'amliorer et g"urir
Telle est la signification de ce culte
culte de l'Etre suprme.
:
ses passions.
Nous avons ici une explication suffisante du rle d'intermdiaire que joue le Logos entre Dieu et les tres sensibles. Ftre suprieur. Il ne peut rester, comme chez les Stociens, Mais cette explication mme pose un autre problme comment,
:
dans
1.
l'esprit
mme
tre des
Leg. alleg., III, i56 Quis rer. div. h., 201. De Migr. Abr., 82-85. 3. Ces doctrines pieuses, o la parole exerce est mise au service de la pit (cf. quod det. pot. ins., 89) sont reprsentes par Phins {mut. nom., 108 de post. C, 182-188), par les Lvites massacrant les Hbreux re^ig-ats sacr. Ab. et C, 8o de Eb?\, 67 sq ), contre les ennemis du log-os divin {de Cherub., 85; ibid., 7G de fugn, ou ceux qui contrefont les formules divines et inspires {Migr. /i^., 83), de post. C i4o par le logos de la division, l'ami de la vertu 4. Exemples retranche les plaisirs du corps; quod deus immut i3o la pit drivant des discours leg. alleg., III, 157. Le log-os qui dans l'excs de boisson l'empche de perdre la raison est celui qui discerne la nature de chaque chose, c'est--dire l'intellig-ence qui dfinit.
;
2.
107
notions
aussi
et
diffrentes
que
celles
?
de Raison
sminale du
monde
Le
Logos
tre
mythologique
Le Log-os,
comme
peu dfinie, qu'il appelle le fils an de Dieu il est le messager de Dieu ce Log-os est combl des dons divins auprs des hommes, et il porte Dieu leurs supplications; il apparat sous forme humaine, et parle aux hommes ^ On s'est demand souvent jusqu' quel point Philon croyait une existence personnelle du Logos. Mais la question est ainsi trs mal pose. Il est en effet fort douteux qu'un ancien ait jamais eu l'ide nette de la distinction d'une personne consciente avec un tre qui n'existe pas pour soi, mais seulement en soi. C'tait au contraire un concept courant une poque d'interprtation allgorique des mythes que celle de ces tres mi-abstraits, mi-concrets, qui, comme leZeus des Stociens dans l'Hymne de Glanthe, gardaient dans la notion physique ou morale qu'ils reprsentaient symboliquement, un peu de leur individualit mythique. Or c'est prcisment comme un de ces tres que se montre le Logos nous allons essayer de rassembler les traits pars de cette
tre personnalit
;
mythologie.
Gornutus nous a conserv dans son Abrg de thologie grec^ or que un rsum de la thologie allgorique des Stociens dans son dveloppement sur Herms il n'y a pour ainsi dire pas un trait qui ne convienne au logos philonien. Herms est le logos que les dieux ont envoy du ciel vers nous (6v kizh-zzCky.y
"
;
7rpo;ri|ji)
de mme chez Philon, Dieu ne daignant pas venir dans les sensations envoie (aTroo-TsXXst.) ses logoi pour aider les amis de la vertu *. C'est le don le plus beau qui nous ait t donn par Dieu \ Philon au mme endroit dit que de mme que la nature a renforc (to-^'jpwa-s) chaque animal d'armes sp'
;
ciales, elle a
donn
(p'j|j.a)
le
logos
1.
2. 3.
la
.I.-C.
4.
69.
5.
108
LE LOGOS
Le mot pu|jia ne s'explique gure que par l'tymolog-ie que Gornutus donne Herms le mot Herms vient de ce que le log"os est notre moyen de dfense ('pujjia) et comme une forteresse (oy^'jp(0|jLa) \ Herms est chef des g"rces de mme chez Philon a Dieu fait pleuvoir sur le log-os ses grces vierges et immortelles \ Gornutus rapproche ailleurs les Charits, Peitho et Herms comme concourant tous trois aux unions (8', tq tzzoI o-'jvo'jo-'la; ywyov) *; nous voyons aussi chez Philon le logos jouer un rle de mdiateur entre les lments qui se menacent et cherchent se dtruire par la persuasion qui unit (ts'JoI a-jvaywvw) '\ La conception d'Herms comme sauveur, la liaison de son culte
:
avec celui de
c'est lui
la
urir^c^
accord au
;
logos sage et bon ^ Le logos est chez Philon hraut des dieux
Gomment
la
l'ex-
De
mme
faon
logos-ange
le
L'Herms psychole
pompe
main
logos tend la
(oS!.o'J|jivo;)
l'ascte
c'est
par
le
amne
vers lui-mme le parfait (Ayto... tov tssiov aTco twv -so'.ysLwv vytov (x) lauTov) " . Lorsque Philon distingue, ct des son-
ges qui sont envoys par Dieu, ceux qui viennent par les anges
(distinction qui concorde fort
mal avec
sa classification gnrale
ms qui envoie
1.
les
songes de Gornutus
P. 20,
1.
1.
22.
l5.
2. 3.
4. 5.
32.
1.
i5.
De plantt.^ lo. Le Logos, dans ce passage, se rapproche aussi de l'Herms de la cosmogonie hermtique publie par Reitzenstein, qui a sur ses lvres la chaste persuasion pour commander aux lments de cesser leur discorde {Zwei Religionsgesch. Fragen, pp. 47-^32).
Leg. alleg.,111, bo. Qu. in Ex., II, 118, p. 545. 8. P. 21, 1. 18, xvjpu?; son caduce produit la paix, p. 23, 2, 9. De Cherub., 36. Nous n'abordons pas encore ici pour elle-mme cussion de la thorie des anges. 10. Cornutas, p. 22, 1. 7. Sacr. Ab. et C, S. 1
(j.
7.
la dis-
2.
13.
De Somn., De Somn.,
1.
I,
I,
190.
i-4.
14. P. 22,
16.
109
engendr par Zeus. De mme on rencontre d'ailleurs chez chez Philon le Macrobe (in Somn. Scip, I, c. i4) la mme conception devenue aussi compltement allg-orique Hic (le Dieu suprmti) superabundanti majestatis Jecunditate de sementem creavit . Le couple Dieu-Sagesse engendrant log"os a son analogie dans l'union de Zeus et de Maia, Maia tant prise ici pour la recherche [U^-zfi^'.z) et Zeus pour l'intuition (Bstopla) qui engendrent Herms ^
Herms,
dit
Gornutus \ a
fils
logos est
de Dieu
Le Logos
est
'\
du logos
mais ceci suffit pour nous prtation mythologique d'Herms montrer que dans cette interprtation, l'ide du logos-formule ou parole tait intimement lie l'ide du logos comme principe physique et moral, et c'est en effet par cette mythologie que nous pourrons tablir l'unit entre les lments divers que prsente la
;
thorie
du Logos.
Mais le trait de Gornutus, dont la source la plus importante Ghrysippe % ne contient que des traits peu nombreux du logos de Philon. Au contraire la mythologie allgorique du trait de Plutarque sur Isis et Osiris, nous rapproche de l'poque et du milieu o vivait Philon ^ Il contient une thologie, issue de l'application de la mthode allgorique des mythes gyptiens. Ges mythes eux-mmes ont t fortement altrs et influencs par les mythes grecs qui se sont combins avec eux dans la priode hellnistique. G'est ainsi que le mythe d'Osiris, chez Plutarque, est calqu sur celui du Dionysos helest
lnique.
Dans
ce trait,
fort
difl'rente et
mme
23, 7
2.
De fuga
et inv., log.
6.
3.
Gornutus, p. 23,
et inv., 55.
Cf.
la o-x-^t?
chez Philon
yvj
ao^r,
qui instruit,
de fuga
C,
102.
Cf.
V,
M.,
II,
128) et l'Her-
ms ttragone de Gornutus (p. 23, 1. 12). 6. Dec h arme. Critique des trad. relig.
attribue le modle de l'crit l'antismite Apion, contempoles sources qui y sont utilises (Hcate d'Abdre, Eudoxe, Manthon) nous reportent en tout cas vers l'poque de Philon ou antrieure7.
Wellmann
rain de Philon
ment
(cf.
Wellmann,
Ho
sur
le
L LOtiOS
clart
Log-os de Philon.
Il ne suffit certes pas de trouver des ressemblances entre les conceptions philosophiques de Philon, et celles que Plutarque rattache aux mythes g-yptiens pour conclure un emprunt de Philon cette mythologie allgorique. Car ces conceptions ont pu exister (comme c'est le cas gnral dans le stocisme) indpendamment de cette allgorie, donc parvenir Philon par une
mythes, imprgne les conceptions philosophiques de traits facilement reconnaissables elles ajoutent aux notions abstraites,
;
comme
celles
au mythe. Lorsque, par exemple, chez Philon, le logos comme fils an de Dieu est distingu du monde, le jeune fds de Dieu, ces expressions nous mettent sur le chemin du mythe K II faut le chercher, semble-t-il, dans la distinction des deux Horos, fils du dieu suprme Osiris dont Tan symbolise le monde intelligible, et le plus jeune, le monde sensible ^ Nous en dirons autant de la conception d'un double Logos, celui du monde intelligible tourn vers Dieu et celui qui descend au-devant de Thomme dans la rgion des sensibles ^ Cette distinction n'a aucun fondement dans la notion stocienne du logos*. En outre le logos qui vient au-devant de l'homme , donne la trace d'une conception d'abord mythique. Or d'aprs le trait de Plutarque (ch. LIX) Osiris est logos du ciel et du Hads . Sous le nom d'Anubis, il fait connatre les choses clestes et il est le Logos des choses d'en haut mais son autre nom d'Hermanoubis se rapporte pour une partie aux choses d'en haut, pour l'autre celles d'en bas ^.
;
1.
3i.
2.
3. Distinction frquente de plant., 6i; Vita Mos, II, 127 Migr. Abr., g5 Qa. in Gen., III, 3, 174; Qu. in Ex., II, 67. C'est ce qui explique cette contradiction que tantt il faut quitter le sensible pour arriver au Logos {de fuga, loi leg. alL, III, 118), tantt le logos vient au-devant de l'homme dans la rgion des sensibles {de Somn., I, 68-69). 4. On ne peut en effet l'assimiler la distinction dans l'homme du logos intrieur et de la parole, pas plus (comme l'a fait Heinze) qu'on ne peut l'assimilera la distinction stocienne reproduite par Philon {quod deus imm., 34) de l'svvotcc et de la S iMofi a en Dieu. En effet au | 33 le mot dievojOrj dsigne non moins qu'svyota la pense du monde intelligible. 5. Le Hads dsigne chez Philon le monde sensible, quisrer. div. h., 4^.
;
: ;
te,
m
d'Osiris,
Isis
Enfin
la
personnification
de
la
mythe
la
symbole
transmet
de
la
mystrieuse
parole sacre
que
desse
aux
Il
initis
et prilleux de poursuivre dans le dtail de rapprochements le trait mme de Plutarque en efi^et nous montre combien taient diverses et peu arrtes les interprtations que Ton donnait de ces mythes. Il serait donc peu vraisemblable que Pliilon ait recueilli le rsultat de ce travail allgorique prcisment sous la forme et avec les dtails que nous a transmis Plutarque. Qu'il nous suffise d'avoir montr, dans la pense gyptienne hellnise, que reprsente le trait sur Isis^ la mthode qui aboutissait, par l'allgorie des mythes, une conception du Logos qui synthtise les traits essentiels du Logos de Philon. Malgr ce rapprochement, il faut reconnatre qu'il reste un hiatus entre les deux lments de la conception du Logos le Logos, en tant que force cosmique, s'associe difficilement au Logos en tant que parole divine. En ce dernier sens, le Logos garde un rle presque uniquement moral il est en rapport avec Tme humaine plus qu'avec la cration. Philon a connu^ au moins par leurs rsultats, les efforts que firent les thologiens de l'Egypte hellnis pour fusionner l'antique conception gyp-
serait oiseux
pareils
tienne d'une parole divine cratrice % et la notion philosophique du Logos, et ceci explique suffisamment pourquoi il rassemble dans
un mme
si
diffrents.
Mais
il
n'a pas
de l'origine des tres auquel se serait rattache une telle laboration, mais aux sentiments religieux de l'me. C'est pourquoi il a cherch dans le Logos, -encore plus que la parole cratrice du
monde, la parole qui guide, apaise et console Pme de ceux qui ne sont pas encore arrivs la perfection.
Ch.
et 2. Cf.
1.
encore (ch. 54), Herms-logos dfendant le monde sensidu Typhon (le mal), comme le logos dfend l'me con,
46
sur la parole cratrice, Moret, Caract. relig Rituel du culte divin, pp. i54-iOi.
de la roy. pharaon.
CHAPITRE
III
LS INTERMDIAIRES
Sommaire
Les intermdiaires et le dieu polyonyme, La hirarchie des intermRapports du Logos et de la Sagesse. La Sophia divine. I. t. Les contradictions s'expliquent par l'origine mythologique. La Sagesse comme comme mre du monde ou du Logos. pouse de Dieu ; comme fille de Dieu Comparaison avec le de Iside et l'orphisme. Le mystre de la fcondation divine. 2. "Avihoinoq OoO. L'Homme de Dieu dans le de opificio est l'intelligence humaine. Dans le Commentaire, il est l'homme idal oppos l'intelligence humaine, La lgende juive du premier homme se combine avec l'ide stocienne du Sage. 3. La liythologie postrieure d'Anthropos. Les Anges. Comparaison Les Anges philoniens et les dmons de la philosophie grecque. Thorie de Plutarque sur les dmons. avec YEpinomis et le Phdre. Les thophanies et l'anthropomorphisme. L'anglologie de Philon a une origine grecIl devient chez Philon que. Le souffle w stocien. 4- L'Esprit divin. le principe de l'inspiration. L'Esprit et les notions communes. Opposition de i. l'esprit et de la chair. II. Les Puissances divines. Le culte divin, raiElles rendent possible le culle l'homme son de la thorie des puissances. L'imprcision dans la dtermination des puissances. Le mlange imparfait. Puissandes puissances. 2, Les puissances comme tres mythologiques. Les puissances divines, la ces et attributs des dieux de la religion populaire. III. Le monde intelligible. Dik et les Grces, Les Ides sont non seulement La producdes modles, mais des intelligences. Les Ides, Dieu et le Logos tion des Ides par la division. Les Ides et les Puissances.
:
diaires.
Le Logos
est
admet
ct
un intermdiaire entre Dieu et l'homme; Philon de lui toute une srie d^autres tres ayant des fonc-
tions semblables,
comme
la
Sagesse
pres-
que pas une seule proprit de ces tres qui ne soit l'occasion attribue au Logos divin. Cependant Philon a souvent tent d'tablir entre eux une hirarchie qui les mette avec le Logos dans un rapport de supriorit ou d'infriorit. La conception de dieux myrionymes, d'un dieu unique auquel
sous ses diffrentes formes s'adressent les prires des initis tait
familire au stocisme % aux cercles isiaques imprgns de stoI.
Dieu
nomm
nomm
tzoUuI rs sW-
LES INTERMDIAIRES
113
principe
(p-^y^v),
Le Logos
suivant
l'image (avQptoTro xaT' slxova), Voyant plaons donc au mme rang le Logos Nous (6 archange, la Sagesse, le nom de Dieu, l'homme idal le voyant ou la vision de Dieu, l'image de Dieu ^ Dans d'autres textes sans que les autres intermdiaires soient des noms du Logos, le Logos divin se trouve cependant identifi eux Logos et sophia divine''. Logos et xoo-fjLo voTiTO^ les logoi sont les intelligibles qui le com-
Logos,
homme
opto'),
Isral .
Les posent ^ Le Logos est archange, les logoi sont les anges et le Logos est grce logoi sont galement les grces divines Le Logos parat tre identique aussi une puisou alliance
sance divine ^^
Mais, de
mme que
dans
les
hymnes orphiques,
la toute-puis-
sance de chaque Dieu n'empche pas leur hirarchie, de mme ici les tres sont classs bien souvent hirarchiquement comme
s'il
se trouve
p. 67):
il
dans
s'agit
les
de l'interprtation sym:
des objets qui y sont renferms Examinons chacun d'eux. Le premier est l'tre plus ancien que l'un et
monade
et le principe.
;
Ensuite
le
Logos de
l'tre,
substance
du Logos divin comme d'une source, se deux puissances la puissance potique sui:
1.
2.
I,
vers orphiques
El 650 sv
3. T&i 70 OoJ TToluwvpi
;)
;rvT(T(7t, z
ovouaTt propos
94).
4.
5. 6.
7.
Leg
alleg.,
I,
43.
Cf. de confus, liiig., 4i97, i48 ; quis rei\ div, h., 280.
;
aowLOi 8.
ins., 118; de Migr.Ab., 28 de post. C, i36; logos employs indiffremment comme principe de la vertu, ibid.,,i'6-i5^. De opif. mundi^ 25.
vojrat Upszc, de confus. lingu., 81, A6701 De post. C, 92.
et
9.
10.
11. Post.
C,
12. Ata6/jx3
143.
II,
287.
13.
De mutt, nom.,
iu
vant laquelle
s'appelle Dieu
l'artiste
;
LES^
INTERMDIAmES
(sGyixsv)
fond
et
ordonn toute
ctios,
commande
(x'jp!.o);
puissance royale suivant laquelle le dmiurge aux choses cres {twv ysyovoTOjv), s'appelle seig^neur
la
de ces deux puissances en poussent d'autres; sur la puisla puissance secourable (ti l^^^O dont le
;
nom
sance
l'arche
lgislative
;
(xo).aa-Tript.o)
propre est celle qui chtie sous ces puissances et autour d'elles est Tarche ;
le
:
dont
nom
est symbole du monde intelligible . Nous arrivons monde intelligible accompli (a-up.7rX7i pou pisvo) rnumration par le nombre sept; les deux puissances congnres, celle du chtiment et celle du bienfait; deux autres avant celles-ci la potique et la royale qui se rapportent plutt au dmiurge qu' la crature (to ysyovo)* le sixime terme est le Logos le septime celui qui parle (6 Aywv) . Les termes postrieurs Dieu dans
;
cette
sortes
le
logos
a
les
puissances
le
monde
intelligible.
Philon
eu l'intention
xtwTO)
d'numrer
dont
il
ici
plus grand
dans cette liste que Philon forc par son symbolisme de rduire sept le nombre de ces tres n'a pu les faire rentrer dans ce cadre ? ou bien, les intermdiaires non mentionns sont-ils identiques avec ceux qui sont cits ici? Nous esprons par ce qui suit prouver cette dernire hypothse; nous ferons voir comment par la conception du dieu myrionyme, Philon peut comprendre dans ce cadre restreint les tres les plus divers d'une sorte de mythologie abstraite qu'il trouve devant lui toute faite, et que les influences extrieures non moins que la nature de sa pit lui font accepter dans sa doctrine. Nous allons d'abord tudier les tres que Philon identifie souvent au Logos, puis cette sorte de monnayage du Logos en puissances divines dont l'ensemble joue peu prs
la
comme
est-ce
Sagesse,
l'Homme
le
mme
1.
rle.
2.
Tandis que les deux prcdentes se rapportent aux hommes. Cf le dbut du dveloppement r ^-j ovv Trpi xtwrov x- ^koo
:
sj'o/jTKi.
L 80PHA blVlN
115
I.
La
Sophia divine
les
nous allons leur suite les exposer, mais nous ne pensons nullement qu'elles peuvent tre rduites par un moyen dialectique quelconque elles
;
si
Philon ne
n'est pas
ficiel qu'il
donnes et irrductibles. Le Logos et la Sagesse divine, affirme Heinze, sont des concepts rciproques, que Philon substitue l'un l'autre; prise dans cette gnralit, l'affirmation est trop tendue aucun des sens numrs dans la deuxime partie du chapitre prcdent(le Logos
;
comme
che
Il
en revan-
elle est,
comme
le
cration de l'univers ^
remarquer qu'elle n'est pas cependant appele opyavov, mais mre du monde ^ Plus spcialement la Sagesse divise, comme le logos, les choses en contraires opposs elle a le rle de Topu ^ Mais c'est avant tout comme principe des vertus, que la Sagesse se montre identique au Logos. Gomme il y a un Logos cleste et un Logos terrestre, il y a aussi une sagesse divine et Dans la gnration une sagesse terrestre qui en est l'imitation
faut
:
gnrique ou bont (ayaGor^), qui se divise elle-mme en quatre vertus ^ Cependant dans une autre explication du mme texte, les termes changent la Sagesse divine est source du Logos, qui se divise son tour dans les quatre vertus. Le Logos tient ici la place de la vertu gnrique ou bont". Nous avons
:
1. At'
fl
de fuga, 109.
clbre passag-e du de Ebriet., 3o, sur
[de fliga^ 194)
2.
Dans
ce passage,
comme dans un
IvavTtT/jTe!; (^tasyvuvTat
;
en
aucun passage elle n'est conciliatrice des contraires le passag-e cit est sous la dpendance d'une interprtation allgorique, et l'ide parat occasionnelle. aLLeg., I, 43 cf. Qa. in Geti., I, 118 dans de fuga, 52, la sagesse 4' Leg
.
est,
5.
comme
le
Leg. alleg.,
64-65.
242-243.
6.
De Somn.,
II,
116
donc, en comparant
Sag"esse, Log-os
LES INTER^IDIAIRES
les
deux
textes,
la
hirarchie suivante
ou vertu g-nrique, vertus spcifiques. Mais elle-mme qui est la vertu gnrique la Sag-esse prend donc le rang du Logos. Elle est encore rabaisse lorsqu'elle est appele la source o vient se satisfaire la pense qui a soif de prudence ~, n'tant plus mme principe de la vertu gnrique, mais seulement del prudence. De mme la division de la Sagesse ^, pratique par Dieu pour tancher la soif des amis de Dieu, parat indiquer la division des vertus spcifiques \ La Sagesse divine est donc le Logos divin, surtout dans le sens de principe de la vertu elle suit, dans tous les dtails les nuances de sens du Logos. Pourtant cette mme Sagesse est aussi subordonne au Logos; le Logos divin est source de la Sagesse ))^ La sagesse parat tre d'aprs la mtaphore Aoyo^-TrY^yri ce qui, puis dans le courant du logos, assure la vie ternelle. On ne peut donc dire qu'il s'agisse de la sagesse humaine, puisqu'ailleurs % c'est bien la sagesse de Dieu qui est principe de vie ternelle; le passage se comprenailleurs c'est la Sagesse
^
effet,
intermdiaire entre
le Logos intermdiaire entre la La subordination de la sagesse est marque d'une faon toute diffrente dans un autre passage (Abraham) conduit (svayTjOsL) par la Sagesse arrive au premier lieu. Ce lieu est le symbole du langage divin. La Sagesse se fait donc la conductrice de Tme pour l'y introduire; nous sommes ici dans un ordre d'ides autre que le prcdent. Mais que penser si le Logos est son tour subordonn la Sagesse ? Dieu et la Sagesse sont, dit Philon \ le pre et la mre du monde mais l'esprit ne saurait supporter de tels parents
mme
dont
les
1.
Leg, alleg.,
II,
49
86,
pcTv xal
croa>tay
Tou
Ooii.
2.
De
post.
C,
i36.
II,
3. Leg. alleg
La
sag-esse
que Dieu divise ici est tout fait semblamanne) qui se divise aussi pour la nourriture
ceux qui dsirent
qaod
97. ii5.
LA SOPHIA DIVINE
117
il
(Tuat-osia)
et
.
gine des lois morales naturelles n'est pas diffrent de la sagesse terrestre du premier livre des Allgories qui est ai/ssi le droit
logos, et l'on comprend qu'il puisse tre, sans contradiction subordonn la sagesse divine. L'explication du texte suivant a Le grand prtre n'est pas homme mais logos est moins facile
:
Mose dit qu'il ne peut tre souill ni propos de son pre, le voG;, ni propos de sa mre, la sensation, parce que, je comme pense, il a eu des parents incorruptibles et trs purs pre Dieu qui est galement pre de toutes choses, comme mre Sopliia,parqui (oi'tjs) toutes choses sont venues la naissance.. Le Logos est donc, comme tout l'heure le monde, fils de la Sagesse, provenant de son union Dieu. Les contradictions sont indniables Philon, d'autre part, ne cherche pas les voiler elles ont leur source, non dans une prtendue incapacit de surmonter les contradictions mais dans les conceptions religieuses hellnistiques qui s'imposent Philon c'est ce que nous allons montrer maintenant. On a remarqu l'absence presque complte de dtails sur le rapport du Logos l'tre suprme le Logos est image (clxwv) et fils an ('j'.Ov; TpsG-'jTspo;'). Au contraire, les renseignements abondent sur le rapport de la sagesse Dieu Sophia est l'pouse de Dieu, que Dieu fconde et qui enfante le monde Le dmiurge qui a fait cet univers est aussi, disons-nous, le pre de la crature (toO
divin...
;
.
YsyovoTO)
mre c'est la science du crateur (tyiv toGtctto'.TjXto;, Dieu s'unissant elle a sem le devenir non pas comme un homme (oy v6p(07ro); elle ayant reu les semences divines a enfant, dans des douleurs parfaites, son fils sensible, unique et chri, ce monde-ci... ^ Le couple Dieu-Science est identique au couple Dieu-Sophia, qui, avec leur fils, le monde^ se retrouve souvent ^
;
la
;
Tno-Ty|jir,v)
1 .
Ibid., 80.
;
2. 46 Z.
du
43.
cf. pour l'identit quis rer. div {quod deus immut,, 71).
De fuga
et invent., 109.
;
4. Identique la aornot. d'aprs le contexte h., 127-128. 'E;rtcrr/3pv3 est quelquefois logos
5.
De Ebriet., 3o. De fuga et invent., 109. La sagesse est mre et nourrice des choses qui sont dans le monde {quod det. pot. ins., ii6). Mater universorum {Qu. in Gen., IV, 97, De fuga, 5i).
6.
118
LES INTERMDIAIRES
La sagesse mre est aussi appele la vertu de Dieu elle est mre de toutes choses mais particulirement des purs ^. Il Y a ici une tendance substituer une filiation morale la filiation pour ainsi dire physique. Cette tendance se dveloppe tout fait dans un passage clbre du de Cherubim ^ o la gnration
* ;
d^ailleurs
(tsXstt])
le
mystre
bien
texte
yvviq|JLa-ro)
la vertu est
ici la
sagesse
:
comme
ressort de l'explication
donne du
les
de Jrmte
Dieu
est pre
de toutes choses,
ayant engen-
(v/Jp) de la sagesse, jetant pour la race mortelle, une semence de bonheur dans la terre bonne et vierge (49) Cette sagesse est une nature sans souillure, la vierge vritable (tt Tpo alrflzicLv TiapBsvtp), non pas une vierge qui peut tre souille, mais la virginit elle-mme (tt|; si xax toc ajTa xal too-ajTw eyofj'/] l^oL^) l'union avec Dieu rend d'ailleurs l'me vierge . Ainsi la sagesse pouse de Dieu, ici mre du bonheur, l-bas du monde est en mme temps vierge ^. Il est curieux de voir qu'en d'autres passages le logos s'unit avec une vierge comme ici Dieu avec la sagesse le logos grand prtre ne peut pouser qu'une vierge qui jamais, ce qui est trs paradoxe, ne devient femme, mais inversement dans ses rapports avec son mari, a laiss tol yuvatxsla . Ces rapports de Dieu avec la vierge a-ocpia (et dans le texte prcdent ceux du logos), sont exactement ceux du logos avec Tme pure lorsque le logos est considr comme mari de l'me d'ailleurs dans le dveloppement du de Cherubim la sagesse
dres et mari
vierge
devient l'me
(oTav...
6|jn.};lv
pT,Ta'.
^^^yr^
Geo)
qui a
^
et
mari
cette
de l'me
les
si
elle n'est
1.
Leg. alleg.,
49.
2.
{Qu.
43-53.
III,
1
4. Leg. alleg.,
5.
19
cf.
II,
6. Cette
mme
sag-esse qui
upsaxLa.
6ou {ibid.).
Surtout de Somn., II, i85 le log-os, pre avec Par7. De Mon., 8, p. 228. thenos des saints logoi, rappelle le couple Dieu-Sagesse ayant pour fils le
logos.
8.
De
Ehret.
de confus,
III,
lingti.,
;
[\\.
9.
Leg. alleg.
i48-i5o
LA SOPHIA DIVINE
119
pure,
il
la
passion et
si
elle est
s'ag-it
bien
con^me dans le de Cherabirn de Tme qui a abandonn ses passions. Concluons log-os tient, dans son rapport avec parthenos, exactement la place de Dieu. La seule diference'sug'g're Philon par un texte d'Isae est que Dieu s'unit la virginit en soi, tandis que le logos ne parat s'unir qu' la vierge ^ Essayons de dbrouiller les lments de cette thorie des gnrations divines nous sommes en face d'une de ces hirogamies dont la relig"ion grecque ^ et surtout les mystres de la priode hellnistique sont encombrs. Mais nous pouvons prciser le trait essentiel de cette mythologie est la vierg-e pouse de Dieu (ou du logos), appele a-ocpla, lw.'7Tr\\Kr^ ou psr/]), et enfantant le monde (ou ailleurs le logos). L'ide d'une pouse-mre gardant sa virginit est familire aux orphiques: dans les crits postrieurs connus par le tmoignage de Proclus, Kor est la vierg-e impollue qui garde sa puret dans la gnration " bien plus
: :
:
(v^LcpT)
7/^pavTo;)
Zeus
est la
cause vivifiante du
monde
vies, la
desse
comme
est,
psT'/i
et
trois
venue de la matire qu'on appelle mre des tres, mais de la cause et du pre de toutes choses ^ On songe tout d'abord l'Athna de la mythologie grecque appele aussi toujours vierge et sans mre ^ La fusion entre l'pouse et fille de Dieu correspond trangement la fusion entre Artmis
qu'elle n'est pas
1.
2. Cf. l'article
De mme quod deus immat.. 5-i5 l'union de Dieu avec Anna. Hiros Gamos (Dict. Daremberg et Saglio) et l'interprtation
:
du mariag-e de Zeus
l'air
et
comme
II,
l'union
du feu avec
pour
55;
i5,
Arnim).
3. rhv y^pavTov h tv.Ii; cAT:oyvjv-n(s(nv \jmooyJ}^j. Kor, fille de Zeus, a pu n'tre pas sans influence sur le log-os. Kor est dans l'exg-se stocienne, la pupille de Zeus (Athnag^ore, Just. Mart., Apolog.) de mme le logos (dont la sageses est un nom) est assimil la pupille de l'il (tvj xoov?) pour sa vue pntrante, capable d'aller partout Philon interprle ainsi l'apposition v.opiov (corain dre) applique la manne (= lyoq) on le comprendrait difficilement sans la Kor stocienne (Z?^. alleg., III, 171). 4. Abel, 238. Il y a l une interprtation allg-orique du mythe de Dmter, dont l'union avec Zeus formait, d'aprs Foucart, l'objet principal des grands mystres d'Eleusis. 5. Abel, p. 242. 6. De Ebrietate, 61; cf. quisrer. div.h., 62. unzup^vM y-ai uu.(]~opi. 7. Dans Philon mme
,
120
et
LES INTERMDIAIRES
Alhna, chez
les
mythologie hellnique et hellnistique leur interprtation symbolique explique comment elles ont pu entrer dans le philonisme Jean le Lydien ^ cite d'aprs Terpandre la triade Zeus, Persephone, Dionysos. Mais ce sont les allgories du de Iside et Osiride qui nous fournissent le principal Osiris est principe, Isis, rceptacle (uTTOGoy^r,), Horos le produit (TroTsAso-ijLa) d'aprs
;
: ;
Horos
toG
le
monde
sensible.
La matire
est
;
pleine du
monde
(irV^ipYis
xoa-tjiou)
et s'unit au
non pas
l'tre
philosophes
est
(les Stociens),
gnration (ch.
notre Sagesse
;
mais mre et nourrice, comme le vou; et le genre fminin matire de la LVIII). L'Isis se rapproche donc dj par l de
elle, elle
comme
du logos
^.
Dieu suprme,
change
Remarquons enfin que, comme Dieu, avec la Sagesse engendre tantt le monde, tantt le logos, Osiris avec
parfois en logos.
Isis
engndre deux Horos, dont l'an est une image et reprsentation (sl'owXov Tt. xal (pvTaa-aa) du monde venir, et le second ce monde lui-mme il y a une distinction du monde intelligible et on la sensible, l'intelligence tant l'an, le sensible le cadet retrouve chez Philon Pourtant une diffrence persiste; Philon substitue presque entirement la gnration morale^ le bonheur et la vertu, Texplication du monde le passage le plus long o il les interprte d'une faon n'est encore qu'une cosmique
;
:
1. Abel, p. 242. Nous pouvons remarquer que Sophia a chez Philon d'autres caractres de la mythique Athena; la sagesse est appele pre parce que
^'
vffi
de
mme Athena
xai-
xat
x)>Tj(Tcw; iizyjtv
(ComutUS,
p. 36, 8).
Cf. Horace, I, Od., 12, 17, 20 et tous les textes cits par Denis, Histoire des ides morales dans l'antiquit, II, p. 229, o Athena est reprsente, d'aprs les Stociens, comme r^v povjc-tv toi 7rav-&jv (Jrflxouo-av (Athnagore, Leg. pro Christ., p. 490 a> Mig-ne) le texte de Justin martyr {Apolog.pro Chi^ist.^ I, 426 c, Mig-ne) se rapproche beaucoup par la suite des ides du de
;
opif.
2.
mundi.
P. 106, 20.
3.
De
[s.
et
Os., 2
rv
hpb-j /yov, y
O...
4. Cf. les deux Horos, ch. 54, et Philon, quod deus immut.. 3i. Ceci explique comment le log-os peut tre tantt suprieur, tantt infrieur la Sagesse tantt il est le Dieu suprme, chef de la triade, tantt le produit. Celui du de Ebrietate.
;
f)
"AN0Pmio2; sEor
121
la vie
morale et de la pit dans des questions qui devaient paratre surtout physiques, Philon s'carte dfinitivement de la pense grecque, c'est ce qui fait pour nous sa plus grande originalit ^
courte digression
;
introduisant
le
problme de
2.
"AvGpcjTuo Osou
L'on sait qu'il y a, au dbut de la Gense, deux rcits divergents de la cration de l'homme que la critique moderne attribue
des rdacteurs diffrents {Gen.,
i,
26. 27 et 2, 7).
C'est cette
guer l'homme
terre. C'est le
fait l'image de Dieu, de l'homme faonn de premier qui constitue l'Anthropos divin, identifi
au Logos.
Philon
est
revenu deux
fois l'interprtation
fois
il
l'image de Dieu est interhumaine, qui guide l'me suivant l'ide que l'homme est un microcosme, il n'y a rien de plus semblable Dieu dans le monde, que l'intelligence dans le compos humain. L'Anthropos est comme un dieu intrieur l'homme qui contemple les intelligibles. Telle est la premire
le
Dans
de opijcio
(69),
l'Homme
prt
comme
tant Tintelligence
Dans
le
mme
trait,
il
rencontre, en poursuivant
le rcit
des
crations, le deuxime passage sur V a homme faonn de terre . Cet homme faonn est trs diffrent de l'homme fait l'image de Dieu Il est sensible, participe la qualit, est compos de corps et d'me, mle ou femelle, mortel l'homme l'image de Dieu est une ide, ou genre, ou cachet (ISsa t'.;, 'h ysvo, 7, o-cppay^), intelligible, incorporel, ni mle ni femelle, incorruptible par nature . C'est l une deuxime notion de l'Homme divin dans la premire, il tait une partie du compos humain, l'intelligence Ici il est une ide, un modle des individus
: :
terrestres.
1.
Cette
il
j2;-nration
comme
ressort de de
morale est cependant connue des interprtes juifs Mut. nom., 142, o des interprtes antrieurs ont expli-
qu ainsi la gnration de Sara. 2. Cf. 69: O'j^kv yflysvs';, qui montre bien qu'il ne s'agit pas de l'intelligence spare du corps, mais de l'intelligence humaine.
122
Cette
LES INTERMDIAIRES
du Commentaire allgorique. aux autres intermdiaires. Le Logos est ombre et image de Dieu, et son tour l'Homme idal, image du Logos ^ Mais la nature de son opposition avec l'homme faonn, l'Adam, change entirement. Il ne s'agit plus d'opposer Tintelligence au compos humain, ou l'Ide de l'Homme l'homme individuel. Il s'y oppose comme l'intelligence purifie l'intelligence terrestre, prte entrer dans le corps ^. L'Homme idal est l'intelligence immatrielle ^, empreinte u souffle divin qui a en lui-mme et par lui-mme la sagesse; l'homme faonn est l'intelligence moyenne, capable
est celle
deuxime notion
L'Homme
de choisir entre
le
bien
et le
non seulement l'Homme idal du compos humain, mais encore il s'oppose comme intelligence tout fait indpendante du corps, celle qui
l'immortalit ou la mort % Ainsi
n'est plus le chef
est destine diriger le corps.
Dans
la
peinture de cet
homme
les
spirituel
(^/^oLpcLj^^el TivsujjiaT!.},
s'obtient pas
terrestre,
traits
d'une
perfection 'qui
ne
mais par
la
auquel
\ l'heureuse nature (scpuia) compose de la pratique naturelle de la vertu, et de la mmoire ^ L'oscillation mme de ces conceptions diverses, est caractil
est identifi
L'Homme
humaine
et
modle
comme une
Ide plato-
rel et concret
modle physique et que l'homme cherche imiter. Pourtant il y a encore autre chose dans cette conception. Nous trouvons dans le de opifcio^ une description mythique du prel'Ide,
alleg
alleg.,
alleg.,
ment de
somme
les pithtesdu ciel. Cf. le rapprocheqais rer. div A., 232. Cf. d'aprs les Stociens la parent du vou; et de l'lher {de plant., 18). l\. De plant., leg. alleg .,\\\, [\2. 5. De plant., 44-45. 6. Qu. in Gen., I, 8, p. 6. cf. l'identification aux sag-es, No {de Abr., 82), I, 88, 55 7. Leg. alleg. Enos {ibid., 7; quod det, pot. ins., i38), Mose {mut. nom., 26, i25).
I,
III,
I,
96
2.
3i-43.
38,
il
lui
donne
l'homme
idal et
du
ciel,
'
"ANQPfiriOS
BEOY
123
le
mier
homme
en
n de
la terre,
monde
surpasse en puissance
Celte lg-ende
comme
descendants
d^Adam ainsi prsente n'est en aucune faon confondre avec le mythe abstrait de TAnthropos idal. Elle provient, comme l'a montr Bousset -, d'influences purement juives dont on voit
d'autres traces chez Ezchiel et dans le livre d'Enoch. Pourtant
combinaison de cette lgende que soit sorti le mythe d'Anthropos. En effet, si dans le de opificio TAnthropos divin est seulement l'intelligence de l'homme compos de l'me et du corps, il est devenu dans les Allgories le sage parfait idal qui non seulement n'a plus aucun contact avec la matire, mais
il
soit
de
la
avec
notion de
l'Homme
idal
qui
mme
de l'intelligence de
la
Thomme
en ce
terrestre.
emprunt en somme
la
plupart de ses
traits,
qui concerne
l'Adam n de
En
de opificio
il
est
devenu
entre en
un lger
au
mal.
Il
montrait dans le de opifiico. Qu'est-ce qui a pu pousser Philon ce changement de point de vue ? La lgende
riorits qu'il
juive d'un
la
Adam
terrestre et parfait se
conciliait fort
peu avec
chair
fondement de toutes
les
imperfections
et
vices. C'est la raison qui lui a fait rejeter cette lg-ende et reporter
bien
les textes
la
Gense.
le
L l'homme
opifiicio
cleste
est
encore identifi
comme dans
le
de
avec
l'intelligence de
la
matire en a
le
Puisque
la terre
est
un
homme
cleste lorsqu'il y a
mlange de
la
Pme avec
mort,
l'homme
1.
De
2.
P. 347.
3. I, 93.
ici
D'ailleurs la lg-ende du premier homme terrestre parfait coexiste avec cette ide (Cf. I, 21, 3o, 32, 36 II, 9).
;
124
gories^
l'intellig'eiice
LES INTERMDIAIRES
dans
trent
du juste, monque cette intellig^ence cleste est du mme coup identifie au premier homme parfait. On sait que dans la tradition juive
le
les
comme
une nouvelle gense de l'humanit No lui-mme est une sorte de fig"ure ou de rptition du premier homme. Cette interprtation est bien connue de Philon ^ C'est contre elle cependant qu'il raconte ainsi la suite du dluge dans les Questions aprs le
:
dluge,
No
il
fut tabli
roi
par cette
royaut
restre,
mais l'homme l'image de Dieu, c'est--dire incorporel \ Or c'est le premier homme n de la terre qui, au premier livre des Questions, est roi de la nature^ nous le voyons ici se confondre avec l'Homme cleste. Dplus dans les Questions c'est l'homme n de la terre qui cultive le paradis et le garde % fonction qui dans les Allgories est attribue l'homme cleste Dans un trait de V Exposition de la Loi, enfin, l'Adam a tous les traits de l'Homme cleste, et il est appel image de Dieu ^ Nous ne pouvons pas expliquer autrement que par cette fusion que
;
l'Homme
cleste
soit
appel
pre des
hommes
Si vrita-
blement la critique de saint Paul contre la priorit chonologique de l'homme pneumatique est une polmique contre cette thorie, nous ne pourrions pas en expliquer le sens, sans cette identification du premier homme parfait l'Homme cleste. Sans elle l'Homme cleste ne pourrait tre dit antrieur l'homme psychique . Cette synthse d'Anthropos appartient-elle en propre Philon? Ne sommes-nous pas ici encore en pleine mythologie hellnistique ? Reitzenstein a dit et tudi, dans son Poimandres ^ un mythe d'Anthropos contenu dans un trait d'Hippolyte sur les
1.
O'vrt
V. M.,
Il,
60
cf.
fr.
Wendland,
vO/3W7rw, c'est--dire
Adam
^ lo^ki^olcp. 63 o No est compar {Qu. in Gen., II, 66) cf. ib., 45-5 1.
;
2. II, 1 6, p. i38.
3.
OU' in Gen.,
I,
1 1
4. Ibid.^ i4, p.
5. Ceci confirmerait
que
:
les
la Loi, dont le de opif. est le premier trait et le Commentaire allgorique. EiyJjyj Osou, 6. De Nobil., 3, II, i\[\o explication beaucoup plus simple que celle de Reit7. De conf. ling.,
P. Sisq.
125
Naassniens.
H y
diff-
un mythe paen de la priode hellnistique qui est le plus ancien et se mle une forme juive du mythe rattache au nom d'Adam. Mais il semble tout fait impossible dans ce texte de basse poque de discerner
rents que l'interprte a essay de dmler ainsi
ce qui est vraiment ancien de toutes les fantaisies qui ont t
Adam, Oanns
la
n'est
thorie juive
pos
la
parfait de et lgende et de l'Anthropos cleste que nous avons vu s'accomplir chez Philon \ Un lment de cette lgende parat au moins
Adam qui distingue un Adam intrieur, gal un Adam terrestre suppose la fusion de FAdam
Anthro-
plus ancien
c'est
l'androgynie de
l'Homme
"
cleste.
Il
se retrouve
et
lgende de
VAdam du Talmud
est
'\
Gomme
galement Osiris et Herms, Reitzenstein rattache aux reprsentations gyptiennes de ces deux divinits''. Pourtant la notion de l'Homme chez Philon pourrait tre indpendante de cette origine gyptienne. Certes on ne le rattachera pas non plus comme quelques interprtes la thorie de Tandrogyne du Banquet platonicien, puisque dans la Vie contemplative, il tourne cette thse en drision ^ Mais il n'y a pas plus besoin de l'origine gyptienne. Philon s'appuie, en effet, formellement comme le Talmud sur le verset de la Bible a Dieu les cra mle et femelle . De plus nous avons dj vu que la ngation ni mle ni femelle ne prend tout son sens que par la thorie du logos diviseur ^ Enfin la thorie gyptienne de l'androgyne a une signification cosmique Anthropos devient un
Anthropos
ce caractre
La
dfinition de
l'homme de Dieu dans un hymne juif cit par Reitzensforme (7T).a-p) trs belle faite de souffle de rose et de l'Adam terrestre parfait du de opificio.
Bousset,
100, n.
toc. cit.
La puissance gnratrice complte attribue un Dieu isol se trouve frquemment en Eg-ypte (Lefbure, un des procds du dmiurge gyptien, 7171. du Muse Guimet, X, 553). 5. Cf. d'une faon gnrale les dveloppements contre les androgynes
4. P.
C.,7,48i).
ch. II. Ainsi s'expliquerait aussi sans recourir une influence perse que dans l'hymne dj cit de Reitzenstein. il vienne avant le feu et la neige (et en gnral avant le couple des termes contraires).
6. Cf. livre II,
m
Que
le
le
tES iNTEKMDIAmES
rapprochement
d'Hippolyte,
faite
texte
tait
chose
que prouve mais nous n'avons aucun indice qu'il l'poque de Philon*
se soit fait plus tard, c'est ce
3.
Les anges
le
songe de l'chelle de Jacob ^. L'chelle c'est symboliquement dans le monde l'air, dont la base est la terre, et le sommet le ciel depuis la sphre de la lune, la dernire dans les cercles clestes, la premire partir de nous suivant les mtorologistes, jusqu' l'extrmit de la terre, l'air s'est partout tendu (i35). Cet air est la demeure d'mes incorporelles, car il a paru beau au crateur de remplir
Philon
ainsi
;
commente
d'animaux toutes
vait les
les parties
animaux
terrestres, la
du monde. Aussi la terre il rsermer et aux fleuves les aquatichacun d'eux est non seulement un
animal mais, dit-on, intelligence dans toutes ses parties (oXo ZiokMv) et trs pure) mais dans la section restante de l'univers, l'air, il est n aussi des animaux. S'ils ne sont pas perceptibles (alo-SriT) qu'importe ? L'me aussi est bien invisible, d'ailleurs il est vraisemblable que l'air, plus que la terre et l'eau, entretienne la vie (^cjoTpocpsIv) puisqu'il a anim les autres tres. C'est lui qui est Vz\k des corps immobiles, la cpcn des corps mus sans reprsentation, Fme de ceux qui ont tendance et reprsentation (iSy). N'est-il pas absurde que ce qui anime les autres tres soit sans mes? Aussi que personne ne refuse la meilleure nature d'animaux au meilleur des lments qui entoure la terre, l'air car il n'est pas le seul tre dsert, mais comme une cit il est peupl -de citoyens incorruptibles et a autant d'mes immortelles qu'il y a d'astres (i38). De ces mes les unes descendent pour se lier aux corps terrestres, celles qui
;
du corps,
montent, se sparent par un mouvement inverse, suivant nombres et les temps fixs par la nature (139). De celles-ci
1.
confus, lingu., 62-64, o l'homme incorporel st et son fils premier-n, et o il joue comme le logos, le rle d'intermdiaire entre Dieu et le monde des Ides. Le nom qu'il porte ici d'aprs la Bible, le levant (c/.-jy.rln), peut expliquer que dans l'hymne juif" cit par Reitzenstein^ il soit assimil Hlios (p. 208). 2. De Somn.y l, i34-i44
A une
exception prs
l'imag-e
LKS ANtiES
Unes qui dsirent les coutumes de la vie mortelle reviennent par une course inverse les autres en ayant reconnu la vanit ont appel le corps prison, tombe, et s'en chappant comme d'une
;
lg-refs
en haut
et
pour
l'ternit
(i4o)-
D'autres, les
plus pures
divin,
et les
meilleures, ayant eu
un
sort plus
pur
plus
lieutenants du tout-puissant
roi, ils surveillent
les
comme
l'habitude
ils
de
les
nommer
ang-es,
qui est
le
nom
:
le
annoncent
(ic(.yrWou7i)
aux enfants
les
ordres du pre et au
pre les besoins des enfants (142) ainsi elle les a reprsentes montant et descendant, non parce que Dieu qui devance tout en
a besoin
est
pour
tre averti,
il
d'arbitres
(i43);
car ce
seulement les chtiments, mais mme les bienfaits que nous ne pourrions recevoir si Dieu les prsentait par lui-mme sans se servir d'intermdiaires On le voit_, les anges sont ici introduits comme des tres ariens dans un fragment de cosmologie classant suivant les lments qu'ils habitent les diffrents tres anims et leurs fonctions. C'est seulement dans ce rapport la cosmologie que l'on peut en gnral comprendre la nature des anges. Cette cosmologie est rsume avec prcision au dbut du de Monarchia Suivant Mose, le monde comme une vaste cit, a des archontes et
n'est pas
excessifs
des sujets
terre
les
ciel,
les sujets ce
Tair autour de la
^ Ces natures ne sont pas ici appeles anges, mais au dbut du deuxime livre, dans un passage qui dcrit le monde
comme un temple, les astres sont les offrandes, et les prtres ce sont les puissances subordonnes Dieu ou les anges, mes
incorporelles. Elles ne sont pas
comme
les ntres
des mlanges
1. De Somn., I. Ce texte important est complt par un passage du de gigant., 6-16 qui suit en gros le mme plan, mais ajoute quelques nouveaux le classement des tres anims est complt par les animaux de dtails feu [Tzuoiyova) il fait mention du mouvement circulaire des astres, le plus il dveloppe l'ide que Tair est anim, rnais par un arguparent du vou; ment diffrent de l'argument stocien les tats de Tair, dit-il, produisent maladie et sant dans la classification des mes la chute des mes suit de plus prs Platon.
:
i<
2.
I,
II,
2i3.
128
LES INTERMDIAIRES
et
irrationnelle,
mais
sans parties
Ces
yysXoi.
l'heure.
utilise par Philon est, sans difficult possible, de VEpinomis la suite des ides partir du i35 est la mme. L'auteur de VEpinomis divise les races d'animaux suivant les cinq principes du monde terre, feu, ther, air, eau
:
:
La cosmolog-ie
celle
(981 b);
il
animaux
maux
de feu ou astres (981 c) avec une discussion sur l'me des astres (982 a- 984 b)\ puis les animaux faits d'air, appels
transparents
et
oai[jL0V
invisibles.
L'argument
essentielle-
ment
rellement absent,
et cela
un
Stocien.
du corps,
Les i38 i4o aussi, sur la classification des mes (les mes celles qui font quitt dfinitivement, celles qui n'y
Phdre Platon dans le Phdre distingue aussi parmi les mes les compagnes de Dieu qui pour une priode entire restent sans
le
;
subir
le
rorps
(aTirjjjiova)
et
[jlslovwv
cppovYijjiTwv
7r!.Aayo'ja-ai.),
aprs
mes
toj
qui reviennent
platoniciennes.
Chez Philon
les
mots
indiquent videmment
les
priodes
dcrivant les dmons comme la la troisime place, celle du milieu (sopav qui a arienne race Tpb/iV xal |jLa-r,v). Ils sont la cause de Pinterprtation (a^Tt.ov
UEpinomis continue en
ont une intelligence admirable, la science et la aiment le bon et hassent le mchant; ils connaissent notre pense, ils conversent avec les dieux levs et sont ports de la terre vers le ciel d'une lgre impulsion. La dmonologie dveloppe dans les textes de Philon est donc platonicienne d'origine avec une influence stocienne elle est
IpijLYiVc'la;).
Ils
mmoire
ils
Correspondant la parenthse de Philon Platon distingue les dieux 1 suprmes, les astres et les dmons, comme Philon met Dieu au-dessus des
.
astres.
2.
LES AiNGKS
la dmohologie superstique Ton trouve chez Plutarque. C'est contre celle-ci que Philon parat engager une polmique lorsqu'il dit Ces mes ne sont pas des mlanges de raison et d'irrationnel, mais l'irraelles sont intelligibles dans toutes tionnel en est retranch ce sont des essences pneumatiques {o'jrr'w. leurs parties
tieuse
7rvujjiaTi.xa'l)
-,
Au
tarque
les
il
y a
chez
;
les
hommes
;
diffrences de vertus
des chez
comme un
superflu
chez
considrable et
difficile
teindre
Chez Plu-
tarque,
comme dans
plaisir et douleur Malgr ces diffrences, de mme que chez Plutarque les dmons expliquent les mythes % l'anglologie reste chez Philon intimement unie la mythologie. Aprs avoir dit que Dieu ne peut se montrer qu'aux tres incorporels, mais que les mes qui sont dans le corps se le reprsentent par les anges, il ajoute On le divin imagin par les hommes diffchante ce vieux rcit remment en des lieux diffrents, fait en cercle le tour des cits examinant les injustices et les illgalits; il n'est peut-tre pas vrai, mais il est bien utile ^ La thorie des anges c'est donc
:
:
dmons prouvent
1.
De Monarchia,
Quaest in Gen.,
II
;
II,
I,
i,
p. 222.
2.
3. Ib., III,
4.
si
De
clef,
fin
m Ex.,
X
fin.
II,
i3.
5. Cf.
(cette thorie mise dans la Plutarque [Archiv. f. Gesch. d. Ph., vol. XVII, p. 42). Plutarque, de Is, et Os., 25, attribue galement Platon. Pythag-ore, Xnocrate et Chrysippe l opinion que les dmons contiennent le divin non sans mlange, mais sont composs de l'me et du corps (xat -^v/n^ (ovtju xat crr,jaaTo; t(76vjc-t) la sensation implique plaisir et peine et toutes les passions. 0. Les voyages (7r),avt) et autres vnements attribus par les mythes aux dieux appartiennent aux dmons de def. orac, \[\. 7. De Somn., II, 233. Les discussions de Philon contre l'anthropomorphisme et la dfense qu'il en fait ont toutes deux une source stocienne. Les deux passages principaux {depost. C, 1-9; quod deus [immut 56-6o) se ramnent aisment une source commune avec les chapitres 33 et 34 du livre lr du de nat. Deorum de Cicron Gicron, comme Philon, s'oppose aux Epicuriens. Le texte de Philon est parfois plus complet. A la question Quis pedibus opus est sine ingressu ? Philon rpond par une raison tire de la nature de Dieu {de post. C, 5) cette raison est tendue {quod deus immut., 57-58) aux autres actes matriels que l'on prte Dieu. Cotta qui
;
11, les dmons n'ont qu'une vie limite au contraire l'ternit des mes anges bouche de Clombrote peut ne pas tre celle de
130
toute
le
la
LES INTERMDIARS
le
philonisme avec
et
aisment
le
degr de ralit
seulement un degr plus haut de l'anthropomorphisme; si aux natures lentes incapables de comprendre Dieu sans corps, celui-ci apparat sous forme humaine, pourquoi s'tonner que pour aider les hommes dans le besoin, il s'assimile aux anges ^ L'ange est une image de Dieu ^, mais dans l'opinion que Dieu impose ceux qui se la reprsentent elle est Dieu luimme ^ Il n'y a qu'un Dieu, mais le polythisme reste vrai par catachrse La raison de l'infriorit divine, c'est Tinfriorit de l'me humaine qui ne pourrait contenir l'abondance des bienfaits de Dieu s'il n'usait d'intermdiaires '% et qui est incapable de s'lever directement la notion de Dieu ^ L'ange est donc comme le logos un tre infrieur Dieu mais que l'me prend pour Dieu lorsqu'elle est encore incapable d'avoir la science du Dieu vritable \ La thorie du logos faisant intervenir dans la nature une cause moins parfaite que Dieu explique l'origine du mal. Au logos spcialement est confi le chtiment du mchant. La thorie des anges rpond au mme besoin. Une de leurs fonctions principales est de punir les mchants ou de donner Thomme le bien infrieur qui est l'absence dumaP. La ncessit d'une tho-
(ibd.),
comme Philon {de post. C, 2) rattache en outre comme lui l'anthropomorphisme au culte g-yptien et aux religions populaires (chap, 29). Les autres passages contre la thorie {leg. alleg., I, 36 de confus, de decal., 82) se rattachent videmment la mme source. Le lingu., 98 point de vue de l'anthropomorphisme utilitaire (surtout quod deus immut., et de confus, lingu., 98 Qa. in Gen.^ 1, 55, Wendland, 52, 54, 55, 62 70 ibid., II, 54, Harris, 23) se rattache galement la critique de Cotta 36) ... Consilio quodam sapientum, quo facilius animos imperitorum ad deorum cultum a vitse pravitate converterent... (cf. Philon r.a.LSv.c, ivixa xat
critique Epicure
; ;
;
De Somn.,
;
I,
238.
I,
de vita M.,
66.
Ibid., 229. Quaest. in Ex. y II, i3; de Somn., I, i43. 6. Ibid., 23 1. Leg. alleg., 7. Voici quelques passages o le log-os est identifi l'ange III, 177 de Cherub., 35 de post. C.,()i quod deus immul., 182 \ de Sobriet., 85 ; de confus, lingu., 27-28. i48 quis rer. div. h., 2o5 de mut., nom., 87 ;
5.
:
LES ANGES
131
rai-
i-e
des
dmons
est rattache
dit-il,
sons.
Beaucoup,
ensemble. 11 y a l des difficults (que Plutarque ne signale pas, mais qui se rapportent au problme du mal) Platon, ajoute-tla thorie de la matire, mais ils il, a rsolu ces difficults par
;
me
le genre des dmons entre les dieux et les hommes il nous runit et rattache aux Dieux K Pourtant l'ange par son nom mme parat avoir plus de personnalit qu'une force abstraite comme le logos. Dans les thophanies de la Bible ce n'est pas Dieu qui apparat, mais c'est range qui prend une forme sensible.
Les anges invisibles par eux-mmes s'assimilent souvent des formes humaines changeant de forme selon le besoin ^ L'ange est la forme suprieurement belle, dissemblable de toute chose visible, clatante d'une lumire plus brillante que le feu, qui apparat Mose dans le buisson ardent ^ Pour expliquer la voix qui annona le dcalogue aux Hbreux assembls, Philon dcrit ce bruit invisible de l'air..., non pas sans me, non pas form d'une me et d'un corps la faon d'un vivant mais une me rationnelle (cf. les anges Xoyia-[j.o'j xpa'.cpvsis) pleine de clart et d'vidence, qui ayant donn Tair une forme et une tension, et l'ayant chang en un feu enflamm, a
ce
une trompette, une voix puissante... L'ange est la fois un oracle et un guide. Il prdit l'avenir Thomme, ce qui explique son nom^ il joue un rle notamment dans la mantique du songe^ dans la divination en gnral^ Il a la mission de rechercher l'me errante pour lui enseigner qui il faut adorer^ On sent donc vi^re, autour de soi^ un monde d'tres dmoniaques qui nous protgent. Mais ces anges n'chappent pas l'inproduit
souffle
travers
*.
;
comme un
I.
2..
De
Qu. in Gen., l, 92 (Harris, p. 18). 3. Vita Mos.,l, 66. 4. De decal., 33. Ce passage prsente une ressemblance curieuse avec la description du dmon de Socrate chez Plutarque [de Gen. Socr., 20) celui-ci est aussi une voix clatante [fyyoi; sy^ovrra.)
;
5.
Vita 3fos.,
I,
1,
66.
6.
De Somn.,
189.
7. Quaest. in Gen., IV, 96, le mme rapport des dmons la affirm dans le no-pythagorisme. Diog. L., VIlI, 19. 8. De fuga et invent. 5-6.
^
mantique
est
132
LES INTERiMDlAIRES
deviennent comme le log-os des tres ralit fuyante et moiti symbolique. Il sufft de relire les textes qui viennent d'tre cits (les thophanies), pour voir que les fonctions attribues ces anges dpendent de Texplication littrale. Ainsi, faisant suivre d'une explication symbolique, Fexplication littrale du buisson ardent, il fait de l'ange le symbole de la providence divine ^ Ou bien Tange est, comme le logos conu comme cause d'harmonie dans le L'ange qui apparat Agar pour lui conseiller monde^et Fme de retourner vers Sara est la conscience morale (zlzyyoq) qui, par bienveillance, guide l'me vers la vertu ^ Les anges ne sont pas cependant une simple doublure du logos. Si nous ne considrons que la fonction d'intermdiaire du Logos entre Dieu et le monde ou entre Dieu et l'me, il serait trop absurde d'admettre des ddoublements sans cesse rpts de cet tre. La pense de Philon a beau ne pas tre fort systmatique, on doit au moins essayer de chercher expliquer autrement ces rptitions. Tout s'claire ds que l'on se place au point de vue du culte. Le logos est non seulement un intermdiaire mais le culte mme rendu Dieu. Les anges aussi sont de pures
lerprtation allgorique, et par
l, ils
Ils
sont les
prtres de ce temple
qui est
le
monde
entier. Ils
admettent
par leur
parmi eux
comme Mose
Leur fonction physique doublerait inutilement celle du logos. Mais il est bien au contraire que ce culte divin s'exerce par des
tres sans cesse multiplis.
dans aucune dmonologie grecque nous connue. Est-ce une raison pour admettre avec Lueken^ que des influences purement juives se sont exerces dans l'anglologie. L'ange prtre et surtout l'archange ne seraient autres que le Michel des Juifs palestiniens. Les textes que nous venons de citer constituent les principaux arguments de Lueken ^ Ils ne sont nullement dci-
Vita Mos.,
I,
O7.
5-G.
2. 3.
4.
5.
387.
Lueken, i/zc'Aa7, pp. 57-61. 6. Les autres arg-uments sont tirs d'un texte du de confus, ling (28) Philon interprte l'archang-e dans un passage de la Bible o les rabbins Fin.
l'esprit divin
133
sifs.
c'est
purification de l'intellig-ence
parce qu'ils sont de trs pures intelligences. L'ide de la pour l'adoration de Dieu dpend
elle-mme d'une thorie du culte spirituel que nous exposerons dans un prochain chapitre.
4.
UEsprit
(-jtvsGi^-a)
Sous
le
nom
de Tcvsuaa
les Stociens
ensemble
les parties
;
Tantt ce principe est l'air^ tantt il est fait d'air et de feu^ Philon admet la premire de ces conceptions\ L'air est, pour lui^ le principe de vie de chaque tre. Dans un passage de physique stocienne sur les principes d'unit des tres, il dfinit la cohsion u un souffle qui revient sur lui-mme *. Il explique en ce sens le verset de la Gense Le souffle de Dieu tait port sur les eaux . L'eau n'a de vie, dit-il, que par l'air qui est mlange avec elle \ Le corps vivant a aussi un principe de cohsion ('^'-;) qui lui est propre, en tant que corps mais ce principe s'en ajoute un autre, l'me, qui, allant jusqu' la surface, et revenant de la surface au centre, ajoute un second lien au premier". Cette thorie du -vs-jp-a parat avoir t lie chez les Stociens
:
celle
De mme que
la
tension de l'me
les
un acte ou
donne Philon de
communes parle
dans un passaj-e du quis rer. div h.^ t\i, l'archange philonien lui parat semblable au Michel des Juifs palestiniens. 1. TzvzvtJLu oppos TTp Galien Tzsp 77)>vOou (Arnim, St. Vet. Fr., II, 2. Tsyov x TTupo Ts xat poq, Alex. Aphr., de mijctione, 224 (Arn., ibid.). 3. Qaod deus immut., 35. 4. Gen., I, 2; Qu. in Gen., IV, 5, 249; cf. de Gigant., 22. Cette explication ne se trouve pas dans le de opificio qui omet le passag-e. 5. Une seule fois {de fuga et inv., i33), la cause active de l'univers ou le vou; est appel h^)ipit.ov xa irsKupw^vov nvzaoc, (3. Qu. in Gen., II, 4> 777. La comparaison se trouve dans Galien, Hipp. et Plat., plaCy V, 3 (Arnim,
terprtent Michel
;
.
II,
228, 3i).
134
LES INTERMDIAIRES
du bien
science pure par laquelle Philon dfinit le 7rvG!|jia, a un certain rapport avec la dfinition de la raison chez Chrysippe un ensemble de notions et de prnotions ))'. Mais ces thories stociennes subissent une importante transformation chez Philon d'abord il donne un sens nouveau la distinction stocienne entre me et me rationnelle. La premire qui nous est commune avec les animaux a pour substance le sang^ la seconde a pour substance le souffle. Le souffle luimme fi'est pas de l'air en mouvement, mais une empreinte et un caractre d'une puissance divine, que Mose appelle, de son nom propre, imag-e . Le souffle est donc, en quelque sorte, spiritualis et ramen son origine divine*. Une seconde modification plus importante est la transformation de la thorie des notions communes en une thorie de l'inspiration. Le souffle divin ne constitue pas, d'aprs cette seconde ide, la substance propre de l'me, mais n'appartient qu' Dieu. L'me n'aurait jamais os par elle-mme s'lever jusqu' la notion de l'tre divin elle la reoit donc par une inspiration mais elle n'est pas constitue par le souffle mme^ Au moyen de ce souffle qui est un intermdiaire que Dieu tend jusqu' l'me, l'me se trouve unie Dieu. Le souffle devient donc l'intermdiaire par lequel l'me reoit les notions communes^ On reconnat encore dans cette tension l'expression stocienne, mais dans un sens fort diffrent^ L'inspiration n'est pas, comme la raison, constitutive de Pme, mais c'est un fait qui peut survenir et disparatre. Grce la
et la
:
:
notion de Dieu \ La
((
De gigant. 20; leg. alleg., 34. La notion du bien qui est chez tous (34), due au souffle divin (Sy-SS). 2. 'A/.v?paro; STrto-TVaj, de gig., 12, Ivvotcov r zivwj xut Tzpol'riipuv oi^poLcry.(x^ Gai., ibid. (Arnim., 1. 23. Chez Philon, cette science pure se rapporte aux ides, comme il suit de l'exemple de Bslel {de gig.,2S cf. leg. alleg.,
1.
,
est
m,
95).
3. Ide inspire par un passage de la Bible {Lv., 17, 11), mais aussi par 83. des thories g-recques. Quod det. pot. ins 4. Le TTviy.a est celte partie la meilleure de l'me que l'on appelle inlellig-ence et lo^-os {ibid.)\ il se trouve par l identifi au log-os. 5. Leg. alleg., I, 37-38. L'me est incapable de voir d'elle-mme Dieu {quod det. pot. ins., 87). Philon admet cependant que des tres exceptionnels comme le prophte Mose peut lui-mme tre pour d'autres une source d'inspiration {de gig., 24-25). 6. "EvuTtq de l'me, du souffle et de Dieu comme constituant l'inspiration le meOua. est ici une puissance de Dieu. {leg. alleg., 1, 37) 7. De gig., 20. L'esprit joue aussi le rle de conscience morale {ib., 21).
;
l'esprit divin
135
bont divine, toute ame l'prouve un certain deg-r il n'y a pas d'me qui reste sans aucune notion de Dieu\ et la punition serait tout fait injuste, si l'homme n'avait reu par l'irjspiration
:
cette inspiration a bien des degrs sans consistance que seul l'homme ter7rv[j.a
fort et bien
que
reoit
l'homme idaP. Le
(i:^
g-rande partie
dans l'homme, que l'on trouve (28 82) l'opposition de l'esprit et de la chair. Ce qui empche l'esprit divin de subsister en nous, c'est d'abord le changement perptuel des choses humaines, puis les occupations pratiques qui doivent disparatre pour que la sagesse fleurisse , mais avant tout la chair le premier et le plus g-rand fondement de l'ig'norance . Seules, les mes incorporelles n'auront aucun empchement pour subir d'une faon stable et dfinitive le souffle divin, 11 faut donc nous prparer l'inspiration en abandonnant les buts nombreux qui nous attirent dans la vie, en nous dpouillant de toutes les choses du devenir pour aller Dieu avec la pense toute nue*. Les conditions de l'inspiration sont donc surtout morales. Tel est le souffle divin devenu intermdiaire entre Dieu et l'homme. Il serait exag-r de dire qu'il n'y avait pas dans le sIoh cisme des g-ermes de cette transformation. Pour les Stociens pan{\xhzv^)
l
C'est
substance commune des chopar essence divin. Si Ton combine cette ide avec la transcendance de Dieu, Ton devra, sous peine de confondre Dieu et Thomme, placer le souffle hors de l'homme. D'autre part
est
les textes
de
la
suffisants pour donner naissance une telle thorie. Elle est beaucoup plutt drive de l'exprience relig-ieuse intime qui transforme en un vnement de l'me, l'inspiration, ce qui, pour les
Leg. alleg,,
Ibid., 42.
I,
35.
2.
3. Philon g-arde encore les expressions stociennes pour dcrire la faon dont se rpand le souffle de Mose non pas en se divisant, mais en restant le mme, comme le feu qui subsiste le mme aprs avoir allum mille torches
4.
Gen.,
I,
rsume
les
mmes
ides.
136
LES L^TERMDIAIRES
philosophes
nente,
la
g^recs,
en
tait
et
perma*
raison.
Il
LES PUISSANCES
(AL>v[JLt.)
Les puissances forment une nouvelle catgorie d'tres intelintermdiaires entre Dieu et le monde sensible. Quelle est la nature et la signification de ces tres? Les interprtes sont loin de s'accorder sur ce point, mais peut-tre ce dsaccord tient-il ce que chacun a mis en vidence un seul point de la pense de Philon, en ngligeant trop le reste. Pour les uns Philon a introduit les puissances pour concilier le panthisme stocien avec la transcendance divine ; il est impie d'affirmer que Dieu touche le monde, que le pur est en contact avec l'impur. Pourtant le monde est dpendant de Dieu Dieu ag^ira donc non par lui-mme, mais par des puissances distinctes de son essence. Pour d'autres ^ les puissances drivent non pas de la ncessit d'expliquer le rapport de Dieu au monde,
ligibles,
;
elles sont les attributs mais de la conception mme de Dieu qui dterminent chacune son essence sans jamais l'puiser elles se distinguent de Dieu non pas essentiellement, mais grce l'imperfection de notre intelligence, qui, trop faible, ne peut embrasser l'lre divin que par fragments. Ces deux opinions ne sont que partiellement exactes pour la premire comment admettre premire vue que ce soit un essai d'explication du monde qui ait t le motif dterminant de Philon dans l'introduction des puissances? Il faut mconnatre entirement son peu de souci de la physique et de la mtaphysique. De plus, comment concilier cette opinion avec les nombreux passages o l'on voit Dieu intervenir directement dans le monde ? Il est d'une mauvaise mthode de recourir comme on Ta fait trop souvent aux inconsquences de Philon. L'opinion de Drummond, qui est ingnieuse et appuye sur quelques textes importants^ mconnat cependant la pense de Philon en la ramenant une espce d'idalisme la Spinoza, historiquement bien pos;
trieur.
Heinze, p. 245.
1.
2.
Drummond,
II,
p. 89.
137
Les proccupations de Philon sont avant tout morales et concernent Tascension de l'me vers la connaissance de Dieu. Il y nous avons vu dans le a dans cette monte bien des degrs
;
chapitre prcdent que ceux qui ne sont pas assez forts pour
atteindre Dieu, s'arrtent la connaissance de son logos. Mais,
il
y a des mes encore trop faibles pour atteindre le Verbe divin celles-ci s'arrtent la connaissance des puissances divines,
;
infrieures au logos.
I.
Le
culte divin
comme
raison de la thorie
des puissances
Dieu
dans son unit, sans rien autre chose, dans laquelle l'intelligence
a t spare des facults irrationnelles
et difficile
*
Or Tadoration de l'Etre ne peut tre le but unique d'tres impuissants comprendre Dieu par lui-mme Dieu ne sera pas pour eux un tre unique et indivisible, mais
garder.
;
ils le
connatront travers
les
choses qu'il
fait (^'.
twv pwijivtov)
par consquent dans ses diffrents rapports avec la cration -. C'est la connaissance non pas prcisment de Dieu qui n'est pas un tre relatif, mais des puissances divines relatives au monde et l'me \ Or ce culte de Dieu sera confus tant qu'on n'aura pas spar, par la mthode de division^ les diffrentes vertus ou
et
puissances divines
son,
le
si
et rai-
discours sur
admet
la
sparation et la division
;
en chacune des puissances et vertus divines Dieu est bon, il est monde et de l'univers, il pourvoit aux cratures il est sauveur, bienfaisant, bienheureux, plein de tout bonheur \ Ici les puissances ou vertus divines sont seulement des pithtes ou attributs de Dieu. Mais pour conserver la substance divine son unit simple, il fallait sparer les attributs de l'Etre luimme, et c'est pourquoi leur connaissance constitue non la vrit sur Dieu, mais seulement l'opinion vraie ^ Ce point de vue est expos dans les deux interprtations du
crateur du
;
1.
2.
De fuga. De Abr.
91.
122
rf?
3. Ibid.., h
xrtov n
ipx^'^',
4.
5.
138
rcit
LES INTERMDIATRES
de la Gense sur les trois htes d'Abraham K Ces trois htes sont Dieu escort par ses deux puissances; dans cette apparition,
une triple reprsentation d^un deux autres comme ombres projetes par la premire comme il arrive dans la lumire sensible o les objets mus ou immobiles projettent souvent deux ombres . Ces ombres ne sont pas l'Etre suprme mais ses puissances les plus anciennes droite la puissance cratrice que Ton appelle Dieu (Beo;), gauche la puissance royale que l'on appelle seig-neur (x'jr.o;). a L'tre du milieu escort par chacune des puissances offre la pense voyante une reprsentation tantt d'un tre, tantt de trois un seul lorsqu'elle est compltement purifie et qu'ayant dpass non seulement la multitude des nombres, mais mme la dyade..., elle se hte vers l'ide
Abraham
conoit
(xaTaXa[JLv^)
seul sujet, de
Tun en
la
connaissance 86a
et oLkr^heioL, la
compa-
lumire intelligible, l'initiation aux mystres, tous ces traits qui concernent ici plutt la connaissance de Dieu et de ses puissances que leur tre mme sont tirs du platonisme. Si les stociens,
comme nous
le
sances divines,
plus important,
puissances.
le
la
faisons
au fond; nous n'en la connaissance des puissances. C'est par dfaut de subtilit que l'entendement ne peut voir seul l'tre qui surpasse les puissances; ceci n'est possible que lorsque l'entendement humain se rend lui-mme
la
mme
a rapport
1,
i'^
De Abrah., 11Q-124;
iig-i2l[.
2''
2. 4- 8.
2.
De Abrahamo,
139
un plus loin Abraham s'adresse au singulier aux trangers. D'un il plus libre et d'une vision plus lucide, Tentendement est rendu plus certain il n'est plus attir violemment par la
((
il
court l'un
.
et se le
reprsente sans
C'est la
mme
diffrence entre la
compare
d'ailleurs
tion triple est en puissance celle d'un seul sujet {de Abrah. i3r).
De mme Mose, qui Dieu refuse de se faire voir en lui-mme, demande dans une deuxime prire voir au moins l'opinion
sur
l'tre, c'est--dire les
un rapport Dieu n'est nulle part, en aucun lieu, pourtant par l'opinion on se le reprsente comme tant partout. Cette opinion a pour objet sa puissance cratrice '\ Les puissances si elles sont en elles-mmes intellig-ibles ont au moins des images sensibles. Quelque chose de sensible peut leur ressembler. L'Etre suprme ou le logos au contraire n'ont aucune image *. Ainsi Abraham, c'est--dire l'esprit qui s'instruit
Les puissances ont,
le
comme
particulier avec
monde
sensible
commenc par
monde, non en lui-mme mais par ses puissances cette opinion sur Dieu est suprieure cependant la connaissance inductive qui part non des puissances mais du
le
monde ^
y y a dans la connaissance des puissances bien des degrs il une suite ascendante dans le progrs moral, d'un tat un tat suprieur et chaque degr, dans cette espce de course, correspond la connaissance d'une puissance divine suprieure la raison commune en est dans la bont divine, qui n'est ellemme que la premire puissance. Dieu dans sa bont et son amour pour le genre humain n'a pas voulu le laisser prir sans
Il
:
1. Ce texte est un peu obscur par le mlang-e quelquefois indistinct des deux interprtations littrale et allg-orique tandis que, dans le de Abrah., Abraham hsite entre la contemplation de l'un et celle de trois, ici il hsite d une part entre la vrit et l'apparence des trois voyageurs, d'autre part entre la vision de Dieu comme un et trois.
;
2.
3.
4.
5.
6.
De Mon., 1, 6, 218. De Migr. Ab., i83. De fuga et invent., De post. Caini, 167.
Ibid.
loo-ioi.
fait
La connaissance par
la
part du
monde par
140
secours
le
LES INTERMDIAIRES
et
il
et
font progresser \ Sans doute les tres, qui ne pchent pas par
^,
non
crite ^
Mais
l'tre
moyen galement
le
conseille,
mchant a besoin d'ordres et de dfenses qui lui fassent sinon atteindre le bien, du moins viter le mal ce Dieu n'est
pas
l'tre abstrait et
en puissances divines. L'Ecriture sainte engage celui qui est capable de courir
il
un, mais
se rsout
vite,
s'efforcer,
le
logos divin
le
plus
dans
par
la
nomme
Dieu, puisque
et ordonnes toutes chocompris que l'univers est devenu, survient la possession d'un grand bien, la science du crateur; elle persuade la crature d'aimer celui qui l'a produite) celui qui
elle
aTrj)
ont t fondes
a
pour qui
n'y est
la
le
effet,
comme fils par rprimandes); pour qui n'atteint pas ces bornes, cause de leurs grandes distances, il y a des tournants fixs l'intrieur, celui de la puissance qui secourt, de celle qui ordonne, de celle qui dfend celui qui
par crainte pour
pre,
il
comme
est corrig
par
les
a compris
par
s'est
la
que le divin n'est pas inexorable, mais bienveillant douceur de sa nature, mme s'il a pch auparavant,
;
celui qui a eu
l'ide
que Dieu
s'il
ses
le
commandements,
mal
dernier trouvera
aux commandements de bont, la crainte, l'amour du crateur au-dessus nelle que seul donne le logos.
l'obissance
;
Si Dieu n'tait propice aux tres, il 1. Qii. in Ex., II, 66 (Harris, 65). n'aurait rien fait par sa puissance potique, ni donn de lois par sa puissance
II,
96, la
puissance propitiatrice
{^h 'ta;)
Leg. alLeg., I, 94De Abrah., 4-5. 4. Leg. alleg., ibid. 5. Il s'ag-it dans ce passag-e de l'explication allgorique des pour les homicides involontaires. 6. De fug a et inverti., ^'}-\oo.
3.
villes de refuge
141
Mais si nous considrons successivement chaque fonction morale de ces puissances, nous verrons qu'il n'y en a pas une que Philon n'attribue quelque part au logos tout seul c'est par le logos comme par la puissance potique que sont nes toutes Le logos, choses, et il inspire aussi l'amour du crateur comme la puissance royale, rprimande les hommes et fait craindre Dieu ^; il offre, comme la puissance secourable, une aide Il est la loi comme la puissance bienveillante au pcheur Enfin, comme la puissance qui dfend il fait viter lgislative le mal, et il est, dans ce rle, oppos Dieu lui-mme qui fait participer au bien ^ Il faut seulement remarquer que jamais le logos n'a la fois, et dans un mme passage, ces diffrents attributs lorsqu'il faut en prsenter un tableau d'ensemble, comme dans le texte cit plus haut, Philon recourt alors la diversit des puissances, sparant en des termes diffrents ce qui dans
:
mme
terme.
dans la dtermination de l'tre que l'on invoque, suppose moins un tat d'esprit spculatif qu'un tat de prire \ tat dans lequel l'me est pousse par le besoin plutt que par le dsir de connatre. Aussi dans de pareilles improvisations, Philon change, selon les ncessits, l'ordre et le rle moral des puissances. Dans le passage cit, il divise les puissances en puissances se rapportant au monde (puissances
'
cratrice
et
royale), et puissances
se
rapportant l'homme
pcheur (celle qui secourt, celle qui ordonne, celle qui dfend). Mais il a fait voir ailleurs que la puissance secourable dpendait de la puissance cratrice et que la lgislatrice dpendait de la royale ^ Aussi dans la rgle, se borne-t-il invoquer les deux puissances divines les plus anciennes , la puissance cratrice ou la bont, et la puissance royale qui correspondent d^ailleurs pour lui la distinction biblique de Os et de xpio;. Le passage
1. Leg alleg., III, 9; Qu. i?iGen., IV, i, 288; l'me est porte vers Dieu. mediante forma . Forma reprsente l'image ou logos de Dieu. 2. De fuga, 6. 3. Quis rer. div h., 297. 4 De Migr. Ab., 28 de Somn., II, 228,
.
Leg. alleg., III, 177. G. Les puissances sont les refuges des mes dignes d'tre sauves. 7. Cf. dans les passages prcdents y^pstix, ovy^ ie. L'Ecriture sainte engage (TToo-psTrt). De Ahr., 129, oppose ceux qui adorent Dieu pour iui-mmo ceux qui Vixdovcnl tu-ruq y pia;. nupa.o'kK^-y.-Ji tj Troivjrtxip h uv>)q. 8. (Ju. in Ex., il, 68; Harris, p. 67
5.
:
LES INTERMDIAIRS
de la connaissance du Seig^neur la connaissance de Dieu est le progrs moral. Au lieu de craindre Dieu comme un matre puissant, on espre fermement en lui comme en un bienfaiteur; on reoit son amiti et sa bienveillance \ Si les meilleurs sont ceux qui se reprsentent l'tre, aprs eux viennent ceux qui pensent ses bienfaits et seulement ensuite ceux qui craignent sa souverainet ^ Ttre suprme n'est le matre que des mchants, il est le Dieu des hommes en progrs ^ Chaque puissance distincte des autres correspond donc un tat de Tme. Mais le culte des puissances prend encore une
;
autre forme.
Philon
rieuse.
fait
frquemment allusion
comme une
deux formes
distinctes
mme
les
notre capacit, se trouve ailleurs frapp de leur immensit, de leur mystre et les dclare incomprhensibles. Le monde mme ne peut les contenir *. Il dborde des bienfaits de
Dieu
nous sommes incapables de recevoir les bienfaits de Dieu, comment supporterons-nous les puissances qui ch;
et si
tient ? ^
donc ncessaire que les puissances divines se temprent pour que le monde et Tme puissent les contenir Dieu s'il n'agissait que par sa souverainet et sa justice dtruirait le monde et l'me du pcheur. Mais sa piti et sa bont l'arrtent. 11 y a un concours et un mlange (xpa-t.v) des puissanquand Dieu est bon, la dignit de sa ces sans mlange
Il
est
Tune
l'autre
souverainet se manifeste
quand
;
il
est souverain, sa
bont se
manifeste \ La raison profonde de ce mlange doit tre cherche dans le culte spirituel les sentiments d'amour et de confiance dans la bont divine nous lveraient trop haut, si nous ne craignions en mme temps la souverainet de Dieu et l'espoir en sa bont nous sauve dans les maux involontaires que nous
1.
2.
3.
xar -vjv oo-av de opif. m., 28, 5. Ici identique la puissance royale; de Ebriet., 82; cf. quod deus imm., aucun homme pe serait sauv, si Dieu voulait juger sans piti la race 75 des mortels. 6. De Cherub., 29.
4.
:
xaTaljTrroi
subissons \ Ceci parat tre du moins le cas de l'intellig-ence moyenne, g^alement porte par sa nature au bien et au mal pour qui l'tre suprme est le Dieu qui rcompense et le Sei-
deux puissances, l'une pour lui imposer des lois, l'autre pour le combler de grces ^ Mais l'me parfaite symbolise par Isaac_,
n'ayant plus besoin d'tre amliore par
la
la
contrainte des
lois,
;
bont de l'tre suprme et ses grces ne connat plus que pour lui le Seigneur Dieu devient simplement Dieu le mlange des puissances est donc un point de vue infrieur
;
Mais ailleurs la connaissance du mlange des puissances est au contraire comme un point de vue suprieur L'Etre juge bon d'tre appel seigneur et matre des mchants, dieu des mes en progrs, mais la fois seigneur et dieu des meilleurs et des plus parfaits ^ . Le parfait est dans ce texte
dsigne
((
:
Gomment
une autre thorie partie d'un point y Abraham, l'Etre apparaissait ou l'apparition diffrent. Dans la vision bien avec ses deux puissances la fois, ou bien seul des deux puissances la fois et non pas du Seigneur d'abord et de Dieu ensuite, est donc le degr immdiatement infrieur la vision de Dieu, a 11 est bien de mlanger et de faire concevoir dans l'me ces trois mesures (Dieu et ses deux puissances), afin que, persuad que le plus lev est Dieu, elle reoive les empreintes de sa souverainet et de sa bienfaisance ^ . Ce mlange revient une trinit indivisible. Il a t permis (dans cette apparition) que trois soit un et que un soit trois \ Les deux puissances
prcdente
? Il
a l
))
comme dans
la
mais pour ne
faire qu'un,
non pas pour affaiblir l'une par l'aumonde ou sur l'me, mais pour se renfor-
Ibid.
2. 3.
4.
Leg. alleg.,
I,
gS.
162.
i63.
y
5.
6.
T.
De De De De
I,
I,
2.l\
144
LES INTERMDIAIRES
cer dans l'unit divine. C'est par l'amour que leur inspire Dieu
qu'elles sont unies entre elles ^ Partout cette thorie est pr-
sente
comme un
mystre. C'est un
Tme
ne
les rvle
personne
que l'union de Dieu avec la sagesse pouvons-nous nous fonder pour appuyer ce rapprochement, sur la traduction latine assez obscure d'Aucher qui, propos de cette vision d'Abraham, runit d'ans un mme mystre intellectio sapieiitiae patris et superioriim ejiis virtutum \ L'tude de la nature mme des puissances nous clairera sur ce culte mystrieux.
avait dj fait l'objet d'un mystre. Peut-tre
:
Remarquons, sans
2.
tres mythologiques.
que joue la thorie des puissances dans nous pouvons maintenant aborder le connous y reconnaissons un grand nomtenu mme de la thorie bre d'lments que nous allons essayer d'isoler. Le panthisme stocien place dans l'univers un tre unique qui en contient toutes les parties; dans les tres individuels, il se
le culte et la
Nous avons vu
morale
et
nom
chaque
ne sont qu'une partie de l'essence divine, affecte la direction d'un fragment du monde. Philon connat fort bien cette thorie des puissances. Elles sont, comme dans le stocisme innombrables, et elles sont destines empcher la dissolution des tres; ce sont les gardiennes de la forteresse du monde \ Elles interviennent dans les explications physiques de dtail. Ainsi c'est une puissance divine qui rgle la chute de la pluie pour empcher la destruction de la terre '\ Leurs rapports Dieu sont
1.
De herub.,
20.
.
Ce mystre parfait {de sacr Ab. et C, 60), l'union des puissances, ne doit pas tre confondu avec les petits mystres du de Abrah. ( 122) qui se rapportent aux puissances isoles.
2.
Qaaest. in Gen., IV, 8, p. 262. Qu. in Ex., II, 64 Harris, 645. Qu. in Gen., Il, 64; Harris, 26; les comtes dsignes assez obscurment i5, 186) comme des puissances divines et des log-oi {ibid
3.
4.
145
exprims en des termes entirement stociens Elles sont une extension de Dieu qui ne provient pourtant pas d'une division de
son tre ternellement immuable, mais seulement d'une tension travers le monde \ Pourtant d'autres influences viennent ag-ir sur Philon. D'abord c'est tout fait par exception qu'il explique par une puissance divine des phnomnes de dtail. Notaml'unit
ment jamais il n'appelle de ce nom, les forces qui fondent du corps vivant ou anim. Les puissances rg-nent non pas sur un tre individuel, mais sur une totalit ou un groupe d'tres. Elles sont dans chacun des tres par leurs effets pour en
constituer la cohsion
elles sont
;
mais, et c'est l
le
par leur nature suprieures ces tres, plus vastes qu'aucun d'eux^ plus voisines de Dieu. Ce n'est plus une fragmentation l'infini de la tension
divine en chaque tre particulier, mais des fonctions cosmiques
ou morales stables et dtermines. Gomment expliquer cette ? Chi sait que la thse gnrale de l'allgorie stocienne est de rapporter chacune des divinits populaires une forme ou Parmi ces puissances se trouune puissance du Dieu universel vent comme nous allons essayer de le montrer les puissances divines de Philon. Mais pour cela il faut entrer dans quelques
ide
dtails sur la classification des puissances.
Philon a essay diffrentes reprises cette classification. Sans doute ces puissances sont innombrables et on ne peut toutes les
numrer^ Elles sont en cela semblables ces attributs toujours nouveaux que la religion grecque populaire donnait aux dieux et que notre auteur empruntant la mythologie donne souvent son Dieu suprme''. Cependant ces puissances sont subordonnes les unes aux autres et c'est ce qui permet de donner l'ordre
sur la diffrence de la division et de l'extension quod Pourtant la conception stocienne doit se modifier, cause de la diffrence de l'ide de Dieu. Les Stociens dans le dveloppement de l'tre universel en puissances devaient voir ncessairement un chang-ement de cet tre (le chang-ement de la dispersion l'unit, ou le changement
1.
De
post.
C,
i4
inverse). Si
Dieu est immuable au contraire il faut que ce dveloppement n'puise nullement et n'affecte pas son tre. C'est l la thorie mme de l'manation dont on trouve chez Philon une esquisse surtout mtaphorique. Les puissances sont les rayons lumineux de l'tre, les courants qui partent de la source divine. Dieu \\xm\QVQ(de Somn., 1, yf)); O-oi) vo/jrat c/.jyai.,de Ebriet ,442. Diog. La., VII, 147. D'aprs les Stociens, l'tre qui traverse tout {SirrAov ot TrvTwv) est nomm de divers noms suivant ses puissances (xar -5
3. 'A|xuO/5rou.
do
LES INTERMDIAIRES
En
effet ces
comme
diviseur agit d'abord pour les partager en deux puissances suprmes opposes l'une l'autre la puissance potique par laquelle Dieu cre le monde, la puissance royale par laquelle il en est souverain \ Cette division est remplace parfois par une division en deux triades contraires dont chacune n'est que le dveloppement et l'expression de l'une des deux puissances primitives. En tant que contraires ces deux puissances sont gales l'une l'autre (la-(^oLa-t.), et elles conspirent une mme action^. Cette faon de voir explique la contradiction souvent remarque chezPhilon qui place entre les puissances tantt le Logos, tantt LEtre suprme. Dans le premier cas il s'agit du logos conciliateur (a-uvywyo) qui, chaque fois qu'il y a des contraires dans la nature, les empche de s'entre-dtruire dans le second du Dieu suprme et suprieur toutes les divisions. Tel est le principe
:
des classifications.
La plus nette se trouve dans les Questions sur l'Exode^; les deux puissances les plus anciennes sont la puissance potique, que Mose appelle Dieu parce que c'est suivant elle que l'tre a fond (IQrixs) et ordonn l'univers, et la puissance royale, suivant laquelle l'Etre commande aux tres une fois ns subordonne la puissance potique se trouve la puissance propitiatoire ou
;
suipysTi-v) par laquelle Dieu a piti de sa propre uvre, et lui envoie des secours subordonne la puissance royale, la puissance lgislative (vo|j.o8TtxT|) par laquelle Dieu chtie (xoXaL(ITr^plo). Dans le de fuga et inuentione * qui suit les mmes divisions, cette dernire puissance se partage en puissance qui ordonne ce qu'il faut, et puissance qui dfend le mal. En gnral Philon ne donne pas une numration aussi longue^. Il se borne aux deux premires puissances royale et
La contrarit qui n'apparat d'abord pas premire vue vient de ce que puissance potique est essentiellement providence, et la puissance souveraine, la justice qui chtie [qais rer div. h., i6G Qu. in Gen., I, 67, creativa benefica virtus ibid., regia legislatrix et castigatrix 2. Qais rer. div. h., 166.
1.
la
3. II,
08.
a
4.19^.
5.
le
Il
pu y
tre
amen par
la ncessit
les objets
que contient
. .
147
potique ce sont les puissances les plus hautes \ les plus dans le dtail, chacune anciennes % les plus voisines de FEtre d'elles prend le rle des puissances subordonnes. La puissance potique est aussi la bont parce que c'est par elle qu'a t eng-endr le tout, c'est la douceur du Dieu qui aime donner, la
;
g-rce
cieuse,
de l'Etre* Dieu au sens restreint est cette puissance grapuissance paisible, douce et bienfaisante suivant
;
laquelle
il
cra
le
monde.
la
nous songeons
^
le
dmiurg-e a
fait le
monde
la
cration,
s'il
s'agissait
vritablement
d'une cration ex niliilo. De mme le seigneur, la puissance royale^ appele aussi la souverainet ^ est identique au fond la puissance lgislative et qui chtie ^ Aux puissances bienfaisantes
sont opposes parfois non
c'est
la
puissance royale, mais la puissuivant celle-ci, que le Seigneur crature ^^ Enfin cette puissance est
la
mise en parallle avec la justice (iy:r\)^\ Sa fonction est d'arrter garder la loi d'galit^'. Cette opposition nette et tranche ne peut tre attribue qu' la diffrence des origines nous en aurons la clef en montrant d'une part comment les dieux abstraits de la mythologie stocienne^ Xp'. et A'IxTi, se sont transforms chez Philon en Hs; et xup!.o,
l'avidil et de
:
les
platonicienne de
lesquelles
deux puissances principales et comment, d'autre part, l'ide la bont de Dieu influe sur Philon. la Justice (AixT;) sont parmi les divinits sur et Grces Les
;
s'tait
exerce
l'abrg de Cornutus
1
De Cherub.,
27.
Vita Mos., II, 99. 3. De Alfrah., 121 de sacr. Ab. et C, 5g. 4. De Cherub., 27, 29, 82 5. Qu. in Ex., II, 68 {Ib., 67). 6. De opif. m., 21 7. 'E^ouo-ta, fi/v7, hysiJLOvia., de Cherub., 27, 28, 29
2.
;
^sanoz-t/.-ri
i;ouTta,
de
Abrah.,
8. 9.
124.
I,
Qaaest. in Cen.,
67.
De
Ebriet., 80.
.
10.
11. F.
12.
13.
Quis rer div.h., 166. M., 11,99. Qu. in Ex., II, 63 {Ib., 64). Ch. XV.
^
148
LES INTERMDIAIRES
un passage du de Beneficiis de remonte jusqu' Ghrysippe. On rencontre aussi chez Philon une exgse de mthode pareille. Mais les Grces dsignent seulement les bienfaits de Dieu envers les hommes. Il est certain pourtant que son
faits
et
la
reconnaissance
fait voir
Snque
nous
que
cette interprtation
les
de Dieu
^
;
ce sont encore les trois vertus (la vertu par nature, par
(xsyapio-Oa!.)
ou
qui se sont donnes elles-mmes aux hommes pour la perfection de la vie '. Dieu principe et source de toutes grces est semblable au Zeus de Cornutus
rables
c(
;
*. Les vertus de Mose sont insparendent et reoivent rciproquement des services imitant les Grces vierges pour qui c'est une loi immuable de on pourrait en dire ce que l'on la nature de ne pas se dsunir qui en a une les a toutes'... Quel bien manque dit des vertus lorsque le Dieu fcondant est prsent avec les grces, ses filles vierges qui, sans souillure ni corruption, sont nourries par le pre \ Toutes ces formules supposent videmment une interprtation symbolique des Grces, filles de Zeus Les Grces ont au Dieu suprme un rapport plus intime et plus troit qu'aucun tre. La grce vierge se trouve toujours interpose entre Dieu et
elles se
les tres
mme
le
logos; la pluie
la
grce
La grce
en
la
somme
l'ensemble de dons
et
de bienfaits qui
bont ou puissance potique de Dieu. En un une grce de Dieu, le monde, les lments qu'il donne eux-mmes, et les uns aux autres ^; elles sont plus rapides que tous les tres et les prviennent puisqu'aucun n^en est jug dig^ne par lui-mme. Elles sont ternelles, sans
dcoulent de
lacune ni discontinuit, jour
1. I,
et nuit
nous
les
rencontrons
2. 3.
4.
5.
6.
7.
3 (Arnim, Vet. Stoc. fr., TU, T082). Qu. in Ex., II, O2 rv^v ttk/jvov yv.oi'oi^ de mut. nom., 53. De Abrah,^ 54P. 10, 1. 2, Dieu a t dit pre des Grces . Vita Mos., II, 3.
;
3i.
53.
l'er.
8.
div. h.,
iol\,
les
deux grces,
(7Tpoxrp;;^ou(Tav), celle
qui rend
(vTsxTtvoo-v)
Cornut., p. 19,
.
17
107.
254.
149
Mais
nit
la
la divinit
la
divi-
suprme, suivant une mthode habituelle aux Stociens*. De mme la puissance royale ou celle qui chtie est la Dik grecque, fille de Zeus. La Dik est souvent cite par Philon elle garde chez lui un grand nombre de traits qui rendent reconnaissable la desse mythologique. D'abord ses deux pithtes habituelles qui sige ct de Dieu (7popo GsoG) et sur:
:
humaines
et alli de ceux qui ont subi une injustice ((ji'.a-OTrovTipo, uizpixayo twv koiy,'f\HvT(My)'^ le rapprochement de Dik avec la guerre, tandis que Dieu est gardien de la paix se comprend difficilement sans Ttymologie que les mythologues donnent de ce mot (oiy '^wp('.v) et sans l'opposition de Dik ElpTiviq toutes deux tilles de Zeus^ Certes Philon a souvent adapt cette mythologie une ide bien trangre celle des Grecs. La Dik joue surtout un rle important dans les punitions inflig-es aux ennemis d'IsraP. Philon en fait aussi un frquent usage dans l'exposition du Gode pnal juif c'est elle qui parat proportionner la peine au crime, suivant la loi du talion ^ Elle poursuit les faux serments, les meurtriers; elle se sert pour punir de moyens cachs et invisibles, par exemple des meurtriers involontaires ^ L'ide est en somme incorpore au judasme; c'est probablement cette puissance de Dieu qui, dans les Macchabes^ rside au temple de Jrusalem et intervient pour punir les ennemis d'IsraP. La ixt) pLia-oTiovT.pGs se trouve aussi dans les additions grecques du livre d'Esther*^. Nous expliquons donc assez facilement l'orig-ine de cette puissance royale qui agit sur les hommes par la crainte du chtiment
Elle est
ennemie du
vice, secours
1.
et
xc/.pt,
2.
3.
io8. La bont est la plus ancienne des g-rces, yaGcrvi; sont toutes deux les raisons de la cration {leg. alleg ., I, 78). Decal., 177 ibid., 95 ; spec. legg., III II, 821. spec. legg., III, 26; II, 828
;
178.
5.
6.
7.
II,
538.
Il,
8. 9.
particulier, V. M.,
III,
53.
22.
ll, 3,
en
g-rec
cf.
aussi dans
II,
Baruch. (qui
Schrer,
721) 59, 6.
1.
Qu, in Ex.,
II,
89.
ses
deux puissances
150
LES INTERMDIAIRES
comme
le
la bonl divine. L'on sait aussi chtiment comme un bien pour le coupable, et qu'enfin le souverain ne doit exercer sa puissance que pour le bien de ses sujets. De mme chez les Juifs, il j avait dans les psaumes et quelquefois dans les prophtes une tendance accentuer moins la puissance inexorable du Dieu juste qui chtie les mchants que sa piti profonde pour les pcheurs. Toutes ces ides trouvent accueil dans la pense de Philon il voit surtout en Jhovah le Dieu bon et misricordieux qui accumule ses g-rces sur le monde, et toujours prt pardonner au pcheur repentant. Par l la souverainet et la justice taient considres non pas comme g^ales, mais comme infrieures la bont. C'est bien en effet ce qui arrive parfois. La puissance potique est antrieure, dit Philon, la puissance royale, puisque l'univers doit exister avant d'tre command*. Bien plus, la puissance qui chtie est subordonne la bont divine s'il est vrai que le chtiment procure un bien celui qui en est frapp ^ Dans cet ordre d'ides une puissance cite plus haut comme partie subordonne de la puissance potique apparat comme la plus leve d'o viennent toutes les autres c'est la piti de Dieu ou puissance propitiatrice. D'elles viennent les deux puissances cratrice et royale % et la puissance potique est appele la raison de croire (tzI^tti) la bont de Dieu ^
considrait
vante. Chez les Stociens la puissance a avant tout une signification cosmique. 11 s'agit d'une explication physique de la nature. Nous avons vu, au contraire, que les puissances acquirent ici leur plein sens par leur rapport l'me humaine. Le passage d'un sens l'autre cause chez Philon un certain embarras et de l'indcision. A cause de ce double sens, il divise les
trouve peut-tre son modle dans le symbolisme du mythe d'Apollon, leg. ad C, 3, il tient de la main gauche un arc et des traits et prsente des g-rces de la main droite il doit en effet tendre le bien tout prs et lui donner la meilleure place, celle de droite, mais retirer les chtiments et leur attribuer tv^v ztzX tiu. (s. e. vvala place infrieure gauche . Cf. de Abrah.^
:
2.
62.
171
3.
151
puissances en deux groupes d'abord celles qui se rapportent au monde (Dieu et le Seigneur), puis celles qui se rapportent l'me humaine K Mais souvent Dieu et le Seigneur sont en rela:
humaine.
Gomme
pour rsoudre
est
mondes De
les
plus,
mme
que, Philon
C'est FEtre
marque que
suprme qui
du monde
a cr le
monde
la
sance potique a cr
le ciel
compos de
quintessence, enfin la
puissance royale se rserve le monde sublunaire caractris par les chang-ements ^ Ce curieux texte, d'ailleurs isol ^, prsente, on
une bauche du dmiurge des systmes g-nostiques posil ne prend tout son sens que g-rce l'interprtation morale qui le soutient. Les diffrentes sphres cosmiques correspondent la hirarchie des tres moraux. Le monde intelle voit,
trieu^s^ Mais
lig-ible c'est le
le
monde
l'homme en progrs qui reoit les bienfaits de Dieu, et le monde sublunaire, le mchant chti par le Seig'ueur. Les puissances deviennent donc comme plus intrieures Tme humaine, elle se met en relation avec elles par l'action morale Cette transformation en un sens psycholog'ique et et la prire moral que nous allons bientt constater dans la conception du monde intelligible s'explique non seulement par la pense phicleste,
la
en Egypte
le
stocisme en un culte
livre suivant
sujet
que nous
aborderons au
1.
De fug a et De Somn.,
invent., io3.
I,
169
Qu. in Gen.,
25o-25i.
:
II,
75, 160.
3.
8,
pourtant quod deiis imm., 70 les mchants sont ns par la colre (Ouf>t), bons par la grce {x^J-piri). 5. Il est tout fait oppos la thorie ordinaire de Philon qui attribue la cration seulement la bont. 6. Nous n'avons pas nous occuper ici pour l'interprtation du philonisme, des ressemblances que Darmesteter (Ann- du Muse Guimet, i, 24) a signal entre la thorie des puissances et une thorie perse, expose dans l'Avesta, celle des Ameschas Spentas qui entourent Ormazd Que l'on attribue cette thorie une influence du philonisme (Darmesteter) ou comme Chapot {Mmoire de la Socit des antiquaires de France, t. LXIII, 1902, p. 175) l'influence de la doctrine hbraque du Verbe, que l'on essaye enfin comme Lehmann {Manuel d'histoire des religions de Chantepie de la Saulsaye, tr. fr., p. 452), de leur donner une origine iranienne, on reste d'accord, malgr
4. Cf.
les
152
LES INTERMDIAIRES
III
Quelle que soit la transformation de nature que les Ides aient pu subir en passant de Platon Philon, elle n'approche pas de la diversit des rles qu'elles jouent chez les deux penseurs. Il ne s'agit plus chez Philon d'une complication du monde, mais du
culte divin. Aussi le
monde
comme un moyen du culte intmontr dans Poimandres^ que les textes hermtiques renferment une espce de religion cosmique spiritualise, o Padoration des objets sensibles, du soleil par exemple, est remplace par celle de leurs exemplaires intelligibles. Il a retrouv la trace d'une pareille conception dans un texte de Philon Mais les pithtes religieuses se trouvent encore
dr soit
comme un
objet, soit
rieur. Reitzenstein a
ailleurs.
comme
Les choses sensibles sont spares des intelligibles les choses saintes des choses profanes ^ Si le monde sen-
sible est un temple divin, le monde intelligible est un temple beaucoup plus sacr *. Mais le monde intelligible est surtout un moyen du culte, un intermdiaire pour arriver Dieu. Les Ides taient pour Platon des exemplaires; elles le restent pour Phi-
monde
des
Ides
tout entier
est
un monde
d'intelligences
entirement
pures de tout lment matriel % et qui, pour cette raison, pratiquent le culte divin. La faon dont Thomme connat les Ides
en
est
les
connaissons pas,
comme
chez
de
l'me devient un
Tme dans un monde suprieur au monde sensible membre de ce monde; elle en fait partie plus
;
qu'elle ne le connat.
la
le
sensible,
l'influence
1.
P. 241
2.
3.
178.
25.
4.
5.
p.
64;
les
ides Tri(TT/juovtxwrT/3
(jjctsw
G.
127
de Mon.,
i, G, II,
219.
LE MONDE INTELLIGIBLE ET
les Ides
L]S
IDES
153
mais Dieu n'ayant pas voulu sont inconnaissables compltement, en a donn la connaissance des tres exceptionnels entirement dtachs du corps, aux prophtes ^ A leur mort leur intelligence immortelle entirement purifie ne se rencontre plus dans le monde sensible, mais a fait retour au monde intelli;ible. Ce monde est donc comme le lieu de l'immortalit, le sjour des mes pures d'o l'on contemple la nature de Dieu. Il s'est pour ainsi dire combin avec la thorie des anges qui ont prt aux Ides un peu de leur person'
la priver
nalit
'\
.
Pour
ce qui est de
comme
chez
Platon, des paradigmes ou mesures des tres sensibles. Le bien n'est pas dans une multitude prissable, mais dans l'unit qui lui sert de modle*. S'il faut chercher des modifications la
thorie platonicienne, ce n'est certes
pas,
comme
le
veut Fal-
ter% dans >ine signification nouvelle des Ides par rapport la thorie de la connaissance. L'Ide philonienne est, suivant lui, la forme d'aprs laquelle l'entendement unifie le divers des sensations , et elle joue peu prs, par rapport au Dieu crateur, le rle des principes rg-ulateurs de Kant. Mais bien au contraire l'ide que les intellig^ibles auraient leur origine dans l'intelligence parat Philon un dog-me impie, un orgueil de l'intelligence qui ne connat pas ses limites ^ Elle reoit les intelligibles du dehors par des impressions comme la sensation reoit les sensibles. Le mode de connaissance est dcrit soit comme une reprsentation la faon stocienne', soit comme un transport mystique ^ Quant ce caractre nouveau d'tre dans la pense divine, il provient du contact de la thorie des Ides avec celle des intermdiaires. C'est ici en effet qu'il faut chercher la raison des modifications du platonisme.
((
I, 8 ; de Mon., I, 6, p. 218. ci-dessous, L. II, ch. lei", 2. 3. Le texte connu du Sophiste (248 e) a t rcemment interprt par Rodier
1.
Leg. alleg
2. Cf.
[Evolution de la Dialectique de Platon, Anne philosophique 1906, p. 64) dans le sens d'une identit entre l'intellig-ence et l'intellig-ible, la faon des Alexandrins. 4. De mut. nom., i45. 5. Beitrge zur Gesch. der Ide, I, Band., 2, Heft., pp. 44-59 Giessen, 1906. 6. De confus, lingu., 125. c'est Dieu qui imprime (svafpayi^zrKi, sy/ocpT7. De Mon., I, 3, p. 216 zMv) les caractres de la pit. 8. Qu. in Gen., II, 46, 1^5 l'entendement, pris d'un dsir cleste, veut appliquer son sens u nudis incorporeisque naturis .
;
154
LES INTERMDIAIRES
Philon ne peut maintenir l'indpendance des Ides par rapau dmiurg-e, comme dans le Time\ dj les Stociens enseignent que toutes les causes productrices reviennent la seule substance divine, remplaant par un seul principe aux mille manifestations les deux principes, Ide et Dmiurg-e de Platon. La doctrine de Philon combine ces deux thories d'une
port
;
part
le
monde
de Dieu
comme
chez Pla-
mais d'autre part, il est driv de lui et subordonn lui, la seule cause active. Nous retrouvons ici un trait g-nraPde cette spculation, la combinaison de l'unit absolue de la causalit divine avec une indpendance relative dans l'ensemble de ses manifestations. C'est ainsi que le monde intelligiton
;
Dieu tant
ble qui
comprend l'ensemble des Ides devient la pense mme le monde \ Cette notion mme du
monde intelligible revient, comme l'a montr Horowitz^, au vooTov wov du Time\ mais l'ide de soumettre ce monde intelligible Dieu, en introduisant ainsi dans le platonisme l'unit de principe revient au Stocien Posidonius dans son commentaire du Time le logos stocien prenait ainsi un sens dans ^ la doctrine de Platon Philon a tent, plusieurs reprises, d'introduire un ordre dans les actes de la pense divine ou les ides ses tentatives se mlent troitement d'une part ses thories sur le logos et sur les nombres, et d'autre part sa thorie des puissances
\
;
divines.
les
tres
compris Dieu et le Logos, qui apparaissent comme des Dieu n'est alors que le bien premier*^ le soleil intellig-ible ^ la mesure de toute chose \ l'essence exemplaire sans forme, invisible et incorporelle des tres ^, la forma similitudinis^ Il est pourtant accidentel chez Philon de trouver Dieu reprsent comme une ide il est souvent au contraire au del des Ides; mais l'Etre suprme est tout au moins la cause des
Ides
.
I.
Tv vo^rov xcraov
'h
ou \6yo-j rjn
u.
Untersuch.
Philons
.
'/.o(Tijlokoi.ovvtoi; (de opif. m., 24). Platons Lehi^e der Weltschpfung (MRrhuTg,
1900, in-80).
3.
p.
4.
sacrHficant.. 4, p- 254. 5. Id. Quaest. in Ex., II, p. 5o5, on reconnat l'ide platonicienne 6. Quaest. in Ex., IV, 8, 261.
7.
De
du Bien.
8.
II,
87, 49^.
155
le
sort
du
log-os;
il
apparat souvent
comme
le
la
premire
et la
plus ancienne
g-enre
ce tableau resle
la
le
matire
et
de
le
la
forme dans
la
de
dsordre,
manque de
la
qualit,
le
dsaccord, d'autre
part l'ordre,
qualit,
(ty.s
meilleure ide
tres
idaux
monde
idal dans le
propos d'une de ces oppositions, celle de l'ide d'intelligence et de l'ide de sensation, des traces d'une thorie assez obscure sur si l'on conles rapports des contraires dans le monde des Ides sidre une intelligence individuelle et une facult de sentir individuelle, ces termes sont en rapport. L'intelligence n'st active que sous l'influence de la sensation qui entre elle-mme en acte par suite de l'impression des sensibles. Au contraire les Ides correspondantes sont sans rapport et n'ont pas besoin les unes des autres. L'Ide de l'intelligence n'labore pas la sensa;
1.
bles
2.
Philon parat avoir vu dans de confus lig., 177, le culte des intelligicomme culte de Dieu suprme (cf. Reitzenslein, Poimander) Logos ide, de fuga et inv., 12.
.
3.
T yevtxv
ata-/Tov,
leg
alleg.,
I,
22.
4.
5.
22.
6. Ib., 33.
7.
alleg.,
I,
22-28.
156
tion, puisqu'elle
le
LES INTERMDIAIRES
monde
que ou ide de sensation n'a pas besoin non plus des sensibles les termes idaux sont donc spars Tun de l'autre dans le monde intelligible; ils ont, dit Philon, un achvement, une limite*. L'imperfection et l'illimit dans le monde sensible devraient donc tre attribus (mais la conclusion n'est pas trs explicite chez Philon) un mlang-e des Ides Cette conclusion n'est pas en effet bien comprise et le texte suivant nous montre que Platon est assez g-rossirement interprt. Dans le Time (36 c d) Platon dcrit la g-nration du ciel sensible par le mlange de deux ides, celle du mme et celle de l'autre. Philon reproduisant ce passage l'a compris comme la formation de l'Ide intelligible du ciel. Il y oppose le ciel sensible fait de matire, sans comprendre, dans le sens de Platon, que le sensible venait du mlange des intelligibles. Cette interprtation n'est d'ailleurs pas attribuable Philon, mais aux mathmaticiens qu'il nous dit suivre \
Les puissances divines ne sont pas distinctes des Ides
;
les
modles incorporels sont donc conus comme des causes actives et inversement, les puissances comme ides. Les deux plus hautes puissances sont en mme temps les ides des ides elles sont souvent qualifies de mesures des tres, la puissance royale, mesure des choses sujettes, la puissance potique, mesure des biens ^ Cette dernire n^e.st d'ailleurs pas diffrente de l'Ide du bien elles donnent des qualits aux tres sans qualits, des formes aux tres sans formes ^ Il est important de noter la faon dont Philon affirme l'identit entre les Ides et les puissances; il ne dit nulle part prcisment que les puissances sont des Ides, mais seulement que quelques-uns ont coutume de les nommer Ides \ Nous avons encore ici un exemple de cette polyonymie que nous rencontrons dans le syncrtisme philoso;
;
1.
Ibid.,
la thorie du mlang-e des puissances, III, | t fin ci-dessus. decal.^ 102 io5. Les mathmaticiens dsig-nent souvent les nopythag-oriciens. 4. Qu. in Ex.. II, 63 (Harris, 64). 5. De sacr. Ab. et C 59; Dieu est g-alement mesure (Qu. in Gen.^ IV, 8,
2. 3.
Comp.
Du
25i)
6.
7. liov)
log-os
= mesure
I,
IV, 23).
i3, p. 261
De Mon.,
Ibid.
;
6, p. 219.
:
de sacrifcant.,
.
le
nom
vritable
('ru-
des puissances
157
lang-ag-e
phiqiie
tre
comme dans
le
religieux. Celte
coutume de
peut
une allusion un Stocien qui aurait essay de retrouver dans les Ides les forces vivantes du stocisme. D'ailleurs un passag-e de Philon nous fait assister pour ainsi dire celte fusion entre le concept platonicien et stocien. La puissance vitale (ojva^i '(coTUT]) qui, dans le dlug^e, conserve les espces animales joue bien le rle de l'Ide. Il ne faut pas nous tonner si cependant ces puissances sont en un passage non les lments^ mais les causes instrumentales {oia tojv ouv|i.(i)v) du monde intel^
lig-ible. Ici le
monde
intellig-ible est
de pair avec
le
monde
sensi-
comme
bien d'autres
fois, la ncessit
d'un
Tem-
pcher de se dissoudre, se fait sentir^ ^interprtation stocienne des Ides apparat encore dans la mystrieuse xpo-u o'jv[j.tov dont nous avons parl prcdemment, et qui s'explique tout naturellement, comme une xpa-!. losojv formant le monde sensible^ alors que les Ides sont elles-mmes spares. L'ide est formellement identifie la qualit stocienne *. En rsum, toutes ces notions d'tres intermdiaires qui ont, pour la plupart, leur origine dans la philosophie g-recque ont, avant de parvenir Philon, pass par une laboration tholog-ique, qui leur donne l'aspect de notions plus relig^ieuses que philosophiques. C'est en cet tat que nous les trouvons chez le juif alexandrin. Mais il les transforme son tour pour leur donner
purement matrielles
et
phy-
i(/.o-/^'nv xrjc, o(7t? y'vo Sizznp'h^r, [Qu in Gen., II, Harris^ 21). confus, lingu., 172. 3. De mme dans Qu. in Gen., IV, i38 les mondes sensibles et intellig-ibles sont l'un et l'autre opposs Dieu qui en est le modle cela s'explique lorsque Dieu est considr comme modle alors le log-os formant le monde des ides ne fait qu'imiter son modle, comme dans de conf. ling. o le log-os est entre le pre et le monde intelligible comme le dmiurge de Platon entre
1.
To xa-
2. Z)e
les ides et le
4. Et^Jo;
monde
sensible.
et
TTotov,
de fuga
invent., i3.
CHAPITRE VI
LE COSMOS
Sommaire cisme
;
Les thories cosmologiques. Inlluence prpondrante du stoL'anthropologie. platonisme et le pripattisme. 2. Les cultes La thorie du monde est par elle-mme une explication complte cosmitjues. Les divers cultes cosmiques chez Philon. Le polythisme grec condes tres. Le culte des lments. L'astrologie chalsidr comme culte cosmique. Place rserve a l'astrologie dans la dcnnc. Les critiques de Philon. Le monde, intermdiaire auquel sont attribues les fonctions du Sagesse.
:
i.
le
Logos
une cosmologie, mais plutt des notes, des rsums de dissertations physiques, arrivant au hasard
Il
de Texplication allg"orique, et souvent mme la faveur d'une ressemblance de mots \ Si importants et intressants que soient ces fragments, comme sources pour la connaissance des philosophies antrieures % ils sont loin d'avoir, dans l'ensemble des penses de Philon, une valeur gale leur tendue. Si nous laissons de ct, dans ces expositions \ les banalits communes presque tous les systmes et les notions lmentaires d'astronomie \ nous voyons que l'lment prpondrant est stocien. L'affirmation de la sympathie des parties du
1.
Ainsi
la
2.
En
particulier
thorie stocienne du mlang-e, deconfus. lingu., i83-i88. !e de incorruptibil. mundi ei le de providentia, disserta-
tions purement philosophiques, sources importantes pour l'histoire du stocisme, 3. Le fragment le plus tendu, un expos complet de cosmolog-i est au liv. II des Questions sur U Exode; suivant le plan du 83, il traite successi-
(G9-73),
du ciel (73-83), du monde sublunaire interrompue par une lacune de dix-huit ver-
Qa. in Ex.,
Il,
55, 509
159
monde
principe, les Stociens prtendaient expliquer l'existence de toutes les parties du monde, par une force interne. Une pareille cosmologie devait se suffire elle-
mlange
la
il
expose
la
et
admet
thorie
du mlang-e des lments ^ Tout en rejetant la conflagration uni% comme le stocisme moyen, il admet des conflagrations et des dluges partiels
*.
Dans
sa thorie
du
ciel, le
^;
quintessence priodique
mais
emprunte de prfrence
ses descriptions
langage qu'il emploie pour opposer le ciel comme unit ou plutt imitant l'unit aux lments qui forment deux dyades % se
ressent de la
mme
de
sphres ^ oiseaux
de Mose
et
(I,
vitesse du ciel qui surpasse celle des La description de la rg-ion sublunaire dans la Vie 1 18-122) et dans quelques autres passag-es n'offre
la
aucune particularit intressante, sinon l'insistance avec laquelle il oppose la terre comme sige de l'inconstance et des maux, au sjour cleste, incorruptible et sjour des bienheureux. Mais ici nous dpassons la physique. A cette doctrine physique se rattache encore une espce d'anthropologie physique qui dcrit les fonctions mentales de l'homme, et que l'on tentera vainement d'unir la doctrine morale et religieuse du salut L'me est seulement la cause de
1. Qit. in E II, 6q de op. m., 117; parent spciale des plantes avec la sphre sublunaire, in Ex., II, 78-81 biens de la terre et de l'eau, V. M., II,
.
119.
In Exod., II, 86. Quis rer. div. h., 228. 4. Vita Mos., Il, 263. 5. Qu. in Gen., IV, 8, 25o bi., 7, 3ii ib., III, 178; admet aussi l'opposition du feu nutritif et du feu destructeur; V. M., , 65; II, i48-i55 Qu. in
2.
3.
Gen., p. 186,
Abrafi., 2o5. 6. De Cherub., 21-27 Time, 38 c. d. 7. Qu. in Gen., IV, 167, 365. 8. Qu. in Ex., loc. cit. 9. Qu. in Gen.,\\l, 3, 172. 10. Qu. in Gen., III, 3, 172. 11. Ce sujet a t fort bien tudi par Freudenthal, Erkenntnisslehre Phil. V. Alex., Berlin, 1891.
c^e
160
LE COSMOS
l'union des parties du corps. Sur les divisions de Tme, il admet successivement la division en sept parties des Stociens (la partie
ou huit en y comprenant Bien souvent il indique par le seul mot irrationnel Tensemble de ces sept parties. A cette division correspond encore celle en intelligence, parole et sens, o la partie gnratrice est oublie ^ Il emploie galement la triple division platonicienne, particulirement dans les premiers livres des Allgories, o sa thorie de la rsistance au dsir et la passion n'aurait aucun sens, s'il acceptait la division stocienne ^ Enfin il indique quelquefois la division d'Aristote '\ qu'il confond une fois avec celle de Platon. Lorsqu'il parle des localisations des parties, il ne manque presque jamais soit de prsenter plusieurs opinions la fois, sans choisir entre elles, soit de les prsenter comme celles d'un autre, procds qui indiquent son scepticisme sur ces questions ^ Au milieu de toutes ces banalits, une ide importante se fait jour cependant, c'est celle de l'unit pour ainsi dire morale et intrieure de Tme, observation qui dpend plutt de sa psychologie religieuse que de la physique. L'unit des parties de l'me n'est pas pose, sauf une seule fois % comme un fait, mais leur union est enseigne comme un idal. Cette union a lieu par la hirarchie des parties, l'irrationnel se subordonnant la raison. Mais chaque partie doit tre sa place dans l'irrationnel la parole par exemple est plus prs de la raison qu'aucune autre \ Nous trouvons assez frquemment une dfinition physiologique du langage emprunte au stocisme ^, mais avant tout des dtails sur les sensations. La question la plus importante est celle de la hirarchie, c'est--dire du degr auquel chacune participe la raison. Celle qui est la plus parente de l'me, la plus philosog-nratrice, la parole et les cinq sens
;
rintellig-ence) \
1. Oe op. m., 117 ; leg alleg I, 3o; Qu,. in Gen., I, 28; 26., I, 75, 49.
quod
de agric,
ib., io3. Il y a ( la dilFrence de la thorie stocienne 2. Leg. alleg., III, l\i ordinaire) une hirarchie entre ces ternies, le lang-ag-e tant plus prs de l'intellig-ence que la sensation {Mig Ab., 62). 3. Description dtaille, leg. alleg., III, ii5 sq. ; de concupisc, 2, II, 287. 4. Qu. in Gen., II, 69, 11^2; Ibid., IV, 186, 386. 5. De An. saci\ id., 7, II, 244 de sacr\ Ab. et C, i36 ; quod det. pot. ins.,
;
.
90
6. 7.
II, 3.
Qu
II, 37, o les puissances de l'me coexistent. in Gen.f IV, 85, 3io. La mort de l'intelligence (vice) dtruit aussi
l, 76 I, 95). lang-age, J)f/^r. Ab.y 70-86.
;
Sur
le
161
vue; nous en trouvons plusieurs loges assez longs*. Cette supriorit se rattache un ancien dicton rapport Hraclite^. L'oue, moins ertaine que la vue, forme avec elle
phique,
c'est la
les
tent
deux sens philosophiques les plus spirituels. A eux s'en ajoudeux autres qui concernent non le bien-vivre, mais le vivre
au corps
:
et s'adressent
Ailleurs, les
deux sens infrieurs sont le got et le tact, tandis que l'odorat forme un intermdiaire*. Les dtails sur les conditions physiques et physiologiques de la sensation, surtout de la vue et de l'odorat, sont emprunts surtout Platon et Aristote*'. La connaissance sensible exige un concours de la sensation et de l'intelligence. C'est elle seule et non pas le sens qui peroit et comprend les diverses sensations. A son tour, la reprsentation
excite l'intelligence produire la volont,
puis l'assentiment.
seulement s'il n^y a pas plusieurs reprsentations agissant avec une force gale et comme en qui-
Mais l'assentiment
libre
se produit
^
lequel sont admis tous les
et
sympathie des
du monde,
telle serait la
1.
De Abr.,
150-167
ovAito-dx-fi
-^y/j^,
toujours mobile
Leau des
II,
leg., III, 34, 33o ; Qu. in Gen., faiblesse de la vue, de Abr.^ 76.
2.
3.
comme
Rapporte de judice, 2, II, 345 (Diels. Fr. der Vorsokr., fr. 107, p. 81). Qu. in Gen., III, 5, 177 les 5 sens, de Abr., 149. 4. Qu. in Gen., IV, 147, 356 (cf. de Abr., 2^1). 5. Freudenthal (p. 46) ramne Aristote (de anim., ^20 a, 7 sq.) ce qu'il dit sur les conditions de l'odeur {de ebrieL, 191) et du got, Platon [Time, 67 b) et Aristote {de An., 419^, 4 sq.), ce qu'il dit sur le son {quod deus imm.y 84). Le premier passage sur le got, plac dans l'expos des tropes lui arrive donc par un intermdiaire sceptique. lO des thories stociennes [ula^dmc, venant de a6. On trouve ici Gso-i, quod deus immut.y l\2; qualits sensibles relles, de sacr Ab ans un jugement moral d'origine cynico-stocienne le rle du Trvsuixa tendu jusqu'au sens, leg. alleg., Il, 37; de fuga^ 182; les trois facteurs de la perception, Qu. in Gen., II, 21 la reprsentation distincte de la sensation, quod det. pot.^ 20 pripatticiennes et platoniciennes (les sens mles et femelles, quod 16) det. pot,, 172; l'air milieu des sensations, F. M., II, i48 de Somn., I, 20, encore dans un passage sceptique sur rxra>v3|ta du ciel la sensibilit
;
:
purement rceptive,
leg. alleg.,
II,
38
rle
du
162
Le cosmos
dans
les
uvres
a la prtention
ciel est le
de contenir Texplication
et la
Le
l
matre de la terre,
sympa-
une
la
ngation
mme
de l'ide d'un
monde
donc de toute la pense phiIonienne? N'est-ce pas le cosmos identique Dieu ? Philon, tout en admettant la conception stocienne du monde, combat cette conclusion. La conciliation des deux termes, le monde divin et Un Dieu extra-mondain, ne se fait d'ailleurs pas autrement que le rapprochement du culte de Dieu et de celui du Logos. Le monde se transforme comme le Logos en un intermdiaire entre le Dieu suprme et Tme humaine. Philon connat et cite pour les critiquer les cultes naturalistes qui, son poque et dans son milieu, plus ou moins imprgns de stocisme et d'astrologie, avaient divinis le monde ou quelqu'une de ses parties. L^ensemble de ces cultes est pour lui la forme suprieure du polythisme; sa forme infrieure est l'idoltrie ou le culte des animaux. Cette conception naturaliste du paganisme lui est visiblement inspire par l'allgorie stocienne. Les Stociens, suivant en cela de nonbreux prcurseurs, avaient voulu retrouver sous les dieux populaires le symbole des parties du monde. La mythologie se trouvait par l surajoute l'adoration du monde qui en constituait le fond. C'est tout fait ainsi que Philon la conoit. Les Dieux ne sont que de faux noms donns aux parties du monde, et les mythes des rcits prodigieux et souvent absurdes ajouts ces noms ^ Des sophistes
intelligible suprieur au sensible,
noms
et ces
lgendes
2.
11
faut
les
Athnagore%
cette forme.
la thologie
Philon classe de
1.
la
monde
472. Homre et Hsiode sont considrs par Hrodote (II, 53) comme ayant donn leurs noms aux dieux. Cette tradition peut expliquer ce texte de Philon.
2.
3.
c sq.
lS CULTES COSMIQUES
163
d'abord
le culte
monde
*.
Au sein mme de l'cole stocienne, nous savons que les lments taient parfois considrs non plus comme matire du monde,, mais comme principes directeurs et divins. Varron et Snque distinguent ces deux sens des lments Au temps d'Auguste, Manilius, numrant diverses hypothses sur l'origine du monde, aprs celle du chaos, du feu et de l'eau,
ajoute
:
Aut neque terra patt^em novit, nec famma, nec ar Aut humor, faciuntque deum per quattuor artus ^.
On
d'Empdocle, qui les doxographes prtent cette thorie Ce culte eut des destines diverses. Il semble, d'aprs le tmoignage de Philon, qu' son poque^, il se prsente dans quelques cercles juifs conjointement d'ailleurs avec l'astrologie. Certains interprtes juifs donnent le sens d'lments aux pres d'Abraham , vers lequel celui-ci retourne sa mort^ Le culte des lments que Dieterich a retrouv dans des papyrus gnostiques doit se rattacher celte direction ^ Les formules mystiques de la prire qu'il cite (comme uowp u^azoq tou v spio. joaTO^ TpwTov), qui recherchent la source de chaque lment du corps individuel dans l'lment primordial prsente une ressemblance remarquable avec la pense de Marc-Aurle to yctoos tjioa aTco T'-vo; yfj 7ro[i.|j.p^a-Tat. \ Ainsi Philon reprsente chaque lment apportant sa part pour achever la forme humaine; chacun d'eux lve la voix pour montrer l'homme ce qu'il lui doit^. L'ensemble divin (aGpo'.a-p-a Qslov) form par les lments du tout inspire Mose des sentiments religieux ^
:
1.
De DcaL,
53-58.
117, 28
:
Varron cit par Reitzenstein, PoimandreSy p. 69. Sn., Epist. Elementa quibus hic mundus administratur .
2.
3.
Astron.,
I,
dbut.
1.
4. Diels,
5.
Dox. gr.,ZoZ,
,56-62.
24.
6.
Abraxas, pp.
7. Penses, 4, 4-
284,
De op. m., i46 et de sacrifcant 2, cf. surtout, quis rer. div. A., 282que reproduit peu prs Marc-Aurle, 10, 7 comparez xaO'wotaa'va; 'mpioSou, xutpy chez Phflon pour indiquer le moment du retour des lments au principe, et y-o^z mpioo-j sxK^t>pou]oivou chez Marc-Aurle.
8.
.
9.
De human.,
II,
387.
164
LE COSMOS
On
de
la
nature de ce
est tentant,
comme
l'a
essay Reitzenstein,
Egyptiens \ Chacun des quatre lments s'y prsente sous forme d'une paire mle et femelle. Athnagore expose cette doctrine en la joignant au culte stocien des lments-. Elle doit tre en
la rattacher la doctrine attribue
effet
l'interprtation
allgorique
de
l'ancien
culte
gyptien
d'Hermopolis, o le dieu Thot formait une neuvaine avec quatre couples de dieux subordonns. L'allgorie elle-mme est sans doute stocienne car, outre que les gyptologues ne s'accordent pas penser que les quatre couples de Dieux reprsentent originairement les quatre lments % les Stociens pouvaient trouver dans leur physique les lments d'une pareille interprtation *. Reitzenstein a voulu trouver chez Philon des traces de cette cosmologie allgorique. Le Logos de l'Etre est reprsent revtant comme un habit le monde, c'est--dire les quatre lments et leurs produits ^ Le Logos correspond en effet Thot-Herms^ dieu suprme de la neuvaine. Mais il faut songer que ce passage est une petite partie de l'allgorie, plus dveloppe ailleurs, du vtement du grand prtre. Ce vtement est l'imitation du monde et de ses parties, et la raison pour laquelle il le Lorsque le grand-prtre sacrifie, le porte est la suivante monde entier dont il porte l'imitation sacrifie avec lui il tait ncessaire que celui qui se consacre au pre du monde ust,
; :
c(
comme
le
intercesseur
(7capax).r;Tto),
de
l'tre le
fils .
Ainsi remis dans son cadre^ notre texte signifie seulement que
cosmos
est
un
tre
et
un
En rsum,
le
celle de l'allgorie stocienne classique qui rapproche des lments les dieux populaires, avec une certaine ten-^ dance diviniser les lments eux-mmes. Les partisans des cultes astrologiques sont appels d'un nom d'ensemble des Chaldens. Le chaldasme renferme un ensemble de notions assez confuses la premire et la principale
:
Nat. Qu., III, i4. Lgat, pro Christ., p. iZ. 3. Chantepie de la Sauissaye, Manuel, p. ii3 (tr. fr.). 4. Ils admettent notamment deux espces de feu.
1.
2.
f).
De fuga
et inv.,
no.
LE CHALDASME
165
c'est la
Les Ghaldens sont de simples tireurs d'horoscope qui s'appellent ainsi par leur fonction plutt que par leur orig-ine \ Mais autour
de cette pratique viennent se grouper les thories qui y ont plus ou moins rapport. D'abord l'astronomie, que Philon ne disting^ue nulle part de la divination. Abram le Ghalden est aussi ;jlTw-
Les objets de sa science sont la. granproduction des saisons, les phases de la lune ^ A l'astronomie se joignent les spculations no-pythagoriciennes sur les nombres et leurs /apports qui gouvernent les mouvements des astres. L'astronomie n'est mme qu'une partie de cette science des nombres, et les devins sont appels mathmaticiens \ Mais Ton sait que le stocisme tirait de ses doctrines un fondement thorique de la divination c'est l ce qui forme la philosophie relig-ieuse des Ghaldens. Toutes les parties du monde sont dans une socit et une sympathie mutuelles; les choses visibles existent seules; c'est en elles qu'il faut chercher le Dieu suprme qui est soit le monde, soit l'me du monde,
pTtoXos, [jLSTswpoXoyi.xoc; .
deur du
soleil, la
soit
le
destin et la ncessit
la
les
mouvements
et
circulaires des
astres sont
mortels"'.
cause de tous
les
biens
de tous
les
maux
chez
les
Philon parat avoir connu et mme g-ot l'astrologie. Il un mathmaticien raconter que les astres, comme les hommes, combattaient pour le premier rang-, et que les plus forts taient escorts par les moindres ))\ Ce passage peut faire allusion des luttes entre des doctrines astrologiques^ concernant le Zodiaque. Pour Philon"^ comme pour les devins chaldens et gyptiens^ le premier signe est le Blier: cette ide s'opposait des doctrines plus anciennes ^ Nous rencontrons exposs sans aucune critique quantit de dtails les couleurs diverses produites dans chacun des d'astrologie
raconte avoir entendu
:
1.
Ces
Chaldsns
sont des
astroloj^iies grecs.
2.
3.
De mut. nom.,
67.
Qu. in Gen., III, p. 167. Deux importants frag-ments astronomiques se trouvent dans des passages nopythag-oriciens sur le nombre 4 [op. m., 55-62) et sur le nombre 7 {ib., 1 12-1 17) ; de Somn., II, 1 15. 4. De mut. nom., ibid.
5.
6. 7.
De Somn.,
Cf.
II,
114.
I,
8.
une autre allusion, V. M., Qu. in Ex., 1, I, p. 444Cf. Diels, Dox. gr., p. igQK
24.
166
lments,
l'air,
LE COSMOS
la terre et l'eau
par
les
signes
du Zodiaque \ hommes, la
dtermination de la gnration par le soleil et la lune, l'influence plus immdiate de la lune sur l'homme, sur la maturit des fruits ^ Philon admet enfin le principe de la divination astrologique. Dans les astres sont les signes du futur et par leur lever,
leur coucher, leurs clipses, on peut prdire tous les
vneil
ments
d'hommes
sages^
N'est-ce
l,
comme
le
veut Bouch-Leclercq
T7i[i.la?
(p. 6io),
qu'une
les
pensons pas. Philon connat, au moins en partie, l'argumentation deCarnade* contre l'astrologie, et il la rejette d'une faon formelle \ Cette argumentation est indique assez peu clairement dans la traduction d'Aucher. Ceux qui attaquent le destin, dit Philon, procdent, entre autres, par l'argument des morts accidentelles qui, en peu de temps, accumulent les cadavres, comme dans l'croulement d'une maison, un incendie, un naufrage^ une bataille, une peste. Ce passage est dirig contre la gnthlialogique, comme il ressort du mot deCicron Je vous demande si tous ceux qui sont morts la bataille de Cannes taient ns il y a sous un seul astre eu pourtant pour eux une seule et mme fin ^ et surtout d'un discours de Favorinus contre la divination chaldenne populaire, o il cite les morts simultanes de ceux qui sont ns sous des astres diffrents aut hiantibus terris, aut labentibus tectis, aut oppidorum expugnationibus, aut eadem in navi fluctu obruti... w''. Or Philon n'admet pas cette objection, mais il y rpond avec le prophte Mose le temps de vie de chaque homme est dtermin, et que que la fin commune des hommes dans le dluge a t dtermine par je ne sais quelle conjonction d'astres .
le
:
Nous ne
ce
1.
F.
II,
126.
Leg. alleg., I, 8; op. m., ii4-ii5; fr. Wendland, p. 9, 1. 8. BouchLeclercq [Astr. gr., io3^) considre comme une rponse la thorie des astres diurnes et nocturnes, le texte du de op. m., 56 Dieu a donn le jour au
2.
:
soleil, la nuit
3.
l\.
5. 6.
7.
aux astres . Dveloppement identique op. m., 58-6o Ap. Cicron, de Divin., 11,42-48. Qu. in Gen., I, 100, p. 72. DeDivinat.y II, 47.
:
et
de mon.,
II, 5,
p. 226.
i.
LE CHALDASME
167
11
mme,
il
abandonne
la
solution de
question
,
leurs contradicteurs
ceu^: qui
Dans un trait qui ne fait pas partie des trois g-roup&s principaux d'crits, le de Providentia, nous voyons au contraire une
discussion assez violente contre la gnthlialog-ique*, et
qui
non
cette fois
la
que ^authenticit de ce trait ait t nie, cette contradiction n'est pas une raison pour l'attaquer. Philon a certes dfendre contre l'astrologie la providence divine et la libert humaine. Il est significatif que, malgr ces raisons considrables, il n'approuve pas toujours pleinement les contradicteurs de ce genre
de divination.
L'astrologie est
veillance. Elle a
donc traite par Philon avec une grande bienpour lui une place part dans la srie des con-
comme
en d'autres
la
parmi
les
sous de
la
premier degr de
la
ham
est
possde a
une
qu'
germe de sagesse^
par
la
eux^ Par elle, mouvements harmonieux, philosophie pntre dans l'me humaine. La philosophie
le
se
rduit
la
mme
quelquefois
l'astronomie,
la
recherche
de
substance
du
ciel
et
de son
mouvement ^ La con-
1.1,77-88. Connu par Cicron, de Divin., II, 42 sq. Voici les arguments de Philon il n'y a plus de chtiment possible, ni de rprimande {79, 80, 81), plus de 2" la loi juive reste la mme sous les climats les plus lois, ni de justice (82) 3 l'argument cit plus haut des morts simultanes divers (84) 4 on ne peut dterminer l'instant o l'tre est eng-endr (Cf. Cicron, ch. 46 et 47)- Le
2.
:
;
troisime argument qui est commun avec les questions est, d'aprs Cicron, de Pantius le reste de l'argumentation ne concide pas avec celle de Cicron, qui a pour auteur Carnade. 3. V.3I. I, 23.
;
(TQvia.,,
168
LE COSMOS
comme une
Il
grecques commencrent pntrer chez les ceux-ci ne pouvaient nullement s'accommoder de la mythologie qui, avec ses reprsentations plastiques, rpugnaient trop au prcepte de Finterdiction des images. Mais ils pouvaient
Juifs,
Lorsque
du ciel ou du monde le dieu suprme. Un passage de Strabon nous amne croire que beaucoup l'acceptaient. Il se figure de la faon suivante la thorie mosaque de Dieu Dieu est cet tre unique qui nous contient (TicpU-^ov) tous, ainsi que la terre et la mer, et que nous appelons ciel, monde, et nature des tres ))^ A ce culte^ il oppose la fabrication des statues (?oavoTTouav), le culte gyptien et grec o les dieux sont reprsents. Cependant si des Juifs, pris de culture grecque, ont pu trouver, comme le frre d'Abraham qui symbolise chez Philon celui qui est rest l'astronomie, une satisfaction suffisante dans la sagesse chaldenne, Philon pense que le vrai sage doit, dans son
faisait
:
mouvement
pour
aller
causes, et
intrieur, dpasser le monde sensible tout entier jusqu' Tintelligible. Sans doute les astres sont des mais ils ne la sympathie stocienne est vritable
;
La vritable critique de l'astrologie et des cultes cosmiques n'est pas, comme chez un Garnade ou un Pantius, une critique dialectique, mais elle est la description des dmarches intrieures de l'me qui, partant du sensible, l'entrane dans un au del intelligible. Cette dmarche est symbolise par Abraham qui, de Chalden,
sont pas les causes les plus anciennes
'.
devient vritablement philosophe, et elle est guide par les considrations suivantes.
D'abord le scepticisme astronomique qui s'accorde d'ailleurs assez mal avec les exposs dogmatiques prcdents Philon laisse dbattre aux mtorologistes (toIs [j.Tcopo97]pa(.) la vrit ou la vraisemblance (slxaioXoyLa) de leurs opinions^; il laisse gale:
Legg
III,
i,
p. 299).
p.
Sap.,
Poimandres,
69 79 pour l'extension de
l'astrologie
3.
4.
5.
au judasme.
181.
le
Dans
la
discussion sur
II,
114.
L!
CHALDASME
astres
169
:
ment
libre de croire
Haec
illis
ita-
conla
tradicunt
Mme
questions
d'astronomie
simple,
dtermination des mouvements du soleil et de la lune, dpasse notre intelligence parce que ces astres ont une destine trop
divine
))^
et
Tordre
mme
n'y a de
le
comprhen-
plus important
dans
le
trait
des songes* o
il
oppose l'incertitude
qu'une prparation une sagesse plus leve, la connaissance de soi-mme elle nous fait distinguer en nous deux parties l'esprit invisible qui commande au reste et une partie visible, le corps, qui est sujette. Elle nous amne donc la contemplation de Tintelligible, de l'invisible. Ainsi nous connatrons que l'univers lui aussi doit tre infrieur un tre intelligible qui le dirige comme l'me en nous dirige le corps. Nous ne connaissons pas ainsi Dieu en lui-mme, mais en tant que matre et qu'ordonnateur du monde ^ Ce qu'il reproche le plus aux Ghaldens c'est de n'avoir pas eu ide de la substance intelligible . Remarquons cependant que ce passage de l'univers l'homme, et de nouveau de l'homme l'univers est fond sur une thorie du microcosme, qui elle-mme est astrologique^ ne pouvant comprendre la grande cit, le monde^ il migr vers une plus petite (l'homme) qui lui fera comprendre le matre de l'univers Malgr l'esprit hautement intrieur de Philon, ce n'est pas ici le recueillement idaliste du Cogito de Descartes. Le microcosme n'est observ que comme imitation du cosmos trop difficile connatre cette imitation doit nous amener au modle; c'est ainsi que Dieu peut tre dsign par intelligence de l'univers ))^, et cet esprit de l'univers n'est
Ce scepticisme
n'est
d'ailleurs
1.
Qu. in Gen.,
I,
loo, p. 72.
2.
Mig, Ab.,
I,
iS^.
3. 4.
5.
Pour
6.
7.
Comme
Cf. sur le
le
8. T TiupatSsiy^cty
dans
9.
de Ab., 78 6 sv 0*01 voq est oppos voj; r&iv otav ; comme culte gnostique des lments (hymne de Dieterich cit plus haut),
Tcv o)&)v
Nov
170
L COSMOS
pas fort diffrent de l'me du monde que certains Ghaldens eux-mmes admettent comme Dieu ici Phiion ne s'lve gure au-dessus du culte cosmique.
ce
;
prcdente se trouve l'objection platonicienne que le monde ne. peut tre un Dieu indpendant parce qu'il est devenu et qu'il a
cause^ Mais la faon dont nous quittons les explications astrologiques dpend de la nature de la pit philonienne que nous
ainsi besoin d'une
donc pas
la
les cultes
cosmiques.
Il
prtend seu-
lement
log-os,
les
absorber de
de
et
la
faon qu'il a fait le culte du sophia, des puissances, des Ides, c'est--dire en fai-
mme
sant du cosmos
un nouvel intermdiaire, un
tre
subordonn
Dieu,
suprieur ^homme^ Le monde est comme le logos, un tre moral, qui rend un culte Dieu, dicte l'homme les lois de
;
le
sage parfait
dans son ascension Dieu de s'lever en dignit jusqu'au niveau de cet tre. Le monde comme tre moral pratique, comme le logos, le culte et la philosophie; sous le symbole du vtement du grandprtre qui est ici le logos, il accomplit avec le logos le service
divin (a-'jXXsuojpyrj)
;
car
il
est coni^enable
consacr au pre du
monde
Il
s'introduise
avec son
du gnrateur
filiation
Nous savons dj
est
divine du monde.
ce que Phiion entend par la au mme titre que le logos fils compar au logos [uib Trpso-j^tjTspo) ou
le fils
il
devient
plus parfait
du logos est oubli ou effac, et c'est le monde lui-mme au lieu du logos qui sert de paraclet pour amnistier les pchs ou nous combler de biens immenses ^ D^une faon plus impersonnelle, le cosmos est considr non plus comme l'tre qui adore Dieu, mais comme un temple dont
en vertu
*
;
alors le rle
1.
De
2.
comme
le log-os
opyx'j'j
de Dieu
de ffumamt.
3,
11,387.
3. De Mon., Il, 6, 227. 4. Ts'/tOTKTW TflV oT"V itl.
5. Ibid.
n'est pas
Le mot 7r/5xAv;To; peut se comparer rattribut jcstv du log-os ce une preuve que, pour Phiion, le monde soit plus impersonnel
;
que
le log-os,
comme
le
veut
Drummond,
II,
p. 287.
171
offrandes sont les astres, et les prde nature incorporelle ^ Le monde en ce sens est appel aussi maison de Dieu (oixo Bsoj) ^ de mme que le logos tait le lieu (6 totco) des puissances divines. comme le sage, il est bienheuLe cosmos est philosophe reux. Philon numre comme devant jouir d'une joie ternelle
le
sanctuaire est
le ciel, les
les
le
hommes
monde
;
on
il
le voit, le
monde
est ici
au sommet de
le
la
hirar-
mme comme
concevaient
mention
vertu
et
toute perfection sans qu'il y ait aucune d'autres tres. C'est un animal rationnel, dou de
comprend
et
le
pour
et ne lui laisser aucun espoir de salut ^ Le monde est donc par lui-mme Alxyi et puissance du chtiment c'est pour le chtiment des injustes qu'il a cr les flaux, btes froces et reptiles ^ Dieu dans les plaies d'Egypte, emploie successivement, pour punir les Egyptiens, tous les lments \ La terre et le ciel, principes de l'univers, sont destins aux chtiments des
;
impies ^ Le monde
est aussi
puissance bienfaisante
^
;
Philon s'assimile
le
le
monde
c'est pourquoi toutes du monde sont formellement dnommes la grce de Dieu, c'est--dire sa puissance bienfaisante. Philon numre
les parties
1.
2.
les Stociens
Et clum
3.
4.
(Lucain, Phars
IX, 566).
Qu. in Gen.,
I,
67.
6. Jbid., 74 (fr.
7.
Wendl.,
;
p. 42^.
Vita Mos., I, 96 ib., II, 53. Les mchants sont les ennemis de l'ordre monde et leurs chtiments viennent de tous les lments.
8.
du
V.
M,,
II,
285.
V. J/.,
9.
>(7f
o paratouyo,
celles
II.
du thorax
f.
[de
prm. sac,
:
3, p. 235), le fruit
Les explications finalistes comme de la plante [Qu, in Gen., Les btes sont nes pour les hommes {Qu.
I,
117.
in Gen.,
Harris, iS d).
172
ainsi les
LE COSMOS
dons de
la
nature
la
chaque lment,
services, la terre
la
pour
demeure
;
nourriture
l'eau
pour
boisson,
le
bain, la navig-ation
(7ra-/,[jLaTa)
le
aliments
les
et la
chaleur,
le
lments les anges sont les tres qui animent Tair le feu cleste forme la substance des astres et leur donne leurs proprits et la lacune des animaux de feu terrestre est comble par la
;
du
le
ciel qui,
la
Aprs les lments vient la contemplation nous l'avons vu, est presque toute la philosophie
;
puis
puissance sur
la
roi de
choses terrestres; Thomme est en effet terre pour qui toutes choses ont t faites ^ La
les
et les instruit.
La nature
droit logos
(c
est aussi
comme
le
un
tout le
cit. Il
loi
;
cosmopolitisme stocien
le
monde
est
une grande
temps morale est essentielle chez Philon le thme fondamental de son expos de la lgislation juive est que Mose a pris cette loi pour g-uide \ La race lue est l'intermdiaire (c'est le sens de son apologtique juive), par lequel la loi
mme
doit s'imposer au
particulires.
monde
la
La
c(
loi
divine de
nature
est enfin
nomme
d'une faon
comme le logos, le mari et le pre de l'me ^ Sous l'influence de cette conception, Philon devait tracer l'idal du sage comme citoyen du monde c'est ce qu'il n'a pas
prcise
;
1 . De spec. legg.^ III, 20. L'air produit la manne ; toutes les parties du monde sont soumises Dieu comme des esclaves pour la fonction qu'il voudra (utt/jpsTv est appliqu souvent aux anges).
2.
ViiaM.,
II,
i48.
3. Ibid.,
ao,
7.
4.
De gigant.,
5
G.
7.
Cf. la raison
est
11-19'
Qu. in Ex.,
II,
Et non le log-os dont il ne parle pas toujours Mose (cf. ci-dessous le chapitre sur la Loi juive). 8. Qu. in Ex.,l\2,^. 499. 9. Qu. in Ex., II, 3, p. 470 (H. p. 5i).
,
comme
inspirateur de
173
faire. Le monde est le^seul hritage du sage, qui ne En des passages d'aucune autre cit que celle-l qui font songer Marc-Aurle, il indique les prceptes de rsignation fonds sur ce principe. Il faut toujours admirer la nature de Tunivers, il faut se plaire tout ce qui se fait dans le monde, en dehors du vice volontaire, cherchant, non si quelque chose n'est pas arriv notre ^gr, mais si la faon d'une cit bien rgle, le monde est guid et gouvern salutairement o'.
manqu de
fait partie
le
monde
ment
mais le modle qu'il doit s'efforcer d'imiter il n'est pas par nature microcosme, mais il le devient par la sagesse alors les rapports numriques qui constituent l'ordre du monde se reproduisent chez l'individu. Mais de mme que l'me la plus leve dans l'ascension vers Dieu, n'obit plus aux logoi, mais les a pour compagnons de route, de mme le sage vritable n'est plus infrieur au monde, mais lui devient gal en dignit \ C'est ainsi que la vertu (Sara) est compare pour son immutabilit au ciel lui-mme Les mmes puissances de Dieu sont en rapport avec le monde, et en rapport avec le sage. Dans de pareils textes, Philon parat avoir tout fait oubli le logos intermdiaire entre l'homme et Dieu, et c'est le x6a-|j.o (ou le ciel) qui prend cette fonction. Il y a l comme un double emploi. Sans doute quelquefois Philon subordonne le culte du cosmos (ordre de la nature), au culte du logos et celui de Dieu mais souvent un des termes de la
le
tout dont
l'homme
;
est
une
partie,
le
logos.
Au
cosmopolite,
l'homme du ciel qui pratique les sciences du monde sont opposs immdiatement les hommes de Dieu... qui n'ont pas daign rechercher le gouvernement du monde et devenir citoyens du monde, mais, ayant dpass tout sensible ont migr dans le monde intelligible ^ et y ont habit, s'tant inscrits au gouverne-
ment des
ides incorruptibles ^
1.
Cf. V.
M.,
I,
iSy.
2.
3.
in Gen.,
;
II,
75, 160.
est trs
Qu. in Gen., IV, 87, 822 cf. Sn., Ep. io4, 28. L'esprit humain semblable au monde quem, quantum licet, sequitur mulaturque, 5. Il est fait allusion ici l'migration d'Abraham du chaldasme gion vritable.
4.
la reli-
6. De gigant., 61. Mme opposition, F. M., I, i58. L'ami de Dieu est cosmopolite, mais a t jug digne d'une socit encore meilleure avec le crateur , c'est la contemplation de l'essence divine.
m
Ainsi Philon accepte
le
t COSMOS
du monde de la mme faoii ou de la sophia, condition d'en faire un intermdiaire entre V homme et Dieii^ et comme chaque intermdiaire, le monde avec Tordre qui est en lui, est parfois considr comme Tunique intermdiaire entre Thomme et Dieu. Il n'y a l rien d'tonnant. Le logos et les logoi eux-mmes, comme les puissances, sont, nous Tavons vu, sous certains aspects des tres intra-mondains et comme des parties du monde. L'harmonie des parties du monde peut se substituer facilement au log-os qui est la cause de cette harmonie. La conception matrialiste du* logos a subsist chez Philon. Les ang-es ou logoi divins ne sont jamais que des tres ariens, parties du monde. Philon met des logoi divins dans le monde, partout o les stociens mettent des biens et des dispositions mme l o on l'attendrait le moins les comtes rsultant de l'inflammation des vapeurs de terre et d'eau par le feu cleste sont des logoi divins le souffle des vents est rgl aussi par un log^os et si Philon sous une autre inspiration a oppos ce log*os cosmique un log-os en dehors de tout sensible, cette thorie n'est pas assez uniforme chez lui pour qu'il n'ait admis aussi que ce cosmos, qui comprend tous les logoi de l'tre et qui est la maison et le temple du Seigneur n'ait t lui-mme notre intermdiaire avec Dieu, et notre paraclet. Le cosmos n'est cet g-ard qu'un des noms du
culte
qu'il a accept le culte
du
log-os
logos.
Par
l se
trouve dmontr
le
et religieux
les intermdiaires, le
monde, les intermdiaires entraient d'explication du monde. Dieu TinefFable (c'est l une ide
fr-
quemment
sur
le
et se
titre
monde, deviendrait d'absolu relatif, d'immuable changeant souillerait au contact du devenir; Philon aurait donc_,
d'intermdiaires explicatifs,
fait
Les textes n'autorisent nullement cette interprtation Dieu, qui tout est possible, ne saurait voir son tre limit par ses intermdiaires; s'il y a des limitations, c'est entre ses puissances elles-mmes, par exemple sa souverainet (comme puissance) est borne par sa bont. Mais cette interprtation devient tout fait impossible, si pour Philon, Tunivers lui-mme, le cosmos que Ton veut expliquer par les intermdiaires, devient, au mme
LS INTERMDIAIRES
17
Certes,
titre
que
les
autres,
un intermdiaire.
le
Philon scinde
monde
est parfois
log-os.
Mais
c'est
de la
;
faon que la sag-esse est spare de Dieu par le log^os ceci n'empche nullement le cosmos, comme la sagesse, pris isolment, d'tre directement en contact avec Dieu. Donc, sous le nom des intermdiaires (parmi^lesquels est compris le monde), la doctrine de Philon absorbe toutes les thologies issues du stocisme allgorique et populaire. Ce sont non pas des intermdiaires explicatifs entre Dieu et le monde, mais des cultes moyens entre l'absence complte de religion et le culte difficile, presque impossible atteindre de la cause suprme. Les tres qui en sont l'objet sont des intermdiaires non pas entre Dieu et le monde, mais entre Dieu et l'me humaine avide de religion et qui, dans l'impossibilit de monter plus haut, les yeux blouis par la contemplation, doit s'arrter un degr infrieur. La
thse de Philon, qui explique et produit la doctrine des inter-
mme
monde, mais
tement.
l'impossibilit
de la connaissance de Dieu, trouve dans ces tres divins, entre Dieu et l'homme, un drivatif son dsespoir; si Fme imparfaite
la
contemplation divine,
du moins
peurs
dcevants du
monde
sensible.
de
la pit
philonienne, et c'est ce
La vritable explication donc dans la nature sujet que nous allons mainte-
nant aborder.
LIVRE
III
LE CULTE SPIRITUEL
ET LE PROGRS MORAL
CHAPITRE PREMIER
LA
PROPHTIE
ET
l'eXTASE
Sommaire
i. La prophtie La divination chez Philon. Critique de la divination inductive. Les prodiges et les miracles. La divination intuitive songes et oracles, La classification des songes revient celle de Posidonius. elle vient d'une mtamorpljose intime de l'intelligence Thorie de la prophtie terrestre en pure intelligence (premire classe d'oracles). Deuxime classe d'oracles. Troisime classe description de cet tat. la possession divine L'interprtation allgorique des songes. L'Extase. La science de Dieu 2. rsulte non du raisonnement, mais du dsir elle est considre, sous l'influence de Platon, comme terme de la dialectique rgressive, Dieu reste incomprhensible, et la science de Dieu est faite d'une exprience intime qui n'est pas une connaissance, mais le sentiment d'une amlioration intrieure.
:
La valeur des ides relig-ieuses de Philon repose moins sur des arguments dialectiques auxquels, trs consciemment, il donne une place secondaire que sur le sentiment vif et l'exprience intime des faits religieux il nous faut donc dans ce livre rechercher ce que fut cette exprience, et tenter de la reconsti;
uvre considrable. Philon inaugure peut-tre dans la morale grecque cette analyse de soi-mme, mthode si diffrente des portraits du sage idal, qui constituaient l'essentiel de la plus ancienne doctrine stocienne. Certes, les uvres de Philon ne sont pas des mmoires et restent avant tout des uvres d'exgse; mais le moi, exprim ou sous-entendu, apparat quelquefois au milieu d'une interprtation du texte sacr dans des rcits
celte
la divinit.
mystiques*
comme
le
corps
Voyez surtout V Explication mystique du Cantique des Cantiques de Guyon qui, en dehors d'une influence extrieure possible travers un certain nombre d'intermdiaires, prsente une analogie profonde intrieure avec le Commentaire allgorique de la Gense. Le Cantique est comme pour
Philon
la
Gense,
le prtexte
180
LA PROPHTIE ET l'eXTASE
et dcrit
dans la vie intellectuelle et dans la vie morale il dcrit le sentiment de joie confiante, de force que lui donne la prsence de Dieu, et d'autre part le sentiment de nant des choses dont elle s'accompag-ne. II faut distinguer deux faces dans le phnomne de la commui l'inspiration dans laquelle l'me reoit nication avec Dieu des connaissances et des lumires indpendamment de sa volont 2^ l'extase o Fobjet de et par J'intermdiaire de l'esprit divin connaissance est l'tre divin lui-mme. Les textes confirmeront assez cette importante distinction l'inspiration est une des
l'inspiration
;
:
espces de divination
c'est la
qui
prit
s'oppose
la
divination technique
l'esprit
l'es-
divin se substitue
humain. L'extase
la
est la
con-
I.
La
divination
L'on connat
la division entre
mantique inductive ou
artifi-
cielle et mantique inspire ou enthousiaste". Philon rejette dlibrment la premire qu'il considre comme une invention humaine et accepte la seconde dans laquelle l'me communique plus ou moins directement avec Dieu.
Les critiques de Philon sont bien loig'nes de la critique philosophique des thories stociennes de la divination elles sont uniquement d'ordre pratique; il veut dtourner les hommes
^
;
des erreurs de
la
les
amener au procrivait
mme o
en Tan 16, sous Tibre, que les devins sont expulmalgr tout, en l'an 20, une affaire d'empoisonnement laquelle sont mls les astrologues clate de nouveau *. Il y avait l une plaie sociale, non un systme philosophique peut-tre est-ce l'imitation du Snat romain que^ suivant Phi-
ments
c'est
ss d'Italie, et
1.
De Migr. Abr.,
98.
,
2. Cicron,
3.
8, p.
343
de Mon.,
I,
9, 221
VitaMos.f
I,
264-285.
LA DIVINATION
Ion,
181
Mose
chasse de
la cit
La
twv
comme
uni-
vie-antique,
dont on peut difficilement exagrer l'importance, et Phimoment iui refuser toute satisfaction c'est par ce dsir que les devins sduisent facilement les hommes caractre faible qui croyaient trouver chez eux la vrit ^ C'est donc des genres de divination couramment et popurle
un
la
en numre de nombreuses espces l'art augurai % les examens de prodiges les aruspices^ les purificateurs'^, les enchanteurs', les sorts et les voix ^ il connat la divination par les
',
;
par l'examen du sang, la ncromancie^; il a pour toutes ces formes une haine gale; mais les deux passages critiques les plus importants sont de ton un peu diffreptiles,
mouvements des
rent.
Dans
la
de monarchia,
les
il
d'abord
les affirmations
;
ne dpassent pas
probable
(TriSavtov
xal ix6t(uv)
mmes
diff-
proche de la sophistique avec laquelle elle est souvent confondue L'on sait que les Stociens considraient la divination comme
1
.
De Mon.,
I, g.
I,
Balaam sur
la
pluie
beau temps.
8
; ;
4. Tsparoo-xcTTov:,
5. uTK, ibid.
de Mon.,
l,
II,
221.
KaGapTK, de Mon., I, 9 II, 221, faut cependant distinguer des devins ordinaires qui prdisent l'avenir, les ag-yrtes et faux magiciens, que Philon {spec. Legg.,Ul, 18, p. 3i6) attaque beaucoup plus violemment; leur science a un caractre plus pratique que divinatoire ; ils purifient, font commerce de philtres magi6.
;
7. 7r('oyr, ibid. Il
ques ce sont eux que Philon accuse d'empoisonnement (pour ce texte de Philon et l'origine de cette pratique dans les pays grecs, cf. Foucart, Associations religieuses, p. iSy Platon dj s'en tait occup dans les Lois X. 910, pour les condamner la prison perptuelle Philon donne le droit tout homme de les tuer sans jugement). Cependant la confusion est souvent faite, Philon dcrit ple-mle les procds magiques et divinatoires, il appelle ici I'svts^^vo
;
: .
8. \ili]oai'j
ZT:a.viyrQ-i)'ra.t,
V.
J/., I,
287.
Quod
182
LA PROPHTIE ET l'exTASE
et qu'ils
comme on
Ta
fait
remarquer, un procd
autre que nos sciences exprimentales ( savoir la recherche del constance dans les g-roupes.de phnomnes) ; il tait donc indis-
la
mantique de
Philon,
la vie
(ttjs xxsia-c)
ici
qu'on ddaigne la cause suprme ^ Ici encore la pense de Philon rejette gnralement toute prvision d'avenir fonde sur des inductions; toutes choses sont possibles Dieu % il s'ensuit que Dieu seul peut connatre l'ave-
vue gnrale que se rattache ce que l'on peut il faut pour bien la comprendre l'opposer aux prtentions des devins de connatre l'avenir le fait miraculeux est oppos non pas la vritable loi de la nature (v6p.o cpua-oj) qui est identique la raison divine, mais aux opinions incertaines (slxoTa xal Tifiav) par lesquelles nous croyons tort saisir le cours vritable de la nature et ^avenir^ Suivant ce principe, Philon tente souvent une vritable explication naturelle des miracles la plus souvent employe est le principe familier beaucoup de stociens du changement des lments ([i.sTaoXri Twv o-TOt-'^sitov) la pluie de feu sur Sodome consiste en une commutatio des proprits des lments, le feu prenant un mouvement contraire sa nature; si en Egypte la terre se
nir*. C^est cette
appeler
la
thorie
du miracle
Cf. V. M., 2ol\. La foi en Dieu suprme, la croyance aux devins. Qa. in Gen.^ III, 56, 280. A propos du chang-ement de la vieillesse en jeunesse. Ce principe dont les Stociens se servaient pour la divination {numini parre omnia, Cic, de Divinat.) va servir Philon pour prouver le miracle qui n'est qu'un g-enre de divination. 4. Ouisrer. div. h., 262. I, 174-196, o Mose reproche aux Juifs de ne se fier la vraisem5. F. blance, alors que tout est possible Dieu et que tant de choses leur sont arrives sxTou 77pX6you, 77ap t6 x0oto eo. Cf. V. J/., II, 261, Dieu peut accomplir des choses, qui suivant les reprsentations TrtOav x e)i070u, sont impossibles.
2.
3.
6. j^w-
LA DIVINATION
183
Nil, l'air
le
manne produire de
la
nature des objets % ou manifester des proprits jusque-l ignores des choses^; Philon emploie aussi le procd d'analo-
ger
la
autrement qu'il Il expose dj l'argument qui deviendra plus tard si banal, que ces faits miraculeux ne sont que des jeux auprs de la production du monde et de toutes ses parties, que l'habitude seule nous empche d'admirer^ Les faits miraculeux sont donc simplement des nous pensons que les faits contraires l'opinion et l'attente ^ la pluie de feu sur pluies et les saisons dpendent du ciel Sodome montre qu'elles dpendent de la puissance divine^ on voit apparatre ici cette liaison intrinsque du scepticisme dans les sciences de la nature avec la foi absolue en Dieu que nous dvelopperons plus tard'. Mais on voit aussi la vritable porte des attaques de Philon contre les devins il ne faut certes pas en faire honneur ses lumires . La divination se place pour lui au mme plan que les essais des sciences de la nature et c'est presque dans les mmes termes qu'il repousse ensemble les deux choses. Les mots 7(.9av xal sixora, aT6y^aar[jio, suoya, slxagie*. C'est
faire
dioLi
dsignent
le
la fois la
sur
monde
est,
dente
1.
mme que
M.,
I.
V.
202
11,267.
I,
82, 28, les paroles du serpent. Les Stociens admettent divination par les entrailles une muiatio exLorum attribue la volont des dieux (Cic.j de Div., II, i5). 3. Le bois qui adoucit l'eau, V. J/., I, i85 la source qui jaillit sous le bton de Mose existait dj cache dans le rocher, F. J/., I, 211. 4. L'orig-ine de la femme compare la bouture de la vig-ne, Qu. in Gen.y
2.
Qu. in
la
Ge?i.,
dans
I,
28, 21
5.
Pour
.
mediis
6.
76, 621.
irocp^o^oi;, Qu. in Gen., III, 18, 1%^ {Wend7. l{v.od\oyu xa 7rao(^oa, ibid. land, 670); prter opinionem {Qu. in Ex., II, 76, 621). 8. Qu. in Gen., IV, 5i, 286. 9. Opposition de la rd^-ic, en Dieu et de la croyance aux euloya, V.M., I, 196. 10. Cf. Cic de Dvinat.y II, 18 sq., sur les ostenta et prodigia. 11. 'Ano^L^etc, ivapyiarK-K, Vita Mos., 1, 196; II, 261, 199.
;
12. Ibid.j
I,
195.
184
LA PROPHTIE ET l'eXTASE
II y a donc une fausse divi-
.mme dans
nation \
la divination inductive,
une vraie
et
Aussi on comprendra qu'acceptant en partie la divination, ce personne des devins qu'il s'en prenne. Dans les Lois spciales, la divination est considre comme la fausse monsoit la
naie de la prophtie
blir
^ Il y avait des devins qui prtendaient une confusion entre leur art et l'inspiration prophtique
ta:
ils
comme des conjectures et des mais comme des oracles divins, pronon.
cs inWsiblement
la
nullement inspires*^
principal
grief
et la
que Philon
constamment contre
les
devins^
Il
prodiges
Mose, destine
comme
que Philon emploie rarement on les trouve surtout dans la Vie de Ton sait un public assez large, et quel;
Ils
Com-
vivement
mmes
de mythes absurdes ^ Les avertissements et les prodiges sont un lment tranger dans la pense de Philon, mais il faut se rappeler qu'ils faisaient partie intgrante de la tradition juive et que l'ide en tait trs vivante dans certains cercles de la diaspora; il n'y a pas longtemps que la sibylle a dpeint les prodiges
la rfutation
du de Mon.
[irirz
^(xrTc/.vLG^-nfTxuL,
membre
Tzpof/izziu, . 'Evz^vov est inacceptable puisque la mantique artificielle s'oppose l'inspiration qui n'est pas apprise. Je conjecture svdov. 3. Sparation dj nette chez Platon (Bouch-Leclercq, Hist. de la Divination) 4. Cf. Cicron, de Div., I, 49> 109 sine motu atque impulsu deorum. 5. De Mutt, nom , 2o3; un devin ne peut tre prophte lorsque Balaam o II a chass de son me toute mantique inductive . V. M., I, 277 prdit
.
;
:
mme
0.
ide,
de confus,
ling., 169.
Le miracle de
l'orig-ine
alleg.,
II,
19 sq.
LA DIVINATION INTUITIVE
et les
185
Dieu
*
:
signes qui doivent accompagner la victoire des amis de c'est sous cette influence que Philon, dans les crits o il
la
mthode allgorique,
pu con-
Philon ne critique jamais la divination inductive sans lui prophtie . S thorie opposer la possession divine et la du prophte n'emprunte rien au prophtisme juif, mais se tient tout entire sur le terrain des ides gyptiennes et grecques le don de prophte correspond trs exactement ce que les Grecs appelaient la divination intuitive. Elle est de deux espces les oracles et les songes (ovt.pot.) ^, mais il n'y a entre les deux qu'une difl^rence de forme puisque le mode d'inspiration et d'interprtation est le mme pour chaque espce d'oracles et de songes. Dans un oracle ou dans un songe deux cas peuvent se prsenter ils sont par eux-mmes vidents et montrent l'avenir sans hsitation possible; ou bien ils sont obscurs, nigmatiques et alors au songe ou l'oracle se joint l'interprtation, qui est un art ayant ses rgles, donc bien semblable la partie inductive de la mantique. Mais de plus l'interprte des songes et des oracles peut tre lui-mme inspir. L'on sait que c'est la mthode allgorique qui est bien souvent employe par l'onirocrite et le chresmologue, pour interprter les songes ou oracles or c'est du chresmologue inspir que Philon fait le portrait lorsqu'il se reprsente lui-mme interprtant les versets sacrs. Mais il nous faut montrer en dtail chacun de ces points la principale source sur la thorie du prophte se trouve, outre la suite des passages dj cits sur la divination inductive, dans la dernire partie du livre II de Mose (187-fin) consacre, aprs la royaut, la lgislation et le sacerdoce, tudier la prophtie qui en est la condition. Aprs avoir expliqu le but de la prophtie (Mose prophtise (Bso-Tris.) tout ce qui n'est pas compris par la pense (oW p.rj Xoyt.o-jjLto xaTaAaaSvsTa!.) % il indique que toutes les paroles du livre saint sont des oracles. Il en donne la classification suivante parmi les oracles, les uns sont dits de la face de Dieu par le prophte divin comme interprte les
c< ;
:
1.
tes
2.
Les signes de la punition du monde pcheur, Sib., III, 601-623, rapporpar Schrer aux temps pr-chrtiens. Les ovsipot bsoTzetjLTZToi sont opposs aux h<)T:-jtac (Bouch-Leclercq, Z^/^^oere
de la divinat., I, 3oi). 3. Ce sont les cLSr^la. comme l'avenir, F. M., Il (III), 269, les dispositions caches de l'me, spec. legg III, 10, p. 3o8. Les songes ont aussi pour objet
les
a.rjf}/^<x.
186
autres rendus par
LA PROPHTIE ET l'eXTASE
demande
possd
et
par rponse
les troisimes
de la
et
(sTri.Ost.a-avTO)
que lui-mme
il
est
( aO-roG xaTao-^sOvTOc;).
Les premiers
;
o','oXa)v)
les
seconds admettent
le
prophte
et que Dieu rpond dans les troisimes Dieu a communiqu au lgislateur la puissance de prvision par laquelle il prophtise l'avenir. Il j a un paralllisme frappant avec la classification des song-es dans une premire espce de songes, le divin commi^nique les images par son impression propre il est le principe du mouvement la seconde nat d'une collaboration de l'me de l'univers avec notre pense, qui la rend capable de prdire l'avenir dans la troisime l'me, de son propre mouvement (s^ sa'JTTi /(.vo'jj^ivYi), dans l'enthousiasme, prophtise l'avenir par une puissance de prvision . Des deux cts, nous avons l'action divine seule, l'action d'ensemble de Dieu et de l'me, l'action de l'me seule. Or cette classification des songes correspond celle de Posidonius^ uno quod animo providet animus ipse per sese (troisime division de Philon) altero quod plenus ar sit immortalium animorum, in quibus tanquam insignitae not verilatis appareant (premire division cf. cpavTa^iai Tpavt; Tcvj xal apior^'kt.o:; Sjarivucrsv), tertio, quod ipsi Di cum dormientibus colloquantur (deuxime division) . Seule la seconde division de Posidonius qui attribue aux mes ce que Philon attribue Dieu offre une difficult mais remarquons que Philon emploie de prfrence Gso, 10 Gslov dans la premire division, ensuite que dans la division correspondante des oracles, il attribue l'oracle non pas l'Etre, mais ses puissances (ttc; xal cpYT!,o), cufin que chez Philon lui-mme, nous trouvons une seconde classification (de Somn., I, 189) qui rapporte les songes, les uns la cause suprme (ipsi Di de Posidonius) les enfin le caractre de clart autres aux anges (les mes de l'air) spciale de ces songes suffit pour les identifier. Il rsulte de cette comparaison que c'est fort probablement Posidonius qu'est
^
: ;
;
demande
((
emprunte galement la division des oracles. Sur le premier genre d'oracles et de songes, les uvres de dans le Mose, il Philon ne renferment que peu de dtails dclare qu'il est au-dessus de la puissance humaine de traiter
:
De Somn.,
l,
1-3
II,
I,
i-li.
2.
Cic, De Divinat.y
3o, 64.
LA DIVINATION INTUITIVE
187
de cette premire classe et il passe tout de suite la seconde nous avons perdu d'autre part le premier livre des son(/es, o il traitait de la premire classe de songes. Mais on ne peut f^yire douter que parmi ces oracles ne se trouvent les commandements
;
du dcalog-ue appels
vers
a
*
Geo-jj.oj, yp'ri^^ko,
. le de Decalogo prophtiss une remarquable explication de cette prophtie. Dieu lui-mme, y est-il dit, n'a pu mettre une parole, mais il a form dans l'air un son admirable ('^ix^v), non pas compos d'une me et d'un corps, mais une me rationnelle qui, en modifiant l'air comme un souffle, a fait retentir une voix si forte qu'on l'entendait autant de loin que de prs . A cette description d'un prodig-e qui parat purement malrieP succde l'explication allgorique suivante la puissance de Dieu qui souffle cette voix introduit dans l'me de chacun une oue autre et bien meilleure que celle
le
pre de l'uni-
(32-36)
de l'oreille cette oue de la pense divine devance,, par son extrme rapidit, les paroles... )>. L'auteur dcrit donc le phnomne de l'audition intrieure^ dans lequel l'esprit est entirement passif l'intermdiaire d'un Tcv'ji|j.a entre Dieu et l'me qui il parle correspond rspjxT^veu de la premire classe des oracles on retrouve assez frquemment cette xorj spirituelle laquelle Dieu parle directement L'inspiration est prsente d'une faon quelque peu diffrente propos du thme des rapports de Mose et Aaron^ Dieu souf;
;
fle
est l'interprte de son tour est l'interprte de Dieu, car les penses de rintellig^ence inspire ne sont pas alors diffrentes des paroles (pYi[jiTcov xal ).6Ytov) divines la parole inspire est vraiment prophtique, ayant la possession et la folie divines. Nous avons ici, je pense, la clef de la distinction entre
les souffle
La parole
l'intelligence^
l'intelligence
rinterprtation
(spjjLTivsLa)
et
la
"prophtie
^
;
la
parole inspire
(Aaron) est interprte non pas de Dieu, mais bien des penses
De decal.,
kt;
1.
82,
175,
y^pT,'7zv
6so;... av-OTrpocrwTrco;
7:
.
par opposition
aux
lois spciales
donnes
<?i
2. Elle a
Qa. in Gen.,
(c'est
quadam
4.
5.
I, 42, p. 28 non voce missa audiant prophetae, virtute notre Trvuaa) vocis divinitatis sonanti vel ipsa dicta.
De brah., 127.
Quod
V.
de migr. Ab., 81
xo
TzpfYizsicK
6.
M.,
191
ip^rivsicc
^lUfipov^t.
188
LA PROPHTIE ET l'eXTASE
prophte
(to i^ikr^yvjo'/
Ta Osoj
7rpocp-^Tt.x6v
yho), tandis
que
rintellig-ence sera,
;
prte de Dieu
c'est
au sens propre, non prophte mais interen ce sens que l'intelligence (et non la
frquemment compare
passage appel
l'org-ane vocal
GsoO.
et
de Dieu
(la
et
dans
le
mme
sp^Ar^vcu;
Dans
Dieu
Tme
partie la plus haute, l'intelligence, qui est prise diaire entre Dieu et la parole inspire.
comme
interm-
Enfin parfois, l'intelligence disparat son tour, et c'est la parole inspire elle-mme qui, abstraction faite de toute pense
intrieure de l'inspir, devient l'organe, la lyre, le plectre de
prophtique est l'interprte direct de Dieu il ne pense Philon, pour que Tinspiration se produise de s'abstraire des sens et des passions il faut encore sortir de soi-mme; l'intelligence et ce que nous appelons la conscience personnelle sont supprimes dans la prophtie toute rflexion dans l'tat de posses(koyiTiJ.) y est dfinitivement supprime sion divine Philon, d'aprs son exprience personnelle, ne reconnat ni le lieu ni les gens prsents, ni lui-mme^; Balaam possd de Dieu ne comprend rien sa pense (>.0Yia-^.6) est absente'. La pense n'est plus en elle-mme chez le possd. C'est propos de ce phnomne que Philon emploie le terme d'extase*. L'tre divin chasse donc l'esprit humain pour prendre sa place et s'exprimer lui-mme par notre propre voix. Dans les premiers cas, la prophtie prenait la forme d'une voix intrieure qui remplit l'me''; dans le second, celle d'une pense qui s'exprime son tour par la parole enfin, dans le troisime, celle d'une parole profre qui a une origine autre et plus divine que
;
Dieu
la parole
suffit
pas en
effet,
la
pense.
D'o viennent
les
cipes d'explication ?
contradictions qu'il y a entre les trois prinS'il est contraire la dignit divine de tou222; de spec. legg., IV,
.
1. Qus rer. div. h., 269; de Mon., Qu. in Gen., III, 10, 182.
I,
9, II,
8,
343
Tzc/.povrccq,
iuajTv
De migr. Ab.,
35.
Vita Mos., I, 283. Quis rer. div. h., 264. 4. Qu. in Gen., III, 9, 181 5. Ce premier genre caractris par l'introduction d'un mzvua. divin entre l'me et Dieu se retrouve V. M., II, 265, le vou conduit vers la vrit par un souffle divin. Surtout de spec. legg IV, 8, II, 343, l'mig-ration du logismos,
;
le
pneuma diviny
habite, de
Mon.,
I,
9, II, 222.
LA DIViNATIOxN IiYrUlTIVE
189
cher Tme autrement que par intermdiaire, d'o vient la communication directe admise ensuite? Si dans le deuxime cas l'intelligence s'interpose entre Dieu et la parole, d'o vient que
Dieu
se serve
peu
comme
;
celles de Plutar-
que, distinguaient fort bien ces points de vue Plutarque rappelant ceux qui pensent que les dieux parlent en se servant des
bouches
et
comme
d'instruments
, et
qui
font de Dieu
un ventriloque
analogue celle de Philon. C'est l'me seule, pense-t-il, que Dieu peut faire ses rvlations. Cependant ces contradictions ne sont qu'apparentes, et il sera assez ais de les dbrouiller lorsque dans sa deuxime description, Philon parle de l'intelligence (vou;) de Mose qui reoit la rvlation, il n'entend pas par voJ; la mme chose que Tme dans le premier ou que le voj; dans le troisime; ce voG; est beaucoup plus semblable la voix divine de la premire description. De mme dans le troisime cas, le voO; est remplac par le
;
7tV'j[jLa
et l'inspiration
TrvsOfjLa
pense d'un
fond
mme
ici
la
rencontre propos de
terrestre,
et
PHomme
divin
entre
Adam,
l'intelligence
tout
fait
immatrielle.
preuve de cette puret c'est qu'il abandonne le corps \ Au sa mort, il passe de la dualit du corps et de l'me l'unit d'une intelligence trs semblable au soleil (vo-J; riXiotio-TaTo;) cette pure intelligence est l'extrmit la plus leve, la tte de l'me humaine dont la base est constitue par le corps ^ Philon indique souvent deux conditions, en apparence tout
moment de
'
De defectu oracul., ch. IX Dieu rot sxst'vwv (s.-e. ttootwv) (ytouuat v.o. ypcouevov ooyavot. Ce sont les mots mmes de Philon. 2. Mut. nom., 208. 3. Mut. nom., 209; cf. de Somn., l, 84; l'intellig-ence devient pure lorsqu'elle n'est cache par aucun sensible. 4. V. M., II, 288; voyez la mtaphore analot-ue employe propos de la vision intellectuelle (/^tza r^ ^tKvoixq) oppose la vue matrielle elle est
1.
:
ijjwvai
tmv iTroupavtwv
aTrsixo'-
377).
De Mut. nom.
i46.
190
fait contradictoires,
ik PROPHTIE ET L^EXTAS
de
l'tat
prophtique
gence
et
de
la
conscience de soi
par purification
et
il
entend
la
sup-
de toute
la partie
Tme,
que chez
le
parfait
moral se contentant de soumettre le corps l'intelligence ceci ne suffit pas encore pour l'inspiration. C'est de cette ide gnrale que dpendent certaines pratiques que Ton doit rapporter l'exprience personnelle de Philon. Dans la contemplation philosophique, favorable l'inspiration, il faut supprimer les impressions sensibles, en fermant les yeux et en se bouchant les oreilles, afin de favoriser la contemplation la tranquillit de la nuit, la soli tude, l'oubli du pass^ la fatigue des sens mme sont des conditions favorables \ Cette intelligence purifie est prsente parfois comme le degr le plus lev de l'me humaine; l'me a une base terrestre, mais elle a son sommet ou sa tte dans l'intelligence pure ^ Mais plus souvent encore elle parat tre quelque chose de diffrent de l'intelligence humaine, et le prophtisme n'est pas
;
alors lafin d'une ascension continue vers le plus haut tat de l'me,
mais une vritable mtamorphose en un tre suprieur et pour ainsi dire un ravissement. Philon, convaincu de l'impuissance de l'homme compos de l'me et du corps s'lever l'tat prophtique, ne l'accorde parfois qu'aux natures purement rationnelles*; la puissance divinatrice de Mose augmente lorsque, prs de la mort, Dieu a le transforme (vo-TO!.y_wu), lui qui tait
^
double,
sant
en la nature de l'unit, le mtamorphodans toute sa personne en une intelligence trs semblable au soleil . Le prophtisme vient donc d'un changement intime et profond de l'tre toutentier^ Les trois formes types de l'inspiration dcrivent chacune unephase diffrente du mme phnomne plutt qu'elles ne dsignent des choses diffrentes il y a trois termes, ce qui reoit
et corps,
([AQapjj.o'(6|jLvo)
:
me
1.
Migr, Ar.,
igi
I,
283.
2.
De Somn.y
le
I,
i46a
3. Nou yswt^ioTS/so.
4. Cf.
aiij^es),
Qu. in
M.,
II,
Gen., IV,
5.
V.
;
8, p.
II,
M.
288
|MSTaa)i&>y s izpofYjrfjv,
a.'jTo<;
V.
280
iiTv.fxopfovasvoq, il)id.,
Tflv ('iKVOav
;
(Mose)
o'xts u-jwj
s'^oC}lurTSxur.
10 rs
U^o, xai
ib.,
II,
272.
LA DIVINATION INTUITIV
l'inspiration qui est dcrit tantt
I9i
tantt
tantt
place,
iomme une oue intrieure, comme une parole profre \ l'intermdiaire, dcrit comme l'Esprit divin chassant l'intelligence et prenant sa tantt comme une intelligence pure, enfin l'origine de
;
Dieu dans la premire et la troisime forme, Philon s^attachait au premier terme, dans la deuxime il s'attache au second. Cette thorie est du mysticisme le plus radical, en ce qu'elle fait vanouir l'me humaine, qui ne participe nullement l'inspiration, mais s'efface pour tre remplac par l'Esprit; de mme que, dans la thorie des intermdiaires, nous avions difficilement trouv le terme final o s^applique leur actil'inspiration,
vit,
de
y a plus que possession, il y a suppression de l'me. Deux opinions se partagent la philosophie grecque sur la dividissipe sous le souffle divin;
transport divin
d'aprs Plutarque,
il
y a au
du devin; elle mle sa nature propre celle de l'oracle, comme la cire mle la sienne celle du cachet qu'on lui imprime nous avons vu comment Plutarque se moquait du Dieu ventriloque de la thorie contraire. Dans la forme, la thse de Philon se rattache celle de Plutarque pour qui le corps est l'organe de l'me et Tme Torgane de Dieu . Pourtant le fond de sa pense est platonicien pour lui comme pour Platon l'inspiration est essentiellement l'entre dans un monde intelligible. Dans le monde intelligible rien n'est ignor du prophte, parce qu'il a en lui un soleil intelligible et des clats sans ombres de choses invisibles la sensation et comprhensibles la pense ^ Philon rattache donc la prophtie la dualit des deux mondes sensible et intelligible. Mais, chez Platon, c'est par une dialectique graduelle que Tintelligence s'lve aux Ides; Philon, au contraire, dcrit une mtamorphose complte de l'intelligence elle-mme. Philon ajoute donc Platon une distinction l'intelligence terrestre, nouvelle, celle des deux intelligences entre dans le corps, et l'intelligence pure qu'il appelle aussi
;
c(
1. Ces diffrences pourraient provenir de l'exprience intime de Philon et s'accordent bien avec les phnomnes mystiques. 2. Cf. Bouch-Leclercq, Hist. de la Divin., I, p. 35o sq. 3. De Justit., S, II, 365 cf. Qu. in Gen.y IV, 90, 3i5 migrans in aliam
;
192
LA PROPHTIE ET l'eXTASE
Thomme cleste ou Timage de Dieu. Cette distinction a son fondement dans un sentiment plus net de la distance infranchissable des deux mondes, et d'une couleur plus religieuse. Le
monde
fane et
intelligible est au
l'tre
monde sensible comme le sacr au prohumain avec son intelligence ne peut songer y
le
l'homme.
Seul
prophte qui
n'est
plus
une
intelligence
reprsente par Plutarque correspond une classe infrieure d'oracles celle qui a lieu par le mlange et la socit de l'activit humaine et divine, sorte de dialogue intrieur compos des demandes de l'homme et des rponses de Dieu. La troisime espce d'oracles ^, qui a son origine dans le transport de l'me, parat tre la plus connue du stocisme c'est celle-ci mme et non la premire de la division qui est expose et critique dans le de Divinatione deCicron. L'me a en elle, parce qu'elle l'a reue du dehors, de Dieu, la puissance de prdire ^ Ces oracles peuvent, l'extrieur, paratre de simples conjectures et des conseils, et ne donnent pas aux assistants le mme degr de certitude que les premiers*. Cet tat de possession divine se produit sous l'influence du sentiment violent qui met l'me hors d'elle-mme l'tonnement ou la colre^ C'est ce troisime tat que se rattache la description de l'accs prophtique. L'accs prophtique a t dcrit avec une prcision de dtails qui fait bien voir qu'il s'agit ici de quelque chose de vivant. La puret de l'me et du corps en est une premire condition il faut entendre par l le jene et l'abstinence des plaisirs sexuels* la fatigue des sens ou tout ce qui peut servir les affaiblir, la
la thorie
mais
elle
mme
se ratta-
^
;
le
La deuxime classe dcrite, VitaM., Il, 192-246. La Vie de Mose, II, 246 288 est destine spcialement le dcrire. II, 3. Comp. Philon, F. M. 190, |xst(5'6vto arw roCi 6sou -^, Trpoyvworix ; inest in animis prsagitio extrinsecus injecta ^uvKfzsw et de Divin. II, 3 atque inclus a divinitus.
2.
y ^
2.
(stxuaiui),
260-264 (xara;r).ayet), 68 sq. povwOei', 6. Qu, in Gen., IV, 94, 320 ; ibid., IV (trad. lat. an., 3, p. 396) de migr. Ah., 191 les sens sont mousss par la prophtie, F. M., l, 283 Qu, in Gen.,W, 196,399.
4. V. 5. V. M.,
II,
II,
; ;
;
l'accs prophtique
193
de l'amour de Dieu qui affole Tme la chaleur du dsir la fond en quelque sorte ^, ce dsir s'impose elle par la contemplation continue de son objet ^; elle est alors attire vers lui comme le fer par l'aimant*; elle est^excite et sent en lle l'aiguillon divin qui la pousse^; mais l'inspiration arrive subite^
;
ment, sans que l'me l'ait prvue ni voulue ^ dans cet tat la personne a toutes les apparences de l'ivresse et les ignorants peuvent s'y tromper'' elle sourit et danse son corps s'chauffe et rougit^ la nourriture lui est inutile ^, mais en mme temps il y a en elle, dans son me, comme dans son corps un accroissement de sant, de force et de puissance elle a le sentiment de la plnitude"; cependant tout ceci est ignor de l'me elle-mme; elle ne connat mme pas son propre bonheur et sa propre amlioration". L'inspiration vient par accs, et il y a des hommes en qui l'esprit divin ne s'est manifest qu'une fois, ce qui sufft pour en faire des prophtes Elle est traverse de priodes de strilit et malgr ses efforts, elle ne peut arriver la de scheresse, o, contemplation; le dsir se relche et Von redevient homme Philon parat admettre comme un dsir plutt que comme une ralit un tat permanent d'inspiration o Dieu ayant suspendu l'me ses puissances l'attire vers lui d'une attraction puissante Le sort commun de l'homme, intermdiaire entre le mortel et l'immortel, est un incessant mouvement de monte vers Dieu et
; ; ;
de descente vers
1.
le
mortel
h., 70.
'Expvjpvjvui'a,
2.
3.
De gigant., 44De gigant., 44Quis rer. div. A., 70 de gigant., 44 Divino stro , Qu. in Ex., II, 49. 5o4
;
:
4.
5.
immut., i38
Lnpebir^svoq
roc,
t>7
ijluvlcci;
otdrpoi;
Mon..)
7.
8.
9.
I,
9, II, 222.
de migr. Abr., 34 V. M., I, 283 Qu. in Gen., III, Absence de volont Qu. in Gen., IV, 126, 342.
; :
9, 181
de
De Ebriet., De Ebriet.,
i46,
7rpotvtv.
..
'v
i^ut.
:
agitante calescimus
II,
ilLo).
Vita Mos.,
69
amlioration de
-iixjyjri
et
De Sacr. Ab.
Qu. in Gen.,
et
I,
C,
10.
:
87, 60
ib.,
13.
14.
15.
De Somn., \l, 232-234 de migr. Abr., 34De Abrah., 69. Il n'y a pas un de ces traits qui ne se retrouvent dans
;
trieur.
Voyez en particulier
la
13
194
L prophtie et l^extas
Le prophte met des oracles ; ces oracles forment l'ensemble des livres de Mose dont tous les mots. Tordre des mots et les
lettres
mmes sont inspirs; toute l'exgse biblique est donc, avant tout, une interprtation d'oracles. Comme Gicron le fait
remarquer dans le de diuinatione, l'interprte de Dieu a besoin lui-mme d'interprte, comme le pote d^un grammairien qui l'tudi; mais cette interprtation son tour n'est qu'un mode de divination le texte sacr reste obscur pour qui ne le considre pas avec les jeux de l'me dans son sens spirituel il y faut une sorte d'inspiration au second degr \ Sans doute, il y a d'autres procds d'exgse les deux principaux sont pour Philon, la tradition et la conjecture personnelle et rflchie ils n'amnent cependant qu' des rsultats douteux, d'ailleurs sans accord entre eux; notre auteur place bien au-dessus l'inspiration personnelle, et c'est cette occasion qu'il se prsente lui-mme comme un de ces inspirs capables de pntrer les symboles du mosasme^; il ne faudrait pas attribuer, d'aprs ces textes, une place trop grande aux a rgles de l'interprtation allgorique;
;
elles
mantique inductive et doivent cder le pas l'illumination'. Nous comprendrons encore mieux par les songes ce mode d'interprtation allgorique. L'inspiration des songes est, nous
l'avons vu, identique par nature celle des oracles
sification et
mme
a pu emprunter aux Stociens ou aux pripatticiens de son temps le sommeil en supprimant l'agitation des sens et du corps ne fait que raliser plus vite et plus parfaitement cette libert de l'esprit, cette dlivrance des liens du corps, cette extase, condition de l'inspiration prophtique ^. Mais Philon fait, pour les
;
dans
le
tion de l'extase est la continence, la simplification du l'extase elle-mme est la fois hbtude et ivresse
1.
D'ap. Gic. dediv., 18, ils approchent trs prs de la divination. Surtout de Cherub., 27 de Somn., II, 262, prouve que ces tats d'inspiration lui taient habituels, 3. De la mme faon, Ovide prsente comme une inspiration personcelle certaines interprlations symboliques des Fastes (Liv. IV, 1 sq.). Maxime de Tyr (Dissert.) appelle ^p/jo-pot les textes de Platon. Les exg"tes d'oracles cits par Bouch-Leclercq (III, p. 2i5) emploient aussi l'interprtation allgorique. Qu. in Gen,, de Sacrificant 4. L'me, vap^wpoo-vj st aurvjv 7, II, 262 I, 24, 17 (Harris, i5). Il insiste surtout sur l'absence des sensations, de migr.,
2.
;
; .
Abr., 190.
LES
SONGES ET L ALLGORIE
19o
de songes, ce qu'il avait fait pour les trois classes dans leur degr de clart les premiers o l'me subit passivement l'action divine sont des visions parfaitement claires par elles-mmes fies seconds, ns de la collatrois classes
boration de l'me avec Dieu, sont plus nig-matiques et leurs symboles ne peuvent tre compris, interprts que par une vision spirituelle les troisimes enfin ont besoin de l'onirocritique, art d'interprtation fond sur des rgles\ Or ces deux interprtations, comme on le voit dans le dveloppement, sont des interprtations allgoriques, la premire arrivant la certitude, la seconde, au contraire, art inductif cherchant les traces de la vrit par des conjectures probables. C'est dans l'onirocritique pratique, celle d'Artmidore de Daldas^ qu'il faut chercher la source de ces ides. Philon connat et emploie toutes les expressions techniques de celte divination il tudie les oveipot, (songes rvlateurs par opposition svuTVLa) % et, parmi ceux-l les songes GsoTtspiTCTO!., c'est--dire non pas envoys par Dieu, mais spontans par opposition aux songes demands \ Il suit dans l'interprtation du songe de Pharaon les rgles d'Artmidore sur les fixations de l'chance ^ Artmidore distingue les songes thormatiques o l'vnement futur est reprsent en lui-mme (c'est la premire classe de Philon), et les allgoriques o il est reprsent par symbole; c'est la troisime espce de Philon \ Pour interprter les seconds Artmidore indique une clef des songes, sorte de lexique des interprtes, analogue ceux qui avaient t composs par les interprtes des oracles. Ce lexique suit les mmes procds dans le fond et dans la forme que Philon dans l'interprtation allgorique les rsultats sontparfois les mmes^,
;
:
;
1.
De Somn.,
II,
i-4; les
la
svutt-
Somn.,
I,
i33).
Qui
rv^v
pirrsto-av
TrpoBaiiiuv
[Bouch-
6.
et
Artmidore, 63,
18, Trpoarov
7.
forme du lexique chez Philon de concupisc, ch. IV X; les de fuga et iniK, 177. [de Somn., I, 73, 77, 85). de nnyn hommes (Artmidore), TrpoaTov 8. l'homme en progrs (Philon) hommes eq mpiarspu vo cause de la sociabilit de la colombe (Phil.) socit (Art.) oyt;, plaisir (Phil.) ennemis (Arlem \ etc,
Cf.
la
divers sens
d'rjlio
:
196
et
il
LA POPHTIE ET l'exTASE
est difficile
d'chapper
la
Philon ne conoit pas d^autre rapport avec Dieu que le rapfond sur l'exprience immdiate. Il n'admet intuitive^ Dterminer par induction, divination donc que la par des procds rflchis et rationnels la volont de Dieu dans
Tavenir,
;
comme
le
faisaient les
absurde c'est soumettre la divinit aux rgles du probable. Malgr l'analogie que cette thorie prsente avec le pripattisme de cette poque^, c'est d^un courant mystique plus profond que proviennent les ides de Philon. Ce qui le prouve c'est que, ne s'en tenant pas la mantique inspire, il absorbe en elle une partie de la mantique inductive, ou du moins ne donne de valeur celle-ci que dans la mesure o elle se rapproche de celle-l.
2.
L Extase
un
art pratique;
La divination
elle
au besoin de connatre l'avenir. Mais en mme temps, elle nous met en relation avec le divin. Aussi lorsque ces faits sont rencontrs par un philosophe tendances religieuses, celui-ci ngligera les rsultats pratiques pour insister sur l'essence mme de Tacte divinatoire, qui est un certain mode d'union avec le principe suprieur; il y cherchera non plus la prvision, mais l'intuition des principes ; la rvlation de l'essence des choses va se greffer sur la rvlation de l'avenir. A une poque aussi superstitieuse que celle de Philon, il est naturel que nous ne rencontrions pas chez lui le mysticisme pur, dgag de l'art divinatoire. Notre auteur les spare pourtant par le procd qui lui permet de confondre et de distinguer arbitrairement les cts les plus levs et les plus grossiers de la religion, je veux dire la mthode allgorique sous cette baguette magique, les prophties d'avenir dont il est fait mention dans la Loi se transforment en intuitions morales et
:
rpond, avec
1. Mme riuterprtalion des songes qui, d'ordinaire, est l'objet d'une technique, drive pour Philon d'une vritable inspiration. Cf. de Jos., Joseph interprtant {TXTi^z p.oL rb 0tov, iio; o yp ve 6eou, | 117). H commet ailleurs une impit en se croyant, par sa propre intelligence, capable d'in-
terprter les song-es Cherub 124-128). 2. Cratippe, qui acceptait seulement comme Philon la
,
et
II,
48).
l'extase
197
mtaphysiques Dieu donne connatre en apparence le futur, mais au fond l'ternel \ Aussi est-ce en rapport avec l'exprience prophtique et l'enthousiasme que Ton peut dterminer ce qu'tait pour Philon cette connaissance intuitive de Dieu que Ton a appel depuis l'extase. Le mot xa-Tac7t.<; n'a pourtant pas ce sens chez Philon il g'arde le sens originaire et purement ngatif de sortir de soimme il indiquera aussi bien l'acte par lequel l'intelligence sort de ses objets propres, les intelligibles, pour ne penser qu'au sensible^;, que l'acte inverse par lequel elle abandonne les corps et le monde sensible ^ Mais la chose existe la connaissance immdiate de l'Etre est fort souvent oppose la connaissance mdiate et dmonstrative. Sans doute l'on peut, avec les stociens, constater l'action de Dieu sur le monde, et en conclure par dmonstration son existence. Mais autre chose est de saisir Dieu immdiatement et par l'vidence (svapyela). Cette illumination est plus directe, plus vivante que la conclusion d'un raisonnement \ De plus, par le raisonnement, on arrive seulement aux puissances de l'Etre les choses sensibles nous font connatre sa bont et sa puissance, mais non pas l'Etre lui-mme. Or le premier bien et le plus parfait, le terme du bonheur et de la flicit, c'est la science de Dieu % La science de Dieu est donc non pas le rsultat d'un raisonnement logique, mais d'un dsir fervent. Ce dsir est comparable l'amour dcrit par Platon dans le Banquet, moteur de toute connaissance intellectuelle. Les descriptions de Philon sont imbues de rminiscences platoniciennes. En tout cas, c'est une analyse les contradictions psychologique, non une doctrine logique que l'on y trouve sont dues non l'incohrence de la pense, mais aux fluctuations de l'exprience intime. La vision de Dieu ne sera pas une contemplation stable, comme la Gswpia d^Aristote mais une pense mobile tantt traverse d'clairs et d'blouissements, tantt consciente de sa faiblesse et de son
:
impuissance.
Cette analyse prend
les versets i8 28
du
1.
Qu.in Gen.,
III.
2.
Leg
alleg
II,
3i
3.
h., 78-75.
4.
5.
cf.
Qu. in Ex,,
II,
5i, 5o6.
198
LA PROPHTIE ET
l' EXTASE
montre-toi
Seigneur dit Je passerai devant toi avec ma gloire... Tu ne pourras voir mon visage ... Lorsque ma gloire passera je te couvrirai de ma main, jusqu' ce que je sois pass. Et j'enlverai ma main, et alors tu me verras par derrire, mais mon visage ne sera pas vu de toi . L'explication la plus complte de ces versets se trouve aux chapitres V, VI et VII du premier livre de la Monarchie^ mais elle est complte ou modifie sur plusieurs points par d'autres explications. Le chapitre IV qui sert d'introduction distingue dans le problme de Dieu deux questions d'abord si Dieu est, ensuite quelle est sa substance. C'est la division stocienne bien connue dans laquelle la question d'existence prcde logiquement et ncessairement celle d'essence \ La premire est rsolue dans ce chapitre par la preuve galement stocienne, et que l'on rencontre si souvent chez PhiIon, reposant sur la comparaison du monde une cit ^. Nous obtenons par l la notion de l'existence de Dieu. Puis est aborde la question de la substance. Cet ordre est fort singulier chez un mystique: si l'on admet en effet une vision intellectuelle de Dieu, la question d'existence n'a pas besoin d'tre rsolue par une dmonstration avant que celle d'essence ne soit pose. Toutes les deux sont rsolues en mme temps dans l'unit de l'exprience intime. La preuve dmonstrative et la dtermination de l'essence, au lieu de se faire suite l'une l'autre sont deux mthodes opposes pour arriver la solution de la mme question. Aussi bien est-ce plutt dans la forme que dans le fond que Philon subit ici l'influence stocienne. Dans un autre passage il s'en dgage au contraire compltement. Il y expose d'abord, comme dans notre chapitre IV la preuve dmonstrative de l'existence de Dieu (monde-cit), puis il dcrit l'intuition directe de cette existence, qui ne se fait par l'intermdiaire d'aucun tre. Ce ne sont pas l deux actes successifs dont le second suppose le premier, mais deux voies entirement distinctes pour arriver Dieu et dont la premire est fort infrieure la seconde. Si ceux qui prennent la premire sont des hommes divins , ceux qui prennent la seconde sont ranger vritablement dans les adorateurs saints, lgitimes et amis, de
moi. Et
le
:
1.
C'est la division
du
7.
,
livre
17.
II,
I").
2.
3.
Cic,
?e
na^.
Z)., II, 6,
De prm.
p.
EXTASE
la
199
Dieu
consquence au principe, seconde descend du principe la consquence. Le premier procd devient inutile si l'on emploie le sect)nd. Est-ce dire que, pour Philon, l'me s'installe tout de suite et comme d'un bond dans la contemplation de l'Etre suprme ? nullement l'intuition suppose, elle aussi, un prog"rs vers Dieu
La premire monte de
comme
si
le
passage d'un
effet
premier terme d'une proposition hypothtique au second. Il est au contraire, chez Philon, comme le fonctionnement toujours plus parfait d'un organe intellectuel et nouveau, d' un il de la pense , destin contempler un autre monde que le monde sensible. Pour les stociens, il n'y avait qu'une exprience pour Philon, il y en a deux, et il s'agit d'acqurir progressivement celle du monde suprieur. Le mme problme s'tait dj pos Platon, dans le passage du sensible l'ide. La dialectique rgressive de la Rpublique, du Phdre et du Banquet a eu sur Philon la plus chez lui aussi est dcrit cet approfondissegrande influence ment intrieur qui fait passer de l'apparence la vrit, de l'image au modle. Le point de dpart est la conviction que le sensible est obscur et indfini c'est alors que l'il de l'me s'applique au monde intelligible elle l'ouvre avec peine, et mais elle voit que le monde intelligible l'obscurit se dissipe est gouvern, et s'efforce de contempler le matre qui le gouverne^ Le rapport du monde intelligible Dieu est ici exprim en langage stocien on reconnat la preuve stocienne qui va du monde Dieu, dans laquelle monde sensible est remplac par monde intelligible. De la mme faon, dit-il ailleurs. Dieu est conclu de ses puissances ^ (dont les Ides, nous le savons, ne sont qu'un autre nom). N'y aurait-il donc l, que le transport d'un monde l'autre de l'argument stocien ? Nous ne le croyons pas la formule seule est stocienne le rapport entre les intelligibles et Dieu est connu non pas par la dmonstration, mais par l'vidence l'acte de conclure Dieu de ses puissances est l'objet de l'vidence (evapyeia) \ Le rapport entre Dieu et ce
cause
;
le
monde
est li
Dieu,
comme
le
((
1 De prm. et p., 6, p. 4^4 Le passag-e du y.6aiJLoq vo/jto Dieu qui le gouverne {r)yio-/^oq) est tout fait parallle, bien que la preuve ne soit pas indique, au passage du monde sensible un Dieu gouverneur dans le stocisme. Le langage stocien s'adapte ici encore une ide nouvelle. 2. 'Ex TWV ^VVllSMV (TWJLO'T^S-JOV, PoSt, C, 167.
.
3.
Ibid.
200
LA PROPHTIE ET l'eXTASE
image, plus que de principe forme qui part de Dieu, son image est le miroir dans lequel nous en obtenons une connaissance directe et intuitive ^ Il y a d'ailleurs, dans cette espce de dialectique, des erreurs comparables celles des prisonniers de la Caverne Tme qui n'a pu monter que jusqu'au logos le prend pour le Dieu suprme, comme Ton prend l'image du soleil pour le
consquence
la
soleil
mme
Sur ces principes se fonde une thorie toute platonicienne de l'extase. Dieu est l'clat pur, sans mlange qui illumine l'me ses rayons intelligibles , mais qui, regard de trop prs, de l'blouit et l'empche de voir. Philon n'emprunte pas tout
((
Platon.
Il
dcrit, avec la
prcision
relative
d'un mystique,
incapable d'exprimer son exprience autrement que par des mtaphores empruntes la lumire, cette connaissance intuitive. Elle n'est pas, ainsi
et
de raison. Elle est caractrise par l'oscillation perptuelle qui l'empche de se fixer l'unit pure, qu'elle voit parfois appa:
ratre
l'il,
vite fatigu
par
la clart,
une multiplicit, l o il n'y a qu'unit. A la place du Dieu un apparat le Dieu triple, entour de ses deux puissances, qui sont comme des ombres qu'il projette. Cette apparition n'est plus la
vrit
pure,
mais l'opinion
(ooEa),
qui,
en certains passages
de l'il spirila
la faiblesse
plus
Jusqu'ici nous ne sortons pas de l'influence platonicienne. Pourtant sur des points trs importants, Philon subit d'autres influences, et sa thorie de l'extase n'est pas au fond et pour l'essentiel issue de Platon. La dialectique rgressive qui remonte jusqu'au principe, ne peut aller que du semblable au semblable,
Dieu philonien est, nous le savons, dissemblable toutes choses, et non pas seulement suprieur lorsque l'me s'avance jusqu' la contre des intelligibles, Dieu
de l'image au modle. Or
le
;
Qu. in Gen.,iy, i, 288; Qu. in Ex., Il, 67 Harris, 66. Qu. in Gen., III, 34, 204. 3. Pour la connaissance de Dieu compare une illumination, cf. de Abr., Qu. in Gen., III, 34, 2o4; IV, i, 238 ib., 2l\i IV, 70, iiQ-, de mon., l, 5, 217 4, 246. Pour la description de l'extafSe, vision d'Abraham dcrite Qu. in Gen., IV, 2-8 GtdeAb7\, 119.
1.
;
2.
l'extase
201
devance dans sa course et reste toujours une distance II faut, pour monter jusqu' Dieu, dpasser non seulement le monde sensible, le ciel, mais le monde intelligible luimme/ dont Dieu n'est pas une partie ^ D'autre part,* Philon, sous l'influence du stocisme, accepte, sur la nature de la connaissance, des ides qui vont profondment modifier la nature de l'intuition intelligible pour les stociens la reprsentation en gnral, et en particulier la science est essentiellement comprhension l'objet pntre en quelque sorte dans l'me qui le contient, et se modle pour Tenserrer dans toutes ses parties. Si Tme est trop troite pour contenir l'objet, il lui chappe et lui reste incomprhensible. La science est une sorte de prise de posla vue ne va qu' la sut-face, et nous laisse session des choses fond l'tre. de tranger au On peut prvoir le rsultat de cette doctrine dans le problme de la connaissance de Dieu ou bien l'me sera capable de possder Dieu, de le contenir ou elle aura une capacit trop limite, et Dieu restera tout jamais incomprhensible. La premire doctrine devait tre celle des mystiques alexandrins postrieurs elle n'est nullement constitue chez Philon. L'expression suil'me du sage est le sjour de Dieu celle de porvante teur du Dieu , applique ceux qui en ont la vision la plus haute ^ sont insuffisantes pour constituer une thorie la premire se trouve dans le stocisme *. Philon parat mme s'opposer formellement une thorie de cette nature dans un passage, qui s'applique^ il est vrai, non Dieu en particulier, mais aux
((
la
infinie K
((
meilleures choses
il
ici les
natures clestes et
intelligibles,
prhensibles l'intelligence ^
On
saisit,
comme
De
post.
C,
i8
cf.
ides.
;
deifer
Qu. in Ex.,
II,
29,
488
in
248.
sag-e.
5.
La
.
cit
de
Dieu
est
Estne Dei sedes... nisi viiHus. Cf. de Somn.^ en un sens le monde, en un autre l'me
:
du
Mig Abr., 46. Peut-tre le passag-e suivant L'me dsirant la vision de Dieu ne comprend pas que trop prs elle est consume, et plus loin seulement rchauffe , est-elle un avertissement des mystiques plus radicaux Qu. in Ex., II, 28, 488).
202
Dieu,
LA PROPHTIE ET L'EXTASE
et pourtant soutenir, avec Tinsistance d'un Garnade et par des arguments analog-ues, que Dieu est incomprhensible. Le chapitre VI de la Monarchie, auquel nous revenons maintenant est le rcit des checs successifs que subit Mose lorsqu'il veut tenter d'atteindre et d'embrasser la substance de Dieu. Ces chapitres combins avec les paragraphes 7 i5 du trait sur le Changement des noms contiennent tous les dtails de cette thorie. D'abord on ne peut comprendre Dieu d'aprs le monde, mais seulement d'aprs lui-mme; seul il peut nous instruire de sa substance, comme la lumire ne nous est connue que par la lumire ^ Mais encore ^ faut-il que nous ayons en nous une sera-ce la sensation ? facult capable de nous le reprsenter non, puisqu'il n'est pas sensible. Sera-ce l'intelligence ? Philon
:
donner ici aucune raison il est possible que cette raison soit donne au paragraphe 10 lorsque le dveloppement interrompue par plusieurs citations de l'Exode, reprend en Qu'y a t-il d'tonnant, si l'Etre est incomprhences termes sible aux hommes, alors que l'intelligence, qui est en chacun, nous est inconnaissable (dans sa substance) ? Le trait sur le Changement suit ainsi le conseil que Dieu donne Mose dans le de monarchia de se connatre soi-mme pour se persuader de
l'exclut aussi sans
:
de l'Etre. Cette limitation des facults rapproche plusieurs fois de la thse de l'extrahumaines est mondanit de Dieu. Ce n'est pas seulement la nature humaine c'est le ciel tout entier et le monde qui ne peut pas contenir l'acte de comprendre est visiblement ici un cette conception ^ rapport de contenance. L'esprit ne peut recevoir (S^aa-Saf.) la forme claire de la reprsentation. Il faudrait, pour comprendre car lui seul peut se comprenDieu, devenir dieu soi-mme ' dre ^ Philon est assez attach cette thorie pour contredire par elle les dterminations positives qu'il donne souvent Dieu on ne peut dire, prtend-ii, ni que Dieu est incorporel, ni qu'il est corps, ni qu'il est sans qualit, ni qu'il est qualifi ^
l'incomprhensibilit
:
1.
(cf.
La raison, c'est qu'aucune ide n'est semblable lui. Mut. nom., 8 Post. C., 16. Dieu doit devenir p/jvuTviv xa vf}yriTr)'j r^ auro fV(TS(o, de
et p. ,6).
7.
Prm,
2.
Mut, nom.,
de Mon.,
I,
6)
4.
5.
Fragments Mang-ey,
II,
65i.
De prm.
et
pn..
III,
6.
6.
Leg, alleg.y
206.
l'extase
203
C'est le premier chec que subit Mose lorsqu'il supplie Dieu de se faire connatre. Mais, partant de la conception platonicienne qu'il y a entre la science et l'ignorance un intermdiaire,
Topinion,
la
il
De
mme
faon dans
recherche de
la
se contenter
s'ag-it
connaissance
prsente
comme
l'me ne peut pas comprendre les puissances^ plus compris Dieu, et Mose subit encore un second chec. En enlevant ainsi progressivement tout contenu la connaissance de Dieu ou de ses puissances, Philon la rduit finalement la simple connaissance de son existence, en dehors de toute dtermination de sa nature, et c'est bien cette conclusion qu'il aboutit non seulement ici, mais en bien d'autres passages \ Aprs avoir distingu deux questions, la question de l'existence et celle de l'essence, il affirme que l'homme ne peut dpasser celle
humaines
qu'elle n'a
de l'existence.
Cette espce de scepticisme anti-stocien rend la pense de Philon difficile saisir. Veut-il donc expulser entirement de l'me la connaissance de Dieu, aprs avoir dit qu'elle tait le bien le plus haut ? Gomment le rsidu de cette recherche, la simple notion de l'existence peut-elle agir sur l'me? Philon est-il donc bien le mystique que nous avons dpeint? Oui, malgr
qui s'ap-
Non pas
uniquement
devenir^ De
la
comprhension des puissances est refuse Mose, il est dit au mme endroit que ces puissances sont appeles intelligibles parce qu' une intelligence trs pure pourrait seule les comprendre . Une pareille intelligence qui n'est plus humaine, si elle ne comprend pas Dieu, sera du moins trs prs de lui. En elle sera presque ralise cette condition qu'il faut tre devenu Dieu pour le comprendre. Si Philon ne va pas jusque-l il s'en approche beaucoup lorsqu'il dcrit ainsi l'intellect prophtique: Il est semblable l'unit, sans aucun mlange avec ceux qui
la
mme
2.
De post. De Somn.,
I,
68 66:
rfe
zr,v
:
prm.
et
pn.,
.
7
Trao-j
.
de Mut. nom.,
7, 8,
12
v6jOW77tvv3
tavoiot- (?i(uxa6c<t,
tm
204
LA PROPHTIE ET L EXTASE
approch de Dieu par sa parent avec lui il mtamorphose en un tre divin, de faon devenir parent de Dieu et vraiment divin K Pourtant, dans ce cas privilgi lui-mme, il ne peut s'agir d'une vritable possession de Dieu l'intelligence la plus pure connat l'tre non d'aprs l'tre mme, mais d'aprs ses premires puiscorps)...
il
du
s'est
sances^.
Ainsi la substance divine chappe toutes les prises, dborde, par sa grandeur, les mes les plus purifies. Faut-il donc renoncer cette recherche? Oui, si des questions d'ordre purement
intellectuel taient seules en jeu.
Il
serait absurde,
pour l'homme
incendie de dsirs,
Elle
et l'insuccs
ne russit pas
les apaiser
^
la
trouve dans
cet
pousse s'acharner
saisir.
difficile
connaissance immdiate de Dieu, tout jamais impossible, mais dans le perptuel mouvement de l'me qui cherche saisir cet objet infini. On chercherait vainement, dans toutes les uvres de Philon, un seul passage, o il accepte l'extase, au sens que les mystiques donnent ce mot. Il est hors de doute cependant qu'il admet une espce de prsence de Dieu dans l'me humaine. Cette prsence n'est nullement une connaissance. Elle est en effet dcrite uniquement par les tats subjectifs, les sentiments qu'elle produit. La contemplation de l'Etre se fait dans le silence *. L'apparition de Dieu contient en soi toutes les espces de bien^ Lorsque sa notion est distincte, toutes les penses d'impit sont dtruites*. Une seule apparition de Dieu emplit l'me du sage du dsir de ne plus en tre spar'. Ainsi, dans cette connais-
1.
Qu. in Ex.,
Ib.,
Il,
I,
2.
,
lg-i-
le
bonne par
elle-
mme. 4. De
5.
Giganf,, 62; de Ebriet., 70-71 de Confus, lingu 87. Qu. in Ex., II, 5i,5o5. 6. Ibid., \\, ly], 5o3 (Harris, 61): la notion de Dieu compare
;
une
20, 260.
L^EXTAS
05
de Dieu, aucun objet n'est dcrit, ni dtermin, mais seulement l'exprience intime de Tme, de nature moins intellectuelle que sentimentale; c'est le sentiment d'un tat qu'elle voudrait dfinitif et permanent, o etle se sent comme soutenue elle est pleinement satisfaite, tandis que, au conet amliore tact des puissances divines ou du logos, sa satisfaction n'tait pas entire. Elle est donc remplie du dsir de le conserver ternellement. Mais cette constance est au-dessus de l'me humaine qui, sans cesse, est attire par des proccupations mortelles ^
sance
purifie, et elle
I.
CHAPITRE
II
LE CULTE SPIRITUEL
Sommaire
i. Le scepticisme et la foi. i Philon oppose le scepticisme au dogmatisme athe. Expos de ce dogmatisme (Protagoras et Epicure), Il se 2* Le forme de toutes les doctrines qui nient la causalit unique de Dieu. scepticisme. La rdaction philonienne des tropes d'Ensidme (de Ebrietate, Philon emploie des sources doxographiques pour tablir ce scepti171-206). cisme. Ces sources lui viennent par un intermdiaire sceptique. Le trait sceptique du de Josepho (i25->43) est appuy sur une argumentation hraclitenne. 3 La foi. Solution stocienne la certitude est propre au sage. Solution
:
le sentiment de la faiblesse et de l'ignorance est identique la propre Philon foi en Dieu. La mditation spirituelle amne la foi. La notion de la foi a une source stocienne; mais elle devient foi en Dieu. La foi est impossible Thomme, et possible seulement Dieu et la pure intelligence. 2. Les relations de l'me avec Dieu dans le culte intrieur. i" Les dispositions morales 2*> Le ncessaires au culte intrieur. culte rduit au culte intrieur. Part de l'hellnisme dans la critique du culte extrieur. Diffrence du culte intrieur La prire, l'action de grces. et de la simple moralit. Les rgles de la vie 3" Les relations de l'me Dieu, d'abord conues comme personintrieure. nelles subissent une transformation dans un sens mystique. Dieu comme matre, comme ami^ comme pre, comme sauveur. 3. Origine gyptienne du Caractres propres du stocisme gyptien, et son influence du culte spirituel. 2" La thorie de l'intelligence purifie est une interprtation relisur Philon. 3** La thorie gieuse de la thorie stocienne du sage. de l'immortalit chez Philon. 4 La thorie des mystres. - 5 La thorie de la pure intelligence et de sa destine est une sorte de Livre des Morts, accompagn d'une interprtation allgorique. Gnralit de l'influence gyptienne sur le judasme alexandrin.
:
De Dieu drivent tous les biens, mais c'est, dans le compos humain, Tme non le corps qui peut recevoir et contenir en partie ces grces surabondantes c'est donc elle seule qui par une action de grces continue, remerciera Dieu*. L'action de grces est d'ailleurs identique au bienfait lui-mme elle en est comme le couronnement. Dieu est donc la fois le principe et l'objet du culte ^ Tel est, chez Philon, le sens du culte spirituel;
;
;
1.
De fuga
et
l'me
2.
et inv., 91. L'adoration natrait... si l'homme tait rduit l'me sa partie rationnelle. C'est lui qui, d'aprs le mythe de Mmmosyne {lyo.q ncutvsTnq) cre le
culte.
207
encore nous verrons que ce n'est pas l'intellig'ence engage dans la matire, mais l'intelligence pure d'une nature toute cette vie consiste, autre, qui est capable de vie religieuse comme la prophtie et l'extase, en une mtamorphose.
ici
;
.
I.
Le scepticisme
et la
foi
Tous
les
une
loi
quand on interprte cette loi au point de vue spirimoindres penses. De pareilles affirmations et les sentiments sur lesquels elles se fondent devaient se heurter dans l'esprit de Philon au rationalisme de la plupart des penseurs grecs; le bien commun de la philosophie grecque, c'tait d'appuyer sur les facults humaines la connaissance de la vrit; s'il est vrai que Ton critiquait parfois la valeur de ces facults, ce n'tait pas pour chercher ailleurs une source de vrit, mais il rsultait au contraire de cette critique que la vrit tait jamais impossible atteindre ou inexistante. Un pareil tat d'esprit apparat Philon comme un dogmatisme athe qui, d'une faon impie, oppose la crature au crateur. C'est ce contre lequel Philon appellera son aide le dogmatisme athe scepticisme grec, et sur les ruines duquel il lvera l'difice de
et
hommes,
tuel, leurs
la foi
I.
en Dieu.
Il
s'agit
tat
pratique actuellement
tant pas
non plus
le
la
Il est expos en particulier dans la suite des traits du Commentaire 1 allgorique qui se rapportent Gain [de Gherub. de sacrif. Ah. et C. quod de posterit Cani), qui en est un symbole, et dans le de Condet. pot. ins.
.
fus, lingu.
2.
Quod
[\i depost. C, 52 lyot oi TTo^sjcyuvrs. Ibid., frquentes allusions aux impies qui s'exercent aux dis;
:
cours.
3.
De post. C
79-80.
208
et ses rsultats.
LE CULTE SPIRITUEL
en leur dcouvrant le monde sensible, claire l'intelligence qui jusqu'alors tait aveug'ie, ils croient que ce monde dpend de leurs facults et leur appartient \ C'est au dveloppement de ces facults dans les arts qu'ils demandent tout bien et tout bonheur ^ La note dominante dans leur doctrine parat tre l'picurisme, entendu comme ng-ation de toute action divine, la croyance que tout dans le monde se produit spontanment (cltzcluto^ol'zIla sensation,
ouo-a) et
Parce que
que
pour
murs,
la
c'est l'intelligence
humaine qui
chables de
Ion)
les a
fonds
(sGeto)
Ils
admettent,
comme
Epi-
nomm
par Phi-
mesure de toutes choses . Ce mot veut dire, suivant Philon, que l'intelligence donne tout l'homme elle donne aux sens leurs sensations, et elle-mme la pense
est la
;
l'homme
et les
sciences ^
une
opinion tortueuse
dterminer , donne prpondrante aux choses extrieures, en faisant entrer dans le bonheur, les biens externes et corporels ^ Philon donne mme ici l'exemple d'un de ces discours subtils qui
l'opinion pripatticienne qui
une
activit
1.
De Cherub.,
Dieu
67-65
cf. la
Il,
ch. IV,
fin),
ibid., 67-76.
n'est pas
128.
de sacr. Ab., 56 sq., 2. Cf. Gain recourant d'abord aux secours sensibles 70 sq. cf. l'intellig-ence mre des doctrines et des arts {Qu. 3. Leg. ail., IV, 29-31 in Ex., II, 3, 470).
;
4.
5.
Si ei conf. lingu., 128). L'interleg. alleg., prtation philonienne aurait d, notre sens, attirer l'attention des historiens de la sophistique, Gomperz {Penseurs grecs, tr. fr., I, 4^6) soutient contre l'interprtation sceptique et subjectiviste de V Homo-mensura dans le Th Presque toute l'antiquit, ajoute-t-il, a tte, une interprtation dogmatique pris pour arg-ent comptant l'interprtation de Platon . Philon y fait au moins YHomo mensura y est tellement bien interprt en un sens une exception dogmatique que tout le scepticisme accept par Philon n'a pas d'autre objet que de le dtruire (tout le dveloppement dogmatique qui suit le 35 est l'expos du protagorisme, comme on le voit d'aprs les allusions du 87 sur ceux qui parlent bien des dieux tout en niant la causalit divine, et l'accusation d'impit). Philon, bien entendu, ne connaissait pas Protagoras (cf. 35 (j)(7tv) et ne faisait donc que reproduire une opinion courante. 6. Quoddet. pot. iis., l^-^.
:
LE SCEPTICISME
209
la pit.
expliquent
la force et la victoire
de ces adversaires de
prciser quels
Tobjet de vives critiques se trouvent ailleurs reues avec sympaaussi hostile, nous le verrons plus morale d'Aristote. D'autre part, il appelle le sensible et rintellig-ible des pousses (j3Xao-Tyi[i.aTa) de l'intelligence et de la sensation \ L'ide que l'intelligence, en s'tendant jusqu'aux organes des corps, est la cause de l'exercice de toutes les facults humaines est longuement dveloppe avec des expressions stociennes ^ L'intelligence, dit-il ailleurs^ sme en chacune des parties les puissances qui viennent d'elle, et distribue ces parties, les actes \ Enfin la thorie de la sensation ici rfute est celle qui en gnral est accepte par Philon '\ Nous devons ici tre guid par cette circonstance que les dveloppements de ce dogmatisme athe prcdent invariablement une critique sceptique, dont la source^ comme nous l'tablirons, se trouve chez les sceptiques un peu antrieurs Philon. Il est donc vraisemblable que ce dogmatisme syncrtique qui parat tre constitu uniquement pour servir de matire la critique des sceptiques prend chez ceux-ci son origine. Remarquons seulement, comme particulier sans doute Philon, l'interprtation religieuse et morale de ce dogmatisme. La thorie de la connaissance ne l'intresse pas pour elle-mme mais l'affirmation que nos facults ne peuvent errer contient cette ide que nous pouvons atteindre la vertu et la vrit sans le secours de Dieu, et elle est le produit de l'impit, de l'orgueil et de l'amour de soi ce portrait moral du dogmatique est son principal objet; c'est plutt son impit que sa sottise qui est mise en vidence ^. IL On connat cette disposition d'esprit qui consiste rabaisser la force de la raison humaine pour exalter son dtriment la croyance religieuse. Il s'agit en enlevant toute issue la raison humaine dans le monde sensible de la forcer prendre
thie
:
il
tard, la
cf. voue
II,
m,
5/^o).
2.
Fuga
et inv., 182.
3.
I
3.
Migr. Abr.,
I,
4. Cf. liv. 5.
ch. IV,
fin.
(tu^jo;).
De Cherub.,
65
14
210
LE CULTE SPIRITUEL
sans doute en trouver d^exemple aussi net que chez Philon, qui,
en pleine conscience utilise les doctrines sceptiques, qui avaient en elle-mme leur fin, pour donner Thomme le sentiment de son nant et de son impuissance. Nous avons ici la bonne fortune de connatre avec prcision la source de notre auteur la longue argumentation sceptique qui va du I 171 au 206 du de Ebrietate est en effet peu prs conforme et pour le sens et pour le texte Texpos des tropes d'Ensidme chez Sextus Empiricus \ Philon n'a donc fait sans doute dans ce passage et dans les passages voisins (du 162 au | 206) que copier un trait sceptique d'Ensidme ou de ses lves.
;
Uobjet de
elle est
la critique est la thorie stocienne de l'assentiment; expose clairement au | i65: l'assentiment suit le choix avec la volont, l'intelligence examine et cherche volontaire avec l'assentiment elle incline facilement vers ce qu'elle aime.
;
la
mmes
mmes reprproduisent,
2.
sentations)
il
pliquer
ce critrium,
puisque
les
mmes
objets
suivant les
circonstances,
L'instabilit s'applique
donc non aux objets mmes, mais aux reprsentations des choses sensibles, ou comme dans les deux derniers tropes aux opinions morales et philosophiques sur les
choses invisibles.
Arnim
qui a cisme
montr que
ce passage tait
tro-
par
les historiens
du
scepti-
Ton
jusqu'au temps d'Auguste, puisque ses ides taient au dbut du deuxime tiers du premier sicle assez populaires pour trouver
place chez notre auteur.
les diffrences
des
Pyrrh. Hyp., 1, 36-i63. Le mot Tou fdvvro du | 170 signifie la reprsentation et non comme roq fccvsaL du 160. 3. Que liens Indien su Philon (dans Kissling u. v. Wilamowitz Untersucli.^ XI, p. loi- [\o). Indique que Philon s'accorde avec {ap. Eus., prp. ev., XIV, 18, 11) sur le nombre des tropes (9 au lieu
1.
2.
son objet,
philolog
Arislocls
de 10 chez
Sextus).
L SCEPTICISME
211
la foule,
sur les objets les plus importants, sur l'origine du monde et sur le bien; Texpos des thses philosophiq-ues (| 199-202) indique la manire des doxographes, les titres des thses de chaque
systme.
Diels
*
les
dogmamontrer
il ajoute que le sceptique a pu s'aider, dans ce but, d'opinions philosophiques qui avaient cours vers le manuels des premier sicle. Nous avons ici mme une preuve de ces affirmations. Le premier dveloppement concernant le monde outre qu'il oppose entre elles les thses des diffrentes doctrines se dveloppe tout fait suivant le plan des doxographes, examinant
d'abord
la
question de
l'infinit,
Mais il y a plus^ tous les passages de source certainement doxographique que nous rencontrons chez Philon ^, ont pour but unique de dmontrer par la diversit des opinions, l'incertitude de nos connaissances. C'est ce que
enfin celle de la providence
remarqu Wendland, dans l'tude qu'il a consadeux fragments doxographiques du de Somniis sur l'me et sur le ciel. Il s'agit dans ces passages de dmontrer que parmi les quatre lments qui composent le monde, le quatrime, le ciel, est incomprhensible par nature, et parmi les quatre facults de l'me, la quatrime, l'intelligence, est galement incomprhenn'a pas assez
cre
sible.
Les dmonstrations se font par la divergence des opinions le ciel et sur l'intelligence Wendland par
;
comparaison de
cet
expos avec
le texte
les
source unique qui avait t abrge par ces deux auteurs d'une
faon diffrente
:
le texte
Mais quelle
est cette
source?
il
Il
Philon,
il
un intermdiaire sceptique;
1
.
Dox.
Sauf
gr., p. 210.
le
2.
3.
i,
p.
sq.) conteste
l'authenticit.
4.
De Somn.,
21 24, 3o-33
dsxns Sit:ungsber.
:
der K. pi^eussl. Akad. der Wiss., 1897). 5. Sur le ciel la dsignation stocienne de feu xaGaowrarov, la quintessence, remarques sur la sphre des toiles fixes.
de
212
LE CULTE SPIRITUEL
Ensidme. Il rsulte, en effet, d'un \ qu'un sceptique, qui est probablement Ensidme, dmontrait l'impossibilit pour l'intelligence de se comprendre elle-mme par l'impossibilit de dterminer son sige dans le corps les uns lui attribuant la tte, les autres la poitrine, d'autres le cerveau, d'autres la mninge, d'autres le cur, d'autres le foie . Philon emploie au 82 le mme argument ^ en ne citant, il est vrai, que deux de ces opinions ^ De plus un texte de Soranus que Diels rattache Ensidme pose la question de l'essence de l'me exactement de la mme faon que le texte de Philon. Soranus expose trs brivement les hypothses sur l'essence de l'me (TrvcGpLa Yi TiOp r, alp-a) en indiquant qu'il y en
cet intermdiaire soit
que
passag-e de Sextus
'
a d'autres
(ti
v. av
(TcvcGjj-a
ooxri
y]
toIs
7|
c-ocpoi).
mme
faon
aljjia
c7to[j.a)
la
de l'intelligence. Enfin
du
ne sont pas
o les contradictions des philosophes sont employes dans un but sceptique c'est un thme que Philon affectionne pour dmontrer les bornes de l'esprit humain. Ainsi, pour dmontrer la thse de l'incomprhensibilit divine, Philon cite des thses opposes au sujet de la nature divine tires des philosophes (corporel-incorporel, qualifi-sans qualit) ^ Il la conclut de ce que nous ne pouvons pas mme comprendre l'essence de notre me dont l'obscurit a engendr mille disputes chez les sophistes qui introduisent des opinions contraires ou mme entirement opposes ^ Si l'on se rappelle qu'au dbut du dveloppement dont nous citons ici la fin, nous avons cru dcouvrir la trace d'une argumentation d'Ensidme, c'est un indice de plus que l'ide se rapporte cette originel
:
1.
2.
Cits par Diels, p. 209 [Math., VII, 3i3). tout ce passag-e Philon attribue au vo?
>
il
laisse le soin
place de
l'vjycuovtxv,
4.
j^xvjvtyya,
rz
/.ot.pi(/.v
II, 226 (Di^ls, p. 207). Leg. alleg., III, 206, bien qu'ailleurs il conclut nettement pour incorporel et sans qualits, il utilise ici les doctrines contradictoires.
5.
le
Dieu
0.
7.
De Mutt, nom.,
;
10.
Cet arg-ument suppose la conception stocienne si souvent expose pai' Philon Dieu est l'intelligence de l'univers et c'est en partant de notre intelligence individuelle que nous pouvons en avoir la notion.
LE SCEPTICISME
213
nous comparons la rdaction des tropes avec d'autres arguments sceptiques de Philon, nous sommes frapps du fait qu'ils se rapportent presque tous non l'inMabilit de la reprsentation (comme les tropes), mais celle de l'objet sensible. Dans le texte mme du de Ebrietate^ en exceptant les tropes, les mots du paragraphe 167 se rapportent aux choses non aux reprsenta une grande obscurit est rpandue sur les tres (corps tions et choses) et si Ton veut se pencher sur elles, avant d'avoir peru quelque chose, Ton tombe et reste en arrire . La conclusion, de mme (206-206), parle, comme le fait remarquer d'Arnim, de
Si
:
l'instabilit des
choses
( la fin est
ce
que
non plus
il
mme
des tropes
y a
du de Josepho^ l'irralit de la comprhension y est prouve non pas par les dfauts de la reprsentation elle-mme, mais par l'argument hracliten du flux perptuel des choses. Toute la premire partie du dveloppement jusqu'au paragraphe 1^2
;
certainement de source hraclitenne_, comme l'a montr d'Arnim, et, s'il s'y trouve des expressions des systmes stociens
est
(xaTXr,(];t.)
c'est
que
la
les
argumentation
et le
Ensidme Aprs une application des principes sceptiques l'uvre du politique (i43-i45) qui interrompt le dveloppement pour revenir l'ide fondamentale du deJosepho, le dveloppement sceptique reprend, pour se terminer par une opposition de l'instabilit et
la stabilit et la
semblable une lumire trs brillante et luimme la lumire la plus pure . Il semble d'abord que cette exception en faveur du ciel, puisqu'elle limite le scepticisme la rgion terrestre, ne puisse appartenir la source sceptique de Philon ce qui nous fait croire qu'elle y appartient, c'est d'abord
clart
ciel
;
du
1.
Cf. 180
T'^TTpl r furJotig-JK
orarou
cpop-q.
2.
125-143.
la
3. Le trope de passant.
relation, le sixime
est,
dans
le
4.
Le scepticisme
pour Ensidme,
le
chemin vers
la
philosophie
214
LE CULTE SPIRITUEL
les
que
mmes
si
ensuite que,
expressions sceptiques j sont encore employes, les choses clestes sont rg-les par les, rgles
la vrit , il n'est pas dit du tout que cette vrit nous est accessible et que le ciel est comprhensible, enfin que le dbut de ce frag-ment limite bien le scepticisme la vie humaine. Mais attribuer de telles ides Ensidme lui-mme, ce serait contredire formellement sa critique de la vrit qui exclut la vrit de tout tre. Il faut donc croire que, ds Tpoque de Philon, ce scepticisme, se combinant avec l'ide vulgaire de la sparation du ciel et de la rgion sublunaire^ avait pu servir l'apprciation pessimiste de la vie terrestre dans son opposition
mmes de
la vie cleste.
ciel
De
la
mme
finit
dans
le
de Somniis
faon la critique des opinions sur le par cette espce de rserve qu' aucun
mortel n'aura jamais la force de le comprendre ^ De fait le but de Philon est non pas de montrer que la vrit n'existe pas, mais qu'elle n'est pas dans la rgion terrestre et que l'homme en tant qu'tre terrestre ne peut l'atteindre. Philon se retrouve finalement beaucoup plus prs du platonisme que du scepticisme. C'est non pas l'tre en gnral, mais le devenir seul qui est couvert d'obscurit, et qui convient la suspension du jugement ))^ Mais c'est parce que le sensible n'est
que l'image d'un modle idal cette image qui fausse son modle, ne saurait engendrer qu'une opinion instable ^ Or l'homme est incapable de parvenir aux intelligibles sa pense est alors affaiblie par trop d'impressions. La sagesse humaine est trop mlange, trop faible pour voir chaque tre distincteA cette ment l'erreur s'y mle, comme l'ombre la lumire opinion, Philon oppose la connaissance des causes et des Ides,
;
;
de
:
la
c'est le
thme de
la faiblesse
humaine,
et la
sible;
de Can. L'intelligence, d'aprs Can, possde tout le monde sencomment est-ce possible puisqu'elle ne sait pas elle-mme
? et
ce qu'elle est
comment
1.
2.
3.
4.
5.
II,
l\\2.
ii, 8.
;
De fuga
et inv., i.62-i63
Qu. in Gen.,
I,
54, 37.
LA FATBLKSSR HUMAINE
*
215
nous trompent chaque instant ? Passons en revue les prtendues possessions de Inintelligence. Les arts et les sciences ne viennent pas de nous, mais de celui qui nous a instruits des milliers de causes, l'oubli, les maladies, la vieillesse nous'les font perdre. Nos raisonnements sont-ils nous ? Mais les mmes causes, la mlancolie, la folie, la perte de Fesprit, l'incertitude de nos imaginations, les erreurs des reprsentations, Toubli, nous en enlvent la domination pour les sensations, les illusions
;
Dieu seul
et tout ce
^
;
que
restres
?
^
montre que l'homme a non pas la possession de lui-mme et des choses, mais seulement l'usage elle est introduite par cette ide que les tres tant imparfaits par eux-mmes, ne forment le monde qu'en se prtant mutuellement appui et en se compltant l'un l'autre. Il passe
nouvelle srie d'arguments
;
Une
Nous
il
le
;
les
mmes
qu'il traverse
nous chappent
nous sont inconnues; quand d'ailleurs l'aurions-nous possde? Est-ce avant de natre ? Nous n'existions pas. Aprs la mort ? Mais nous subirons une renaissance. Pendant la vie ? Mais elle nous commande plutt qu'elle ne nous obit et sa nature trop tnue chapperait aux prises du corps, si nous voulions la retenir. Quant l'intelligence, l'erreur et la folie montrent qu'elle nous chappe. Enfin la parole peut tre atteinte par une maladie, et la sensation nous entrane vers les sensibles plutt que
1.
De Cherub.f
Ibid.y 68 sq.
75.
65.
2.
3. 76.,
4. Ibid.,
5.
88 8q.
216
LE CULTE SPIRITUEL
la
nous ne
pent.
Par les arts, l'homme semble avoir une action sur la nature et dterminer son g^r la ralit. A cette opinion impie Philon oppose d'intressants dveloppements sceptiques les raisonnements du mdecin et des laboureurs sont pleins d'obscurit et d^incertitude puisque leur but est souvent manqu par suite d'ac:
La
croyance qu'un remde peut gurir une maladie s'oppose la croyance en Dieu De plus l'inachvement et l'imperfection des
ble
un srieux argument contre eux. Prenez un art, si humque vous le supposiez vous n'arriverez jamais le possder entirement et il restera toujours une infinit de connaissances il faut renoncer cause de la grandeur de la nature acqurir la pntrer tout entire; c'est un orgueil insoutenable d'affirmer que l'on a atteint l'extrmit de l'art *. Quand une connaissance ne se ralise que par un progrs indfini, c'est une raison suffisante pour la rejeter entirement la peine que l'on se donne pour une pratique ne se justifie que par le succs et l'achvement et n'est pas bonne en elle-mme ^ Seule la recherche de Dieu, mme si elle manque son but, procure l'homme joie et bonheur ^\ Enfin l'activit de l'homme est pour bien peu dans les
arts est
^
;
;
car
le
principe
mme
un don naturel
l'objet
d'intelligence qui ne
l'art
dpend pas de
Pour
mme que
comme
sa fin chapla
semence fin ne dpendent pas de lui ^ la mdecine montre assez combien dans la gurison des maladies l'on doit compter sur la nature ^ Il reste donc l'homme l'intermdiaire entre le principe et la fin qui est bien peu de chose puisque, selon le mot d'un ancien, le commencement est dj la moiti du tout ^
l'art
dans
du laboureur,
et la terre
principe,
le fruit
qui en est la
1.
Leg. alleg.,
III,
226-228.
2. 3.
I,
7,
8, 9.
4.
5.
Qu. in Gen., IV (trad. latine anonyme, 9, 898, Aucher). Quod deus immut., 100; de sacr. Ab. et C, ii3-ii4.
l'opposition
6. Cf.
7.
Quod
8.
121.
119.
9.
De agricult.^
i25.
le
milieu
LA PRPARATION A LA FOI
Si
217
l'homme ne peut
les arts
comme
ou'^Ie
;
malheur; quand on y lorsqu'une mauvaise russit on s'y attache comme des biens la cause dans les arts eux-mmes. chance survient, on en voit Dans une prosopope, Philon les reprsente prenant la parole pour se dfendre contre les accusations. C'est le vent qui est cause de la tempte, non la mer de mme les arts restent toujours identiques, et c'est une autre cause, le logos divin qui produit l'issue heureuse ou malheureuse ^ III. Tous ces dveloppements, faits autant de doctrines sceptiques que de bon sens pratique assez plat, aboutissent un sentiment fondamental, qui forme comme le centre de l'exprience religieuse de Philon, le sentiment du nant de l'homme l'homme n'est rien, les choses sur lesquelles il exerce son activit ne sont rien non plus ^ Philon n'exprime pas l un sentiment entirement nouveau dans la pense grecque nous avons assez montr qu^il le rattache des thmes connus des doctrines hellniques, aux doctrines hraclitennes et sceptiques. Mais cette disposition d'esprit n'avait pu aboutir en Grce qu' un pessimisme radical la vie elle-mme tait gte et vicie dans son fond. La tension extrme de l'activit morale, pensait-on, pouvait arriver nous rendre indiffrents au malheur de cette vie voil ce que les stociens avaient trouv pour lutter contre le dcouragement ^ Cependant, il est vrai que dans des cercles moins connus, l'esprit grec avait trouv des consolations d'un autre ordre aux misres humaines les Orphiques ont oppos de trs bonne heure la croyance une vie future. De plus, le stocisme tend se dvelopper l'poque de Philon dans un sens proprement religieux, puisque l'infaillibilit intellectuelle et morale du sage apparat de moins en moins due un efort personnel et de plus en plus une union intime avec l'essence divine c'est par l que l'homme peut se soustraire la faute et l'erreur. Nous avons pour cette direction de pense le tmoignage de Philon lui-mme qu'il nous faut exposer et expliquer,
produisent pour lui
;
bonheur
la
a-t-il
De
T^v
2.
3.
de Somn.,
I,
6o.
(^ia^opoc.
En considrant comme
218
LE CULTE SPIRITUEL
que le dans toutes ses sage facults est infaillible ? Quoi ? n'est-ce pas les facults en ellesmmes qui ont t critiques ? Les sens et l'esprit ne sont-ils pas trompeurs par leur nature? Pourtant Philon affirme que lorsque Ton a atteint la sagesse, les sensations pas plus que les raisonnements ne trompent la comprhension certaine du monde sensible est possible; l'homme sait discerner de petites diffrences entre les reprsentations ^, il sait comprendre les uvres de
la
solution
stocienne du problme
le
faillible,
mais que
Dieu,
le
monde
et ce qu'il contient.
doit
est
conu moins
de ces facults, une espce de purification ^ Cette amlioration consiste ne pas se les approprier, mais
les
la
sensation trou-
Ce paradoxe se rsout tout de suite si nous faisons attention que notre auteur explique cette comprhension par l'union avec Dieu, dont la sagesse n'est d'ailleurs pas distincte. Dieu seul peut
dcouvrir au sage les voiles qui cachent la nature,
sa conduite que
le et c'est
sous
l'homme
la
s'lve la vrit ^
prophtisme,
moins sur
rvlation de
l'avenir
que sur
possession divine, de
mme
stocisme
tel
1.
2.
3.
De
nobiliL,
5, II,
442.
ibid., 108 Quis rer. div. h., de fuga, i33-i36. 5. Qu. inGen., II, 43, 2i3.
4.
;
LA PRPARATION A LA
c'est
FOI
219
et c'est
la
dans
cette
foi en Dieu.
pense La con-
chose
la croyance en Dieu c'est la mme grandeur de Dieu est, en quelque sorte, complmentaire de la faiblesse humaine, celui qui se mconnat lui-mme, connat Dieu ^ Croire en Dieu c'est savoir que tout change et que lui seul est immuable ^ Mais il faut bien comprendre comment Philon entend le sentiment du nant ce n'est pas une simple notion abstraite et
science de sa faiblesse et
:
la
thorique^
et, si
la
conscience par une simple critique de la connaissance. Il rsulte plutt d'un recueillement intrieur, d'une mditation prolonge
sur nos facults. Ce que nous allons dcrire maintenant n'est
l'homme de plus en plus de lui-mme. La mthode n'est pas moins nouvelle que l'objet poursuivi la dialectique platonicienne, dont Philon d'ailleurs emprunte bien des traits avait galement pour but l'vasion de l'intellig-ence hors du monde sensible ^; mais elle procdait par un prodestin dtacher
:
connaissance sensible
par
la
extirpation complte
mditation continue, un arrachement brusque, une (x.to{j.7]) des facults qui nous attachent
un objet autre que Dieu. L' extase (xcrTao-!.;) qui en est le rsultat est non pas contemplation, suivant le sens que le mot a pris, mais dtachement de soi. Mais l'exprience amne Philon distinguer, dans ce dtachement, deux pratiques assez diffrentes.
l'homme
Le retranchement des facults irrationnelles, ce serait pour la mort. Il peut donc s'en sparer non de fait, mais en mditant sur la nature, les modes et seulement de volont les raisons d'tre de ces facults % on s'aperoit que l'intelligence est incapable de comprendre ^ que les sens sont trompeurs et
de Somn,, Leg. alleg.\ II, 89; Quod deus mm.^ 4 fin 3. nsfjLc/.yuyr], Rp. VII, 5i8c?.
1
.
I,
60.
2.
4.
De
Ebriet-, 69
)i>oTpto(T0at.
;
Plan de mditation donne ?e Confus, lingu., 52-55 examiner propos de chaque facult rt, ttw, (?t tl. III, 6. Quis rer. div. h., 69-74 Leg. alleg
5.
;
220
sduisent
LE CULTE SPIRITUEL
Tinclinant vers de faux biens \ que la parole n'est qu'une image ou une ombre des choses qu'elle exprime ^ Cette espce de prparation la foi contient donc en somme les
exercices asctiques qui doivent tueries dsirs du corps, la mditation sur le nant des choses terrestres et le silence, la
Tme en
mort
qui doit empcher les sophismes du discours. premier sens de l'exode de Tme qui doit amener la foi. 11 en est un second moins rationnel et plus mystique. En ce sens la, sortie de soi-mme se fait non pas par une mditation rflchie, mais par l'enthousiasme et la possession divine ; de plus c'est une sparation vritable et essentielle qui laisse l'intelligence pure de toute alliance avec le corps et les sensa,
du langage
Tel est
le
tions. Ainsi
Abraham
sort de
lui-mme comme les possds et les corybantes, il est dans l'tat bachique et anim d'un transport divin suivant un enthousiasme prophtique ce transport est d l'amour qui l'affole et l'attraction que le Dieu exerce sur lui^ C'est Dieu qui le tire de la prison du corps. C'est par l'enthousiasme que Mose peut sortir de son me \ C'est un tat d'me bien diffrent de la critique calme et froide qui arrivait ramener les facults sous le joug de la raison il y a plutt suppression absolue de
; ;
ces facults
^;
l'homme
est vritablement rduit Tme % ce qui, dans le langage de Philon, veut dire qu'il n'est plus un homme^ animal compos de corps et d'me, mais qu'il a subi la mtamorphose en un esprit, par le retranchement du corps, de la partie irrationnelle et du discours. Il est arriv une sorte de simplification et d'isolement de son tre. Ce n'est plus la dmonstration
du nant de son
diate.
tre
c'en
est l'exprience
intime
et
imm-
la violence du ravissement divin. Le vritable acteur, dans malgr tout dtachement des choses terrestres, c'est Dieu le scepticisme rflchi que contiennent les uvres de Philon, ce ne peut tre la rflexion seule qui nous fait sortir de nous-
de
le
De fuga, i5o-i5i de Somn., I, 55 sq. Migr. Ab., 12 symbole des Lvites meurtriers {de Ebriet., l'migration d'Abraham, est le symbole le plus frquent de
1.
;
2.
71),
qui avec
cet exercice
spirituel.
3.
l\.
h., 69.
alleg.,\l\,
5. Ibd.
6.
De fuga,
91-92.
LA FOI EN DIEU
221
c'est Dieu qui, selon la mot de la Bible, nous a conduit au dehors . ^ La fin suprme de ce dtachement c'est la foi. Le contenu positif de la foi, c'est la croyance que Dieu est la cause unique de toutes choses et que tout lui appartient c'est un principe moins spculatif que pratique il ne s'ag"it pas d'expliquer par lui le monde mais de dnier une causalit effective sur notre vie aux faux biens extrieurs ou corporels comme la richesse, la g-loire ou la sant. Ce n'est donc pas une affimation thorique, une connaissance qui constitue la foi mais une volont active qui se retire des choses en rapportant Dieu tou;
^
:
mme
Le sentiment dominant dans cette foi est celui de l'universade la g'rce divine. La grce n'est pas rserve un petit nombre d'hommes, puisqu'au contraire tout ce qui existe est une grce et un don de Dieu ^. Tout ce que nous possdons est comme un prt dont il faudra rendre compte Dieu ^ C'est lui qui nous a donns nous-mme, et qui a donn chaque partie du monde a elle-mme, et ces parties les unes aux autres ^ C'est peut-tre par ce sentiment intrieur de grce universelle que Philon s'est approch le plus prs de l'ide de cration ex nihilo. Il faut voir, l'origine de cette ide, non une thse philosophique, mais un vif sentiment de l'impuissance absolue de l'homme. La thse n'est que l'expression de ce sentiment concret et on ne la trouve nulle part explicitement chez Philon. Ce n'est certes pas l le sens originaire ni ordinaire du mot. Chez les Juifs eux-mmes ^ la foi tait seulement la croyance ferme l'accomplissement des promesses de Dieu avant toute ralisation. Ce sens pour ainsi dire national se retrouve parfois chez Philon et il est en certains passages trop formellement command par la lettre de la Bible pour que l'auteur pt songer le rejeter c'est ainsi qu'Abraham croit aux promesses de Dieu Sans comprendre comment elles se raliseront ^ Mais ce n'est pas
lit
;
aux choses extrieures, quis rer. div. h., 92 incroyants recourent aux secours terrestres. No trouva g-rce . Leg. alleg., 2. Interprtation du mot de la Gense III, 77-78; quod deus immut 104-109. 3. Quis rer. div. h., 162-168. 4. Quod deiis immut., 107 de Somn., Il, 124. 5. Les LXX emploient quelquefois le mot: sniarevaev... ASpdu^jL {Gen., i5, 6), mais toujours dans le sens indiqu. 6. L'ide courante des sig-nes sensibles qui doivent Confirmer les promesses
1.
de sacr. Ab.
C,
70
les
. ,
22
ici
LK CULTE SPIRITUEL
la signification essentielle du mot. Il se produit ici la mme transformation de pense qu' propos de la prophtie. La pro-
comme
connaissance de
Dieu que suppose cette connaissance devient le principal. De mme ici, la promesse de Dieu est d'abord l'essentiel; le croyant est celui qui au milieu de tous les malheurs et malgr toutes les raisons de dsesprer, reste confiant en ces promesses. La foi est en ce sens insparable des biens que Dieu promet, sans quoi la promesse n'aurait pas de valeur. Mais cette* confiance implique que Dieu est la cause unique auprs de laquelle les vnements extrieurs ne sont rien et c'est cette source mystique de la confiance en Dieu que Philon appelle la izlm. Toujours remonter de la forme extrieure et
;
procd constant de Philon en matire d'expOn voit fort bien propos d'Abraham le passage d'une ide l'autre K Philon suppose des contradicteurs qui demandent comment la Bible peut faire un mrite Abraham d'avoir cru aux promesses de Dieu car, disent-ils, qui donc, serait-il le plus injuste et le plus impie de tous, ne ferait attention quand c'est Dieu mme qui parle et qui promet n ? Nullement rpond Philon la rflexion l'on reconnat qu'il n'est pas facile de croire Dieu seul sans l'adjonction d'autre chose car l'union que nous avons avec le mortel, nous persuade de croire aux richesses et la gloire et la sant. Se laver de tout cela, se dfier du devenir et croire Dieu seul c'est le fait d'une pense grande et olympienne, qui n'est plus sduite par rien de ce qui nous entoure ^ Ainsi la promesse de Dieu n'entrane pas mcaniquement la foi comme la prophtie elle n'apissue,
c'est le
rience religieuse.
nous cherchons la cause de cette transformation du concept nous la trouvons, semble-t-il, dans une orientation mystique du stocisme. La foi en Dieu est, bien des gards, comparable Tindiffrence stocienne pour les biens extrieurs. Ce n'est certes pas dans la foi pratique, agissante, exclusive aussi des Juifs, mais dans la certitude que rien d'extrieur ne peut influer sur nous en mal ou en bien, qu'il faut en chercher la raiSi
de
la foi,
{Qu. in Gen.,
rer. div. h.
1.
y
III,
2,
propos de Gen.,
i5, 8) est
loi).
2.
Quis rer. div. A., 90. Quis rer. div. h., 90 sq.
LA FOI EN DIEU
223
Philon
comprhension parat impossible emprunelle est ts la thorie stocienne de la comprhension stable K Elle est comme la elle-mme une comprhension stable elle est formellement identifie science la fin de la recherche la science telle que la concevaient les stociens dans le passage Abraham le premier a cru en Dieu puisque le premier suivant inbranlable^ solide ^ que le Trs-Haut tait notion il a eu la la cause unique. Ayant possd la plus solide de toutes les
son.
la
y-
((
vertus, la science,
il
*.
mme
de
la
tz'ktv.:;
se retrouve
dans
le sto-
cisme
Le
sag-e n'est
pas sans
appartient
au sage car elle est une comprhension forte qui affirme la chose pose ))^ Schlatter ^ mentionne avec raison que la foi est pour Philon non pas le fondement premier de la vie religieuse,
mais au contraire sa fin, son but. Ceci s'explique par le stocisme Philon fait de la foi un tat stable, une disposition permanente
comme
Il
la
science elle-mme.
la foi
comme dans
la
compr-
hension
foi
la foi stable
Dieu, qui
est
qui n'appartient qu' Dieu et aux amis de caractrise de la mme faon que la science, et la
la
simple comprhension. La
elle s'applique
seule diffrence est que la foi chez les stociens s'applique toutes les reprsentations vraies,
uniquement
Qeto)
Tipo Gsov, v
par
le
mot
(tcIo-t-)
Lorsque la foi est attribue Dieu lui-mme, cette expression ne peut s'expliquer que par la thorie de la comprhension stable si la foi solide est identique la science^ si, d'autre part, Dieu est incomprhensible tout autre qu' lui-mme, il suit qu'au:
1.
2.
II,
26,
qustionisque
c<(rfa.kri,
finis inventio.
lui-mme
la dfinition
science
xaT)vjiit
lyou
4.
De
5.
6.
7.
m,
W.
(Arnim,
II,
8. De post. C, i3. La foi ayant pour objet les choses autres que sation, raison) est sans cesse oppose la foi en Dieu considre
Dieu (sen-
comme
la
Leg. alleg.,
III,
22S
de Abj'ah., 268.
224
cun
constante en lui
seul
c'est ce
c'est--dire
que Philon a voulu dire en disant que Dieu. Dieu, admet Philon, est non pas au sens passif gag-e de foi, mais
Qu'on remarque la forme de paradoxe stocien (6 Sso jjiovo ^ que prsente l'affirmation que la foi n'appartient qu'
la
Dieu. Suivant
sacr,
il
formule stocienne
C'est
et
conduit par
foi,
le
texte
paraissant
l'attribuer
il
de paradoxes sur les qualits du sage (seul riche, seul souvent il donne tels quels ces paradoxes. Mais quand il a lieu d'opposer Dieu la crature, les paradoxes sont attribus Dieu seul. Si Dieu a foi en lui parce que seul il se comprend, cependant les sag'es, amis de Dieu, Abraham et Mose
liste
ont aussi la
foi.
Cependant
le rejet
du paradoxe stocien
et
il
est
un
On
rsou-
dra de cette faon Tespce de contradiction qu'il y aurait admettre d'une part que Dieu est incomprhensible, d'autre part
comprhension de Dieu est possible. Au fond la foi est impossible au mme titre et pour les mmes raisons que la comprhension de Dieu. La foi que peut atteindre l'homme est ncessairement traverse de doutes et de chutes. Philon dcrit avec une g-rande finesse d'analyse ces doutes lgers qui assaillent la conscience du croyant. Aprs avoir indiqu un doute d'Abraham, le croyant, sur les promesses de Dieu, il ajoute Le doute tant incom-
que
la foi
la
1. D'aprs Schlatter {ov. laud.) i^iaxoc, attribu Dieu a ce sens passif ; l'expression signifie que la nian, (foi) subjective du croyant est conditionne par la tzlzl, (g'ag-e de foi) objective de Dieu . Certains passages {guis rer. div. h., gS ; leg. alleg.^ III 208) peuvent en effet s'expliquer ainsi. On est Aucun ne peut croire oblig d'expliquer autrement, leg. alleg., III, 204
:
fermement
Seul il aura une opinion ferme (iay^upurcKL) jure par lui-mme parce qu'il est l'objet de sa propre foi (Trtoropevo u7ov) )). Ailleurs {de mutt, nom., 82), ceux qui reprochent Abraham de ne pas avoir la foi complte, il rpond qu'(( elle ne peut tre chez un homme aussi stable que celle qui est dans l'Etre . Trj Trep t v Triorew; d'aprs ce contexte ne peut vouloir dire que la foi de Dieu lui-mme. 2. Quis rer.div. h., 96.
;
LA FOI EN^DIEU
225
il ne s'est bouche, mais est rest dans la pense trs rapide. Le mot de Mose est Il a dit par la pense , et la pense court plus vite que les plus renomms des coureurs... Le changement est chez le sage court, indivisible, non sensible, en pense seulement (-rpoTiTi.., voy^tti Sjxovov). Que l'on ne s'tonne pas que le croyant garde encore des traces d'incroyance, ce serait confondre l'engendr avec l'inengendr, le mortel avec l'immortel, le corruptible avec l'incorruptible, et s'il est permis de le dire l'homme avec Dieu K Il semble ressortir de ce texte que l'homme arrive la foi par sa partie immortelle, l'intelligence. Ceci nous met sur la voie de la solution du problme de la foi. L'homme ne peut pas atteindre la foi mais une intelligence pure de toute matire qui n'est plus l'homme, qui n'est mme plus l'intelligence humaine, engage dans le corps, mais qui est une intelligence divine ou mme un Dieu, peut Tatteindre. C'est en un sens par son intel-
ligence que
l'homme
et devient
mme
;
il
rpudie
le
l'humanit
il
entre dans
monde
sortie de soi et
mme
de
la partie la
telligence.
La
un prolongement,
un mode
et
elle
chose
exige,
intel-
comme
la
monde
l'homme
fait
d'arriver
de sensible. Le problme dans notre vie, mais bien de substituer par l'extase une vie une puissance suprieure au regard de laquelle la premire n'est qu'un nant. Nous nous contenterons de mentionner ici l'exact paralllisme ou plutt la concidence de cette solution avec celle des problmes de la prophtie et de Textase. Mais nous en savons assez pour pressentir que dans toutes ces thories Philon subit l'influence d'un mme cercle mystique. C'est ce que notre tude sur le rapport personnel de l'homme Dieu va nous confirmer encore.
pntrer en
lui, et
1.
2.
tjue
Toutes les ides prcdentes se trouvent dans le Mut. nom., 178-187. Leg. alleg., I, 82. C'est dans des ftes qui ne sont pas celles des mortels le croyant donne comme offrande Dieu sa foi {de Cherub., 85).
15
226
LE CULTE SPIRITUEL
2.
le
culte intrieur.
Nous pouvons suivre dans la littrature grecque, particulirement chez les potes, le mouvement de critique relig-ieuse qui a
abouti faire de la disposition intrieure de Thomme pieux Tlment essentiel du culte \ S'il est vrai que Philon pouvait trouver dans les livres juifs et particulirement chez les prophtes des tendances analogues, il parat pourtant, dans l'expression, se rattacher sur ce point au courant d'ides hellniques. Mais cette rduction du culte la moralit, Philon superpose une interprtation mystique qui lui donne un sens assez nouveau qui n'est nullement le bien commun du stocisme. Le culte a pour condition non pas seulement la moralit, mais une transformation intime qui supprime en l'homme tout ce qui lui restait d'humain. Sans critiquer les formes extrieures du culte on peut 1. exig-er de celui qui le pratique certaines conditions morales, certaines crmonies matrielles sont prescrites intrieures mais il faut qu'elles soient accomplies avec une intention pieuse. Un tel point de vue est rare sinon impossible rencontrer dans la critique religieuse y est bien plus radila pense grecque cale on ne trouve pas le moyen d'introduire comme chez Philon dans la pratique matrielle du culte la moralit intrieure; des deux parties du culte, l'intention pieuse et la crmonie, la premire seule a une valeur ^. Philon, au contraire, en laissant toute sa force la loi juive, cherche seulement imposera ceux qui
la
De
l l'lvation
le portrait
*,
du
prtre ^
Au
la
suppres-
sion des affections de famille ^ l'unique proccupation du culte rendue possible par les dmes qui assurent sa vie matrielle ^ Des
Decharme, La critique des traditions religieuses. Zaleucus prologue des Lois (Mullach, II, 167). 3. C'est l'objet des traits de l'Exposition de la Loi, qui aprs le de decalogo jusqu'au de festo Cophini sont destins ramener sous les cinq premiers commandements du Dcalogue les lois relatives au culte. li. De Mon., Il, 'j.
1. Cf. 2.
:
5, Ibid., 8-12; cf. contre les affections familiales Abr., 03; V. M., II, 175. il faut 6. De jirm. sac, i peut-tre ici songer gyptien.
;
comme
la
sductions,
rfe
richesse du clerg
CULTE ET MORALITE
227
la
^,
mmes
classs
et
sur
le
monde
Tadoration continuelle
et
non d'aprs
dans l'holocauste,
nous honorons Dieu pour lui-mme dans c'est pour lui demander des bienfaits ^
;
ou diminu. Cependant il tait presque invitable que le ct moral du culte l'emportt. En effet les crmonies dont parle Philon se droulaient loin de lui au temple de Jrusalem il n'y assistait pas et n'y participait pas s'il est vrai qu'il tait lui-mme all une fois en Palestine, et qu'il avait g-ard de ce voyage une profonde impression, cette impression tait trop lointaine % pour ne pas idaliser dans sa pense ce culte dont il avait t tmoin. Dans le souvenir, tout spirituel par lui-mme, s'il n'est pas renouvel par une perception continuelle, s'efface la notion de la ralit
II.
Pourtant
le
non du
seul Philon_,
mais de la colonie juive d'Alexandrie depuis trois sicles. Les synagogues n'taient pas des lieux de culte on y pratiquait seulement l'enseignement religieux et moral, sur le, fondement de l'explication des livres saints ^ Il faut remonter dans l'histoire juive aux prophtes^, particulirement Isae pour recontrer une disposition d'esprit analogue le culte n'tant pas fix dans sa rigueur permettait un libre dveloppement de la pit intrieure ; l'loignement de Jrusalem produit le mme effet chez les Juifs d'Egypte. De l l'affinit interne qu'il y a entre Philon et Isae. Mais en Palestine mme l'ide que Dieu s'occupe non du sacrifice, mais de la moralit de l'adorateur se rencontre avant le rveil nationaliste des Macchabes dans les Psaumes ^
; :
1.
De
Sacrificant.f
p.
i3,
1.
6;
rfe
An.
2.
3.
sacr., 2.
De
SaciHficant., 2 et 3.
:
4.
de Cherub., gi sq.
5.
6.
7.
la
216.
8. Ps. i5, 24, i4o, 5o. Friedlnder (GnecA. Philos, im. Alt. Test., 1904) attribue les psaumes l'poque postrieure Alexandre o certains Juifs, sous l'influence des Grecs, ont lutt contre le particularisme. L'ide de l'inutilit du sacrifice est, on le sait, frquente dans la littrature grecque (Cf. Euripide,
fr.
Nekya,
p. ii4).
228
Philon arrive, eu
sacrifice
LE CULTE SPIRITUEL
effet,
le
pieuse, et
accept,
par une me sacrifice le mme offert impie si n'est pas par un suit que l'lment matriel et sang^lant du sacrifice n'a
est offert
aucune valeur. Toutes les victimes sont gales si elles sont offertes par un cur pieux \ Dieu peut-il d'ailleurs se rjouir des sacrifices les plus riches comme des hcatombes? Nullement puisque tout lui appartient et que d'ailleurs il n'a besoin de rien un simple g-teau de miel offert par un homme pieux est suprieur aux cadeaux les plus riches, ou plutt il ne faut rien offrir Dieu que sa propre vertu -. Est-ce dans l'espoir de corrompre Dieu qu'on lui offre ces dons ? Mais Dieu, la source de toute justice, n'est pas un juge corruptible que l'on peut sduire par des prsents; si nous pensons qu'ainsi nos fautes lui chapperont, c'est que nous ignorons sa puissance de tout voir et de tout entendre \ De pareils sacrifices rappellent le pch plutt, qu'ils ne l'effacent \ Si au contraire l'intention est vertueuse^ peu importe que l'offrande ne soit qu'un gteau de miel, ou qu'il n'y ait pas de victime du tout ^ C'est la foule qui voit la Dieu considre l'me de celui qui offre richesse de l'offrande non l'offrande elle-mme ^ la pure foi est bien suprieure au paiement rgulier des dmes \ Le prtre qui pntre dans le sanctuaire s'il n'est pas parfait, vaut bien moins que le particu;
;
mme
Pourtant
la
le culte
la
purement
et
simplement
moralit, mais
son origine surhumaine, divine. Il faut planter en notre me les vertus non pour nous, mais pour Dieu ^ L'ide juive que nos
actes ne valent
est
toujours prsente
et l'ide stocienne
conformit
la
la
l'altrer
1.
Qu. in Ex.,
II,
2.
De Sacrif.y
6.
3, 11,
3.
4.
5.
0.
7.
8. 0-
F. M., II, 107; II, 5i. De Sacrificant., ch. III fin. Qu. in Gen., l, 63, /|2-43. Qu. in Gen., IV (trad. lai., iO, p. 397). Quis re7\ div. h., p, 82. Leg alleg., I, 49 ; de Somn.. II, 76.
.
CULTE ET MODALIT
g-ieuse est assez rare
229
la
pour
cette raisoif
mme que
:
premire
est
ayant une source divine aussi il est utile de prsenter au lecteur deux passages o elle est nettement marque L'intelligence pntre parfois en des opinions sacres,
considre
:
comme
humaine mais seul est capable de porter le pectoral (symboliquement la parole qui g-ouverne les passions), celui qui fait tout
;
Dans
en vue de Dieu, sans honorer davantag.e ce qui est aprs lui.. \ le deuxime passag-e la philosophie thique est encore plus
.
oppose la relig^ion a la philosophie enseigne on dit qu'elle est dsirable en soi (oi'auT alpsTa)
:
ment
respectable
si
elle tait
d'honorer Dieu
et
de lui complaire
l'homme
ver-
tueux reconnaissant Forigine divine de ses vertus les offre Dieu comme des victimes pures \ Dans cette offrande il ne fait pas entrer les biens propres l'homme, comme la bonne vieillesse, la bonne mort qui ne sont des biens que pour les cratuil y a donc une espce de sparation entre c qui est divin res
'
et
purifier la notion
de Dieu ^
Ce culte, en raison mme de son intriorit, a naturellement une forme peu arrte. Pourtant il se dessine, dans cette uvre, une tendance trs nette donner des rgles la vie intrieure et nous avons l'impression d'avoir affaire des habitudes dj tablies et vivantes de mditation spirituelle. Le trait des sacriJces d'Abelet de Gain est, par exemple, pour une grande partie (I 52 io4) un vritable code des rgles de l'action de grces \
;
1.
Leg. alleg.,
III,
126.
2.
De congr.
3. De sacr. Ab. et C, 97 ibid., 5i ib., 101-104 de fuga, 18. L'offrande est parfois l'me pure elle-mme, leg. alleg., I, 21 ; II, 55; III, i4i Qu- in Ex.^ II, 98, 53i de Somn., 11, 67,
; ; ; ;
sa vertu; la sensation,
;
102. L'me ne peut tre offerte Dieu que pour que pour la vrit qui est en elle. 5. Ibid., loi l'me supprime par l tout ce qui est mortel otn hvoioc; -vj; -ou. Ce culte a donc le caractre d'une connaissance de Dieu. 6. Pourtant la prire dfinie tr/jo-t yawv vrap Osou (de sacr. Ab., 53 de agric, 99) et dont la thorie est donne de Abrah., 6 (on prie seulement pour ce qui dpend du hasard et non pour ce qui dpend de nous) est presque absente de l'uvre de Philon. Pour lui en effet, outre que les biens de hasard ne sont pas de vrais biens, Dieu a une bont qui dpasse toutes les prvisions.
4.
De
sacr. Ab. et
C, 98
230
LE CTJLTE SPIRITUEL
le
il
les fortifier,
puis diviser
La mditation et la division sont d'ailleurs visiblement comme des cadres, que Philon emploie ici dans un but religieux, mais
qu^ailleurs
il
expose
comme
conditions de la connaissance en
se
gnral
Philon.
C'est
cherche
et se cre
peu
peu.
et la sig-nification du culte intrieur chez rapport purement extrieur des crmonies a t substitu un rapport intrieur entre Dieu et l'me, l'me qui s'offre et Dieu qui la dlivre. Mais les expressions que nous
Au
la
nature de ce
c'est
Chez
les
prophtes
et
dans
les
psaumes,
un rap-
personne infiniment faible les sentiments de Dieu l'gard de l'homme, sa piti, son irritation, sa colre sont dcrits l'homme de son ct cherche connatre et accomplir la volont de Dieu. Or nous voyons chez Philon, sans aucune critique de sa part, bien des traces d'une relation analog-ue. C'est d'abord le sentiment que l'me est toujours sous la vue de Dieu qui pntre jusqu' ses plus secrtes penses, la surveille et la juge. Les sentiments de Dieu notre gard rg-lent nos propres sentiments et notre propre conduite. Il faut surtout chercher complaire Dieu, et Dieu se rjouit des actes justes comme d'un homAu contraire sa colre s'lve contre les mchants ^. mage D'autre part, Thomme connaissant les bornes de sa nature, ne peut compter sur son propre mrite pour adoucir Dieu son gard ce serait d'un org-ueil insupportable. Son tre est trop
;
L'homme
prie seulement pour que les biens envoys par Dieu soient proporle sentiment Qiiis rer. div. h., 3i-34) tionns sa capacit {Migr. Abr., loi dominant est donc non pas de demander des biens, mais d'avouer son impuissance les g-arder (cf. Quis rer. div. A., 87 leg. alleg, III, 2i3). Dans le dveloppement du stocisme, le mme sentiment d'impuissance dans les choses qui dpendent de nous a amen certaines mes la prire (Marc;
;
Aurle, Penses,
1.
9.
l\o).
De
sacr. Ab.et
C,
80-8G.
Sur
la ncessit
de la division
cf. ibid.,
74-
75
2. 3.
de An. sacr. id.. G, II, 242. De concupisc, 5, II, 353. La pense la fois .pwo- et oom^sv/}
leg
alleg.,
III
dbut.
i7().
4.
5.
De Somn.,
II,
17.
sfpoa-j-n et
Opposition de
de
opyrj Oso,
de Somn.,
11,
231
pour recevoir et contenir les bienfaits surabondants de la Toute crature mrite par elle-mme d'tre anantie parla colre divine. Aussi le sag-e doit-il seulement esprer que la colre de Dieu sera tempre par sa piti et son amour pour les hommes \ Outre l'efFort pour complaire Dieu, nous devons chercher connatre et accomplir la volont divine ^ Dieu est, pour ses suppliants, le matre qui instruit, l'ami qui console et adoucit les peines de la vie, le pre, le mdecin et le soutien, le sauveur qui dlivre. Le philosophe dans la recherche de Dieu, sent le besoin d'tre guid par Dieu lui-mme si les objets sensibles sont connus par la lumire. Dieu est lui-mme sa propre lumire. C'est lui seul que Mose demande d'tre son guide et son matre %
divinit.
;
*.
Aussi Dieu
est-il dcrit
comme un
proportionnera
les
con-
satisfait
de leur ardeur
d'apprendre,
ce
qu'ils
il
sur
;
ne leur dvoile pas sa mais seulement ses puissances \ Il laisse beaucoup faire son disciple et le quitte pour qu'il agisse de lui-mme, aprs lui avoir donn de ses leons une mmoire ineffaable ^ Pourtant la science que l'homme apprend avec Dieu n'est pas comparable la science d'un matre mortel d'abord elle russit, ce qui la distingue des arts qui chez les mortels n'ont pas de fin. Elle est assez tendue pour que le disciple devienne son tour matre d'autrui. Ensuite elle n'est pas acquise aux frais de pnibles et longs efforts. Sa rapidit est telle qu'elle est intempoil n'y a chez lui aucune longue prparelle ou avant le temps ration, mais le disciple la trouve toute faite comme un paysan qui, en labourant, rencontre un trsor ^
est
demandent
impossible
nature,
Quod deus immut., 76-82. De Somn., I, gS. 3. De post. G., 16 de mon., I, 6, II, 218. 4. De post. C, i6h. De mon., ibid. Analogie pousse parfois jusqu'au ridicule Adam les animaux nommer est comme un matre qui fait ciple un exercice public (sTrtisttv) [Qu. in Gen., I, 21, Harris,
1.
2.
Dieu donnant
i3).
6.
7.
Defuga
et inv., 166-169; ce
cf.
une opposition de
la science divine
qui est appris par nature oixpovov kart, 172; toujours nouvelle et de la science tra-
232
LE CULTE SPIRITUEL
est
Quel
donc
l'objet
la
mot lui-mme dsigne plusieurs choses c'est d'abord la science naturelle et comme inhrente aux facults de connatre l'il sait voir, l'oreille entendre sans avoir appris de cette science dont Dieu est le matre semblent faire partie les notions innes. Mais Philon dsigne encore par l la bonne nature qui d'elle-mme et sans celle-ci est dans une sorte d'enthoueffort pratique la vertu siasme,et d'extase. L'intuition morale de la vertu, qui n'est pas
cdent dpeignent
sagesse autodidacte. Ce
: ;
comme
par
hommes.
Mais en loignant ainsi la science divine de la science humaine, en la rduisant aux facults naturelles ou l'intuition extatique, Philon efface peu peu ce qu'il y a de vivant et de concret dans le rapport de matre disciple Dieu n'est plus que comme le principe impersonnel de ce savoir naturel. S'il est notre
;
et
des arts
et ce
lui. Il accentue encore l'ide en refusant Dieu pour matie atout autre qu' l'intelligence trs pure , qui est, nous l'avons vu, supra-humaine. Le dbut du trait sur V Hritier des choses divines nous donne un tableau bien vivant de l'intimit entre Dieu et l'me pieuse. La joie de la prsence divir^e arrte la voix, et le sage reste muet.
personnels avec
Le franc
reproche se
on peut oser prendre la parole c'est au mchant qu'il convient de se taire. L'me sage ne parle pas, elle crie vers Dieu, et avec une franchise que l'on n'oserait pas montrer un roi c'est que la franchise convient entre amis et que le sage est ami de Dieu. Mais cette franchise ne supprime pas la crainte et le tremblement; Dieu est bon, mais il est aussi un
faire,
;
matre tout-puissant et terrible et bien qu'il ait dit ne crains pas, cette puissance fait trembler l'homme. L'me passera donc par des alternatives de crainte et de franchise? Nullement; les
;
<(
deux sentiments
chez
le
mlangent intrieurement et s'harmonisent sage. O pouvait natre ailleurs que chez un juif cette
se
2.
233
tremblement devant par l'orgaeilleuse lvation de soimme qu'on arrive rencontrer la divinit^ mais au contraire par rabaissement, l'humilit, la conscience que l'on est terre et
union
le
Toul-Puisant
Ce
n'est pas
poussire.
Tous
Dieu,
les
rapports
le
entre Dieu et
comme un
vritable ami,
il
ne garde pour
mais
son
comme
le
ami Dieu ne commande pas, ne donne pas d'ordre comme un matre son esclave, mais seulement des instructions ^ 11 est dj beau d'tre esclave de Dieu, mais la rcompense suprieure^ qui met le comble aux bienfaits, c'est l'amiti divine *; tandis que l'esclavage se rapporte la puissance despotique de l'Etre, l'amiti se rapporte sa puissance bienfaisante^ On a vu
dans
le texte
la fois.
Cependant,
ici
comme
degr de Fextase il y a ici non pas relation morale et volontaire mais ravissement mystique. Mais l'amiti divine s'inflchit
peu peu dans ce sens m_ystique au point de se confondre avec lui. Elle devient un principe d'affranchissement du corps, et des dsirs; c'est par elle que Mose retranche de son me la passion ^; par elle il peut maudire le corps ^, et arriver une foi ferme ^. Le compagnon de Dieu est celui qui sort des choses terrestres % qui mne une vie droite ^\ En disant que le sage seul est ami l'auteur identifie l'amiti divine avec la ou compagnon d Dieu
1.
2. 3.
4.
et C, 12 Mut. nom., i36, xrappjo-tasrat. Qu. in Gen., II, 69 z., III, 5. 'EvvllzTut, Qu. in Gen., II, 16 (/"?'. Wendland, p. 55). Ibid. Migr. Ab., 44-
SaC7\ Ab.
^.DeSob.,^^.
6.
7.
III,
129.
Leg. alteg.,
204.
III,
71.
8. Ibid.f 9.
10.
la correction
ynivMv.
11. 12.
234
vie Spirituelle
et
:
LE CULTK SPIRITUEL
intelligible,
en
la
vidant de tout
la
contenu
humain
et
moral
cette amiti
dpasse
limite
du bonheur
inconnue ni dans la littrature grecMais chez Platon, le mot a un sens pour ainsi dire physique Dieu est le pre de l'univers. L'expression a dans les livres juifs une tout autre valeur; l'accent y est mis sur les rapports moraux entre les hommes et Dieu, Dieu ayant pour l'homme pieux les sentiments et la conduite d'un pre. Nous avons dj rencontr le premier sens; occupons-nous du
di\^ine n'est
la juive.
:
comme un
rapet
la
le
^
;
nous surveille;
il
et mme entre toutes les cratures \ Pourtant Tide se dveloppe peu dans ce sens; elle acquiert rapidement une signification tout fait impersonnelle. D'abord
hommes,
hommes;
de
le
sage
;
seul devient
seul,
il
fils
la limite
la sagesse
L'homme
*.
sage
acquiert, par son progrs, ce bien que possde par sa nature l'ange
;
pourquoi
il
est
appel
fils
adoptif de Dieu
A un
degr infrieur de moralit, l'homme estfils seulement du logos ^; Philon parat admettre en plusieurs passages^, qu'il ne peut dpasser ce degr l'tre est trop lev pour que l'homme puisse supporter et contenir cette paternit ^ Le logos comme pre est avant
;
tout la raison
la
commune
de
conduite. Le fils de Dieu (ou du logos) n'est donc que le sage au sens stocien, sans qu'il y ait trace d'une relation personnelle.
Mais ce n'est pas tout, la paternit divine a un sens beaucoup plus mystique diffrent du premier c'est celle de gnration spirituelle telle qu'elle est expose dans ce qu'on pourrait appeler le mystre de la gnration d'Isaac . Isaac est le symbole de la joie ou du bonheur qui nat de la vertu. C'tait une ide
:
((
1.
De Josepho
2(S^)
2.
3.
f\.
De De
decal., 64.
Sobr., 58
et. le sa|w-e
ib., io3, Trar/jp twv -/.oCkMv Confus, lingu., rapproch des ang-es ce point de vue, Qu. in Gen.,
;
;
\,
92, C6.
5. G.
Confus, lingu.
cf.
post. Cani,^i.
De
Ebriet., 32-34.
RAPPORTS DE DIEU ET
l'a^TE
PIEUSE
235
bonheur, non pas mais une chose divine et un don de Dieu. Aristote exprime fortement celte ide cette joie intime et spontane arrive d'une faon inattendue, et ravit l'homme sans qu'il ait pu la prvoir ^ Enfin elle est l'oppos du plaisir matriel d'ordre purement spirituel^, c'est un sourire de la pense ^ Il faut donc croire plutt qu'elle est aussi plus qu'humaine tant purement spirituelle et qu'elle ne peut se rencontrer que dans 1' intelligence trs pure et non pas chez Thomme compos*. C'est la gnration de ce bonheur intime et sans mlange qui est l'uvre de Dieu comme pre. La mystrieuse triade Dieu, vertu (Sara), bonheur, o Dieu s'unit la vertu pour engendrer le bonheur, nous transporte dans un monde autre que celui du devenir. Cette sorte de gnration mystique est fort diffrente, on en conviendra, et du rapport personnel et du rapport moral de paternit. Ici l'me subit Dieu, est ravie par lui; la gnration toute spirituelle qu'elle est, se prsente sous un aspect plus physique que moral ^ Il serait facile de montrer de mme^ pour chacun des termes qui indiquent un rapport entre Dieu et l'homme, une transformation de sens analogue. Ainsi Dieu est sauveur dans la littrature juive,, en tant qu'il dfend les pieux contre les attaques des impies. Philon, drivant de ce sens, ne voit d'abord dans le salut que la conservation des lres par la providence ^ c'est le sens mme o les stociens expliquaient l'pithte o-wr/ip applique tant de Dieux par le paganisme ^ Mais il y joint le sens mystique du
habituelle chez les Grecs de consid(?rer
le
comme un
rsultat
intrinsque
de
la
vertu,
))
dieu librateur,
le
pour
l'intel-
Eth. Nich., I, g, 2 rv zviat^o'jtuv deoT^oTo-j .. la pense ignore le bien qui lui arrive; ib., il^2, Migr. Ab., i[\o enfante le bonheur sans les aides habituelles. uzi^lmv 'e rvj tavoicf., de mut. nom., i543. Yvyft y'KMTU l'impossibilit de la joie chez l'homme cf. t; 4. Cf. ci-dessous ch. III, i evt^tasr de Dieu pour dsigner la joie. 5. Cf. les nombreuses mtaphores physiques yswvja-v (s.-e. Dieu), leg alleg., III, 219, dizd^ov-oq y.o ysvvwvTo 6ou de Mig. Ab., 162. 6. Qu. in Gen., IV, i3o cf. de confus, lingu., 98 Dieu gouverne l'univers salutairement ((TwT/;ptw;). 7. Cf. Cornutus, Abi'g, p. 5i, i5, Lang. 8. Quis rer. div. h., 60, la libration du corps de sacr. Ab. et C, 112-186, qui indique l'affranchissement de la vie pratique et des arts (117 ^ec-Trorwv
1.
:
.
2.
236
LE CULTE SPIRITUEL
la vie religieuse parat d'abord dirige sentiments de Dieu notre gard; l'me humaine se
la
vue de Dieu cherche lui comexcutant sa volont la joie de Dieu lorsqu'il est en prsence d'un juste, sa colre contre les mchants assurent notre obissance. Tous les bienfaits qu'il accorde la race humaine viennent de sa piti pour nous. Mais cette reprsentation toute juive de Dieu en recouvre une autre plus mystique o Dieu agit comme une force spirituelle encore mais impersonnelle. Il rsulte de ces analyses que les sentiments proprement humains ne jouent pas de rle dans le culte. Si le nom en subsiste, ils prennent, comme l'amour intellectuel de Spinoza, une tout autre teinte, du fait qu'ils sont dus, non l'homme, mais au ravissement mystique. Le culte, comme la prophtie, Textase et la foi, nous place pour ainsi dire dans un plan suprieur au plan humain. Le culte est impossible homme^ il est Taffaire, non pas de l'intelligence humaine, mais de 1' intelligence trs pure qui n'est plus du tout humaine. Ceci va beaucoup plus loin que l'affirmation que Thomme peut adorer Dieu seulement par la partie rationnelle de son tre ^ Cette intelligence, si elle est lie au corps, est incapable de culte, et c'est d'elle qu'il faut se dbarrasser au mme titre que du corps et de la partie irrationnelle. Il en est tout autrement de Tintelligence tout fait purifie qui constitue le vritable thrapeute de Dieu elle est formellement oppose comme telle l'homme compos de l'me et du corps ^ L'intelligence lorsqu'elle sert Dieu avec puret n'est plus humaine mais divine \ Nous savons qu'une fonction des tres mythologiquesqui entourent Dieu est prcisment le culte de l'Etre. Dans les mes (identiques, nous l'avons vu, aux anges) la premire place est attribue celles qui^ consacres et attaches au culte du les anges sont les prtres de pre, sont pour lui des servantes Dieu dans le monde considr comme un temple le grandsentant perptuellement sous
plaire en
; ;
;
1.
I,
Le culte
est la
i6i.
2.
de Somh., Il, 92. Qais rer. div. A., 84. Mme ide dveloppe propos de Lv., iG-i7 Lorsqu'il entrera dans le Saint des Saints, il ne sera pas un homme jusqu' ce qu'il en sorte . S'il n'est pas homme, dit le Commentaire de Philon, CF. de mut nom., 127 il n'est pas non plus Dieu, mais serviteur de Dieu prier n'appartient pas n'importe (jui, mais l'homme plein de Dieu . 4. De gig., 12 (cf. de Smn., I, 140).
;
De Ebr., 44
3.
T).
De Mon.
II,
237
culte de
Dieu ferm tout ce qui est mortel et irrationnel. Mose ne commence adorer Dieu que lorsqu^il a quitt le corps pour entrer dans la contre
exige l'entre dans
le
du logos K Le
monde immatriel
et divin,
invisible^.
quitter
entirement
la
sphre du mortel,
et
une sorte d'apothose et Certes Philon se dfend d'une pareille interprtation ^ Mose lui-mme s'il est appel Dieu reoit ce nom par rapport l'inL'intelligence dans le salut ne devient sens et au mchant pas Dieu, mais seulement divine. Mais l'insistance mme avec laquelle il se garde de cette conclusion, est un indice qu'il pense des doctrines plus radicales qui, en effet, faisait de l'tre sauv un dieu vritable. Il faut reconnatre que chez Philon^ la nuance
est parfois
bien faible
(leff.
3.
Origine gyptienne du
culte spirituel
preuve certaine de l'influence des conceptions religieuses gyptiennes de l'poque hellnistique. La parole divine cratrice est un concept de ce genre. Nous avons la preuve par le trait sur Isis que le culte syncrtique drivant d'une fusion des cultes gyptien et grec, voulue depuis longtemps par la politique des Ptolmes, avait t l'objet d'une laboration analogue pour une part la transformation allgorique qu'avait subie, chez les stociens, la
I.
la
mythologie grecque. Nous disons pour une part car d'abord, les dieux gyptiens tant dj de nature des tres plus ou moins Symboliques, avaient moins besoin d'allgorie que les mythes
:
Dplus cette mthode aboutissait, chez les Grecs^ transle mythe en une philosophie en Egypte, elle a ce rsultat inverse de donner la notion philosophique un aspect plus religieux, plus pntr de vie spirituelle. C'est ainsi que la notion stocienne du Logos perd, par son rapport avec celle de la parole
grecs.
former
1.
2.
i'] ;
de gigant.,
62, etc.
3.
mer
4.
Mose, qui n'est pas homme, est-il Dieu ? Je ne voudrais pas l'affirde Somn., II, 189. De sacr. Ab. et C, 9 il est dieu du Pharaon (symboliquement le corps).
(ojx av z-Kciiii),
;
238
LE CULTE SPIRITUEL
cratrice, ce qu'elle avait chez les Grecs d'objectif, d'impersonnel, de scientifique pour devenir plus fluide pntrable l'me humaine.
et
comme
plus
Dans ce syncrtisme philosophique qui se superpose au syncrtisme des cultes, l'lment g-rec prdominant est la philosophie
stocienne,
philosophie
officielle
et
populaire qui se
prtait
tmoigne ds le dbut de l'poque impriale, l'poque o a vcu Philon. Les renseignements bien rares que nous possdons
sur les stociens alexandrins de l'poque suffisent
C'est d'abord
le
prouver.
Ghrmon,
^ ;
le
sanctuaire gyptien
il
donn de
le
rsum
nous savons
^
qu'il
et
que,
le soleil, le
dmiurge ^ Un autre stocien de la mme poque^ Hcate d'Abdre, compose un livre sur la Philosophie des Egyptiens *. C'est l sans doute qu'il donne une numration des lments o, au-dessus des quatre principes connus, il en admet un cinquime,
le
7^vG[J-a^
gyp-
Snque % d'aprs laquelle les quatre lments contiennent chacun un couple mle et femelle. Nous sommes
tienne
que
gyptienne, dont
le 7VGp.a
reprsente
le
drin commentateur d'Homre et contemporain de Philon % nous montre le stocisme s'appliquant allgoriser le dieu Thot, matre de la parole. C'est le stocisme gyptien qui fut la principale source du philonisma dans la thorie des intermdiaires. Or le culte spirituel dont nous cherchons maintenant l'origine, est rattach par des liens fort troits au culte du Logos et la thorie des inter-
1.
Sur Ghrmon,
2.
3.
4.
5.
*
0.
'j.
cf. Schrer, p. 77G. Joh. Tzetzs, Comm. in IL, pp. 128 et ilfi, Hermann. Porph. ap. Eus., prep. ev., III, 4, i-3. Diofj. Laer., 1, 10. Diod. Sic, I, 11,6. Nai. quaesi., III, i/j. Joh. Lyd.y de mensibus, IV, 107, 17, Wnsch.
230
Il consiste essentiellement en effet par une srie de pratiques et d'oprations intrieures, a purifier rintellii^ence qui se transforme et s'lve en dig-nit j usqu'au rang- des tres divins,
mdiaires.
devient
le
et
Ne
devons-nous pas chercher dans les mmes cercles mystiques la source d'inspiration de ces doctrines ? La thorie mystique de l'intelligence purifie absorbe en II. les interprtant toutes les ides de la morale stocienne sur le sage. Cette intelligence est expressment identifie au sage, et
comme
que
teur,
dit
le
inexis-
tant
mme
est interprte
en ce sens tout
fait mystique que le sage ne peut se trouver sur la terre prisonnier des liens du corps, mais ne peut tre qu'une intelligence purifie dans la rgion des intellig-ibles ^ Les mots (jocd et vo xaQapo sont employs l'un pour l'autre, et le sage qui est moindre que Dieu, mais plus que l'homme, est appel un intermdiaire entr la nature humaine et divine \ Si enfin nous embras-
sons d'ensemble
les rsultats
le
frappant qu'ils ne sont que l'exposition, un point de vue plus mystique, des clbres paradoxes Le sage seul est divin, prophte; le sag-e seul con-
prophtisme, l'extase,
et le culte,
est
Dieu
*.
Philon ne
Sur bien des points, notamment sur la thorie de la comprhension, nous l'avons vu dfavorable au stocisme ^ De plus, il l'attribue formellement aux stociens. Pour chercher l'origine de cette altration du stocisme, il faut voir dans quelles conceptions proprement religieuses s'encadre, chez Philon, cette thorie du pur esprit. Si le judasme a servi de matire ses symboles, nous allons voir que le culte intrieur, lorsqu'il tend s'exprimer en un culte extrieur, choisit les formes les plus trangres, les plus hostiles mme au judasme d'une part la thorie de
:
De mutt, nom.,
?>l\-Z'].
go-lsi
ih., 67, 20 hpot. Diog. La., VII, 119 (Arnim., St. Vet. F/\, III, p. 157, 4, 12, 24). 5. Bien qu'il accepte la thse en ce sens mystique que la comprhension du sage vient de l'influence divine (cf. ci-dessus i, III).
;
:
877. 3. Quis rer.div. h., 83-84. II, 67, i3, [lavriv 4. Stobe, Ecl
II,
2.
De
fortit., 3,
240
LE CULTE SPIRITUEL
III. ^immortalit ne s'acquiert que par la transformation en il est absurde de penser que l'homme soit pure intelligence immortel aucun individu ni aucune espce ne le sont; seuls, le genre, l'Ide, ou, en termes stociens, la semence sont indestructibles. Ce n'est donc pas par son tre mme que l'me est immortelle, mais au contraire par Texclusion de tout ce qu'il y a en elle de prissable et de terrestre, par consquent d'individuel l'tre en tant qu'immortel n'est plus un homme. i^es reprsentations courantes sur la nature de l'me, issues du platonisme ou du stocisme, partent de l'identit de l'intelligence humaine avec un lment plus divin elles dissimulent une thorie plus profonde et plus spciale Philon. Si Tintelligence tait par elle-mme de substance divine, comment expliquer cette question propos de l'intelligence de Mose, si elle est humaine ou divine^ ou compos des deux ^ H J a donc deux
;
le
compos humain
par
cette
est
corruptible
comme
lui.
Ce
n'est
donc pas
bien
mais
est le
monde
intelligible,
conu
de
la faon de Platon
comme compos
ceci dsigne,
monde
pour
relles habitant le
monde
le
divin,
que
anges ^ La
mort d'Enoch
est
qui, d'aprs le
Sous la forme symbolique que prend l'ide en un passage % Philon dcrit les divers degrs du monde intelligible auxquels arrive chacun des sages suivant sa perfection Abraham et Jacob vont jusqu'aux anges qui, d'aprs le paragraphe 8, sont ici le symbole des espces Isaac va jusqu'au genre, et Mose jusqu' Dieu lui-mme. L'incorruptibilit de la pense n'est que le passage de l'espce
intelligible
:
monde
1. vpr-jTTwv
f^upz'h ^vfft,
de Ahrah.y 55
2.
3.
mme
11,
i84
(Wendland,
4.
Ex
De
ad incorpoream
et
intelligibilem ideam,
Qu. in Gen.
5.
I,
86, 59.
sacr. Ab. et
C,
5.
THORIE DE l'iM^ORTALIT
241
courte, dtruite avec celui gui la possde , au genre permanent, qui, dgag du mortel, subsiste pour l'ternit K Sans doute le lieu de Timmortalit est souvent seulement le ciel, l'ther considr comme Torigine des mes, o l'me revient naturellement lorsqu'elle est dlivre des liens du corps \ Cependant Philon a eu parfois conscience de cette opposition du matrialisme stocien avec l'ide prcdente il fait une distinction formelle entre l'homme du ciel , qui, bien que suprieur la terre, reste dans le monde sensible, et les hommes de Dieu
qui est
le
sensible, ont
migr dans
le
monde
comme mem-
Ce qui s'oppose au sjour des bienheureux, c'est la rgion sublunaire. La terre et, symboliquement, le corps et la passion sont un lieu de misre, et la contre des impies . C'est le vritable Tartare ou Hads. La vie dirige vers le devenir, par opposition la vie dirige vers Dieu est cache dans les cavernes du Hads''. A Isral, celui qui voit Dieu, s'opposent ceux qui^, les regards inclins vers la terre, sont habitus aux choses du Hads ^ A la contre olympienne et cleste, sjour des anges, s'opposent les cavernes du Hads, o les mchants sont morts la vie vritable ^ Ce Hads doit tre la contre des impies , dcrite avec quelques dtails qu'occupent une nuit profonde, une obscurit sans fin, peuple d'images, de fantmes, et de songes \ L est chass le mchant afin d'y subir un malheur sans mlange et continu ^ Elle est dsigne plus prcisment comme
la
ce n'est
pas
le
du
ys'vYj,
78-81. Voyez le passag-e de Seth x yOp-&iv si; Ovuru Qu. in Gen., III, 53, 228. La vertu individuelle qui 43 meurt se chang-e en vertu gnrique [partem in totiim, speciem in geniis, corruptibile in incorruptum). 2. C'est la conception de Posidonius ap. Cic, Tusc, I, ch. 20 sq. cf. Philon l'me migr au ciel {V. M., Il, 288) la vie immortelle est considre comme se prolongeant dans le temps aussi longtemps que le monde {de Jos., 264; V. M., II, 108 de mon., I, 3, II, 216). 3. De gigant., 61
1.
De mutt, nom.,
de post.
C,
4.
h., 45.
5. Ibid.,
l'abme
i52
{;;
(iy^ot.rov
^tjOov)
nom.,
6.
107).
;
De Somn.,
mme
7. Ibid., II,
i33.
2.
8.
De Cherub.,
16
LE CULTE SPIRITUEL
mchant, maudite et sclrate \ Philon emploie, Tg-ard des mchants, les expressions propres que dsig-nent les grands coupables du Hads Xo-xwp, 7iaAa[jivaIo. Dans la peinture des malheurs ' de la vie terrestre^, il parat s'tre souvent inspir des descriptions du Hads. Celui qui ne les subit pas avec patience et rsignation, dit-il, subit le chtiment de Sisyphe, retombant toujours sous le poids de son rocher ^ Les passions
:
sont considres
comme
le
Tartare
dont les passions sont les flammes ^ La vie du mchant est bien souvent considre comme une mort perptuelle et continue ^
On
chtiments
la vie
dans
le
corps
D'o proviennent cette description et ce symbolisme ? Dans un texte important des Questions sur l'Exode Philon considre l'immortalit comme une renaissance sous forme de prophte. La premire naissance de l'homme est charnelle il vient
:
de parents mortels dans la seconde simple et sans mlange, il n'a pas de mre, mais seulement un pre, le pre de l'univers,
;
et cette
naissance se
fait
ce
suivant la nature du
nombre
sept
toujours vierge
Le prophte
(TrptoTOTAo-TOu).
Ce passage rapproche la doctrine de l'immortalit du mystre de la gnration par Dieu et la Sagesse. Mais elle est non plus une naissance^ mais une rgnration, unrajeunissement.il faut donc, pour saisir l'origine de cette reprsentation, chercher ce qu'taient ces mystres dont Philon parle souvent. Philon trouvait, dans les cultes mystrieux, une de ces IV. formes religieuses que, depuis Platon dj, les philosophes avaient utilis pour donner leur doctrine une couleur plus religieuse ^ L^essentiel du mystre est^ pour Philon, un discours
2. Kvjps,
3.
4.
f).
la divinit
des Hads.
6.
Qu. in Gen., IV, 284, 4^2. Qu. in Gen., I, 75, 49-5o malitia
:
= mors;
ib.,
II, 9,
88
(Wendland,
88)
la vie
du mchant
Itt
le
les
magnum^
Vet.
St. fr.
d'Arnim,
II,
299).
LES MYSTi^ES
243
sacr \ qui donne un enseig-nement^ allg-orique. On n'en peut douter en voyant qu^il traite g-alement comme un mystre l'interprtation du texte d^Homre considr comme discours sacr ^. L^on sait que dans les mystres de la Grce classique, il est peu
probable que l'enseignement allgorique ait tenu une place. Il en fut tout autrement, suivant le tmoignage de Varron, l'poque qui nous occupe. Il s'y donnait un enseig"nement allgorique, et sans doute est-ce l'cho de ces nouveauts que nous
entendons
ici.
le
d'abord le hirophante qui aux mystres d'Eleusis figure un des personnages de drame, et dit aux initis les paroles secrtes, le dadouque qui sans doute reconnaissait parmi les mystes ceux qui avaient droit aux plus hauts mystres, le hraut sacr qui fait les proclamations et enjoint aux mystes de garder le silence, le mystaguogue qui donne les enseignements qui prcdent l'initiation ^ Philon connat toutes ces fonctions, ou plutt les mots qui les dsignent; mais il les confond toutes. Il ne reste que le
tions dont les titulaires participaient ^initiation
guide de
l'initi
qu'il
hirophante,
dadouque ou mystagogue. Le personnage qui fait fonction d'initiateur n'est pas mieux dtermin. Tantt c'est Dieu lui-mme qui est le mystaguogue de Mose tantt c'est plus symboliquement la vrit ^ C'est aussi Mose lui-mme qui a reu le dpt des discours sacrs ou bien encore les prophtes ^ Quelquefois c'est le discours sacr ^ lui-mme enfin l'interprte de ce discours est lui-mme appel hirophante et Philon lui-mme
;
comme
tel
comme
la purification
des oreilles
\ sont naturellement
interprtes
en un sens
1. La Bible est compose d'oracles expliqus par un hirophante {quod deus immut., 6i). 2. De provid., II, 4o, p. 76. 3. Foucart, Les grands mystres d'Eleusis personnel et crmonies.
:
4.
5.
6. 7.
Vita
II,
71.
^
8.
9.
Quod deus immut. 61 De Somn., I, 164 Migr. De Somn., I, 191 De Cher., 1^2. De Cherub.. 54.
;
Ab., i4.
244
LE CULTE SPIRITUEL
le
vritable et sainte
\
~.
On
sur la recommandation du
laisse
secret
aux non
initis
chap-
per
le
vulgaire, et mpri-
nous
le
dont taient assaillies ses allgories peut-tre est-ce l'explication de cette insistance. Nous trouvons, dans une autre recommandation, un indice montrant que le got gnral de cette poque et spcialement du milieu alexandrin pour les mystres avait pntr dans les cercles juifs. Si vous rencontrez un initi, dit Philon ceux qui ont particip aux mystres, poursuivez-le et cramponnez-vous lui (craignez, en effet, qu'il ne sache quelque mystre plus nouveau et qu'il ne le cache), jusqu' ce que vous en soyez clairement instruit ^. Sans doute Philon crit cette phrase pour dire qu'il a cherch dans Jrmie ce que Mose ne lui donnait pas, mais elle a un sens plus gnral. Jusqu'ici le mystre apparat bien extrieur la pense de Philon. Il semble qu'il a emprunt, et cela d'une faon assez confuse^, plus d'expressions que d'ides et une forme oratoire plutt qu'une doctrine. Suivant ce procd employ d'ailleurs par des potes latins une apostrophe adresse sous forme de discours aux initis semble faite pour veiller l'attention et donner aux doctrines exposes plus de poids '\ D'ailleurs ce langage est assez rarement employ une doctrine expose sous la forme d'un mystre, sera ailleurs prive de cette surcharge ^ Le culte des mystres n'a pas trouv grce ses yeux plus que les autres cultes paens \ S'il y avait d'ailleurs une religion impropre prendre cette forme, c'tait bien la religion juive dont la propa:
l\2 cf. quod deus imnut., 6i, o la bonne nature et la conirrprochable paraissent tre les conditions de l'initiation. Cf. chez Plutarque, de /s,, 3 fin, la dfinition du vritable Isiaque c'est celui qui recherche par la raison les spectacles sur les dieux . 2. De Cher., /\S ;sacr. Abr. et C, Go. 3. De Cher., 48. 4. Ovide, Horace, Ep. 1. i, 7. alleg., III, 219. 5. Surtout c^e Cherub., l\2. et les appels aux initis, leg 0. La doctrine de la gnration d'Isaac n'est pas prsente comme mystre,
1.
De Cherub.,
duite
De
spec.
legg.,
7,
II,
androgynes
initis
aux mystres de
Dmler,
LES MYSTRES
245
Pourtant cette impression s'attnue si nous considrons le contenu des doctrines exposes par Philon comme mystrieuses. Si la forme des mystres ne lui offre que des mtaphores, il en est autrement du fond. S'il est dj fidle l'esprit des mystres de son poque en donnant leur enseig-nement un fond allgorique, il est encore beaucoup plus influenc pour le fond de la pense. D'abord l'initiation en gnral est dfinie l'entre dans un monde nouveau, la contre invisible qui n'es que le monde intellig-ible % et nous savons que le passage dans un autre monde faisait le fond des mystres ^ Les mystres sont de deux espces d'abord les mystres sur la nature de Dieu et des puissances, puis celui qu'on peut appeler le mystre de la fcondation divine. C'est propos des premiers et des premiers seulement que Philon fait la distinction en grands et petits mystres. Les petits qui constituent le premier degr d'initiation se rapportent aux puissances et les grands se rapportent l'tre premier Ils consistent, en somme, dpasser la multiplicit des puissances pour saisir au-dessus cet tre dans son unit et sa puret "\ Il faut remarquer que le monothisme ainsi prsent est fort loin d'tre le
:
monothisme biblique, mme celui des Sagesses. L'unit divine y est un point d'arrive, non un point de dpart. Il a en efl'et
comme premier
l'unit divine conue qu'on l'entendait, sans doute, dans les mystres isiaques. Pour le mystre de la fcondation divine % nous avons assez fait voir qu'il correspondait et la doctrine du trait sur Isis et aux allgories orphiques c'est de cette seule faon que l'on peut expliquer, par exemple, le texte
hymnes orphiques,
et tel
1.
Qu. in Ex. y
II,
498.
et
2.
3.
De
gig,^ 54-55.
et Belles-Lettres, 1898).
4.
5.
0.
De Abrahamo, 122 Sacr. Ab. et C, 60. Quod deus immut., 6r sq. sacr. Ab. et C ,^0, De Cherub., 42 sq. leg. alleg., HT, 3, 219.
;
246
qui a paru
Il
LE CULTE SPIRITUEL
si
obscur Zieg-ert
y a donc ici une vritable pntration de doctrines. Si les rites des mystres ne g-ardaient pour lui qu'une valeur symbolique,
il
V.
La doctrine de V
mme
des doctrines.
devient plus
Dieu et d'exercer en mme temps l'intelligence rg"nre_, engendre nouveau par une naissance spirituelle et mystrieuse, devenue apte comprendre les secrets de la nature divine. C'est
g-ence prophtique, seule capable de connatre
le culte divin, est
donc une
l'me.
L'Eg-ypte est la terre classique des proccupations religieuses de ce genre. Le culte spirituel de Philon est un hritier lointain des Livres des morts que l'on retrouve dans les tombeaux des Eg-yptiens. Sans doute entre la culture purement gyptienne et
philonisme se sont interposs de nombreux intermdiaires nous avons vu le rle qu'a jou le stocisme. Le rle que les ides orphiques ont pu avoir dans cette synthse est g-alement Gso sylvou vraisemblable ^ La formule des mystres orphiques ^ v9p(jL)7ou, amne l'ide philonienne que rintelligence est, sinon Dieu, au moins divine. Pourtant c'est dans le Livre des morts et plus particulirement dans le chapitre concernant la scne du jugement % qu'il
le
: :
seulement on trouve
les
for-
ment
tout
le
comme
On
sait
de
la
;
est difficile
de croire que
lg^ale
bel Philo
Theol. Stud.
und
2. in Parm., 235, tmoigne d'une faon Proclus Plat. Tim., V, 291 c tardive que les Champs-Elyses taient interprts par les Orphiques comme le monde intelli^ible. Pourtant levers de Virgile, dans sa descriplion orphique Solemqiie suum, sua sidera noriint (En. VI, 64O), des Champs-^]lyscs si on ne vcnl pas l'expliquer par l'hypothse d'une pluralit de mondes sen:
La
religion des
a?icie?is
Egyptiens
247
pu chez Philon venir d'une autre soirce. Le dfunt, aprs avoir surmont l'preuve du jug'ement, est lui-mme identifi un
ait
acquiert la puissance de la parole cratrice \ de mme que, dans un texte assez nig'matique de Philon, l'intelligence
Dieu, et
il
porter le log-os divin ^ dans une uvre du sicle de notre re l'cho de ce Livre des morts dont la rdaction complte date du vii^ sicle avant notre re', il faut d'abord songer au caractre conservateur de la religion gyptienne qui nous donne sans doute l'unique exemple d'une religion reste immuable pendant quatre mille ans. Mais surtout il faudrait se rappeler que le philonisme n'est pas la seule manifestation qu'ait trouve la religion gyptienne expirante. Nous avons en effet dans les livres que l'on appelle hermtiques, un culte spirituel tout fait analogue celui de Philon, et dont l'origine gyp
i''''
Le Poimandres
part
comme
le
commme
veut tre
rasse successivement du 9u[jl6 et pure intelligence, pratiquant le Dieu, ou la naissance en esprit qui
monte l'homme se dbarde Vlizi^u^ia pour devenir une culte divin ^ La naissance en
se
des
sensations
et
des
passions,
considres
II
comme
des
du Poimandres, la thorie
(la
rvlation
fils
ou
son disciple),
la littrature her-
mtique peut remontera une assez haute antiquit, la priode hellnique ou pr-hellnique. Il a de plus retrouv dans une thorie fort ancienne des prtres gyptiens connue par une inscription du viii^ sicle, la premire forme de la thologie hermtique. Suivant cette thorie le Logos (Ptah) aprs avoir ordonn le monde, revient vers le Dieu suprme auquel il est consubstantiel de mme dans les livres hermtiques^ l'lment immor:
1.
Cf.
2.
Leg
alleg.,
III,
125.
Poimandres,
fin.
Poim., ch.
1er.
248
tel s'unit
LE CULTE SPIRITUEL
mme
laquelle
il
s'en libre
et
remonte jusqu'au pre. Quoi qu'il en soit de cette ingnieuse thorie, les ides hermtiques ont galement subi une influence
hellnique, et l'influence stocienne y est, comme chez Philon, prpondrante. On y retrouve l'ide de priode mondiale durant
monde, et monte (avooo) vers le feu originaire. La cosmogonie en vers'crite sur un papyrus du iv*' sicle aprs J.-C, et dite par Reitzenstein \ donne de nouvelles preuves de cette influence. Un gyptologue autoris, M. Naville, admet cependant que
laquelle s'accomplit la formation et la destruction du
l'ide
de
la
il
mme
chtiennes,
il
y a des
un adepte de l'ancienne
religion, par
morceaux qui un de
ceux qui, jusqu' la fin, essayrent de maintenir les croyances et les crmonies des vieux prtres ^. La mystique philonienne est donc issue de ce ces mmes milieux gyptiens dont Plutarque a recueilli les ides dans le trait sur Isis et dont la littrature hermtique est une production postrieure. C'est un caractre reconnu de l'ancienne religion gyptienne de manquer totalement d'unit systmatique il n'y a point de systme, point de logique serre qui soit la base de cette philosophie \ Peut-tre peut-on expliquer par l ce qu'il y a de choquant pour un lecteur habitu aux productions ordonnes de la philosophie grecque, dans les incohrences si frquentes des conceptions fondamentales de Philon*. On cherche en vain tablir une hirarchie des intermdiaires divins leurs rapports et leurs attributs restent sans fixit, et ils apparaissent chacun leur tour comme Ttre suprme. De mme la notion exacte du pur esprit qui d'humain est devenu divin est oscillante et indtermine. Philon, en acceptant les notions gyptiennes, ne fut d'ailleurs nullement infidle l'esprit du judasme alexandrin. Les restes
;
;
1.
Zwei
2.
3. Naville, p. 98.
C'est pour n'avoir pas dcouvert la prsence de cette mythologie g-yptogrecque dans l'uvre de Philon, que certains interprtes modernes comme l'abb Martin, voyant bien l'inanit des efforts pour systmatiser la pense de Philon sur les intermdiaires, sont rduits attribuer ce manque d'unit r embrouillement de la pense de Philon. Cf. Martin, Philon, p. 5^, O2,
4.
f), 80.
249
Juifs sycrtisies,
judo-grecque ne nos montrent gure que des comme les historiens Eupolme et Artapan qui unissent les mythes grecs aux rcits de la Gense. Le judasme, dans ce qu'il a de vivant, en dehors du culte, est devenu ce moment interprtation de la Loi, et cette interprtation n'est fixe par aucune orthodoxie dfinitive. Aux traditions s'ajoutent les inspirations personnelles des interprtes nouveaux. La position du Juif de cette poque par rapport la Bible, rappelle
de
la littrature
Il
est
donc possible
et
mme
vrai-
semblable qu' la dans le judasme alexandrin les notions religieuses dont le milieu tait satur. C'est cette combinaison que nous voyons le plus clairement accomplie dans le culte intellectuel de Philon.
trer
. .
CHAPITRE
LE PROGRS
III
MORAL
Sommaire
L'idal stocien et sa valeur. Le bien et l'honnte. Thorie de Les discours sur la vertu. La fraternit humaine. Les discours contre les passions. L'apathie. L' eupathie et la joie spirituelle. Portrait du sage. Les paradoxes. Les problmes de casuistique. La question
:
i.
la vertu.
sur l'ivresse du sage plantatione. 142 sq.). 2. L'idal pripatticien et sa valeur. Philon etAntiochus d'Ascalon. La vie spculative et la vie politique La morale pripatticienne conserve une valeur pour les imparfaits. 3. Le cynisme et l'asctisme. Expos gnral de l'asctisme dans les Allgories des Lois. La thorie de l'effort moral. Philon, MusoLes rgles de l'asctisme. nius et Snque. L'impuissance de l'effort humain. Les limites du 4. 1 La vertu par nature cynisme. La triple origine de la vertu, opposition de cette ide avec celle du vice naturel et de la neutralit morale. Le sage par nature comme manire d'tre de l'me c'est la conscience spontane et la joie 2" La vertu par instruction. spontane. Esquisse d'une thorie de la grce. Le problme de l'enseignement chez Philon son got pour les voyages et les curiosits. Les encycliques la grammaire, la musique, la rhtorique, la mde3" Critique de l'enseignement. cine. La mtorologie. La technologie. Les sophistes. Justification et place des encycliques. Place de la philosophie La philosophie est, pour Philon, le systme stocien. La conscience 5. i" Le pch morale et le pch. description du pcheur incurable. La casuis2** La tique du pch. Les influences cyniques. conscience morale: sources de Philon chez les potes tragiques et comiques. Texte de Polybe sur la cons3 Le progrs moral. cience. La conscience et le Logos divin. La conscience du pch. L'espoir: la confession des pchs. Le repentir comme relvement intrieur. Conclusion il n'y a pas d'unit doctrinale dans la morale de Philon elle est la premire morale de la conscience.
les
cosmos, puisque le cosmos est lui-mme l'un d'eux et nous avons dit qu'ils n'avaient de sens qu'au point de vue du culte divin, pour Tme suppliante laquelle Dieu rvle ses puissances. Mais voici que l'me suppliante deven'expliquaient pas
le
monde
nue
voG; purifi
les
intermdiaires et
y a l une mthode d'absorption, bien connue de tous les systmes mystiques. A force de ravir tous les tres en Dieu, elle ne laisse plus hors du monde divin que le nant et le mal. L'homme n'en subsiste pas moins,
connat Dieu au
titre
mme
qu'eux.
Il
LE PROGRS MORAL
251
on ne peut Tliminer. Certains mystiques radicaux arrivent, de Tindiffrence complte pour tout ce qui concerne la vie et les actes humains. Philon est loin de tirer il se proccupe, au contraire, beaucoup du cette conclusion terme mouvement prog^ressif dont le est la vie religieuse pleine
et
il
et
entire. Aussi
si les
le
Logos divin restent des intermdiaires ncessaires pour nous autres imparfaits . Grce eux, il y a une vie morale et un progrs possibles. C'est cette vie morale qu'il nous reste tudier. Mais le problme moral se prsente toujours chez Philon d'une faon dtourne et comme pisodique. Puisque le but est la
sag-e
sage lui-mme
et le
amener
la science
de
Dieu,
il
s'ensuit
que
l'activit
morale
pour
Pour-
moraux sans
une thorie des vertus, jdes portraits du sage, de frquentes allusions des problmes de casuistique stocienne, des critiques du systme moral d'Aristote, des dveloppements oratoires, discours ou diatribes -mlange assez confus de notions morales de tout ordre, mais dont l'origine est
:
entirement grecque. Il n'y a dans tout cela aucune trace de systmatisation, et ce serait tre infidle notre auteur d'essayer de faire de sa morale
un systme.
le syncrtisme dnu d'intellisouvent Philon? Nullement. Si la pense de Philon ne s'arrte aucun des systmes que lui prsentait la philosophie grecque, c'est pour une raison positive le premier, il prend conscience de la complexit mouvante des choses de l'me. Les Grecs taient rests en morale des physiciens, plus proccups d'tablir la vrit objective d'un systme de morale^ sa correspondance avec la nature donne de l'homme,
Est-ce l pourtant
si
que de chercher
il
rpondait.
Ils
comme
les
le
portrait
du sage, sans
soucier des
mouvements de
de vue qu'il se place, non pas pour accepter un des systmes de morale, mais pour les juger et en faire connatre la signification. Il nous faut d'abord tudier ce que Philon reoit de chacun des
systmes rgnants.
252
LE PROGRS MORAL
I.
L idal stocien
et
sa valeur
que particulirement celle de Philon en est imprgne elle renferme beaucoup de sentences courtes, aises retenir \ qui sont devenues des dictons. On ne peut mconnatre qu'elle se
prsente trs souvent ainsi chez Philon,
l'tat
de prceptes et
et
de paradoxes.
Il
suffit
populaire
qu'elle prend presque toujours. Les principes sont rarement dmontrs mais seulement poss. Les difficults thoriques de certaines ides, par exemple la passion considre comme jugement, les paradoxes, sont masques par un appel au sens commun. Il y a des fragments de casuistique, de questions. Aussi les principes de la morale stocienne sont prsents ou comme des vrits videntes, ou par allusion, ou avec la scheresse didactique d'un manuel. Nous y trouvons le principe de la conformit la nature ^, dont Philon, comme on le sait, fait le plus grand usage pour fonder la Loi juive, celui de l'honnte bien unique ^ divers points de la thorie des vertus *. Pourtant les dveloppements sur la vertu se prsentent sous la forme
^
;
c'est
1. Cf. l'expression Mtntp tw6k Ay2o-6i ou formules analog-ues propos d'opinions stociennes devenues courantes (par exemple V. M., II, 7). 2. Exprim en termes diffrents de fortit., 4 H? SyS; de de decal 81 Vita Mos., II, 181 praem. sacerd., 5, II, 286; de An. sacr. id., 5, II, 241 de septen., 5, II, 280; spec. legg.^ III, 8, 807. Quelquefois elle devient l'harmonie entre les diverses parties de la vie (c'est--dire action, parole et pense, F. M., II, i3o; qu. in Gen., IV, 84, 3io) comme de mut. nom., 198; de sep:
ten.^ 5,
3. V.
II,
280.
I,
M.,
59
ib.,
II,
187
I,
81, 61
IV, 147-
i48.
Se trouvent seulement dans l'intelligence, de An. sacr. id., II, 2/1 1 ib., 244 qui a une vertu les a toutes (V. M., II, 7); la vertu art thorique et pratique, Leg. alleg., I, 50-59 la dfinition stocienne du courajei-e est cite comme banale, de justit., 2, 11, 3Go dfinition stocienne des quatre vertus cardinales, Leg. alleg., I, 05 ib.^ 87 ib., 68. quel pote ou log-o5. Cf. dans rlog-e de la justice ((/e II, 878) graphe pourrait la chanter ?
4.
;
7, 11,
253
continence \ de
d'elles,
comme
prudence *, des vertus sociales '\ Chacune la manire des rhteurs, est tour tour considre Tunique ou la matresse de toutes les autres. L'ide stola
le
cienne qui a
commune
trouve textuellement
le
prcepte
pas sans rserve les dispositions de la Loi qui distinguent entre il est d'une vertu suprieure, de dtruire cette ;
Il
distinction ^
qu'on ne
le faisait
habituel-
lement sur
les
vertus sociales du
sag-e.
commun,
le
bonnes natures. 11 exerce envers tous ment pour ceux qui en sont dignes ^
Philon suit
la thorie stocienne
d'elles
prend souvent
forme de discours
v^ertu
contre-partie
des loges de la
Ces dis-
communs
le
qui se rattacheraient
2. 3.
De praem. De
sac7\,
III,
3,
II,
235.
4.
5.
Qu. in Gen.,
22, 194.
Wendland,
69.
II,
11
{Wend-
land, 96).
8.
De
V.
septen., S,
II,
284.
9.
Qu. in Gen.,
il/,,
Comp. chez des passions dans l'me kr.c/.Loorj-nc,, ctts).).ov(T3, 7rox).tvovTo, s)ao(TV3, et Stobe, STia.p(7Lv, G-u(7To)vVy, xy.\<.(jiv, op'^Lv. Dfinition stocienne de la passion, de concupisc, i, II, 348 allusion la thorie physiologique, Qu.in Gen., II, 7, p. 86. 11. Particulirement le discours contre le dsir (rfe decal.,il\2-i'Sl\).he dsir occupe la premire place dans les passions (contrairement la thorie qui donne cette place au plaisir), parce que seul il vient de l'intrieur de l'me, tandis que les autres viennent des objets extrieurs il inflige l'me le supplice de Tantale il est la cause de tous les maux, des haines de famille, des discussions intestines, des guerres. Le mme thme est dvelopp de la mme faon avec des additions (comparaison du dsir la faim et la soif) et des retranchements (numration des passions effets du plaisir sur les
10.
II,
38, 117; 4o, ii8; 44? 122; IV, io3, 426. 144. Cf. Stobe, Ed. II, 90, 7 (Arnim, III, p. 95).
Il,
Philon
les
verbes dsignant
l'effet
du de Concupiscentia
254
LE PROGRS MORAL
le
discours contre
le plaisir
et
\ il disdumang-er:
;
mais on peut attribuer leur trop g-rande extension des causes corporelles au contraire dans l'abus du plaisir sexuel, ce n'est pas le corps mais Pme qui est coupable. Les Stociens voulaient qu'on supprimt entirement les passions, Philon aussi voit dans l'apathie l'idal de la sag^esse. Tout ce que nous faisons par colre ou par quelque autre passion est rprhensible ^ Mose^ symbole du sag-e parfait, ne s'arrte pas la mtriopathie, mais retranche en lui tous les sentiments viode mme il est pur de tout dsir et de lents du cur (8'J|jl6) tout plaisir. L'apathie est la condition du bonheur et de la vie vertueuse comme le pain et l'eau sont les conditions de la vie^ La distinction que l'on trouve une fois * entre la vritable et la fausse apathie est assez obscure; peut-tre cette fausse impassibilit qui touche l'orgueil est-elle celle des mendiants cyniques qui est condamne ailleurs ^ A la passion qui accompag^ne le vice s'oppose l'heureuse passion (sirGciaj qui s'ajoute la vT.rtu ^ Quatre suTiaGsrla!. correspondent aux quatre passions \ Mais parmi elles la meilleure et elle est caractrise dans une pag-e du la plus belle est la joie * Le sentiment de joie est une espce de Rcompenses ^ des trait
;
rsig'nation
active
elle
remplit
l'me
entire
la
calme
1.
et la
confiance
(z^u^Icl)
2.
8.
ch.
,
II,
p. 5oo.
cf.
,
71.
;
Leg. alleg.,
;
Qu. in Ex.,
II, 2.5,
\\,
18,
481
177, p. 38o
ib., 45, p.
280
ib.
106
4. 5.
i5,
267.
est mme suivant certains philosophes une sjTraOsta (de 6. mut. nom., 167). IV, 0. 7. Qu. in Gen., II, 67, p. i4i, que l'on comprendra par Cic, Tusc oost) Ce texte prsente des obscurits la deuxime passion [desideriiim est en ralit le dsir (7rtOuj:/tc<) et la quatrime nomme aviditas devrait tre la crainte (timor) qui devient par erreur la quatrime suttc^Osik (qui est en u).a). Ce sont l des erreurs matrielles dues aux traducralit cautio c'est la doctrine courante du stocisme q-u'il teurs. Mais il y a autre chose y a non pas quatre, mais trois ;raOtai, aucune ne s'opposant la peine. Or Philon y oppose la compunctio. Cette compunctio vient peut-tre d'un adoucissement de la thse stocienne, qui, dans sa rij^ueur, ne voulait admettre la tristesse sous aucune forme. 8. Congr. er. gr., 36. 9. De prm. et pn., 5,
;
De fuga et La vertu
inv., 33.
=
.
LA CASUISTIQUE STOCIENNE
25o
de Dieu et du monde, considr conyne une cit bien g-ouverne \ d'autre pari dans les actes vertueux La vritable joie devient donc tout fait indpendante du plaisir puisqu'il n'ac-
les actes
et
non pas
non
la
chair
comme
le plaisir
La joie s'oppose
mais plus spcialement la peine et la crainte, qui forment, suivant Philon, le chtiment du vice \ Dans la peinture du sage (a-ocpo^ a-Tcouoalos a-Tw) Philon suit les fameux paradoxes stociens. On en trouve une liste dans le
trait sur la sobrit (56-58).
Un
mon-
trer
que seul le sag-e est libre ^ Cependant, si souvent que ces paradoxes se retrouvent chez Philon % il n'en prsente que fort rarement une justification. La pense de Philon s'est forme dans un milieu o le stocisme tait la philosophie commune, et en quelque sorte classique. Les dmonstrations qu'il donne parfois de ces paradoxes ont une tendance accentue les spiritualiser*.
^
I. Comp. Qij,. in Gen., III, 38, 207. L'homme joyeux ne se chagrine d'aucun vnement, mais se complat en tous ib., IV, i38, 349 Isaac, qui super omnia a deo facta sine interruptione gaudet jugiter ib., \[\. la jouissance de la justice. 1. Comp. de just., i, II, Sg xar tavoiav zvT^ci^na, de Abrah., 202 -; rvj '^lu3. Cf. l'expression voi'xq y^upci;^^, de An. sacv id., 3, II, 240. Gaudium internum quod superat omnem cogitaiionem carnalem . Qu. in Gen., IV, 17, 257-258. Elle consiste seulement dans les biens spirituels, ib., III, 16, 188. Cependant dans une peinture des ftes juives [de festo Coph., i, p. 2), la jouissance corporelle est
;
;
vj
comparez une autre peinture de la joie, 4. Quod deter. pot. insid., 119 de Abrah., 202, o il insiste surtout sur le calme. La xp a comme espce W(oooa<jvn dfinie de An. sacr. id. (Wend^land^ i3, 3). 5. Comp. de Sobriet., 57. Nous admettons l'authenticit du quod omnis probus liber qui a t dmontre contre Ausfeld par Wendland {Arc/iiv f. Gesch. d. Ph., r888, p. 509), et conteste seulement pour les chapitres" sur les Essniens par Ohle (Jahrbb. f.pr. Th., 1887, p. 3i8). 6. Le sag-e roi, de agric, l\i de somn., II, 244 Qu. in Gen., IV, 76, 3o4 (o l'opinion est attribue aux philosophes ), etc.; seul riche, Qu. in Gen., IV, 182, 384; ibid., 5i, 285 de plantt., 67 seul noble, seul glorieux, t/e sor/e?., patrie, Qu. in Gen., III, 19, 190; seul courageux, Qu, in ^ s^^l 56-57 Gen.^ III, II, 184 seul vieillard, ibid., IV, i4, 255. Cf. encore Qu. in Gen. IV, 5i, 286 ibid., 228, 4^6 de Abrah., 199 Qu. in Ex., II, 20, 482 de prm. et pn., 4, II, 4ii' H admet contre quelques stociens l'existence de fait du sage Qu. in Gen., IV, i84, 385 de mut. nom., 3G-37. Sur l'immutabilit du sage, doctrine qu'il attribue aux stociens [quod deus immut., 22-23), cf. de Abrah., 170-174 de gig., 48-54 de sacrif., 6, II, 256, etc., et l'allgorie Sur la paix du sa^e, de gig., III, 88, de Cherub., de Rbecca, leg. alleg 5o-5i quod. deus immut., 26 de An. sacr. id., II, 245' seul citoyen, Qu. i)i Gen 1, 97, 69. 7. Le sage riche, de plantt., 69-73 8. La richesse du sage est la richesse spirituelle; de plantt., 69 sq. ; sa
;
',
256
LE PROGRS MORAL
La casuistique stocienne qui se rattache la thorie des fonctions (xaTjXovTa) tient une place particulirement importante. Des
trs diffrente suivant la
mmes doivent tre jugs d'une faon pense dont ils partent. Mais comme les actes ne correspondent pas toujours aux penses, il est bien difficile de juger la valeur morale sinon par une enqute et des
actes matriellement les
ici
lo),
mise Philon
la
comment
tmoignages d'amiti, les actes du culte peuvent devenir mauvais dans certains cas, tre rendus impurs par la flatterie ou la superstition. Ces exemples paraissent tre classiques une liste presque identique est cite dans un passage de la traduction latine anonyme des Questions ^ L'exemple de la restitution du dpt est fort souvent cit \ D'une faon absolue le mchant ne peut jamais rien faire de bon au contraire ce que fait le sage est toujours bon, mme si son acte est contraire une fonction. Il y a telles occasions o le sage peut employer la ruse, le mensonge, l'injure il peut tre intemprant^ imprudent, lche, injuste, en gardant toutes ses vertus l'espion se fait prendre pour un transfuge, le roi ou le matre de maison prennent l'aspect d'un particulier ou d'un esclave pour surveiller On verra comment Philon a dvelopp,
les
:
;
du dpt,
videmment suivant
ducateur.
le
mme
principe, la thorie
du mensonge
l'affranchissement de l'opinion, de Sobr., 56-58 sa royaut, la connaissance de l'art utile aux hommes, Qu. in Gen., IV, 76, 3o4- Parfois les paradoxes sont attribus Dieu seul, l'exclusion du mortel seul sag-e de plantt., 38 ; confus, ling., 89; Mig Abr., i34 seul libre, quis rer. div. h., seul 186; seul roi, de congr. er. gr., 117: seul citoyen, de Cherub., 121 immuable, de Somn., II, 219 seul brodeur, de Somn.^ 207. 1. Ces principes gnraux se trouvent de fuga et invent., i56 Qu. in Gen., IV, 24, 263-264 ib., 221, 421. Les mchants font les mmes actes que les bons, mais non d'aprs les mmes penses (on trouve le texte grec dans un passage non identifi par Harris, p. 70). 2. Non conserv dans l'Armnien, Qu. in Gen., IV, 210, 4i3 la liste compose de la restitution du dpt, le respect des vieillards, l'amiti. 3. Quod deus imm., 101-102, contient les deux exemples du dpt et. des actes du culte le premier est abrg, ne contient que le 102. 3 du dplantt. Le mme passage est rpt presque identiquement, de judice, 3, II, 34o,
libert,
; :
youv
4.
oliyo'^p-riiJ-ot.TO'j,
etc.
textes, Qu. in Gen., IV, 204-206 (Harris, 45, Wendland, 88) et ib., 228, 426, Harris, 46 le second ajoute l'exemple des stratagmes des policiers, des athltes, des gnraux.
Comparer
les
deux
LA CASUISTIQUE STOCIENNE
Si le sag-e peut tout faire sans repr(tche, c'est
fois
est indestructible.
257
que la sagesse, principe Ce acquise domine la solution de ces questions (iTvi^jiaTa) de casuistique stocienne dont Philon nous a conserv le spcimen le plus complet. Il s'agit de rsoudre cette question, si le sage s'enivrera. Philon avant d'indiquer la solution de Mose (cette partie est d^ailleurs perdue) indique les ides des philosophes stociens ^ Nous ne reprendrons pas Ttude de ce viTipia, si bien faite par Arnim. Pourtant quelques remarques utiles restent faire. Le fragment conserv par Philon dveloppe en plusieurs arguments l'ide que le sage peut s'enivrer (p.0tjt.v) car il faut faire une diffrence entre Tabsorption du vin (to olvojo-Ga!.) et l'garement d'esprit (to Xripslv) que l'on identifie souvent tort l'ivresse ((j^s/j). Le 7]Tri[xa dmontre que Tivresse (to jj.cGijs'.v) est identique l'absorption du vin^, et par consquent si le sage peut prendre du vin, il peut s'enivrer sans perdre la sagesse. Mais comme pour rendre moins paradoxal ce qu'il y a ici d'trange, il montre dans les arguments suivants comment l'ivresse produit seulement chez lui la joie et le relchement des penses. Cette thse se dirige donc contre la distinction que l'on fait entre la boisson (oI'v(jl)C7(.)
une
et l'ivresse,
nant
et
en enlevant l'ivresse ce qu'elle a de trop inconveindigne du sage. Toute la divergence entre cette thse et
la thse contraire,
consiste
si
donc dans
l'ivresse
dont un seul argument est expos (175-176), cette distinction de mots sur le sens de [^-sGr^ ne va pas au del de la simple joie le sage peut
;
s'enivrer ^
sous la forme d'un portrait du sage, nous est encore connue par
deux autres sources l'une, mentionne par Arnim, est l'pitre 83 de Snque qui expose l'argumentation des paragraphes 176,
;
1.
2.
il doit tre complt par les i5o i56 178-174, qui doivent tre replacs aprs le i56. Philon vient de dmontrer (jusqu' ovjo\jai)%L c'est i56) par des considrations sur les homonymes que aXjzvj la dmonstration scientifique {vryjjoiq utxo^ziEzl-j) que le 178 oppose la dmonstration par tmoignage des traits sur l'ivresse. Les arguments dvelopps des i56 178 n'expliqueraient pas cette opposition. 3. Cette distinction s'claircit bien par un texte de Qu. in Gen., II, 68, i5/i (Wendland, 68, Harris, 27), qui dpend certainement de cette mme question . Il distingue les deux sens de pOetv, l'garement d'esprit (V/jostv) et la boisson (otvoua-Oat), en ajoutant que la premire ivresse n'appartient qu'au mchant, la seconde aussi au sage. Il ajoute que le sage (dans cette ivresse) use du vin sans en abuser.
;
fin.
17
258
L PROGRS MORAL
176, 177 de Philon en l'attribuant Zenon, puis les raisons par lesquelles Posidonius renforait la thse de Znon ; ces argu-
ments suivraient sans doute dans le texte de Philon^ si notre fragment n^tait tronqu. Nous avons de plus un texte de Plutarque non mentionn par Arnim \ renfermant une allusion la fameuse question pose par les philosophes (to 7itoli|jivov Tiap Toi cpiTvOo-ocpoi) qu'il rsout dans un sens ngatif en distinc(
guant,
(
contrairement
en
effet
Philon, entre la
trs bref a
boisson
et
Tivresse
cp>.njap'la).
:
Ce texte quoique
en dfinissant
la
tance
relche-
ment (avso-i), sans doute d'aprs une tymologie suppose, il nous montre la raison du troisime argument de Philon (i65sq.),
dans lequel
rduire
(|j.8a-(.)
celui-ci
s'efforce
l'ivresse
du
sage
au
de l'me \
les
arguments de cette dernire thse qui est celle de la question ont pour fond des considrations de grammaire. Le premier montre aprs une dfinition et des exemples de synonymes que les mots oivoucrBat. et |jlQl(.v sont synonymes; le second et le troisime indiquent deux tymologies du mot pisiq d'o ressort que l'ivresse n'est que le simple relchement de Tme le quatrime part de considrations sur les termes contraires. C'est l le squelette de l'argumentation. Sous cette forme, elle tombe exactement sous la critique que Snque adresse l'argumenta;
Tous
tion de
Znon
et
celle d'autres
dit-il,
hommes
trs sages
en pareille
des preuves bien lgres et bien embrouilles, au lieu de procder par exemples ^ Arnim attribue dans la thse du v]T7i[jia la plus grande part Antiochus d'Ascalon ce stocien plus accom;
modant que
rle
ses
commun,
le
paradoxes stociens. L'ivresse est en effet rduite un simple relchement de l'me. Mais nous n'avons aucune preuve qu'Antiochus ait jamais admis et dvelopp de tels paradoxes. De plus le caractre grammatical et scolastique de l'argumentation dnote d'une faon bien nette les habitudes de Chrysippe c'est donc de Chrysippe ou d'un de ses disciples immdiats que
;
mun
1.
D(i (jarrulitate^
t^.
2. lOO.
3.
Levissimas
et
8.
2o9
vent
il
La composition de la prface de la question (i42-i46) nous donne encore une preuve qu'elle est d'orig-ine antrieure Antiochus. Aprs un nonc de la question et des deux thses contraires, sa partie la plus longue est une digression qui expose une troisime opinion. Cette troisime opinion parat inacceptable l'auteur de la question et elle ne reviendra plus dans
la suite (i45-i49).
Le sage d'aprs
cette
opinion
de
le
droit de
comme
le salut
la patrie, l'hon-
neur des parents, etc. L'ivresse est permise l'occasion (cf. ol xaipoQ au mme titre que le suicide. Cette digression est videmment surajoute. Sans elle le fragment serait complet et de composition plus claire. La thorie qui y est expose nous est dj connue c'est la casuistique qui permet au sage des actions ordior cette casuistique, au tmoignage de nairement coupables Cicron \ n'a commenc qu'aprs Pantius. Le v^TYiii-a qui n'en parle que par digression et pour la repousser est donc pour l'essentiel des ides antrieur l'poque du stocisme moyen. On trouve dans le reste des uvres de Philon, quelques faibles traces de la mme question. Ce sont de courtes indications contre la thse de l'ivresse du sage ^ et particulirement une description de l'ivresse oppose presque terme terme la description de la question, et qui provient peut-tre des adver;
saires \
2.
L'idal pripatticien
et
acadmicien
Nous savons, par le quatrime livre de Cicron sur les Fins, qu'Antiochus avait puis dans le pripattisme des arguments destins attaquer la morale stocienne. L'idal stocien, tel parat tre le principal motif de son attaque, serait bon pour des mais pour l'homme les biens tres rduits l'esprit seulement*
;
1
.
2.
3.
iSa.
id.
,
i3,
II,
249
7, II,
227,
:
comp.
l'me, et dans la question le qualits naturelles. 4. De Fin., IV, 12, 28. Tn virtute sola
qu. in Ex., II, i5, 479le vin pur dtend (Tziy^oMv) les tons de vin pur parat tendre (iTrtrstvstv) et renforcer les
; :
summum bonum
recte poneretiir, si
quod
esset
260
LE PROGRS MORAL
du corps sont de
la
vritables biens.
nature humaine et ne convenait qu' l'esprit pur. C'est aussi par cette raison qu'il trouve une valeur au pripattisme, cette
faits
philosophie douce et sociable \ qui convient nous autres impar% en affirmant la valeur des biens externes et corporels et
de
la vie
pratique
et
politique.
Le pripattisme chez Philon n'est d'ailleurs nullement pur d'lments stociens. Dans la longue exposition de la thorie de la
vertu juste milieu, les vertus choisies
comme
exemples,
le
couici le
Mme
De mme
lors-
que admettant la triple division des biens en biens de l'me, biens du corps, et biens extrieurs, il attribue les biens du corps la
tension de l'esprit qui, par sa vertu,
les
communique au corps
tous
le
prt en
un sens
tout stocien ^
un rapport troit avec les conceptions d^Antiochus. Avec lui Philon accepte la thse des vertus innes, comme les affections
de famille,
est celle
et l'heureuse
que
la
du politique \ On sait qu'un des reproches qu'Antioaux stociens est prcisment d'avoir dlaiss entirement la politique en subordonnant toute l'thique au portrait du sage, et qu^il montre quelle importance elle avait chez les pripatticiens ^ En fait c'est ici que nous trouvons la vritable signification du
chus
fait
3igr. Ab?\, i/ivQu. in Gen., IV, 121, 33c). on trouve d'autres ides analogues de concupisc, 3. De justit.^ 2, II, 36o Qu. in Ex., I, 6, 45 1 Qu. in Gen., IV, 197, 4oo de pvm. et pn., 4, il\2 9, II, 4i6 (dfinition du courag-e). 4. Qu. in Gen., II, 76, 161. 5. De mme lorsqu'il rapporte les biens extrieurs au corps, le corps l'me, et l'me Dieu comme fin Qu. in Gen., IV, 2i5, 4i7- Pourtant le point de vue purement pripatticien, d'aprs lequel les biens extrieurs sont conditions du bien total, se fait voir, de Sobriet., 38-44 de confus, lingu.., 16ib., 101. 21; de Migr. Abr,, 86-90 6. De Fin., ly, "j, 17; cf. chez Philon evfvia, ViiaMos.,!, 21 2^; de Abrah.,
1 .
2.
253.
7. Cf. l'allcg-oric
III,
de Joseph politique
11
et
pripatticien
voyez:
Qu. in
Gen.j,
lO.
8.
De Fin., V,
4,
IV, 2, 5.
LE CYNISME
261
pripattisme
la triple division
des biens,
la thorie
de
la
vertu
elle
en est le chemin
et le
prlude nces-
la vie du mchant^ et la Philon se moque des sages qui se retirent vie du tout de suite du monde et dont la vertu n'a pas t prouve au contact de la ralit ^ A la jeunesse conviennent d'une part la recherche des biens du corps et des biens extrieurs, d'autre part
un intermdiaire entre
sage parfait.
la vie
les
biens spirituels,
La vertu, au sens pripatticien, touet la vie contemplative jours menace de tomber dans les deux vices opposs est celle
aussi qui convient
l'homme
aux tentations %
Nous avons
lise les
ici
un exemple
clair de la faon
3.
Le cynisme
et
la
et
V asctisme
Voir
rer
rsister
le
fondement du mal
le
comme
bien principal
aux sductions du
plaisir,
sont
les
deux
traits
essentiels de la morale cynique. L'on ne saurait rduire toute la morale philonienne au cynisme pourtant il est sr qu'il y tient une trs grande place nous allons essayer de montrer que tout son asctisme en provient. Wendland ^ a montr le premier, chez Philon, les traces d'un genre de littrature populaire familier aux cyniques et aux stociens, la diatribe. Elle tait devenue l'poque de l'empire, un
;
1. La vie thorique est aptoro et kpcjraro; {de prm, et pn., 8. le rapport n'est pas le Ailleurs (F. M., I, 4^ de prm. et pn., 8, mme la contemplation montre les principes qu'applique la pratique, lui est donc antrieure. tout le dveloppement 24-89 est destin dfendre la vie 2. De fuga, 36 pratique. Cf. la dfinition et l'opposition des deux vies F. 31., , 48; de Qu. in Ex., II, 3i, 490sacrifie, 3, II, 253 Qu. in Gen., IV, i38, 349 3. Cf. le dveloppement dj cit de fuga, qui commence au 27 sq. par une dfinition pripatticienne des actes vertueux. 4. Qu. in Gen., III, i5, 188; de prm. et pn., 8, II, 4i^''5. Migr.Abr., 14G-147. 6. Philo u. die Kyn.-stosche Diatribe, Berlin, 1895.
;
262
trait
LE PROGRS MORAL
populaire de philosophie, o
les
consquences pratiques et applicables la vie journalire. Stobe a conserv quelques frag-ments de diatribe d'un stocien de l'poque de Nron, Musonius. Wendland a retrouv chez Philon un parallle exact, et, en certains cas, un accord presque littral avec ces fragments. Ce sont tous les passages, pars dans l'uvre de notre auteur, o le luxe et l'avidit sont condamns. Il y passe en revue les principaux besoins de l'homme, la nourriture, le vtement, l'habitation, suivant les divisions mmes de Musonius \ et il dcrit en dtail pour le critiquer le luxe de la table ^, des vtements '\ des maisuivis surtout dans leurs
sons
voir
*. Il
du
mme
philosophe,
contre les
ici
murs dissolues et contre la pdrastie ^ Il faut donc un ensemble de thmes traditionnels, sorte de prdications morales, drives du cynisme II y oppose la continence du sage qui se rapproche d'autant plus de Dieu qu'il a moins de
besoins \
Mais l'influence du cynisme dpasse sing-ulirement ces Lorsque Philon voit dans le plaisir la source du mal, et qu'il fait de l'eff'ort pour rsister au plaisir, le principe du bien, il suit les principes de la morale cynique. Ces ides sont dveloppes avec une suite rig-oureuse, peu habituelle chez notre auteur dans les livres II et III ^^ Allgories de la Loi^ qui constituent dans leurs parties morales, un vritable trait de morale cyniI.
limites.
que.
Ces deux traits sont une histoire morale de l'me. L'intelligence d'abord moralement neutre (I, gB) s'unit aux autres faculmais lorsque la facult ts qui lui servent de soutiens (II, 7, 8) de sentir ag-it, l'intelligence se laisse entraner par elle vers les sductions du monde sensible, et commet ainsi la premire faute. Ni la sensation en elle-mme (III, 67), ni l'intelligence ne sont
;
I.
1.
6, II,
479; de Somn.y
424; de
II,
48-52
de
agric, 24-26.
3.
4.
5.
De Somn., II, 52-54 de pr. De Somn., ih.\ de Cherub.., Quoddet.pot. ins., 102.
;
et
pn.,
17, II,
vit. cont., 4,
H, 477-
io4-io5.
G,
Vita cont.,
le
7, II,
48o.
mot de Xcnophon dont Jol {der echte und der xenophontinische to ptkv Sokrates, 1901, B. II, p. 004) a rcemment montr l'origine cynique
7. Cf.
:
[/fltJsvo (^ssaOaf,
Osov tvt, t
[Mem.,
I,
0,
lo).
Cf. Pliilon,
(le
LE CYNtSME
263
mauvaises voyante
l'effet
le
mal
(II,
c'est la
la
du
plaisir
subordination de rintelligence clairfait par III, 107-111) qui attire la sensa5o, 5i, 71
fondement du pch. L'oriMontrons d'abord que dans ce livre, l'analyse du plaisir et des passions qui s'y rattachent est directement oppose au stocisme et prsente mme des traces de polmique contre lui. La conception du plaisir se rapproche beaucoup plus de la conception picurienne, mais plus ou moins dfigure par un adversaire qui veut la combattre. D'abord les quatre passions fondamentales sont dfinies par les stociens indpendamment les unes des autres.
Le
plaisir se trouve
donc
tre le
est incontestable.
au contraire, comme chezEpicure, elles sont toutes relatives au plaisir, le dsir n'existant que par l'amour du plaisir, la peine par sa suppression, la crainte lorsqu'on en redoute l'absence *. Ensuite Philon affirme contre le stocisme que les passions ne
Ici,
^
;
il
attribue
le plaisir
ainsi
que
les autres
passions uniquement
la partie irrationnelle
de l'me. Puisque
le mme lieu. Le plaisir partie populaire de l'me, mais ne donc que la n'attaque semble pas toucher Tintelligence ^ Enfin les stociens distin-
guaient avec force des passions les tendances naturelles communes l'homme et aux btes. A l'exemple d'Epicure, au contraire,
Philon soutient que le dsir, s'il est limit aux ncessits de la vie, et s'il ne force pas l'intelligence juger que ses objets sont des biens, est un secours trs utile pour la vie.
La rfutation du
ble
:
plaisir est
donc dirige uniquement contre du plaisir stadit-il, puisque le plaisir n'est pas
un tre inanim, et que le repos ne convient qu' ces tres*. Dans un autre argument, ceux qui ne philosophent pas assez physiquement , en admettant que les reprsentations qui pro-
I. III,
ii3.
6.
5.
II,
La
issues,
3.
II,
si elles ne sont pas nos jugements . 77-78. Sur la ncessit du plaisir, II, 17. L'arg-ument de Platon se
surtout
1
trouve,
4.
III,
III,
16.
Il
m,
i38.
160.
celle d'Epicure,
^64
LE PROGRS MORAL
viennent des sensations montrent toujours les objets tels qu'ils sont, sont les Epicuriens et il les rfute par un argument ad hominem, en montrant que le plaisir mousse la sensation auparavant distincte, et quelquefois la supprime entirement \ Dans
;
sont relchs, et
le
sommeil survient ^
C'est
encore
le
plaisir
qui nous montre utiles et beaux des objets nuisibles et laids \ D'autre part, les principaux vices, la ruse et l'injustice sont
issus
du
plaisir
*.
Ainsi le plaisir est le mal principal auquel se rattachent la dchance de l'intellig-ence, toutes les passions et tous les vices ^ C'est l une thorie qui pour l'essentiel est cynique. Sans doute, comme on a pu le voir, elle se revt souvent de formes platoniciennes. Elle est rattache plusieurs fois, dans le cours mme de
cet expos, la division triple de l'me^ et la hirarchie des
^.
Mais
la thorie.
Au
le
fond, en effet, il est contradictoire avec le platonisme, et avec nopythagorisme contemporain de Philon qui en est issu, de considrer le plaisir comme une chose mauvaise en soi il suffit la vertu parfaite que le plaisir soit limit et non dtruit. En revanche la faon dont Philon dcrit le plaisir rappelle beaucoup les expressions qu'emploiera le cynique Dion Chrysostome, un demi-sicle plus tard. Pour Dion le plaisir est, parmi les adversaires de l'homme, la bte la plus invincible de toutes, ruse et dlicate . Il change l'homme en bte, comme dans la lgende homrique de Circ; il est vari et multiforme et il faut donc le fuir le plus loin possible ^ Tout au plus devrons-nous noter que la fuite du plaisir est, en mme temps, pour Philon, la fuite hors du monde sensible et que, par l, iJ superpose au cynisme une
:
1. III,
i83-i84.
i83. I2,
2. III, 3. III,
4-
n, 107.
5.
Seul
le
mauvais en lui-mme
;
(e
eauTvj),
III,
68-69).
elle n'a pour but que 6. Exposition dtaille de la division triple III, ii5 de sparer (contre les Stociens) le sig-e des passions, de la partie hg-
monique.
7.
0?*.,
Orat. {Arnim,
80, 10,
I.
io5
I,
98
I,
72).
Gomp. Philon,
II,
le
plaisir est le
et insidieux,
N L ASCTISME
265
doctrine de la connaissance mystique. Mais l'analyse doit sparer ces deux lments.
II.
Puisque
le plaisir est le
mordiale
tinence
est celle
du livre II (79-108) et une partie du livre III (i 18-160) s'occupe du combat intrieur contre le plaisir, les passions et les vices \ Cette vertu ne s'acquiert que par une srie de peines et d'efforts, toujours recommencer, et dont l'ensemble constitue proprement F ascse .
(yxpT!.a).
Toute
la fin
(ttovo)
se trouve
expose avec
dveloppement du trait sur les sacrifices d'Abel et de Can ^ imit du clbre apologue d'Hercule entre le vice et la vertu que l'on trouve chez Xnophon. Cet apologue attribu par l'auteur des Mmorables au sophiste Prodicus drive en ralit, comme on l'a rcemment dmontr ^ de l'cole d'Antisthne. La forme sous laquelle il se prsente chez Philon est quelque peu diffrente de celle de Xnophon, sans qu'il y ait d'ailleurs aucun changement de fond. L'examen de ces diffrences nous amne facilement reconnatre que le thme est parvenu jusqu' lui par des intermdiaires de l'cole cynique. D'abord le vice y est remplac par le plaisir, qui est bien en effet pour le cynisme l'ennemi le plus rude el le fondement de tous les
long-
un
vices.
toires, des
ce sont surtout des dveloppements orajeux de difficults verbales qui trahissent un rhteur cherchant dvelopper d'une faon nouvelle des thmes con-
portrait du plaisir compar une courque lgrement indiqu dans Xnophon (I 22) \ les longues listes des vices et des vertus qui accompagnent le plaisir et la vertu (| 22 et 27) ^ Les 147 pithtes d'injures l'ami du plaisir viennent srement d'un exercice de
nus.
Nous
(I
citerons
ici le
tisane
du point de vue cynique qui explique que chez Philon souvent mis en premire place, au lieu de la pit ou de la justice {de Abr., io3; de prm. sacerd., 3, II, 235). 2. 20-45. Le dveloppement du 20 au 23 qui dans les manuscrits et les ditions prcdentes se trouvait dplac dans un autre trait de Philon a t remis sa place dans l'dition Cohn. 3. Jol, Sokrates, Bd. Il, p. 33o. 4. Cette comparaison se retrouve chez Dion Chrysostome qui subit de fortes influences cyniques. 5. Cette numration rappelle l'numration des vertus dans les vers de Clanthe cits par Eus., prep. ev., XIII, i3, 37.
1.
C'est l'importance
l'syxpaTsta est
266
rhteur^;
le
LE PROGRS MORAL
pdantisme du rhteur
se
graphe
36,
gue
Un dtail montre l'altration que pu subir jusqu' Philon. Chez Xnophon la vertu
les
la
son
33),
discours en exposant
avantages de
la
vie vertueuse
;
ce dve-
loppement qui revient plutt l'utilitarisme de Xnophon qu' vigueur morale des cyniques, est entirement absent chez Philon/Bien plus le dbut du discours de la vertu (| 3o) parat une critique formelle de ce dveloppement; je tairai, dit la vertu, ce qui produit de soi-mme la joie sur ce point, les faits
;
parleront
dans le discours de la vertu (35-45). Elle soutient que l'effort est Tunique moyen d'acqurir un bien, qu^il s'agisse de la vertu ou des arts, des biens de l'me ou des biens du corps Dieu seul qui par nature est infatigable possde le bien sans effort; mais la race mortelle, il a donn l'effort comme moyen d'atteindre le bien. Si le corps ne peut pas vivre sans nourriture^ l'me ne peut sans l'effort acqurir le bien \ Nous pouvons rapprocher de cet loge du travail un assez grand nombre de dveloppements d'inspiration semblable. Philon sent et exprime avec une grande dlicatesse de nuances les conditions et les ncessits de la vie d'effort moral \ Il s'aperoit que cet effort a du prix en lui-mme, mme s'il n'atteint pas son but \ III. Les lettres de Snque Lucilius remplies de conseils pratiques^ les fragments de Musonius sur 1' ascse , nous montrent assez que le grand problme qui primait tous les autres tait alors celui du progrs moral intrieur, et des conditions de
L'loge de l'effort
(ttovo)
se trouve
la victoire
L' ascse
de Philon
tient,
comme
elle est la
avec
desig-nant la vie facile de Tami du plaisir se trouve chez Dion Chrysost., or. 20, 2. 4i- La comparaison de l'effort {labor) la nourriture se retrouve chez Snque, e/?. 3i 43. f surtout V. M., II, 182-18G. 4. On reconnatra ici une doctrine du bien fond sur la volont, encore beaucoup plus rapproche du kantisme que celle des Stociens.
1.
Le terme
la
pcf.Trrvn
mme nuance
,
ASCTISME ET PROGRS
3!
ORAL
267
a-t-elle
un
aux ides exposes un peu plus tard par Musonius et la thorie du proficiens qui nous a t transmise par Snque. La ncessit de l'asctisme vient^ selon Musonius \ de ce que la vertu est non seulement thorique, mais pratique comme l'homme est compos d'un corps et d'une me, l'asctisme doit tre corporel et spirituel. Le premier consiste dans la temprance, et le second dans la connaissance dmonstrative des vrais biens, et l'exercice [\).\iz'r\) pour accepter les prtendus maux. Il y a une vidente ressemblance avec l'ascte de Philon, qui, li au corps par la ncessit ^ exerce la fois chaque partie du corps et de l'me ^ L'asctisme consiste d'une part rechercher la vertu, d'autre part savoir mpriser les faux biens*. La lecture, l'exercice ([j.At/i), la pratique du culte, la mditation du
forts
;
[jLVTi[j.a(.),
(tojv
xaOrixovTtov VpyLa'.)
homme
;
en prog-rs
la
i^de
comme
Snque
trois classes
dans
progrs moral
dans
plus haute
la sagesse,
161,
5(.a).XYi66-
ce qui leur
manque
;
=
:
dans
la vertu ( 160
Snque,
illis
adhuc inex-
perta fiducia
est).
Au milieu de ces influences diverses, la caractristique propre de Philon est l'importance qu'il donne dans la vie intrieure
la lutte contre la tentation.
Il
faut
parfois viter la
lutte directe
l'tat
la
de dveloppement o nous
;
le
une
Stobe, Floinl.
II,
i3.
2.
3.
De
somii.
l,
46.
;
Leg. alleg., I, 83 de congr. er. gr., 3i. Portrait de l'ascte, de congr. er. gr.. 24-34. 5. Leg. alleg.., 18 numration un peu diffrente les parties de l'ascse sont recherche, examen, lecture, audition, attention (tout cela correspond l'exercice et la mditation), continence, l'indiffrence aux choses indiffrentes, correspondant l'accomplissement des devoirs qui supposent en effet le mpris de la richesse, et de toutes les choses dont on ne se sert que comme matire la vertu {quis rer. div A., 253. (j. Ep. ad Luc, ^5 {S- iS).
4.
;
268
LE PROGRS MORAL
le
changement de
lieu,
dans la solitude ce qu'il faut c'est supprimer images sductrices du monde sensible Ce fut en effet un danger et une erreur (tout au moins aux yeux de Philon et de^s penseurs auxquels il se rattache) de prendre le
de sa pense,
les
prcepte de
la
On
arrivait ainsi,
occasions de succomber,
mener une
''
et
il voit dans ce genre de vie le rsultat d'un orgueil immense puisqu'ils veulent dpasser les conditions
de
la vie
mortelle, et surtout
un prtexte
l'oisivet et
un
repos qui n'a pas t gagn. Les vertus qu'ils affectent d'avoir
ne pourraient se connatre que dans le tourbillon de la vie active comment savoir si vous avez un vrai mpris des richesses puisque vous n'en usez pas ? ou de vrais sentiments sociables, puisque vous tes en marge de la socit? Le danger signal ici
;
On
le
voit dans le
recueillement
(uspl va^^wpv]-
Dans un dveloppement qui a le mme mouvement que celui du de fugct, il montre comment il est illgitime de fuir les occasions de servir sa patrie ou ses amis il recommande son tour non pas la vie solitaire, mais seulement, le recueillement intrieur. Comme l'influence de Philon sur Dion est contre toute probabilit, nous y voyons un thme dj connu.
;
Le recueillement intrieur
mditation intrieure en est
tinue et rpte finira
est
le
le
ct ngatif du prcepte
;
la
ct positif
il
;
faut lorsqu'une
leg alleg., III, 16-17 souvenirs con1. De prm. etpn.y'i, II, t^w tinus nuisent la pense, 2. S'il aboutit dans V Exposition de la Loi (loco cit.) au prcepte de la solitude, il en est tout autrement dans le Commentaire {leg. alleg., II, 85). ?). Aux cyniques seuls peut convenir le portrait du de fuga et inv., 33, et
II, p. 259). Bousset (p. 417) s'est donc tout fait tromp sur le sens de l'asctisme en faisant de l'ascte le sa^^e retir du monde. L'ascte au contraire participe encore (tandis que l'intelligence entirement purifie ne participe plus) la vie du corps et la vie sociale.
269
nous
le
l'art
d'exercer utile-
ment
et
cet art,
:
comjDarable
il
celui de la lutte ^
demande
les
mmes
prcautions
^
faut savoir
lutter;
pour mieux
:
faut galement
On
saisit ici
la
elle se
produit avec tout son cortge de mditations et d'exercices, lorsque les chocs extrieurs trop violents forcent l'me se
retirer sur elle-mme,
|(
Philon connat l'effet d'une ide constante qui, par sa continuit, s'imprime dans la pense et finit par l'entraner malgr elle ^ autant est dangereuse la complaisance envers une impression mauvaise qui favorise l'closion et le dveloppement de la passion, autant est utile la mditation, qui fixe dans l'esprit une maxime honnte. La mmoire, la facult utilise ici peut garder dans la pense une reprsentation d'une faon continue et sans jamais la perdre. Elle a, par suite, une haute valeur dans la vie intrieure ; sans elle une pense ne toucherait l'me que superficiellement et pour un moment par elle, l'me broie et rumine en quelque sorte ses penses pour les assimiler intimement ^ La rptition est un procd pdagogique frquemment lou et employ par Philon lui-mme pour affermir les penses chez les auditeurs \ Mais les exemples nous font bien voir qu'il ne s'agit pas ici d'une rptition mcanique, mais
; ;
1.
De
2.
gig., 44. Celte comparaison trs rpte et suivie chez Philon est habituelle
;
.
.
aux
III, 90 ; cyniques (Dion, orat., VIII, 12 fin, Arnim, 98, et Philon leg alleg mut. nom., 8i-83). leg. alleg., 3. De Migr. Abr., 210 voir la force de la passion combattre
, : ;
m,
18.
Lorsque
la
passion est
vT:poyy.ov,
traverser
le
fleuve des
sensibles,
5.
Leg. alleg.,
III, 16,
'xouaav... 7:spiTpT:ov(nv.
le
Sur l'opposition de mmoire et rminiscence, voyez symbole des deux fils de Joseph leg. alleg., III, 90 sq.; de congr. er. gr., 39 sq. Kle de la mmoire dans la bonne nature; de mutt, nom.. 100loi ; Qu. in Gen., IV, i36, 48- Description de la mmoire Qu. in Gen., IV,
6.
De
92, 3i8
7.
deagric,
i45.
270
LE PROGRS MORAt
d'une rflexion qui approfondit. Au lieu d'accomplir ses devoirs^ par exemple d'honorer ses parents par la simple coutume, l'homme rflchi dveloppera en lui les raisons de ces devoirs c'est que ses parents Tont engendr, nourri, lev \ La ques^ tion de l'origine du monde est aussi un sujet de mditation
:
pour
l'ascte.
L'asctisme consiste donc seulement dans un affermissement de l'me par des exercices prparatoires qui doivent rendre pos-
pour la vertu ^ Mais l'me de l'ascte est toujours sujette un changement subit qui la fait descendre d'o elle tait monte. L^ascte est par nature ingal, tantt s'levant en hauteur, tantt s'abaissant en sens contraire... La vie de Tascte est comme a dit quelqu'un alternante, coupe de veille et de sommeil *. Il s'agit ici de la tentation brusque qui malgr lui attire l'ascte (cf. deagricult. 170 sq.). Avec ce vif sentiment des obstacles qui s'opposent au progrs moral Philon cherche tous les moyens de mnager les rsultats acquis de l'effort c'est ici, nous pensons, qu'il faut placer la continence comme partie essentielle de 1' asctisme . Par elle l'ascte s'abstient de tous les spectacles qui pourraient provoquer en lui la tentation. Tandis qu'il est prt admettre avec l'auteur de la question stocienne sur l'ivresse que le sage peut s'enivrer sans perdre la sagesse, il faut au contraire que l'ascfte vite par la fuite et l'abstinence toutes les occasions de chute. Dans la vie thrapeutique qui est l'idal de l'asctisme, la continence devient la source et le fondement de toutes les vertus ^ Il y a un trange contraste entre cette vigoureuse morale IV. cynique qui donne tant la personnalit et la volont humaines et le mysticisme philonien. Aussi bien se complte-t-elle chez Philon par un trait qui en restreint singulirement la signification. L'ascse par cela mme qu'elle est l'uvre propre de l'homme est, selon Philon, une activit plus apparente que relle. Elle est l'intermdiaire
sible la lutte
;
entre
nature, et
un
point
i, Leg. aller/., 111,98-99. La comparaison avec indique encore probablement une source cynique. De somn., I, a^O'^. De agric, f6o, 4. De somn., I, i.^)0-i53.,
:>
.
la
nourriture de l'athlte
5.
II>
476.
271
dpendent de
rhomme
prsentait dans,
Philon rsout encore en un sens mystique une difficult qui se le systme cynique. Si le but est le bonheur
la vertu,
dans
comment
le travail et l'effort,
Les
choses indif-
frentes . Philon a un sentiment trs vif de cette difficult. La route qui mne vers la vertu est rude et escarpe ^ en plein effort, pnible et amer, les images de la vie de plaisir facile que nous venons de quitter nous sduisent et nous enchantent parfois l'injustice est agrable et la justice pnible *. Les amis du
; ^
;
dure et sans gloire des amis de la vertu ^ proprement une preuve % dont on ne sait si l'me sortira victorieuse. Elle serait srement vaincue si quelque adoucissement ne venait jusqu' elle. Il faut aimer l'effort et la peine, la considrer non comme une souffrance ainsi que le vulgaire, mais comme trs agrable. Ce n'est possible que par l'amour du bien qui rsultera de cette peine et en fait la vritable nourriture de l'me \ L'amour qui rend Teffort aimable est l'amour mystique que Dieu nous inspire en nou attirant vers lui % la parent intime et la fusion dans l'objet de notre dsir \
plaisir raillent la vie
1.
Migr.
2.
De
post.
C,
xat
S\)(Tc/.vT-{]
Y.O
33; les produits de l'me seule sont uix^lM^ptLu, /j^tri^z/jya. i54 la route vers la vertu est considre comme xoot.yj.lv.'j yj.i-K'ci-j C'est fxinsi que la considre la multitude {congr er.
:
. .
gr., 162).
3.
De
Post.
C,
i55
les jouissances,
ho^ulot
re
rjcrv.v
xat
af^px
x>5-
lovv, i56.
4.
^.
gr., i63.
ins.,?>l\.
Congr. er. gr., 164. L'preuve et l'examen invisible de l'me sont dans la peine et l'amertume il est difficile de dcider de quel ct elle penchera . 7. De post. ., i56. Dieu a jet dans l'me ftlonoviccv uvzi ixLtrono^jiaq, i58
6.
:
de trouver la peine agrable, non amre . De congr. er. gr., 162 la peine est la vritable fte de l'me; ib., 166. La cause de la victoire est non la peine simple, mais o-v tw 7).uxav6jvt, et cet adoucissement se fait par l'amour du beau, de Migr. 4b., 36 87, 8. Cf. le rle de Dieu dans les textes prcdents, et dans Migr. Abr,^ 34-35 quod det.pot. ins., 96, Dieu reoit les mes suppliantes . 9. Il est difficile de dterminer tous les thmes propres au cynisme que Philon a dvelopps dans ses uvres. Nous citerons les diatribes contre les cits et les lois {de Josepho, 3o de decal., 2-i4) que nous examinons ci-dessous d'o dpendent les critiques des arts (de prtn. et p., l\, II, ; 2^ les dveloppements sur l'galit des hommes et contre les lois 3o un dveloppement sur la supriorit de l'animal sur l'homme [de post. C, i3i, 2 Dion, Or., 6 Arnim, I, 88 Or., 8, 16, 106 a) 4" un passage de Qu. in Gen ,
La nourriture de l'me
:
c'est
272
LE PROGRS MORAL
4.
Le cynisme fut une des doctrines morales de l'antiquit; TefFort asctique est pour lui
la
plus exclusives
la voie
unique de
vertu \
Il
de la vie peut tre atteinte par l'ducation intellectuelle. Socrate ne fut pas si exclusif qui, s'il mettait la base de la vertu la
science des concepts, donnait au dveloppement de cette science
une condition volontaire, la matrise de soi (yxpT!.a). Platon, aprs avoir longtemps dout si la vertu est chose qu'on apprend,
finit
par admettre
la ncessit
d'une part de
la science, d'autre
mme
ainsi,
fusionnant
dans une formule nette et saisissante, les doctrines de ses prdcesseurs ^ Pour les stociens s'ils mirent d^abord l'accent sur le dveloppement de la volont, ils admirent que la vertu tait autant thorique que pratique. Ce problme tait certes l'poque de Philon un des plus vivants il s'agissait alors de dterminer quelle place respective devait avoir dans l'ducation morale, le savoir thorique et l'exercice pratique. On a vu avec quelle consquence et quelle fermet Philon dveloppait la solution cynique du problme l'homme son origine et par nature n'tant ni bon, ni mauvais, ayant seulement la vertu en puissance, puis devenant ou mauvais en succombant au plaisir, ou bon en rsistant contre lui par l'effort. S'il y a jusque dans cet asctisme quelque lment
: :
III,
du corps revient
Mm.,
II, 3^
19
Dion,
Il
io4).
Il,
faut ajouter peut-tre la rfutation de la morale du plaisir {de Somn., 2o8-2i5) o le plaisir est bien considr la manire d'Epicure comme s'tendant sur le pass et le futur. Nous savons par Dion Chrysostome [Orat., p. OSy R.) qu'il y avait l'po-
que de Trajan, beaucoup de cyniques Alexandrie. 1. Diog. La. VI, 11 d'aprs Antisthnes,, r/jv pizri'j rwv
y
;
spycov
stvat ixrjzz
Brochard^ La morale de Platon. Anne philos 1906. L'exercice a aussi la sagesse est oppose aux autres vertus de l'me qui s'acquirent comme celles du corps, eOsat ts y.o o-jc/o-eo-iv {de Rpuhl., 5i8 d. e.).
2.
. ,
sa part
3. Arist., ap.
278
Aussi peutles
Il
intellectuel \
il
prend d'aily deux sens assez diffrents en un premier leurs cette formule en sens ce sont trois moyens qui doivent concourir ensemble pour
a
le
l'exercice et l'ducation.
cynisme.
Il
produire
la vertu.
La nature, l'ascse
les trois
entre elles
comme
de ces moyens^ pris part, est suffisant pour amener la vertu l'homme parfait naturellement, sans effort ni instruction, s'oppose Tascte qui acquiert
quiert par l'instruction ^
la vertu
pniblement
et celui
qui
l'ac-
Dans
ce second sens le
cynisme
serait
accept
comme un
le
qu^il
premier sens n'a pas contre l'asctisme toute la valeur En faisant de la bonne nature le principe de l'enseignement, il ne parle que des qualits intellectuelles non des vertus. En faisant inversement de l'enseignement le principe de la nature (Ou. in Gen., IV, 121 sq.), il veut dire seulement que le sage sait immdiatement ce que l'homme ordinaire met bien du temps apprendre. Enfin Pliilon ne parle que rarement de vertus naturelles, comme les devoirs de famille, auxquels il refuse quand il prend le ton philosophique \ toute
parat avoir d'abord.
Mais
valeur vritable.
Il
mme
gnement
de l'acquisition de
1.
Les lectures
et les
mditations spirituelles.
:
trois
dans un fragment pripatticien du de Sobr., 38, les sources de la vertu >(7co; vjuoioI.'x, vouluol ^vjyvast;, ttovoi. L'ascse n'est pas possible sans un fond naturel plus ou moins heureux (ce qui est entirement oppos la neutralit morale de leg alleg., I, 95). L'instruction n'est pas possible sans l'effort ni l'effort sans l'instruction [de Abr., 53); cf. les qualits naturelles de Mose dans l'instruction, V. M., I, 21-23, et les qualits de la mmoire {mut. nom., 212). 3. De Josepho., i Il y a trois manires d'acqurir la vertu et trois types diffrents de sages. 4. Ce sont tous les sentiments de famille; cf. de par. col., 4? p6, p. nj2.
De Abrah.,
54. Cf.
'>
20, etc.
274
ni vers le bien,
Le progrs moral
lant le mrite
ni vers le mal pour lui laisser la libert et pardu choix. D'autre part il admet l'ide d'un mal
radical
c'est la crature
par
le
fait
mme
d'tre n
autant des observations morales qu' des thories de qui faisaient entrer dans
et
le
matire
^,
monde un lment
le
d'imperfection
avec
comme un
nue, fondement de toute impuret et de tout mal ^ Il y a en effet des natures qui sont unies intimement l'me humaine, et qui,
par elles-mmes en dehors de toute faute, sont mauvaises et maudites c'est le plaisir sducteur, et le corps qui en est le fondement. Cette ide reste assez diffrente du pch orig-inel auquel Le pch originel est volontaire, on l'a quelquefois compare le pch originel se rapprocherait celui-ci est naturel, inn
:
davantage de
la faute
l'intelligence morale-
ment neutre en se laissant aller au plaisir. Ces deux ides sur le fond de la nature humaine ne sont inconCe n'est pas au mme tre que sont attribus l'indiffrence morale et le pch. L'tre moral neutre est non pas l'homme compos mais l'intelligence qui est prte s'engager dans le corps et qui n'y est pas encore eng^age^ Elle fait donc encore partie ce stade d'un monde suprieur et mme, comme il ressort d'un passage sur l'origine des mes \ pourrait continuer en faire partie ce n'est que fascine et entrane dans le tourbillon du devenir qu'elle prend un corps. C'est l, semblet-il, que commencent la faute et le pch puisque le corps est en lui-mme mauvais, et que la vie avec le corps contient ncessairement des plaisirs mauvais par eux-mmes. L'homme est donc par nature mauvais.
ciliables qu'en apparence.
:
1. Vita Mos., II, 147. Le pch est inn {'jvyifvsq) la nature du devenir. Chez l'honrime le vice pullule ds le premier ge {Qu. in Gen., IV, 167, 365) ; le mai est coll et fix (au-yxs/orAvyTat zal Tzpoa-fipaoaxai) l'homme Qu. in Gen.,
Ilj
54 (Ilarris, 2l\). Opposition du monde sublunaire au ciel {Qu. in Gen., IV, 167, 305). dans Qu. in Gen., I, 3o, le vice d'Adam est d 3 De congr. er. gr.., 84 ce qu'il a quitt l'immortalit pour s'enterrer dans le corps (Voy. la thorie l'me humaine, suivant Platon, est considre comme une me des anges arienne attire par le mal). 4. Renan, Ilist. dlsrarl, V, 35(j.
2.
; :
5.
Leg
alleg.,
1,
3i cl 95
bonne
ni
mau-
vaise.
0.
De gigant.,
i5,
qui dcrit
la
le
corps.
27
nature
Tme
mais le souffle est une simple puissance inactive de vertu qui par elle-mme reste morte K Pour les vertus auxquelles l'homme serait naturellement enclin, nous venons de voir ce qu'il faut en penser. La description du sage par nature augmente encore cette contradiction. Il a une vertu qu'il acquiert sans matre et qu'il possde sans effort il est plutt son matre il persvre sans aucun danger de chute dans les lui-mme vertus, et il est prserv de toutes les penses troubles du vice. 11 est suprieur l'ascte qui reste toujours sur un sol glissant et rhomme instruit qui a dpens un long temps pour acqurir la sagesse ^ On a reconnu dans ce portrait bien des traits du sage des stociens et particulirement l'impossibilit de perdre la sagesse; mais, pour ceux-ci, la sagesse est toujours chose acquise. Il serait plus exact de le comparer (ide que nous allons justifier bientt) aux dieux qui, la diffrence des hommes sages possdent en effet la sagesse par nature. Il faut pour concilier ces affirmations contradictoires, comprendre la diversit des points de vue de Philon. Le sage par nature a deux sens. Il dsigne d'abord seulement une faon d'tre, un mode (xpoTio;) de l'me humaine. Il dsigne ensuite un tre rel, mais cet tre n'est plus un homme. A la fin de notre chapitre sur Tasctisme, nous avons vu comment un lment tranger l'effort volontaire de l'ascte s'introduisait pour complter son uvre. C'tait un dsir du bien inspir par Dieu. H y a donc dans la moralit une inspiration brusque et involontaire qui chappe aux prises de Thomme, une illumination intrieure qui dcouvre tout d'un coup la beaut de la vertu. Nous voyons apparatre ici un lment tout fait tranger aux morales grecques, o tous les principes sont discuts et rflchis \ Il devait sous le nom d'impulsion immdiate de la conscience morale et du cur avoir dans l'histoire des ides mode tout
;
;
homme
rales
modernes une clatante fortune. Ou plutt n'est-ce pas une apparition encore timide et gauche de la notion mme de laconsLeg. alleg., I, 34, 4^, 54 (l'intelligence moyenne est dans le paradis (les mais ne les pratique pas). 2. De Cong7\ er. gr., 87; Qu. in Gen., IV, i38, 349; de confus, lingu.^ i48 de mutt, nom., 263. 3. La contemplation d'Aristole et l'extase de Platon sont d'ordre intellectuel, non pratique, et elles sont le rsultat de l'activit du sujet.
1.
;
vertus),
276
LE PROGRS MORAL
comme
spontanment les actes ? Le Grec visait toujours se possder lui-mme et le plus haut degr de moralit tait aussi la plus
ferme
et la
Ici
au con-
traire Tactivit
morale
est
abandon de soi-mme
et
possession de
Dieu V Cette possession exprime tout ce qu'il y a d'irrflchi et d'obscur pour nous-mme dans nos plus hautes actions. C'est cette impulsion que Philon dsignait sous le nom d'amour. Jamais avec notre nature essentiellement vicieuse nous ne pour-
nous-mme y atteindre. en est de mme du sentiment de joie et de bonheur qui nat pour nous de la vertu. Le bonheur tait toujours considr par toutes les morales grecques comme le but dernier. On sait comment les doctrines philosophiques avaient essay d'accorder le bonheur et la vertu, en distinguant le sentiment suprieur ayant une valeur morale de la passion sensible. Il tirait sa valeur de ce qu'il accompagnait exclusivement la vertu Aristote en fait une
rions de
Il
;
bonne passion
(suTrorBst.a)
pense et ces expressions se trouvent chez Philon^, mais ce n'est pas pour lui l'essentiel. Il existe dans la littrature grecque une ide pessimiste qui s'exprime avec clart chez Euripide % d'aprs laquelle le bonheur est inaccessible l'homme, mais connu des dieux seulement. Le bonheur, disait-on,
dieux. Cette ide forme
subtiles^ suivant
le
et aussi
des
les tragdies
que Ton place le bonheur dans les biens extou dans la vertu. C'est justement pour s'afl'ranchir du pessimisme de ces thories que les stociens placrent le bonheur dans l'tat de la volont vertueuse qui dpend constamment contre de nous. Cette thorie ne satisfait nullement Philon Dieu elle il affirme l'impossibilit du bonheur pour l'homme
:
;
une
1.
fte
ininterrompue ^
Si
2. KrJty.ovta
Tlo,,
V.
M.,
II,
i5o; s(?at^ovta
plenitudo triplicium
ttkvt'
bonorum
3.
{Qu. in Gen.,
III,
iG, i88).
Pour
4.
De septen.,
5,
H, 280
de Ahrah., 200-208.
277
seulement en se rattachant Dieu d'o vient toute joie ^ y a dans le mysticisme une synthse des avec le premier il accepte points de vue stocien et pessimiste que la joie est lie la vertu mais faisant de la vertu une entit divine suprieure l'homme dont il est possd, plus
imparfaite
il
possde % il y verra g^alement un don divin, une rcompense ^ La joie ne dpend donc pas de l'effort de la personne elle s'introduit dans l'me comme de l'extrieur; elle la
qu'il
ne
la
fait
inattendue, et
si
Tme
et
ravie par
s'attribuer
un bonheur
d'effort ni
extrme,
cette joie
elle
tant,
tre eng"endre
l'tat mortel, ne peut que par l'me incorruptible qui s'est leve audessus de tout lment mortel, dans le monde intellig^ible ^ Cette
l'a dit,
comme on
incom.patible avec
joie avec ses transports et ses actions de grce, est sans doute
assez diffrente du bonheur calme qui constitue Tidal grec. Mais il faut dans ce concept un peu trouble distinguer deux lments qui se diviseront plus tard d'abord la joie mystique, qui accompagne l'approche le ravissement cette prede Dieu mire ide ne doit pas en cacher une autre, plus obscure il est vrai, celle de la satisfaction morale accompagnant l'exercice de la vertu et lui donnant sa rcompense. Cette ide si rebattue aujourd'hui trouve pour la premire fois ici une expression. On comprendra maintenant ce qu'est la sagesse naturelle ou autodidacte. Elle est ce qu'il y a dans l'tre moral d'immdiat, qui vient de son propre fond, mais non de son effort. La grande nouveaut du philonisme qui se mlera si aisment sur ce point aux ides chrtiennes, c'est non seulement d'avoir mis dcouvert ce qui dans la conscience morale ne peut s'acqurir mais surtout de lui avoir donn la premire place, d'en avoir fait le centre de la vie morale. Sans employer les mots intuitif et discursif, c'est une distinction pareille qu'il veut noncer, lorsqu'il compare la sagesse autodidacte la vue et l'enseignement l'oue ^
:
:
Qu. in Gn., IV, i8, 259. La vertu reine, Leg. alleg., II, 65. 3. De prm. ac pn., 4, H, La gnration de la joie ^Isaac) par Dieu est un mystre, Leg. alleg., III, 219. de Somn., I, 71 4.. 'Ev6w ptKvta [de fuga, 168) pour prouver la joie cf. l'explication symbolique de yuvatxsix 5. Qu. in Gen., IV, 122, 34o { sensation, passion) que Sara abandonne pour enfanter Isaac. G Qa.in Gen., III, 09,
1.
2.
278
LE PROGRS MORAL
cette conscience de l'intuition
les
chent
((
morale immdiate se rattapremiers linaments d'une thorie de lag-rce. Bien que toute chose soit une g-rce de Dieu , Faction divine sur l'me
a
humaine
en
effet
des deg-rs
la
pleuvoir ses grces K Mais d'abord les tres par leur nature sont
plus ou moins capables de les recevoir
cette capacit est
la
^
;
chez
le
sage autodidacte,
fils
plus vaste
il
de
Dieu et de la sagesse % tandis que les autres ne sont que les fils du Log^os il a pour grce spciale la persvrance dans ses actes Mais la grce est avant tout le don entirement gratuit, inattendu
;
et
ne reposant pas sur le mrite, et partant sur la nature des Cette ide ne se rencontre pas chez Philon l'tat dvelopp. Pourtant il observe que Dieu vient quelquefois au-devant du pcheur, que parmi ceux qui travaillent connatre Dieu, il
tres.
y en a fort peu, mrite gal, semble-t-il, qili Dieu permette la connaissance de lui-mme. Philon le premier nonce^ sans en avoir l'ide nette, la contradiction fondamentale dans laquelle se dbattra plus tard la thorie de la Grce d'une part le mrite ou
:
la capacit
divin
cit
et,
de recevoir des grces dpend de la grce et du don d'autre part, la grce dpend du mrite et de la capa-
Quoi qu'il en soit c'est le sage autodidacte qui montre le mieux que la grce divine ne dpend d^aucune activit humaine. Telle est la sag^esse par nature considre comme manire d'tre de l'me. Mais le sage par nature est aussi considr comme un tre rel. Le premier livre des Allgories nous fait comprendre sa situation dans le systme. Ce n'est nullement une espce de sage que l'on peut trouver parmi nous autres mortels c'est une pure intelligence, sans aucune liaison avec le corps et la matire, qui non seulement comme l'intellig-ence terrestre, possde la vertu, mais encore la pratique avec persvrance ^ Il reprsente l'ide intelligible oppose la ralit terrestre, et il
de
l'tre.
:
1.
Qu. in Gen.,
\,
96 (Wendland, 49-<^o)
de sacrificant.,
5, II, 224.
tant qu'Isaac (sag-e autodidacte) est identique la joie. migr. Ab., 3i-36 tous les biens lui arrivent spontanment l'me n'engendre que des avortons, Dieu que des tres comet sans peine plets. C'est ici que Philon cite une exprience personnelle d'inspiration.
3.
De En
Ebriet., 82.
4.
Cf. surtout
:
sag-e
portrait de l'homme cleste, leg. alleg., I, 55; comparer Isaac, le autodidacte {Qa. in Gen., IV, 127, 343) qui a pour compagne la persvrance.
5. C'est le
279
le sag-e stocien
Thomme
cleste
ou diVin. C'est
monde supTin-
comme du
les
hommes. Mais
pas
mme
venons de dcrire sous le nom de sagesse autodidacte il n'y a jamais chez Philon qu'une limite indcise entre la facult de l'me et l'tre rel la sagesse autodidacte dans l'me est plutt la pntration de nous-mme dans cette personne suprieure et
:
cleste.
On
voit
comment
la
du mal
le
l'uvre de principe de l'asctisme. L'effort et l'homme, uvre volontaire l'influence mystique de la grce s'y surajoute pour l'achever et l'amener la perfection. Sans elle, les produits de l'activit humaine restent mal venus et incomplets. Le travail de la vertu a bien sa valeur en lui-mme mais il a une rcompense qui n'est pas en lui-mme, mais qui vient l'me de Dieu. Le mystique qui attend et reoit tout de l'influence divine donne son sens et son but l'asctisnie. C'est ainsi que nous expliquerons l'interprtation du changement de nom de Jacob (l'ascte) en Isral (celui qui voit Dieu). Ce n'est plus l un progrs humain mais une mtamorphose en un tre plus qu'humain. L'homme comme tel ne dpasse pas l'effort asctique. Ce serait assez si nous obtenions les biens ns du travail et de Fexercice; mais pour les biens spontans acquis sans artifice ni prudence humaines, il n'y a mme pas d'espoir d'y atteindre
travail reste
;
tant divins
res
il
trouver
K L'ascte au terme de
On ne
appel seulement aux ncessits de l'interprtation allg^orique pour expliquer cette affirmation. Elle signifie encore qu' l'effort humain s'ajoute pour complter la sagesse une action divine, puisque la sagesse est connaissance de Dieu et que Dieu seul peut montrer l'me sa natures IL Lorsque Philon affirme qu'il est possible d'acqurir la sagesse par l'instruction [^Sr^cri) nous devons tout de suite dis-
Mut. nom., 219. Migr. Ab., 26-81. La suite des travaux de l'ascte la fuite lorsqu'il n'est pas assez fort, puis le combat, enfin le profit du combat qui est la joie. L'ascse appartient au vrintot, la sagesse au rssto.
1
.
2, Cf.
280
socier
LE PROGRS MORAL
de
lang"ag"e
question qui ressortait de l'enseignement de Socrte si la vertu peut tre apprise comme on apprend l'art du laboureur ou du cordonnier. Les comparaisons habituelles de Socrate sur ce point, plus encore que le fond
:
Le premier correspond
de son enseig^nement, amenaient rsoudre positivement la question. Cette solution est encore prsente par Plutarque dans son
que la vertu peut tre apprise . Sur cette question dlibrment de l'opinion contraire celle issue du socratisme il pense que la vertu est la fois thorique et pratipetit trait
est
Philon
Tout autre
Il
est le
le
second sens.
dveloppaient,
se bornait,
cours d'tudes
s'tait
en Grce, au sicle la lecture des potes. On ne sortait pas de l'enseig-nement lmentaire et moral, et il n'y avait pas vritablement d'enseigne-
ment scientifique. Au contraire se trouvait constitu, l'poque de Philon, un plan d'tudes compliqu et charg o les matires littraires et scientifiques se partageaient la place. On attribuait
arts pratiques, gymnastique et musique davantage l'tude scientifique ^ Ces connaissances que l'on appelait encycliques (yxuxX(.a) ou arts libraux prcdaient l'enseignement de la philosophie proprement dite. C'est leur propos que se posait un gros problme, le mme qui se pose aujourd'hui, et se posera chaque fois qu'un progrs exceptionnellement rapide des sciences rompra l'harmonie entre les connaissances avant que l'harmonie acquises et l'instruction de la jeunesse ne soit rtablie, il y a une priode de trouble dans laquelle l'usage pdagogique des connaissances nouvelles n'est pas encore trouv. Elles apparaissent alors des connaissances de luxe inutiles au but fondamental de l'ducation, puisque ce but ne peut tre la pure connaissance. Tel fut le problme que se pose en efTet Philon, la suite d'un grand nombre de moralistes antiques. Quel est le rapport des
et
:
encycliques et de
la
vertu
I.
I,
p.
174 (Munster,
1898
LE PROBLME DE ^'INSTRUCTION
281
Les uns, les sophistes, voyaient dans la rhtorique Tart suprme les encycliques et la qui suffisait toute la pratique de la vie philosophie elle-mme, sans tre inutiles, devaient se subordonner la fin de la rhtorique elles n'taient, comme le montre
; ;
Cicron dans son portrait de l'orateur \ qu'un trsor d'arg^uments et de lieux communs qui devaient toffer le discours.
L'opinion toute contraire de la philosophie rgnante cette poque doit tre assez bien reprsente par le modr Snque. Il dmontre long-uement que les encycliques ne sont nullement
pour faire un homme de bien, mais qu'elles sont cependant ncessaires, peu prs comme il faut savoir ses lettres avant de lire les potes ^ Tout autre encore est l'opinion radicale qu'exprime un nopythag-oricien inconnu dans le il Tableau de Cbs y rejette entirement les encycliques
suffisantes
^
;
comme
inutiles la vertu.
L'opinion modre de Snque rg^nait dans de larg-es cercles philosophiques nous la retrouvons un peu plus tard chez Plu;
tarque
rhteur Maxime de Tyr (avec un penchant plus marqu en faveur des encycliques) \ Nous allons voir que Philon
et
chez
le
pagne d'une vive polmique contre ceux qui voudraient rduire la sagesse aux encycliques. Le problme des encycliques est particulirement dvelopp dans le trait de Congressu eraditionis gratia. Nous trouvons au I II une classification des encycliques (grammaire, gomtrie, astronomie, rhtorique, musique) % dont le dtail montre que
D'aprs Philodme de Gadara comme Ta montr Arnim, Dio v. Prusa, Epist. 88. 3. Cette uvre fait partie des anonymes nopythag-oriciens du dbut de notre re. Plut., de lib. educ. 4. Diss., 87, 2 et 3 5. Nous trouvons frquemment des classifications analogues de agricul., lire, crire, l'tude des potes (qui parat ici non une simple lecture, 18 mais un commentaire d'o on essayait d'extraire la sag-esse) la gomtrie et les exercices de rhtorique . De Ebriet., 49, ne cite que la grammaire et la gomtrie. De Somn., I, 2o5, donne une classification trs complte d'abord la g-rammaire dont les premiers lments (r TrpwTa) sont la lecture et l'criture, puis dont une partie plus leve (rstor'oa;) comprend les potes, et l'histoire ancienne; puis l'arithmtique et la gomtrie, la musique, enfin la rhtorique avec ses diffrentes parties la dcouverte, la diction, l'ordre, l'conomie, la mnmotechnique, le dbit (un-oxoio-t). Dans le de par. col. (3, p. i2-i3) il distingue la grammaire, le calcul, la g-omtrie et la musique. Dans ce passage il spare des arts qui se rapportent aux corps (g-ymnastique
1.
2.
282
LE PROGRS MORAL
nous avons
affaire l'dacation
^
le
comme
ment,
aussi
enseigns par
les Grecs,
la
une exclusion singulire de Philon c'est l'astronomie. Elle parat seulement dans une brve numration que nous
:
avons
lire
cite, puis
la place
particu;
que lui donnait Philon par rapport la philosophie l'astronomie chaldenne tait pour lui une philosophie fausse, mais complte en elle-mme.
lon sur cet
sorte.
Il
Nous connaissons assez bien le sentiment personnel de Phiamas assez mal ordonn de connaissances de toute
raconte qu'il a lui-mme reu, dans sa jeunesse, cette
et en a recueilli d'excellents fruits ^ On voit dans toutes ses uvres des traces de cette ducation, qu'il appelle d'un nom qui lui convient si bien, une polymathie On apprenait en effet bien des choses, mais sans aucun plan ni ide gnrale l'esprit tait charg de souvenirs de toute sorte mais on visait moins mrir par eux l'intelligence qu' mettre une quantit innombrable de thmes la disposition des gens instruits. De l ce pdantisme qui est si choquant dans les uvres de notre auteur. Les exemples que nous allons en citer dpassent sans doute, pour quelques-uns, le domaine des encycliques, mais ils- montreront tous galement la nature de cette ducation faite de pices rapportes. Ce sont des fragments de thories astronomiques, des vues physiologiques et mdicales, des explications mtorologiques qui la plupart s'introduisent d'une faon assez inattendue dans les dveloppements.
ducation grecque
d'ailleurs
ceux qui se rapportent l'me (on trouve la mme distinction chez Maxime de Tyr) les autres distinctions font voir qu'il donne le plus d'importance aux seconds : la culture prend un caractre presque exclusivement intellectuel. Qu. in Gen., III, 21, p. 198, donne une numration de mme mouvement que celle du de congr. geometriae, arithmeticae, aliarumque disciplinaram ingenii theorias (cf. rv? '/Avj loyv/. {]zropior. ndcr et Qu. inGen.j IV, 25G singulas intelligentiae disciplinas) Autres classifications Qd. in Gen., IV, 87, p. 2o5; Qu. in Eaiod., II, io3, 535.
et aleiptique)
:
:
1.
V.
J/.,
I,
23.
2.
3.
On
Congr
gomtrie,
pltes.
pourtant partie des encycliques, Sn., ep. 88. ne cite il est vrai que la g-rammaire, la numrtions sont presque partout incom'6)'2
i/nd
. y
III,
19, 190,
copiam scientiae
LE PROBLME DE L INSTRUCTION
283
Philon
un des traits intellectuels importants de passion des voyag-es qui font connatre des phnomnes physiques et des murs nouvelles. Il est probable que
.
Nous touchons
:
ici
c'est sa
lui-mme a voyag; s'il n'est all Rome que dans sa vieillesse, il a pu aller Jrusalem dans sa jeunesse. La prcision relative et le pittoresque avec lesquels il dcrit le dsert que traversrent les Hbreux pendant l'Exode par des traits qui ne sont pas tous emprunts l'Ecriture Sainte peuvent faire croire qu'il l'a tra^
vers.
L'ami de
(TiTriTt.x6v,
la
science
apparat
TTpUpyov)
s'occupant de tous
des choses,
s'informant de tout ce qu'il y a de beau voir et entendre, bravant tous les inconvnients et tous les prils d'un voyage
pour
ses recherches.
On
ture les notes de voyage qui ont passionn les milieux grecs
dans
la
protestait en montrant qu'elle tait inutile, puisqu'elle ne rendait ni meilleur ni plus sain ^ Elle est, au contraire, suivant Philon, non seulement agrable, mais profitable elle nous rend d'aveugles clairvoyants. Son nom propre est La-Topia qui dsigne toutes les connaissances drivant de l'exploration et de
;
Snque
l'information
Le got personnel de Philon se marque du reste par la quand'anecdotes plus ou moins tranges, traits de murs, phnomnes curieux qui maillent ses uvres. Il les rapporte sans la moindre critique; ce sont les animaux vivant dans le feu (TuuplYova) dont l'existence a t, dit-on, constate en Thrace % les
tit
gymnosophistes de l'Inde dont l'exemple tait d'ailleurs courant dans les traits de morale % l'anecdote des Germains attaquant
1.
V.
M.,
I,
192,
2.
3.
De Abr., 65 cf. de Ebr., i58. Le dveloppement de ce thme se trouve dans Cicron, de Fin., qui dpend lui-mme d'Antiochus (V, 18-19, 48-55). Les traits du chercheur sont les rcits et les spectacles (cf. migr. Ah., Oprwv, x.oua-aKTwv). La science est plus chre que sa patrie au cupidus scien\iyvov). Il dsire omnia scire cujuscu?nque modi sunt tiae {Migr. Ab., 217
4.
:
{ib
216
5i
iaropiav... -io-lcj
ouxot.
Qu. in Ex.,
Il,'
28,488.
;
De Somn.,
l,56
de Abrah.,
182.
284
les flots
LE PROGRS MORAL
la
Loi
il
men-
tionne
rit
pour
faire
voir la suprio-
de celle de Mose.
n'aime pas moins
Il
cite la
lg-islation des
surs ^
Il
les
l'Egypte.
qui produisirent une des plaies de admet sur des on-dit (w 6 lroq que les abeilles naissent des cadavres des bufs et les gupes de ceux des chedfinit les insectes
(o-xviTcs;)
Il
s'tend
chez
les
animaux ^
le
nombre d'arts, soit pour en indiquer des rgles, soit pour en citer seulement le nom. Ce sont sans doute des bribes de ces sortes de Manuels Roret que devaient tre les nombreux ouvrages technologiques de cette
poque.
taille
Il
dveloppe
les diffrentes
Il
fonctions de l'agriculture, la
hydraulires-
que appel
les rgles
de
hippique ^ Sur
la
l'art
;
\ de
il
Il
la
guerre,
il
fait
flches
enflammes pour
dtails
donne
II
bien
des
sur
les
de
et
il
l'art
de l'athlte ^
le
connat
C'est
frquente
indique
principe de
leur acoustique
dans
Philon
traite les
encycliques
a
et les sciences
La grammaire
1
.
pour
lui,
De Somn
II,
121.
III, 3,
2.
3.
De
F.
spec. leg.,
p. 3oi
ihid.,
III,
4, 3o3.
id., i,
M.,
I,
108
de sacrif.,
6,
255
de An. Saci\
238
de Decal.,
II 3- 118.
4.
5.
trait des
Animaux.
0. Ibid.,
7.
69-72.
Ibid., 85-88.
8.
9.
i4,
par.
l'hygine de l'athlte. in 10. Critiques des spectacles de mimes et de danseurs {V. 31., II, 211 Flacc, 5, 522). Plusieurs comparaisons empruntes au thtre de Abrah., io3. Un passa;;e sur la flagellation d'un fou couronn a l tudi par Wend;
:
land {Jsus als Saturnalien Konig, Herms, XXXIU, 11. Qu'il compare l'oreille, de post. C, iol\.
p. 175).
LK PROBLME DE L^NSTRUCTION
lire
285
importance \ Le langage a t,''suivant la thse de Platon b), invent par des sages qui ont mis dans les mots les proprits des choses l Ce langage primitif a autant de prcision que le langage mathmatique % et c'est sans doute ce qui lui permet de dcouvrir des sens allg-oriques des textes sacrs, par les tymologies les divers sens qu'y prend un mme mot % les emplois particuliers d'expressions ^ Philon connat et pratique avec beaucoup d'art les rgles de la rhtorique. Beaucoup de ses dveloppements par le soin avec lequel ils sont composs et les prcautions qu'il prend pour nous avertir de leurs divisions ressemblent ces exercices dans lequel les rhteurs dveloppent des lieux communs on en trouve aisment les parallles chez les rhteurs de l'poque ou d'une poque un peu postrieure. Souvent ces discours en restent l'indication d'un plan trs bref qui fait songer quelque manuel de rhtorique. Ainsi le lieu commun (totuo) de la pudeur se dvelopperait en trois parties {leg[, alleg.-, II, 65). Nous trouvons tous les genres de discours; les discours de conseil, de blme, d'loge, particulirement les discours de consolation \
{Crat. 43o a
;
1.
2.
Leg. aileg., I, i4; dveloppement sur les lments du langage. Qu. in Gen., I, 20, dbut IV, 194, p. Sg.
;
3. Ibid.
ib, 121
de Abr.. 47; ib.^ 54 quis rer, div. h., 211 258 Qu. in Ex., II, 62 (Harris, 63) ib., 23o F, M., II, 119 prm. sacerd., 3, II, 235 confus. Lingu., i56. De ces tymologies plusieurs sont tires du Cratyle [(jMfporru-f}, Crat., 4ii e). 5. De Somn., II, 257; divers sens de ko; leg. alleg., III, 189; ib.,
4.
: ;
Exemples d'tymologie
;
de sacrifcant
;
9,
11^,
cf.
leg. alleg..,
II,
Qu. in Gen., I, 99, 70. 7. Nous essayons ici de rassembler ces discours dont quelques-uns ont t lo Discours parntiques Leur rgle tudis et d'autres restent tudier est donne de decal., 39 (ils doivent s'adresser plutt chacun en particulier qu' tous ensemble discours de la Loi ceux qui veulent une double rcolte {de justit., 12, 371), ceux qui veulent se substituer dans l'expiation, leurs parents coupables [de spec. legg,, III, 29, 235) 2 Discours de blme, ceux qui mprisent la veuve et l'orphelin (F. 3f., II, 240-241), aux parjures [de dec, 88-92), ceux qui n'honorent pas leurs parents {ib., ii3-i2i) aux faux nobles (Qu. in Gen,, IV, 180, 382-383). Nous ne pouvons pas numrer tous 3" Discours les discours d'loge ou de blme qui maillent ses uvres d'loge. Discours des frres de Joseph Joseph sur ses vertus {de Jos., 2464^ Discours consolatoires 25o) Discours d'Abraham o il dveloppe la mtriopathie (analys par Wendland, Die Kynisch .-st. Diatribe, p. 50 et rattach Crantor d'aprs Gicron, Tusc., III, 71). Discours de Jacob sur Consol. ad Joseph {de Jos., 23-28) on trouve des parallles chez Plutarque Apoll., 17, 3i, 3o (sur les diverses espces de morts). Discours de Qu. in Gen., IV, 73, 3o3, o Fapathie est recommande; 5o Discours ou dveloppe: . : ;
286
LE PROGRS MORAL a
une importance primordiale comme arme dans la bon et le mchant. C'est par des dmonstrations, des discours sophistiques que le mchant arrive sduire le
La parole
lutte contre le
les
moyens
Thomme
simple qui ne
Il
La mdecine ne rentre pas pour Philon dans les encycliques. Pourtant dans certaines classifications un peu postrieures, la mdecine est cite au mme rang- que les autres arts encycliques ^ Il est sr en tout cas que Philon reut une ducation mdicale il a connu quelques fragments de la collection hippocratique. On rencontre dans cette collection un trait sur le nombre 7, auquel Philon a emprunt des spculations sur les nombres; il est remarquable que dans les exemples par lesquels il illustre la puissance de ce nombre, beaucoup soient emprunts la mdecine \ Les problmes de casuistique mdicale qui ont t poss en grand nombre par les hippocratiques sont assez souvent cits. Il montre dans leur solution le plus grand Une opinion sur le sige de l'me dans le cur que rigorisme les stociens ont emprunte aux mdecins est cite par deux fois comme proprement mdicale ^ Mais la mdecine est surtout pour lui une mine de comparaisons destines expliquer la vie morale. La consultation que le sage donne l'homme en progrs est dpeinte dans tous les dtails comme une consultation mdicale ^ la passion est com;
;
ments oratoires sur des thmes varis sur discours de Joseph la l'union sexuelle
:
l'exil {de
Abrah., 63-66)
sur
femme de Putiphar
{de Jos.^
42-49).
1.
vicieuse,
2.
Migr. Ab., 72, 79-82, opposition des sophistes la belle parole aux bons qui ne savent pas s'exprimer. Galien, Protrept., c. 5 {Scr. Min., t. I. p. loG. Marq.).
et
l'me
3.
76. Cette opinion prsente d'abord comme commune aux mdecins et aux physiciens [leg. alleg., II, 6) est ailleurs {ib., I, 69) prsente comme propre aux mdecins. Dans d'autres passages les physiciens sont j^alement lis
4.
.los.,
De De
5.
digestion {Spec. legg., III, 2, propos d'une opinion sur la dure de la grossesse. Nous avons ici un tmoignage important sur les rapports du stocisme avec la mdecine au dbut de l're chrtienne, cf. Qu. in Gen., II, 4i, 6. De provid., fr. gr. Mangey, II, 637-G38 19, sur
la
Mme
11,
i4> p. 96)
le
traitement moral;
cl.
II,
26,
287
pare un herps S et son extirpation par le moraliste une opration douloureuse qu'on fait sans prvenir le patient ^ L'rudition mdicale ^ et physiologique * de Philon ne dpassent gure les limites de ces comparaisons.
Il
ce
pour achever
la
description de cette
polymathie , les notions et explications mtorologiques qui ne vont pas au del de ce que Philon aurait pu apprendre dans un ouvrage philosophique analogue aux Placita d'Atius l'explication de la pluie % de l'arc-en-ciel % des crues du Nil Tallusion des phnomnes curieux ^ Malgr son got personnel pour les curiosits, Philon III. est peu sympathique cette culture. Il rprimande ceux qui s'adonnent exclusivement aux sciences encycliques. Ce reproche s'adresse dans sa gnralit tous les savants spcialistes, grammairiens et gomtres, mais surtout aux rhteurs qui en effet utilisaient la philosophie comme recueil de thmes oratoires ^ Philon n'admet donc pas que toutes les sciences spciales et tous
:
'^^
Leg
alleg
III,
,
2.
Qu. in Gen
19, 190.
II,
;
124; le moraliste emploie les contrepoisons, ii^; le mal compar une fivre intermittente, da l'homme en progrs moral, convalescent, Qu. in Gen..,
But de la mdecine, Qii. in Gen., II, 9, 87 rle du jene, V. M., II, 28de la dite, de decal., 12 (cf. Diod. Sic, 182), le rgime, Qu. in Gen., IV, la boisson, Qu. in Gen., IV, 35, 272 sur une mdication par les 204, 4o3 odeurs, de Somn.,l, 5i. Le scepticisme en mdecine, leg. alleg., III, 226 de
3.
;
;
24
an. sacr. id., i4, H, 2494. Principes sur la structure du corps propos de l'allgorie de Farche, Qu. in Gen., II, 2, 3, 4, 5; numralion des parties du corps, Qu. in Gen., I, sur la force vitale, de sacrifie, 2. II, 262: de spec, legg,, 10, II, 309 28, 20 description tendue de la digestion^ de anim. sacr. id., 7. Il, 244 explication finaliste de la structure de l'intestin, Qu. in Gen., Il, 7. 84-85; sur la graisse, Qu. in Ex., II, i5, 479 les menstrues, de spec. legg., III, 6, II, 3o5 (cf. Plac. d'Atius, V, 5) sur le dveloppement du ftus, Qu. in Gen., I, 25, 18 ibid., I, i4, 95-96; ib., IV, i54, p. 302 Qu. hi Ex., I, 7, 452 ^Harris, 47). cf. Qu. in Gen., II, 64, i5o 5. Par la tension et la rarfaction de l'air cf. de Sonm., I, 20, et l'explication du dluge [de Abrah., (Harris, 26) 47) par un relchement de l'air non quilibr par la tension. ^ 6. Qu. in Gen., II, 64, p. 348, comparera Atius, Placita, III, 5, i. 10; la mer se change en le mot humida de Philon s'explique par ibid., 6
;
gouttelettes.
7.
Vita Mos.,
I,
ii5
IV,
Sn., Qu. nat., IV, avec qui le texte de Philon prsente des ressemblances assez grandes,
I,
38
8.
Le halo, de Somn.,
I.
souterrains, Qu.
289
I,
les
Gen.^
12,
(Wendland,
116), les
pluies de feu, de
Abrah., i38.
9.
288
les arts soient
LE PROGRS MORAL
considrs
comme
tant
eux-mmes
leur but.
Il
la
vertu
de Dieu.
c'est qu'il
Mais
n'est
la
superficiel.
Comme
une science
la fois
thorique et pratique,
enfants, mais
et
pour
l'utile
nuisible \
d'ensei-
gnement
la division par laquelle se compose de trois parties on distingue les parties du sujets la mditation (jjisAeTYi) qui a pour appui la mmoire par laquelle on les fixe dans l'esprit et enfin la pratique par laquelle on accorde les actes avec les choses enseignes. Mais l'enseignement insiste, dit Philon, beaucoup trop sur la premire partie, la division, au dtriment des deux autres. Le matre se perd dans des divisions infinies et trop subtiles pour la
Il
cite
en
en gnral
les
com-
trs vive
polmi-
un enseignement
rgulier.
Ce
parfois les
mmes
Ils
sont
mme
opposs
eux;
la
philosophie dpend de
sagesse; la sophistique de
D'ailleurs malgr ces vives
l'rudition ou de la propdeutique
critiques, Philon atteste la
1.
2.
liste
stocien postrieur,
it\i
-,
(Philon, de agric,
?>.
Snque
un moranon concidi
De agric,
Ib., i3G.
i3G-i37.
'
/j.
5.
ft.
Qu. in Gen., III, 33, 202 de Cherub., Qu, in Gen,, III, 33, 2o3 IV, 96.
;
;
8.
289
leur exactitude \ leur grande instruction '\ mme leurs connaissances philosophiques \ Les traits extrieurs de la peinture
trs certainement des professionnels de Tenseig-nement. Ils sont nombreux et rpandus partout et parlent chaque Leurs cours sont payants, et d'ailjour devant une assistance rclame Ils font l'ducation d'une cit et ^ de entours leurs quelquefois de l'univers tout entier ^ Mais c'est surtout aux matres de rhtorique qu'il s'attaque. Ceux-ci sont en parole les plus vertueux des hommes ils pas-
indiquent
la
y emploient l'loquence la plus ils peuvent sduisante et une grande force de conviction mme tre utiles aux autres ^ Mais tout cela n'est que pour
sur la laideur des vices
^
;
ils
La parole qui doit tre esclave de la but. La vritable honntet consiste conformer ses paroles sa pense et ses actes ses paroles. Or les sophistes aprs voir prononc un loge de la temprance, se conduisent comme des gloutons ^ Ils ne retirent aucune utilit propre de leurs discours, et vieillissent dans la passion. Pour les autres ils sont comme des mdecins qui raison lieraient parfaitement le cas de leur malade et ne leur appliqueraient Ils ont d'ailleurs un orgueil de leur science aucun remde accumule qui leur fait croire qu'ils possdent la science complte. Tous ces traits se ramnent, nous le voyons_, une critique fondamentale. Il n'y a place dans l'enseignement des sophistes ni pour la mditation, ni pour l'action pratique. Tout est donn la parole. Il leur oppose un idal d'ducation intrieure o la parole apprte et rgulire tiendra peu de place. Le mot sophiste dsigne quelquefois une autre catgorie de perfaire briller leur talent.
est ici prise
pense
comme
sonnes, catgorie dont les limites sont fort indcises. C'tait une habitude des premiers sophistes de l'poque socratique, pour
qui
1.
i36 .
io4.
;
2.
3. F. 4.
5.
ils
cf. ^/i.
in Gen.,Y\\ 92.
III,
3i.
6.
7.
Agric,
i43.
traits.
8.
Philon cite quelques-uns des sujets Qu. in Gen., IV, 92, 9. Migr. Ab., 72. 10. Congr. er. gr., 53,
19
LE niOGRS lAlORAL
un exercice d'cole
courant dont on peut voir des exemples dans les dissertations de Maxime de Tyr, de soutenir successivement deux thses opposes. Mais ce fut en mme temps un procd de discussion employ dans les coles acadmiques et sceptiques l'gard de toutes les thses dogmatiques. On y discutait les propositions de chacun non pas l'aide de rfutations personnelles^ mais d'arguments emprunts des systmes adverses. Philon connat et critique fort vivement les exercices d'cole consistant dvelopper les thses opposes ils lui paraissent indignes du srieux d'un philosophe. Mais par une confusion
:
probablement volontaire il passe des sophistes proprement dits aux acadmiciens et aux sceptiques ^ S'il a en effet pour fonder
la foi,
utilis
l'argumentation sceptique,
il
s'oppose de toutes
ses forces leurs discussions sans fin contre tous les systmes.
Ils les
philosophie contre
la
philosophie*,
les
s'en revtent
comme
sceptiques
au troisime rang au-dessous des contemplatifs mystiques et des astronomes; ils ne touchent pas aux choses matresses dans la nature^ sensibles ou intelligibles ils usent leur temps subtiliser sur de misrables sophismes ^ Enfin l'emploi du vraisem;
TiiGavov)
dence dsigne bien les acadmiciens. Dans les discours attribus aux sophistes, celui qui revient le plus souvent est un essai de dmonstration en faveur des biens du corps. Puisque nous ne sommes pas de purs esprits, dit ce discours, mais que le corps est la maison de l'me, il faut dans l'intrt mme de Fme le soigner et lui procurer les biens qu'il rclame \ Un thme anaPlaton, Gorgias Cicr surtout Qu. in Gen
;
;
1.
de Fin., W,
33, clair
i,
1-2.
dans son sens gnral, mais obscur dans les dtails il s'agit tout d'abord des sophistes caractriss par copia scientiae {== iroXuuaOsta), puis des ennemis de toutes les sectes {voiuntatis atpsaiuuy^ot cf. Vita Mos., l, 24) qui sont les acadmiciens oppugnatores et les sceptiques. Comp. le jug-ement sur Arcsilas rapport par Numhius
2. Cf.
,
III,
stvq croftarriq, rwv yuavaaTwv o-(jayu (Voy. l'ex{ap. Eus., pr. ev., t/j, 6, i) plication symbolique du meurtre d'Abel par Gain, qnod dei. pot ins., 35).
:
3.
4.
5.
6.
Qu. in Gen., III, 27, 197 Vita Mos., II, 212. Qu. in Gen., IV, 92. De cong?\ er. gr., 52.
fuga
et inv., 209.
7.
Quod
et 77.
'
291
C'est bien l en effet la morale que du dsir la nouvelle acadmie opposait au stocisme. D'une faon plus vague encore, les sophistes dsignent tous les physiciens en tant qu'ils ont sur la nature du monde et de la
log-ue est
l'loge
connaissance des opinions opposes^. Cette ide des sophistes peut aussi venir de la nouvelle acadmie qui ainsi que l'on sait usait des contradictions des philosophes pour rfuter le dogmatisme dans notre texte une opinion d'Aristote (ternit du monde) est oppose celle de Platon l'opinion des stociens
; ;
(sur la
fin
;
stociens
Platon ou peut tre d'autres Protagoras l'opinion de celle des sceptiques. Le nom
celle de
du monde)
de sophiste attribu ceux qui profitaient de ces discussions pour montrer l'incertitude de la connaissance a pu facilement tre transport aux auteurs mmes de ces discussions.
Philon rserve ses critiques beaucoup moins aux sciences elles mmes qu'au mauvais usage de ces sciences. Pouvant appartenir au mchant comme au bon elles sont donc indiffrentes au point de vue moral. Le bon usage consiste en faire Pour les jeunes gens, l'enseignement un chemin vers la vertu
de la vertu est d'abord trop lev. Il faut donc user d'une discipline plus douce , et qui leur soit accessible. Ainsi se trouve
justifie la ncessit des encycliques ^
Mais
elles
ne s'adressent
s'adres-
qu' l'imparfait
dogmes philosophiques
organes du corps ^ Encore ne peuvent-elles entrer en l'homme que lorsqu'il est suffisamment purg du vice \ elles sont incompatibles avec les plaisirs du ventre ^
;
Pourtant
elles
la vertu
dont
elles consti-
comme une image affaiblie des principes de la vertu l'galit gomtrique prlude l'galit dans la justice, et l'eurythmie
:
2.
3.
Qu. in Gen., IV, 208, 4oo. Congr. er. gr., 10. 5. De congr. er. 'gr., b, 9, i4, 19, 72. 6. De congr., 2o-i53; Qu. in Gen., III, 19-20. Les sens sont indispensables, l'origine, la philosophie, spcialement celui de la vue [de Abr., 1G7 III, 34., 33o), spec. legg 7. De congr., 88; ce passage signifie peut-tre que cette ducation doit commencer dix ans ibid., 121. 8. Qu. in Gen., IV, 191, 892.
4;
;
292
LE PROGRS MORAL
musicale l'harmonie des actes, partie essentielle de la vertu. On se sert des lectures des potes pour inspirer le mpris des hros et par suite de la fausse relig-ion. La rhtorique seule rendra
rhomme
reur.
l'er-
Le vritable rapport des encycliques la philosophie est trait dans un fragment assez long- ^ Les caractres attribus ici la philosophie indiquent tous le systme stocien d^abord elle est dfinie comme la science la manire stocienne une comprhension sre et certaine, sans chute possible . Puis elle est mise en parallle avec le reste des vertus et elle est donc ellemme une vertu. Son objet est le monde et toute la substance des tres. Plus spcialement elle s'occupe des fondements de
:
du
du discours. On reconnatra
la
aisment
l'esprit
revendila
g-ram-
maire
ils
se
ment
les
et les volent.
place de
la
philosophie
qui est avec les autres vertus au-dessus de tous les autres arts.
L'art n'a pas la certitude
vant
la dfinition
stocienne
utile
quelque
fin . Il se
moyennes
et
(ikicrai lejyoLi)
Il
aux principes ^
*
l'intelligence
partie,
Comme
chaque art s'applique une partie de l'tre^ la g^omtrie aux lig"nes, la musique aux sons. Mais le philosophe qui connat l'ensemble, par l mme saisit mieux les parties que les sciences qui s'en occupent. Philon en cite deux exemples emprunts l'un la philosophie seule est la gomtrie, l'autre la grammaire capable de dfinir la nature du point, de la surface et du solide seule elle peut dire ce qu'est le nom, le verbe, l'nonciation incomplte et complte, et classer les lettres. Elle donne seule leur fondement aux autres sciences. C'est pourquoi le savant se
;
T.
2.
3.
4.
au
Congr., i5-i8. i39i5i Cf. Qu. in Gen., 28, 195 et de C/ierub., 6 (opposition de axpa et ^i(j-ri). La thorie de la sensation implique dans cette comparaison et indique 143 est accepte par les Stociens (S. V. F. Arnim, II, p. 281).
/6
.
PLACE DE LA PHILOSOPHIE
laisse
est
293
conduire
les
et
rprimander par
Tenfant
le
philosophe. Le sophiste
Les encycliques sont
;
au sage
comme
Thomme fait.
l'homme en progrs doit y rsider passagrem.ent (Trapo'.xsw) comme on passe dans un vestibule avant d'entrer dans une maison ou dans le
servantes et les sujettes de la sagesse
comme
la ville.
L'ducation qui se
la
fait
par
la
vue
elle est
comme un
la
philosophie qui
.
sommet de
la
vertu
apprise
et la
Nous cher-
entend par la philosophie, dans l'ensemble de l'activit humaine. En rgle gnrale, la philosophie veut dire pour Philon le systme stocien. D'abord ce sont toutes les dfinitions stociennes bien connues la sagesse, c'est la science des choses divines et humaines et de leurs causes ^ La philosophie c'est la vision du monde et des choses contenues en lui ^ Puis vient la triple division en logique physique et morale avec la fameuse comparaison de la philosophie un champ dont la logique forme l'enceinte, le physique les plantes et la morale les fruits "\ D'aprs cette comparaison la recherche philosophique a un but excessivement moral. C'est Tespoir du bonheur qui nous lve la philosophie ^ En contemplant la nature cleste, l'homme ressent le dsir de l'ordre qui est en elle \ Il retire de ses tudes une intelligence belle et heureuse il n'a plus aucune pense basse, relative aux biens extrieurs^ il s'unit la danse harmonieuse des astres et chappe en s'envolant dans l'ther la domination de matres cruels ^ La philosophie est donc la science du cosmos. En certains passages Philon a senti le besoin de limiter avec prcision cet
ici
chons
ce qu'il
est assigne
c<
1. De congr., lo, 19, 28, i54-i58 Qu. in Gen., IV, 191, p. 892 de Sobr., 9. De fuga, 208-218. Pour les mtaphores ci-dessus, cf. congr. er. gr., 9-10,
;
;
22-28, et leg
2.
3.
alleg.,\ll, 244-
4.
5.
Congr. er. gr., 79; Qa. in Gen., III, 4^, p- 218. Qu. in Gen..,l\, 119; Spec. leg.,l\\, i, p. 229. Leg. alleg., I, 67; de fortit., 8, 177. De agric. 14-17 de mut. no?n 74-775 l'ide est attribue aux anciens
;
,
(ot
TcoCkaioL).
6.
7.
De prm.
Par.
et
pn.,
p.
., III,
2, p.
420
1er.
Qu. in Gen.,
I,
8, p. 6.
col., 8,
18.
8.
De
spec. legg
ch.
294
LE PROGRS MORAL
de
lui,
ments vraisemblables les traces des puissances de Dieu dans le monde, et nous conduire l'affirmation de la providence. Mais elle ne nous fait pas pntrer dans cette science suprieure o l'me voit non seulement le monde cr objet propre de la philo
-
sophie, mais
le
pre
et le
crateur K
connaissance philosophique n'est qu'un degr de la sag-esse tout fait analogue et parfois mme identique l'astrologie dont nous avons dj parl. Philon donne la connaissance de Dieu pour autre chose que la philosophie. D'aprs le plan qu'il indique toute la philosophie n'a pour but que de conduire des questions qui la dpassent aprs avoir critiqu dans V Emigration d' Abraham ceux qui commencent par L'homme s'tudie l'tude du ciel, il indique le plan suivant d'abord lui-mme, il cherche la nature du corps, puis celle de l'me dans l'me il tudie les diffrentes parties, les sensations, le langage et l'intelligence partie hgmonique, puis les passions
la
: :
En somme
et leurs
remdes, enfin les vices et les vertus. C'est ensuite seulement qu'on aborde l'tude du monde que l'on considre son tour comme ayant un corps (Ta ji-lpri) et une me (Ivcoa-sw; irao-t. G(7!i.6) ^ Or cette comparaison avec l'homme a justement pour but, comme il est dit bien souvent, de faire reconnatre dans le monde une me comme celle de l'homme ^ Tel est le tableau complet de l'enseignement intellectuel chez Philon l'esprit de Philon lui est en somme peu favorable. Il rencontre dans les encycliques et mme dans la philosophie une espce de rsistance Tidal mystique de la connaissance de Dieu, rsistance qu'il a blme dans la sophistique. On ne peut arriver la vertu par l'ducation intellectuelle qu'en dpassant toujours l'enseignement acquis. Par lui-mme et tout seul il peut tre plus nuisible qu'utile. Philon parat sans cesse redou;
1.
La philosophie
Qii.
est place
II,
la sag-esse.
in Ex..
,
io3.
la
avec les encycliques dans la propdeulique de Intriorit de la philosophie la sag-esse; philosophie morale Qu. in Gen.^ VI, i, 288,
;
Spec legg
LA CONSCIKNCI^ MORALE
295
gence pour elle-mme sans rsultat'' pratique, cet exercice du talent qui n'amliore pas l'homme. Tout au plus les encycliques peuvent servir de moyen dans la lutte contre le mchant instruit. L'art de la parole qui en est la partie la plus essentielle est donc totalement inutile dans la contemplation des choses divines, le plus haut deg-r de la sagesse. C'est seulement lorsque le sage revient dans le monde des corps et des passions qu'elle lui rend service \ L'efFort moral de l'ascte est apprci d'une faon exactement oppose il est bon en lui-mme quel que soit son rsultat ^ Si grande que soil la place donne par Philon
;
g*recque, il reconnat que le moindre effort moral vaut mieux que toutes les sciences. Elles ne sont en ellesmmes que vaines parures et ostentation. Tous ces dveloppements sur les encycliques et la philosophie renferment beaucoup plus de critiques, dont quelques-unes trs pres, que d'loges et d'encouragement l'instruction.
toute la culture
5.
La conscience morale
l'interprtation
et le
pch
du pripattisme
:
et
du
ces doc-
nouvelle
et
Lorsque
par l'honnte,
ils
pensaient uniquement dterminer pour l'homme un bonheur assur et indpendant de toute condition extrieure. Lorsque
Aristote dfinit la vertu par
activit d'un ct
la
le
juste milieu,
il
veut seulement
ou de l'autre pour arriver une moyenne. Or proccupation dominante de Philon n'est pas le bonheur, mais le passage du monde sensible au monde intelligible, l'inintellectuelle
purement
comme
celle
d'Aristote ou
la
sagesse
Migr. Ah., 76. Toutefois il y a une rserve faire parmi les parties de l'ascse se trouve certainement un lment d'ducation intellectuelle, commun avec les encycliques, la lecture, la mditation. Peut-tre est-ce pour celte raison que les encycliques sont quelquefois associs la continence, vertu propre de
1
.
2.
296
LE PROGRS MORAL
donner
La contemplation de Philon
est plutt
cise disparat
prhensible
et illimit.
Une
On
est
frapp
morales grecques, depuis Socrate, la preuve des affirmations morales n'tait pas diffrente des autres g-enres de preuves on dmontrait la valeur d'un idal en le rapportant la dfinition ou l'essence de l'tre
moraliste aussi
les
;
profond. Dans
considr.
et la
y avait donc identit entre la science de la nature morale. Mais lorsque l'idal est devenu la sortie de soi, la
Il
mode de preuve
les
sentiment pure;
immdiat du pch et de la perfection non seulement le*progrs moral est un progrs intrieur, mais il a, dans la conscience intrieure qui avertit, chtie et rcompense,
intrieur et
ment
et sa seule justification.
morales de l'antiquit classique prennent un sens nouveau. La vertu juste milieu c'est l'tape de la vie intrieure o l'me est encore soumise l'attraction du vice. La sagesse stocienne c'est l'tat final o Tme est pleinement libre de ses entraves et peut monter vers le monde intelligible pour s'associer au chur divin des vertus.
Toutes
les
ides
alors
un moment solennel de l'histoire des ides en Europe. Un monde intrieur va s'difier qui s'opposera au monde sensible comme l'esprit la chair, la conscience source unique de la morale la nature sans moralit. Au lieu de cette
Nous sommes
philosophes grecs
les
principes de
mme,
le
sage va maintenant se
sentiment
appelle ce
du pch
et
l'espoir
de
la
dlivrance.
intelligible,
!
Si
Philo.n
monde
intrieur
un monde
que nous
le
le
sommes
Ce loin cependant dn sens de Platon pense pour ainsi dire condense que Platon objectivait sous nom d'Ides, c'est un monde moral pntrable l'me c'est
;
lieu
mme du
[)rogrs
moral
et
de
la libration dfinitive;
c'est
LE
P
la fois
297
extrieure
la
conscience morale/entL
et
fait
exception-
forme
et le
et de pch dont la fortune devait tre si clatante. Mais nous avons d'abord faire une remarque gnrale sur l'orig-ine de ces concepts et d'une grande importance pour leur avenir. La conscience morale est^ chez Philon, insparable de la conscience mystique, c'est--dire du sentiment de fusion et d'union
une ralit suprasensible. Les diffrentes dispositions morales de l'me, le pch, le progrs moral ne sont que l'cart ou le rapprochement de l'me avec la ralit divine. C'est une des grandes questions pose par le dveloppement de la morale de Kant de savoir si l'impratif de la conscience morale peut avoir un sens et une valeur, moins qu'il ne soit fond sur une communication entre l'esprit humain et une ralit qui le dpasse, l sera peut tre d'un certain intrt pour la solution de cette question de revenir la solution nettement affirmative d'un des premiers matres de la vie intrieure. Les ides qu'exprime ici Philon n'ont pas encore un langage appropri. C'est un langage qui se cherche. Les formules sont empruntes aux morales grecques. Pour cette raison le fil des
avec
ides est assez malais suivre au milieu des expressions diver-
souvent mtaphoriques que reoit la mme ide. mal moral consiste dans l'loignement de Dieu. Sans doute au sens propre, personne ne peut vritablement chapper Dieu, car Dieu enveloppe le monde et il est partout. Il ne s'agit
ses et
Le
donc pas d'un loignement matriel qui nous soustrait la puissance divine, mais d'un loignement intrieur, d'une direction de l'me et de la volont oppose celle qui reconnat en
Dieu
le
matre de l'univers K
doctrines sur
la
De
cette direction
dpendent toutes
les fausses
d'Empdocle, d'Epicure, qui mettent les dernires causes dans des forces aveugles et spontanes ^ Philon est un des premiers
1.
Leg. alleg.,
l,
4-7
2.
Deconf. ling.,
leg. alleg.,
III,
7.
298
qui attribuent
et
LE PROGRS MORAL
l'orig-ine des doctrines matrialistes au mal moral au pch. C'est le g-erme de la notion d'hrsie \ Au point de vue de la vie intrieure, le pch aboutit l'or(olri^iq,
g-ueil
i;po).
L'org-ueil
consiste s'attribuer
et
plus qu'
;
Von veut un dfaut dans le jugement, un dfaut intellectuel. Mais cette erreur ne fait qu'un avec le vice lui-mme. C'est un mal insidieux dont on n'est dtourn que par la connaissance de soi-mme ^ C'est le mal de ceux qui se croient
bien aussi
si
pouvoir de prophtiser % des princes qui se croient les maPar lui l'esprit s'lve et s'enfle, perdant toute humilit et n'ayant pas la conscience de son nant ^ L'orgueil est considr comme produisant l'idoltrie et toutes les vaines opinions sur les dieux. Sous ce rapport il est plutt appel Ticpo. Le paganisme entier est donc un produit de l'org-ueil. Ces deux maux sont surtout florissants dans les cits o il c'est pour cela qu'ils faut en chercher la vritable origine s'emparent ds le dbut de la vie de ceux qui habitent les cits ^ L'loignement de Dieu indique plutt la cause du pch que sa nature. Philon en a tent, particulirement dans le trait sur la Confusion des Langues, une analyse intrieure. Dans l'expression sa pense oscille entre la conception stocienne du vice considr comme relchement et absence de tension de la partie hgmonique de l'me ^, et l'ide platonicienne de la faute, comme insubordination de la partie infrieure de l'me ^ Mais
le
tres de l'univers
son attention
par la le bavardage de la langue, les volupts illicites de la partie gnratrice et des cinq sens^ Finalement, les pchs sont attribus
:
beaucoup moins retenue par ces principes que description des pchs affrents chaque partie de l'me
est
1.
du
polythisme
2.
3.
du
plaisir.
.
4.
2,
II,
262.
16-1 17.
5.
prm. et pn., 4, 4i^- ^es ides sont dtaches decal.^ 4. 10; d'une diatribe d'origine cynique contre les cits cf. le rle du xcpo comme principe du pch chez Dion Chrysost., Or. VIII, 33. La liste des vices prove6.
De
8, t\\^) montre nant de l'org-ueil {de decal., 5; ih., [\o de prm. et pn par sa rptition qu'elle tait fixe dans une doctrine antrieure Philon. 10, iG5-iG8. 7. Confus, linga., 8. De fuga et irivent., 190-193; le pch des parties irrationnelles del'me de migr. Ah.., G6. est d ce qu'elles restent sans g-uide II, 280, et 9. Qu. in Gen., I, 77, 53, moins compltement dans de Septen., 5,
; , i
LE PCm^
299
voient
chacune de ces
l'activit
parties, et
il
de
Mais
taires
le
la
nature essen-
mais ce vit au contraire dans le pch comme dans une patrie le justifie par ses dmonstrations '\ s'en vante s'y exerce comme d'une action vertueuse ^ Nous sommes aux antipodes de la fameuse maxime socratique que toute faute est involontaire, et en mme temps l'aurore de cette morale nouvelle, qui considrera le pch comme la corruption de la volont elle-mme. La thse stocienne de Tg-alit des pchs est g-alement repousse, et les pchs classs suivant leur degr d'importance \ La conscience du pch est, chez Philon, tellement vive qu'il restreint l'idal humain la libration du pch l'homme est, par nature, incapable d'aller au del jusqu' la possession du bien ^ Il s'est dvelopp, dans la pense g^recque, en marge de IL la philosophie proprement dite une morale exempte de proccupations thoriques, faite non pas de maximes comme la morale des gnomiques, mais de fines observations d'analyse intrieure. Cette morale se rvle nous dans les uvres des tragiques, particulirement d'Euripide, des comiques de la comdie moyenne,
mchant
et
enfin
des
historiens^,
comme
et
de remords.
guis rer. div. h., 109 l'pchs de langue et d'oreille, de Abr., 20) le premier texte a un remarquable rapport avec le rituel de l'extrme-onction. Le pch porte ainsi sur l'me tout entire, conf. lingu., 69 71. 1. De septen., 5, II, 280 les pchs venant de l'activit de l'me et des mal;
:
heurs du corps,
Qu. in Ge?i., IV. 64-65 296-297. Conf. lingu., 76. 4. Conf. ling., 75. 5. Ibid. cf. de spec. legg., III, 28
2.
;
3.
Siixiooitm -r xaxt'a.
;
Qu. in Gen., 1, 65, 45 (Harris, 16) conf. ling., 116; de fiiga, elle n'est pas un pch si elle n'est accom7. Sur la valeur de l'intention pagne de l'acte, de Sobriet., 87, 38 sq. de spec. legg., III, i5, Si/j. Ce qui est faute pour le sag-e est pour l'homme en progrs bonne action {de An. sacr. id., 12, II, 248 249). 8. C'est le bien propre aux mortels, de mut. nom., 47 48 Qu. in Gen., III,
6.
;
4o, 208.
300
LE PROGRS MORAL
Philon
les
emprunt beaucoup ces ides populaires. C'est sur vers d'Euripide et d'Epicharme qu'il s'appuie pour raffirmaa
si
tion
vrit d'observation
humaine
qu'il
ny
;
aucun
tout
de mal. Le mauvais est simplement celui chez qui le mal prdomine K Cette doctrine est oppose celle de l'me fonci-
bien
et
compltement mchante dont nous venons de parler. optimisme stocien qui considre le g-erme du bien comme imprissable dans le monde. C'est Dieu qui dans sa piti, n'a pas voulu rendre l'me entirement dserte de toute forme divine ^ Cette doctrine est la condition mme de la moralit. Supposons qu'il n'y ait aucune notion du bien dans l'homme. Ses fautes ne peuvent alors tre reprises; il est irresponsable, pur de tout pch ^ Le pch volontaire qui compte seul comme pch, n'existe que par opposition une nature du bien empreinte dans l'me humaine. Cette notion n'est autre que celle de la conscience
et
rement
les
plus mchants.
La notion mme et les principaux caractres de la conscience morale viennent chez Philon de cette orig-ine. La conscience morale est un tmoin intrieur l'me de chacun qui commande comme un roi, rcompense, accuse ou chtie, comme un juge. Il y a une ressemblance remarquable entre les textes de Philon et un texte de Polybe, qui d'aprs Wunderer [Polybos Forschungen^ Leipzig) a lui-mme son origine dans les vers d'un
comique
1
.
ib
2o5, 4o9i
prsence du bien
et
du mal
453.
De Decalogo, T X yX
c< 0yj
'1'
"'
yp
""^P"''
Quod
23, ouro
av6/3w770 Iv
mfjy.M xat
'fktyy^oq
ftlapzo)
cf.,
cruvotxwv
xai
y^priiui-jo,
c,
u.i(Jov:ovp'j^
(r)xj(7iL
^
pivj
XV
dpyoi'j
o-OvsTt
-j
-fi
xn.zoixov<7(/.
^^.(sCkZDc,
vpi(7y.zai,
,
tkT.
X.tq.
ro
sxaa-Twv 'pvPourrexpression
chez Philon, de An. sacr.
;
Y.az-fiy
aoij xt
(Tzi
'ozs
pLpzv pO
>7
Sixc/.az-n, uvzo;
wv.
x(xz
6 pox)
XaSwVTn:i.7Z0(xi<^(t)v
(Tvcrt, cf.
rjvvzirjc,
II,
z\yyzt.
id.^ 5,
241
ib.,
zaq
riviot-iq
zo
(cf.
:
axivziSozQ,
Snque, Ep.
testem).
43, 5
hune
ten., 5,
II,
280.
LE PCH
301
Le texte de Philon parat seulement plus complet que le texte de Polybe mais il a videmment la mme source. Le texte de Polybe ne connat que la conscience du pch, le remords Pliilon
;
;
le
mot
ppaeuTYi
et
que
la
conscience a aussi
Ce fut certainement une des faiblesses du stocisme primitif et de ne pas tenir un compte assez grand de ces sentiments intrieurs de la conscience. Dans le stocisme, celui qui relve et qui rprimande, qui donne des leons reste toujours extrieur Tme pcheresse qui se repent c'est le sage qui seul a qualit pour faire cette ducation morale, et ce n'est pas en lui-mme que le pcheur peut trouver les ressources suffisantes. Les discours d'exhortation^ de consolation, de conseil, de blme qui sont communs d'ailleurs presque toutes les mora-
du stocisme moyen
les
les
la
conscience
le
sage qui
bien du pcheur y tale sa sagesse qui doit servir de modle. Ce sont des consultations du savant un ignole
compose pour
rant.
Une preuve
de
la
maxime
qui indique
conscience morale.
salut
^.
La connaissance du pch
et
;
estle
commencement du
emploie
procds stociens
;
conseil et le
il met dans la bouche de blme restent une fonction du sage Mose ou des patriarches juifs, quelquefois dans la bouche de Dieu lui-mme des discours de blme, de conseil et d'exhortation. Mais la pense profonde, essentielle du philonisme est ail-
leurs
ce
que les stociens attribuaient au sage C'est en lui-mme que l'homme trouve ces conseils, ces exhortations, ces blmes. Mme si le sage en prsence du pcheur se tait par bienveillance, sa conscience lui reprochera d'avoir fait le mal *. Il y a encore un autre point. Sur la nature de cette conscience, Philon a une thorie bien lui qui drive de sa conception mys1.
Le stocisme postrieur
;
le
mme
sens que
lui.
emprunte
l'ide
des tourments de la
Le
sag-e
;
cherche
40, 118
4.
IV,
II,
2'6'd,
le
la
attribus la conscience.
302
tique.
LE PROGRES MORAL
La conscience n'est en efFet pour lui que la prsence du divin dans l'me. Elle n'est qu'un des multiples aspects du Logos
de Dieu \ Sur ce fondement mystique que le bien est l'approche du divin, s'lve cette thorie qui plus tard deviendra un dualisme moral beaucoup plus abstrait. Philon ne pense pas un
moment que
g-rce
lui rsiste et la contredit. Elle est plutt une que Dieu envoie l'me pour l'amliorer. Il y a non pas simple dualisme de deux facults de l'me, mais dualisme d'essence. La conscience est l'homme de Dieu, l'enthousiaste, le possd, l'tre excit par la folie divine, qui donne l'me la mmoire de ses anciennes fautes ^ Ce n'est pas une facult
conscience qui
inne
(a-upLTtecpuxo)
l'me
comme
;
Philon
l'avait reprsente
un clat trs pur qui vient l'me de l'extrieur pour lui montrer ses dispositions intrieures et ses actions vicieuses ^. Elle est la fin du trait de Congressu
d'aprs la notion populaire
c'est
comme
essence intelligi*.
donne
l'me la
honte ^
IL
dpend du degr d'avancement de l'homme dans la voie de la mchant la conscience n'est jamais absente; la connaissance qu'il a du bien augmente son pch ^ L'aspect du mchant peut tre souriant et joyeux mais dans son me il a la terreur des ciitiments qui l'attendent et que la conscience leur malgr eux ils savent que tous les actes a fait connatre humains sont surveills par une nature plus haute ^ La punition des mchants est dans le chagrin et la crainte que leur cause cette menace ^ Au blme de la conscience commence pour l'me l'amlioration qui doit aboutir au changement de l'me et au repentir. Cette d'abord le blme srie de progrs est dcrite ainsi d'ensemble
vertu. Chez le
;
; :
1.
Log-os-s/sy^o, Qu. in
Gen
2.
23
3.
4.
5. 6.
7. 8.
Quod deus immut., i38; cf. de fuga quod deus immut., 125-127. Quod deus immut., i35.
Congr.
er. gr., i58, 179-180.
et invent.
^
et inv.,
ins.y
De fuga
6.
Qu. in Gen., IV, 192, 393. De cou f. Ling., 122. Cf. une peinture analogue, Sn., Ep. io5,
7, 8.
LE PROGRS MORAL
303
le sentiment de honte^ Tinjure pour soi-mme, enfin l'aveu ou la confession des pchs, tant l'aveu intrieur par la pense qu'une confession publique qui doit tre utile aux auditeurs \ La honte des pchs est lie la croyance que la vie peut devenir meilleure % l'espoir de Tamlioration. La confession des pchs est accompagne d'une transformation de l'me qui est le repentir.
Ce tableau correspond pour l'essentiel au tableau du progrs symbolis par la succession des patriarches le premier^ Enos, est l'espoir^ qui distingue vritablement l'homme de la bte, puis vient Enoch, le repentir, par lequel les anciens pchs de l'homme sont effacs, et une vie irrprochable commence vrita:
blement
dr
'\
le
comme
Passons maintenant la description moments. Le passage du blme de la conscience l'esprance est dcrit la fin du trait de Congressu eruditionis gratia et au dbut du trait suivant. Le blme de la conscience, tout amer qu'il soit, est d'une grande utilit pour l'me par lui Fme a senti la grandeur et
;
dsormais, ce n'est pas par mais par honte parce qu'elle se croit indigne de l'atteindre ce sentiment n'est pas d'une me vicieuse et sans gnrosit, il est une image de la temprance. Ainsi le pre rest dans la vie mondaine n'ose pas frquenter son fils qui mne une vie austre \ A lui est li le sentiment d'humilit, non pas l'humilit provenant de la faiblesse", mais la soumission, provenant du respect et de la pudeur, des puissances suprieures^ tel- le respect des vieillards et des parents \ Arrive ce degr, l'me n'a plus besoin de blme, mais de guide et de conseil. Elle est prte l'instruction. Sa conscience l'engage revenir aiors vers la vertu pour se soumettre elle, en prendre le courage et l'aula
majest de
la
vertu
si
elle la fuit
vice,
;
dace ^
1.
2.
3.
4.
5.
De Exsecration., 8, II, 435. De congr. er gr.. 6. De Abr., 7-8. 17-28. De Abr., i24-i3i De congr., i58, i63, 175 de fuga,
;
3, 5,
Wend-
land, 79.
6. Ib., 3o.
7.
De fuga,
5-6.
304
LE PROGRS MORAL
C'est ce moment que nat l'espoir. L'espoir est une sorte de prlude de la joie, une joie avant la joie venant de l'attente des biens. Il est propre l'homme et impossible aux autres animaux, car c'est l'entendement seul qui l'engendre \ Cette dfi-
une de ces
considraient
fait
comme
proche de la lorsqu'il dclare l'espoir identique la confiance (e^j^u'^la) considre dans le langage stocien comme une espce de la joie ^,
et qu'il attribue
au moins tout
bonnes passions que propres au sage l'espoir est joie. Philon va encore plus loin
;
des choses prsentes et l'espoir des biens venir qui s'opposent au chagrin et la
la fois la joie
au sage
crainte
du mchant \ Pourtant
la
il
est
plus conforme
la
ligne
gnrale de
comme
infrieur
effet, comme l'indique son tymologie (sXirl, chose de dfectueux il dsire le bien, mais )A!.-y]<;) a quelque ^. L'espoir n'est vraiment pas le bien tout ne le possde pas entier, mais seulement le germe que Dieu a sem sur la terre
la joie. L'espoir,
pour soulager nos chagrins ^ Aprs l'espoir vient le repentir ([j.Tvot.a). Par ce mot Philon entend non seulement le sentiment du regret qui accompagne le souvenir de nos pchs, mais la transformation intime (jjisTaoXri TYis ^'^'/Tis) qui en rsulte. Le repentir est le passage de l'ignorance la science, du vice la vertu ^ Le premier principe du repentir est la confession intrieure en face de Dieu. Cette confession doit s'entendre d'abord en un sens presque symbolique le mchant croit que ses injustices ont chapp Dieu mais lorsqu'il sait que toutes ses" actions et mme ses penses sont connues par le matre de l'univers, il dveloppe alors devant
:
penses
et se
prla
que
prsence toujours actuelle du divin. Philon confession un sens plus positif. D'abord c'est
la
conscience
la cons-
Qu. in Gen.y
I,
2.
3.
4.
De Josepho, ii3; cf. Arnim, fragm. Quod det. pot. ins., i38-i4i.
io5.
Comme
5.
(2)twv)
De prm.
l'amour de Platon {de Abr., /17). l'espoir est source de l'activit {nriyr} twv et pn., 12, II, 420 puisque lui seul fait agir le commerant, le navigateur (ihid., 2, II,
;
4io).
6.
7.
De pnit., De Somn.,
2, II, 4<j6
l,
de Ahrah.,
17,
18, 24.
90-91
LE PROGRS MORAL
305
de nous donner
allusion
la
po'^ur effet
^
;
fautes
mais
c'est plutt
un aveu
vague
Une
l'indulgence du sage qui pardonne facilement les pchs pour en empcher le retour % un texte un peu plus prcis sur une
confession
des langues
oppose
faire
la
qui se
fait
conclure l'existence d'une pratique suivie de la confession \ Cette confession se fait dans les soupirs et dans les pleurs le pnitent gmit sur sa vie passe d'autant plus qu'il a
;
donn plus de temps aux dsirs ^ Sur l'efficacit du repentir_, la pense de Philon prsente des nuances nombreuses, qui, si elles rendent difficile l'accord entre les ides, nous font voir combien cette pratique tait pour lui
vivante et sentie.
du vritable repentir une sorte d'oscillation de la volont, subite et involontaire, qui nous fait passer d'un vice un vice oppos, par exemple de la prodigalit
Il
le
vritable
y ceux qui ont gol la vertu, mais qui bientt aprs sont revenus au vice, et le repentir dfinitif qui seul est digne d'loges ^ Le repentir se vrifie non pas aux promesses, mais aux actes qui rpareront les dommages qui ont rsult des injustices ^ Le repentir ses dbuts peut tre facilement entrav; il peut tre solidifi et raffermi par l'indulgence ^^ Philon dcrit bien souvent cette inconstance, et, comme il l'attribue
:
il
raire de
1.
2.
3.
4.
Quod deus immut., i38. De An. saci\ id., ii, II, 2^7, Qu in Gen., II, 43, 121. De Exsecr., 8, II, 435.
l'aveu de l'injustice.
5. Peut-tre y a-t-il mme une condamnation de l'usage des confessions publiques dans un texte de in E., i3, 458 le vritable pnitent doit purg-er son me sans tre vu et sans ostentation qui fait ressortir la supriorit de la mditation intrieure. Nous avons vu prcdemment ce qu'tait l'examen de conscience. Qu. in Ex., I, i5, 459. 6. Qu. in Gen., IV, 233, 43 7. Qu. in Ex., l, 16, 460. 8. Qu. in Gen., I, 85, 89.
:
9.
10.
De An.
II,
;
247.
Qu. in Gen., II, 42-43 I, 82, 57 Quelquefois le repentir est dcrit non comme rsultat d'un prog-rs, mais comme un chang-emeot subit, inattendu inspir {de pr. et pn., 8, II, 4io) dont la rapidit tonne le sage {Qu. in
Gen., IV, 207,
[\io).
20
306
la nature
s'il
LE PROGRS MORAL
humaine elle-mme, la vie avec le devenir, Ton ne admet vritablement un repentir dfinitif, sinon en un sens tout fait mystique. C'est ce que ferait croire un portrait du repentant (Enoch) o il interprte le mot de la Bible On ne le trouva pas en ce sens que celui qui par repentir a pass la sagesse ne se trouve plus dans le monde du devenir \ Pour l'homme repentant, il est comme l'ascte la fois dans les tnbres et la lumire ^ toujours expos un changement qui enlve de son me les penses honntes. Ce changement peut tre de deux sortes. D'abord c'est un changement involontaire, subit, qui n'est prcd d'aucune dlibration, une sorte de tempte qui arrache violemment de l'me tout le souvenir des actions vertueuses. La
sait
:
dans le devenir est ainsi presque toujours traverse de chuPhilon recommande de ne pas tenir compte de ces faiblesses passagres et involontaires qui seront bientt effaces par un le plus sage lui-mme n'en est pas exempt, retour au bien La mditation intrieure, au lieu cause de sa nature humaine d'tre continue comme la mmoire, est traverse par des moments d'oubli ^ Il y a une espce de changement beaucoup plus grave; c'est le changement voulu et dlibr vers le mal. Ceux qui restent dans le corps retombent d'eux-mmes dans le vice; ils sont nouveau attirs parle gouffre du Tartare ^ Ce retour au vice est d'autant plus terrible qu'il est plus difficile de revenir la vertu, une fois qu'on l'a quitte, que d'y aller
vie
tes.
^
;
d'abord.
Philon a l'occasion de peindre dans l'ennemi des Juifs, Flacchangement en mal d'un homme d'abord vertueux. C'est elle s'est la perte de l'espoir, la crainte qui l'a rendu mchant accompagne d'un affaiblissement dans l'intelligence et dans la volont. On voit par l le rle que joue l'espoir dans la vertu \ Le repentir dfinitif a pour effet le pardon de Dieu et la remise des pchs par lui l'ancienne vie a t efface et nous
cus, ce
;
1.
De Abrah.
du
lieu sensible
le
le
transfert
2.
Qn. in Gen.,
l,
84, 58.
;
Deagric, 174-181 quod deus immut., 89-90; leg. alleg., I, 17. 4. De mutt, nom., 180. 5. Quod deus immut., 89; cf. la parent du repentir avec la rminiscence (vj:zv/3'7t;) oppose la mmoire.
3.
6. Qu. in Ex., 77, Harris, 4? Gen., IV, 45, 200; IV, i3i, 345.
7.
II,
Qu. in
In Flacc,
4 5 19, 52o.
LA MORALE
DE'^'f'HlLON
307
renaissons une vie nouvelle. Est ce dire que le repentant est aussi haut dans la hirarchie morale que celui qui ne pche
absolument pas ? Sur ce point Philon a deux rponses. Tantt il accorde la premire place l'absence complte de pch et la seconde seulement la pnitence K Il reste toujours dans l'me, dit-il, des cicatrices et des empreintes des vieilles injustices ^ Il vaut mieux ne jamais avoir t malade que d'avoir t g-uri d'une maladie, avoir bien navigu qu'avoir chapp au danger d'une tempte. L'absence de pch n'apppartient qu' Dieu ^ Pourtant l'galit complte du repentant avec l'tre exempt du pch est d'autre part formellement affirme L'importance que Philon donne au repentir a sa raison non seulement dans la vie intrieure mais dans la situation politique
))
de l'intrt des Juifs de la dispersion de laisser entrer dans leurs rangs et de donner une place gale aux nombreux convertis ou proslytes. Le petit trait sur la Pnide
la religion juive. Il est
tence n'est
conversion
qu'un magnifique loge du repentir considr comme la religion j uive. Les proslytes qui accomplissent la loi avec soin sont bien suprieurs aux Juifs de naissance qui l'ont quitte. Il faut remarquer que cetle promesse du pardon absolu des pchs est une sorte de rclame commune toutes les
poque, l'empire romain. Philon emploie formellement le terme d'initiation^ pour caractriser le repentir ou conversion. Mais c'est justement la grande supriorit de Philon sur ces conceptions bien souvent grossirement matrialistes, d'avoir intrioris, pour ainsi dire, le drame de la pnitence II a su, par l'acuit de son observation, voir la transformation mme de l'me dans
ses diffrentes tapes vers Dieu.
Par
chez
plus
l aussi
sa conception
du progrs moral
se trouve bien
extrieur.
cienne sur
les diffrentes
Le progrs moral
est
I.
3.
De mon., II, 8, II, 228. De mon., II, 8, II, 228. De pnit i, II, 4i5,
,
et
peut-tre^ ajoute-t-il,
un homme divin
Cf.
Qu. in Gen.. II, 54, Harris, 28; le repentir n'est pas un tat propre une puissance divine. Qii. in Gen., I, 82, 57. 4. De An. sacr. id., Wendland, 12, i 5. nu(TTayMyr7jv, de pn., i, II,4o5.
;
308
LE PROGRS MORAL
premire priode ressemble une cire lisse, sans empreinte. Puis vient l'enfance o tous les Philon se plaint souvent de l'duvices commencent pulluler cation dangereuse donne par les nourrices, les matres et les
d, suivant ces ides, au progrs des ges
la vie est la
:
la
de
l'esprit
parents
les
lois
et
les
murs y
mme
porte vers
le vice.
guri-
vieillesse
la vie
Au
genre de considrations appartient l'aspect suivant du repentir. Le repentir est le passage de la qualit (7ro(.6v) la disposition stable (s'i^), de l'acte vertueux vite termin l'tat permanent et indestructible qui doit en engendrer de semblables ^. Ce sont l des ides sans rapport la doctrine essentielle du
mme
relvement intrieur.
Tels sont les multiples aspects sous lesquels se prsente, chez
la pense morale. Est-ce qu'ils dpendent d'une doctrine unique et peuvent-ils tre coordonns, en restant fidle aux textes ? Oui et non. Non videmment si l'on veut y chercher une doctrine philosophique unique, stocienne, cynique ou acadmique. On a vu comment Philon a utilis les diffrentes doctrines non pas pour prendre parti pour l'une d'elles^, ni pour les fondre en un vague syncrtisme, mais plutt pour chercher en chacune un moment particulier de la vie morale, depuis Fpicurisme qui lui fournit l'homme ami du plaisir, jusqu'au stocisme qui lui montre le sage, pur esprit entirement dbarrass des liens du corps. Non encore si l'on veut chercher l'unit de sa doctrine morale dans cette ide mme du progrs moral, qui monte par des tapes successives vers le but dernier, la science de Dieu. En effet il y a chez Philon, plusieurs ides du progrs moral, et il est tout fait impossible de les rduire l'une l'autre, de mettre sur une
Philon,
cf. un expos beaucoup plus h., 398, 807 1. C'est l'expos de quis rer. div rsum. Qu. in Gen.. I, 167, 365. L'expos du de congr, er. gr., 8i-85, se rapporte aux deux premiers ges d'une faon plus dlaille le premier g-e pour les plaintes sur l'duest l'ge des passions, le second selui des vices cation de l'enfance, cf, de pnit.^ i, II, l\oh; de judice, 3, II, 846. 2. De mutt, nom,, 128-124.
.
LA MORALE DE PHILON
309
Nous ne voulons pas seulement parier des voies diverses qui conduisent vers la verlu, l'asctisme, Tinstruction, la nature. En effet, Tamlioration intrieure que nous venons de dcrire forme comme un autre ordre de prog-rs qu'il est impossible de rduire au premier. Philon l'indique clairement lorsqu'il rapporte ces deux ordres de progrs deux triades successives de patriarches le premier la triade Enos-Enoch-No, l'espoir aboutissant au repentir, le repentir au calme de la justice; le second la triade Abraham, Isaac et Jacob K Mais, dira-t-on, est-ce que Philon n'indique pas une hirarchie entre ces deux ordres lorsqu'il considre la premire triade comme infrieure, la seconde comme succdant la premire et suprieure? Philon indique en effet que la fin de la premire triade, le repos dans la justice forme la transition avec la seconde laquelle Thomme semble s'lever dans son progrs moral. Les tapes de la vie morale seraient donc l'espoir, le repentir, la justice, l'ducation, la nature, l'asctisme, la perfection. Il y a a priori une telle tranget dans cette hirarchie et elle est si formellement contredite par d'autres textes qu'il faut en chercher une interprtation. Comment en effet admettre qu'il faille monter j usqu' la justice
:
pour commencer son ducation, alors surtout que le disciple des encycliques est imparfait et que le repentant au contraire qui
vient avant lui a
atteint
la
limite
de
la
moralit
permise
l'homme ? Cette tranget s'explique si nous faisons attention que la deuxime triade Abraham, Isaac, Jacob, comporte une
interprtation allgorique double
:
^,
dsi-
gnent
la triade
par oppo-
\ En ce sens nos textes veulent dire simplement qu'aprs le repentir, l'me s'lve de la vertu de la justice la pit. Le progrs espoir, repentir, justice, pit, forme donc un tout bien un et bien comprhensible. Mais en mme temps cette interprtation exclut la seconde. Il y a donc bien deux manires irrductibles d'envisager le progrs moral. Si cette interprtation est conforme l'esprit plus qu' la lettre du texte, c'est que Philon tait amen confondre les deux sens de la deuxime triade. Passionn de l'ordre, plutt extrieur
sition la justice
:
1.
2.
3.
fant
cf. depost. C, 178. De Abrah., De Abrah., 53. De Abr.. 56. La deuxime triade est la premire comme l'athlte l'en[ib.f 48), No est le juste, et les trois autres patriarches sont les saints.
\
310
qu'interne, et en
la
LE PROGRS MORAL
mme temps
il
assujetti par sa
mthode
suivre
chronologie de la Gense,
des patriarches, la
effet,
la suite
l'y
trouvera, en
dans
le passag-e
d'Adam
(neutralit morale)
No, enfin
la
deuxime
triade, celle de
la
pit.
introduire tous les genres de progrs moral, il seconda interprtation de cette deuxime triade. Alors l'ordre chronologique est sauf; tous les tropes de l'me ont reu leur dsignation mais cet amas de notions ne correspond plus Tordre intrieur des tats d'me. Philon n'a voulu sacrifier aucune des directions qui pt rendre service au perfectionnement intrieur mais il n'a pu, ou peut tre guid par l'instinct de la complexit de la vie intrieure, n'a pas cherch en faire une direction unique. C'est ailleurs, croyons'nous, qu'il faut chercher l'unit de cette morale de Philon. Elle est la premire morale de la conscience, nous entendons par l une morale qui cherche son point d'appui non plus dans une thorie physique sur le monde et sur la place de l'homme dans le monde^ mais uniquement dans les sentiments intrieurs de la conscience; le sentiment de crainte et de remords et le sentiment de joie libratrice en sont les deux ples. Partant de ce point de vue on peut dire que Philon supprime tout ce que la morale antique contenait d'humanit. Ces sentiments intrieurs en effet que l'homme ne cre pas proviennent de l'action du divin sur l'me. La moralit ne consiste pas sui:
fonction d
homme^ mais
homme
mme
de
l'homme compos
morale
tel qu'il
est dplac.
>
CONCLUSION
Nous voulons
les traits
principaux de
pense de Philon.
rapports ne font pas l'objet d'une thorie philosophique concepts limits et dfinis
:
ils
sont l'expression
telle
;
mme
de l'exp-
Une
contempla-
reprsentation comprhensi ve
pour
la
spontan
Au
contraire
la foi
reconnaissance de son propre nant et du nant des choses extrieures c'est par le vif sentiment de l'incertitude de la connaissance et de l'inscurit de l'action que l'me arrive
l'me de
la
;
comprendre Dieu. La connaissance qu'elle a de Dieu est moins une connaissance rflchie qu'un acte d'humilit. L'me loin d'tendre ses puissances pour arriver l'union avec Dieu, doit au
contraire se contracter et finalement sortir d'elle-mme. Mais
que
l'on
ce n'est pas
une
extase
que
la
moment
ravie
de Dieu.
la
Ces expriences
si elles
intimes d'enthousiasme
sement de
tristique
de l'extase
la
personne
312
CONCLUSION
foi
humaine. La
en Dieu
mondaine. Un Dieu
s'ensuit
ainsi
c'est
par
lui seul
qu'on peut
le
connatre.
Il
que
la seule
mthode
discours sacr
par l'intermdiaire de Mose, Ce discours n'est pas une autorit galement claire pour tous les hommes il n'est donn qu' ceux
,
le sens.
;
La
la
nature divine
faible
et intelligible
le
pour
la
que pour les initis. Gomme plus symbole d'un dveloppement dialectique, que l'exprience ne permet de saisir que du dehors, et auquel la dialectique rationnelle peut seule donner un sens, ainsi Philon voit dans l'histoire de son peuple et les prescriptions
tard Hegel
fit
de l'histoire
le
de la Loi l'image d'une histoire intime et plus profonde, celle de l'me qui s'approche ou s'loigne de Dieu. Le symbolisme est bien prs chez lui d'acqurir un sens universel. Chez les stociens, il tait un simple moyen de rconcilier la religion populaire et la philosophie; pour Philon, tout tre, sauf l'Etre suprme qui chappe notre comprhension, est symbole d'un
tre
et
suprieur. Si la parole de
le
Mose
un sens
intelligible
cach,
mais une formule intrieure qui ne s'exprime pas par des mots. On voit assez que la mthode allgorique est lie l'ide la plus elle sera toujours unie d'ailleurs, fondamentale du systme dans l'histoire de la pense humaine, ces doctrines qui, repoussant, d'une part, la raison autonome, et n'acceptant pas non plus la rvlation extrieure et cristallise en formules verbales^ mettent la vie de l'me dans une rvlation intrieure et
;
ineffable.
Ajoutons, pour qu'on ne soit pas tent de condamner trop vite la mthode allgorique, avec toute sa lourdeur et ses trangets, que,
mme dans
fait
CONCLUSION
313
rduction des procds
le
durcissement,
si
naturelle l'esprit.
si
une potait
que o
chose
peut-tre indispensable.
C'est,
pour Philon,
le
caractre essentiel de
rvlation d'tre
permet de suspendre cette ide toute la vie morale de l'homme. Si la rvlation est extrieure, le conformisme lgal des actes qui est g^alement extrieur suffit la moralit. Philon connat autour de lui et condamne cette tendance rduire la vie morale l'observance lgale. Si la rvlation du bien est intrieure au contraire, c'est par une amlioration intrieure de la volont que l'homme atteindra la perfection. La vie morale sera un drame intrieur, oscillation entre la vie de pch, dans laquelle l'me repousse la parole divine salutaire qui veut l'amliorer, et la vie parfaite, o elle s'y soumet sans restriction, abandonnant tout vouloir propre et s'identifiant finalement avec la parole de vrit. La conscience morale est une des formes ou plutt un moment de cette rvlation elle apparat, au milieu de la vie de pch, pour produire le remords des fautes aucun pcheur, si endurci qu'il soit, n'chappe ses avertissements. Un des plus nobles aspects du philonisme est d'avoir fait de cette rvlation intrieure, en mme temps que le principe de l'amlioration de l'me^ le principe des vertus sociales Philon a senti et a expriment, soit en lui-mme, soit dans son entourage, le danger qu'il y avait se perdre dans les jouissances mystiques de la vie intrieure, en ngligeant les devoirs pressants et actuels qu'impose l'homme sa situation dans la socit. Il y a chez lui un sincre dsir, qui
intrieure, et c'est ce qui lui
; ;
voit,
dans
la
mun que
et
le
son
cherchant communiquer aux autres le bien dont il est rempli. La rvlation tend son action, par l'intermdiaire du sage, ceux qui vivent en contact avec lui. 11 n'y a l aucune contrainte, mais seulement une vertu qui s'pand, par sa propre
richesse intrieure. Les rapports sociaux, loin d'tre supprims,
deviennent donc moins extrieurs, plus intimes et comme plus pntrs de sentiment. On trouve chez Philon des paroles de
314
d'humanit, prononces.
piti et
telles
CONCLUSION
jamais
La philosophie cartsienne nous a accoutums penser qu^il y avait entre la raison et la foi une sparation absolue et rig-oureuse. Renan, dans le bel article qu'il a consacr Philon, le
compare
Philon de
mme
lui.
Le culte de Dieu
la
est
un culte
S'il y a une comparaison chercher, c'est bien plutt dans le systme de Spinoza la connaissance du troisime genre et la vie ternelle du Juif hollandais offrent des ressemblances trs nettes avec la mtamorphose en pure intelligence et l'immortalit du Juif alexandrin. Chez les deux philosophes, il s'agit d'un abandon complet des passions et d'une connaissance intuitive et
:
dans
les
deux
cas, le pas-
sage
suprieur a lieu non par une volution spontane, mais par une mtamorphose intime et totale de tout l'tre. Mais surtout Spinoza prtend bien faire de cette intuition le plus haut
l'tat
Philon y voit galement non pas une connaissance irrationnelle, mais une raison suprieure celle qui s'exprime par la dmonstration et le discours K L'inspiration philosophique n'est donc diffrente ni par son objet ni par sa mthode de la rvlation mosaque ^ C'est cette conception d'une rvlation rationnelle qui permet Philon de recevoir dans le judasme toute la philosophie g-recdegr de
la raison.
que. Mais en
mme temps
elle l'altre
profondment,
et
dans
son essence mme. Cette altration est au premier abord assez dlicate apercevoir. Philon crit des traits de philosophie grecque et en philosophe grec, comme le de Incorriiptibilitate mundi ou le de Prouidentia. Ses crits exgtiques eux-mmes
influence directe de Philon sur Spinoza est fort vraisemblable (la lettre XXXIl des op. posth. Qu. de Blyenberg-h sur l'explication de l'anthropomorphisme est rapprocher de Philon). 2. Parmnide, Empdocle, Znon, Clanthe, ailleurs les Pythagoriciens thiase trs sacr (de provid., II, 48 sont des hommes divins et forment un quod omn. proh. lib., Il, \^^). Heraclite dans sa doctrine des contraires ne
1.
Une
la
fin
de
<
fait
({u'ajoutcr
d'immenses
et
laborieux arguments
III,
un dogme
qu'il
emprunte
5, 178).
CONCLUSION
315
sont pleins de fragments philosophiques, qu'il y introduit sans changement. Il n'a nullement cette attitude combative que pren-
les
apologtes chrtiens
II
est
indubitable cepen-
dant que le talent comme le besoin dialectique lui manquent. Il approuve ou s'indigne. Il y a des discussions dans son uvre mais elles sont empruntes d'autres, et parfois il les interrompt, les jugeant oiseuses et sans porte. Cette absence de critique tient moins au dfaut d'originalit que Ton a souvent constat chez Philon qu' un changement radical de point de vue.
;
L'objet de la philosophie grecque, depuis les physiciens jusqu'aux stociens est de dterminer les principes des tres tels qu'ils sont. Mais si l'on accepte comme moyen de cette connaissance la rvlation, on interpose alors entre l'intelligence et son objet une personne intermdiaire qui lui sert de guide et de matre. C'est Dieu qui donne aux sens et Tintelligence les choses sensibles et intelligibles. Mais, tandis que la connaissance pure tait l'objet de la philosophie, le rapport avec Dieu qui est la condition de cette connaissance risquera de devenir Tlment principal qui cache tout le reste. L'objet de la philosophie est pour Philon moins de connatre que de rapporter Dieu, par
un
ou plutt ce
connaissance stable et certaine. D'autre part, dans la joie de ce rapport intime Dieu, de cette prsence divine dans l'me, le contenu mme de la connaissance tend s'effacer. Tout tre apparat un nant auprs du matre divin. La rvlation qui tait un moyen devient un but. La conrapport est
seul
la
moyen de
la
gnose
au sens que
le
mot
un peu plus
tard.
Nous avons
constat, propos de
au moyen. Mais il en est de mme dans la connaissance philosophique qui n'est plus chez Philon son but elle-mme. Ceci est de grande consquence. Lorsque la connaissance a pour objet les tres extrieurs ou les ides, c'est dans ces tres
donne,
mmes que l'on prend la notion de leurs principes, soit que comme les physiciens, un de ces tres, une place
l'on
pri-
vilgie pour en faire l'origine du tout, soit qu'on cherche ces principes dans des tres analogues aux essences mathmatiques idales, comme Platon. Mais si la connaissance se complat et se
termine
tion, la
comme
on verra dans
la rvlation de l'tre suprme, rapport personnel contenu dans cette rvlaraison mme et l'essence de tous les tres. Que sont en
chez Philon
le
316
effet les
CONCLUSION
intermdiaires chez Philon sinon les instruments de la rvlation en mme temps que les causes et les principes des tres? Les anciens principes de la philosophie grecque, le Logos,
peuvent trouver place dans le systme des tres, que ils deviennent en mme temps que principes physiques, des instruments de la rvlation, ou des tres qui reoivent eux-mmes cette rvlation. Ainsi se transforme encore le monde intelligible, ainsi encore le monde lui-mme, intermdiaire entre Dieu et l'homme Le seul principe d'existence est le rapport Dieu, non pas conu comme un rapport physique, mais comme amour, culte et connaissance inspirs par Dieu. Le nant, c'est ce qui est sans rapport avec Dieu, non pas en ce sens que Dieu ne l'a pas produit physiquement, mais qu'il l'abandonne moralement. L'ide centrale de toute la mtaphysique philonienne est de substituer, comme raison explicative, le rapport moral des tres Dieu (inspiration, rvlation) un rapport physique ou mathmatique. De ce point de vue, on comprendra l'attitude de Philon par rapport la philosophie grecque Le platonisme est pour lui particulirement important mais il n'en recueille pas tout, ni mme le principal. Il y voit avant tout le dmiurge du Time qui cre le monde par un acte de bont, l'amour intermdiaire entre
l'Esprit ne
dans
la
mesure o
l'homme et le bien, et le monde intelligible ce monde n'est pour lui cependant un principe d'explication du monde que dans
;
la
mesure o
il
prophtes
et
ne reoit donc
du platonisme que cequi implique un rapport moral entre Dieu et l'me humaine. On chercherait vainement expliquer par le judasme de Philon une pareille transformation de l'esprit grec. Les causes en doivent plutt tre cherches dans le milieu alexandrin. C'est l, sous des influences multiples et obscures, que s'est accomplie
cette fusion entre philosophie et rvlation d'o est sorti le phi-
lonisme. L
laboration,
s'est
le
Dans
cette
stocisme a jou
premier
est
fait.
Dans l'alexandrinisme qui interpose entre Dieu de nombreux intermdiaires, l'union avec Dieu,
COiNCLUSION
317
la vie
comme
point de dpart
non chez
juive
a-t-il
les
prophtes
la
juifs, qu'il
a pris
l'ide
de
la
parole
et
divine et de
humain
pra-
du Dieu suprme, toujours plus lev que l'me qui veut l'atteindre et chappant sans cesse ses prises, reste bien celle du Dieu juif qui, suivant le prophte Isae, n'est semblable aucun tre. Elle introduit dans la vie humaine un principe d'activit morale, une recherche sans fin d'un objet toujours dsir qui manque au mysticisme alexandrin des livres hermtiques. De plus, par l'ide que la rvlation est de nature morale, qu'elle est rvlation du bien et de la vertu, il fait concider le dveloppement de la conscience morale et de tous les
tique. Sa conception
en rsultent avec
le
dsir et
Tamour de
Dieu.
Aprs des
sicles de
notion de conscience nous est devenue habituelle et vidente ; c est ce monde spirituel toujours mouvant et obscur, travers
d'motions, de joies
et
importance
les
et
son rle. Si
pour
Les tres extrieurs perdent leurs limites arrtes et prcises, leur harmonie stable, pour entrer dans le tourbillon de cette vie spirituelle. Le Dieu suprme et les tres divins ne se comprennent que par la plnitude de joie qui entre spontanment dans l'me pour lui donner le sentiment de sa perfection, ou par le sentiment d'un secours,
cosmique aux
d'un espoir qui sauvera l'me de l'attrait des passions. Il est un tre spirituel, et bien qu'il dpasse la conscience, c'est dans le recueillement de la conscience qu'on le trouve.
Cette connaissance intime, par l'esprit, rend, bien entendu,
inutile et sans intrt toute espce de connaissance inductive, de
mme
science.
318
CONCLUSION
Et pourtant, aprs une longue priode o les proccupations la vie spirituelle ont t dominantes, c'est dans la pense mme, dans l'esprit qu' l'aurore des temps modernes, Descartes
de
trouvera
science
la
base de
la
certitude scientifique
et l'idalisme cri-
fondement de l'exprience sensible, dveloppera la signification profonde de ce monde spirituel dont Philon, un des
le
premiers, a eu
le
sentiment.
APPENDICE
I. Le de Incorruptibilitate Mundi. Ce trait, aprs avoir <^-y^expos en un prambule (jusqu'au chapitre V, p. 491 '^o'^' VT|Tov...) les opinions de divers philosophes, puis d^Hsiode et de Mose sur le commencement et la fin du monde, droule jusqu' la fin, une srie d'arg-uments destins montrer, les uns que le
:
monde
est
sans
commencement
et
ment qu'il est sans terme. Gumont, dans son dition critique, a montr que Tordre des pag-es du manuscrit avait t troubl, et
en rtablissant l'ancienne disposition n'a pas peu contribu
claircir la
(et
il
marche de la pense. Mme si ce trait est de Philon ne semble pas que Targumentation d'Arnim soit suffisante pour en montrer l'inauthenticit) \ nous ne pouvons lui attribuer
qu'une valeur purement documentaire, de premier ordre il est pour l'histoire des doctrines philosophiques, surtout stocienne et pripatticienne ^, mais nous ne pouvons songer,
vrai
i*' Philon n'a pas Thabitude 1. Les arg-uments d'Arnim sont les suivants de citer ses sources, ce que fait l'auteur du de incorr. 2^ il ne pouvait soutenir 1 ternit du monde a parte ante 3 il tait trop stocien pour citer Aristote avec respect. Tout ceci s'explique facilement, nous semble-t-il, par le caractre mme du trait. C'est, comme l'a montr Arnim lui-mme, un exercice d'cole, un t^aa, o l'on entasse tous les arguments pour et contre sur une question donne. Ce que nous avons conserv du trait contient les arguments pour l'incorruptibilit mais la phrase finale indique qu'il s'achevait par un dveloppement inverse. Le wo-tts^ ijjaa-tv, propos des inondations du Nil (ch. VI) n'indique pas que l'auteur n'habitait pas l'Egypte, puisqu'il reproduit ici une argumentation de Critolaos. Il ne faut pas cependant tenir compte pour l'authenticit de ce qu'une partie du trait concide avec le izspi x6(7|tzo-j (comme Hilgenfeld dans la recension d'Arnim). Ce dernier ouvrage, sans aucune importance, est compos d'extraits des uvres de Philon et a pu l'tre aprs que le de incorruptib. tait entr dans le corpus des uvres. 2. Les sources du trait ont t surtout tudies par Bernays [Ueber die unter Philons Werken stehende Schrift ber die Unzerstrbarkeit des Weltalls . Berlin i883, in-4 Gesamm. Abhandl. I, 283 sq.) surtout les derniers chapitres sur Thophraste, par MUer {de Posidonio Manilii auctore,
: ;
;
320
APPENDICE
avec Cumont, l'accorder avec l'ensemble du philonisme. Ce ne peut tre pour son propre compte que Philon dmontre
que
il
le
monde
n'est
partout ailleurs
fait
constamment de
en
parte ante K Rien dans le texte n'autorise Cumont en penser que Philon a concili la thorie de la cration et celle de l'ternit en affirmant que le monde tait cr, mais cr de toute ternit. Sans doute il affirme simultanment que
efFet
monde a
est une uvre divine (Gelov Ipyov) et ternelle (e^ mais l'expression n'implique pas la cration de Dieu. La thorie authentiquement philonienne que Dieu agit toujours (principe sur lequel se fonde, dans notre trait, l'ternit a parte post du monde, ch. XIII) ne peut non plus s'interprter dans le sens de l'ternit du monde. Car par cette action. Dieu ne produit pas seulement le monde sensible dont il est seul question ici, mais l'intelligible ^ La thorie platonicienne de la limitation dans le temps ne revient nullement non plus dans l'esprit de l'aule
monde
2
;
alolou)
comme le dit Cumont, puisdonn la peine au chapitre IV d'carter une fausse interprtation du Time qui tendait prcisment faire soutenir par Platon l'ternit du monde. L'on ne peut non plus rapporter
teur, la thorie aristotlicienne,
qu'il
s'est
la fin
perdue de notre
trait le
1901) qui ramne Posidonius tout ce que Philon dit des par Zeller (Herms, IV), et par Arnim, qui dg-ag-e plusieurs un platonicien clectique auquel se rapportent les quatre sources premires preuves de Yu'ji^apci (ch. V. depuis to; z yivmTov vno(Trcv(xt ch. X fin, 1 1 12, i3) 2" une source pripatticienne qui expose les arg-uments pour la double ternit, et contre la conflagration (ch. i4, i5, 5 fin, 6, 7, 8, B0/360) et laquelle Arnim rattache toute la suite jusqu'au 9, 10, jusqu' chap. 20 sur les Stociens qui ont abandonn la conflagration universelle, puis ces la discussion des arguments rapports Thophraste (ch. 26 fin) arg-uments eux-mmes (28-24) sont stociens et, rapprochs de de provid., I, I, 5-19 et de Diog. L., nous permettent de remonter une source commune stocienne, un trait sur la gnration et la corruption du monde, bien infrieur d'ailleurs Thophraste, ce qui empche de rapporter Thophraste lui-mme les rponses ces arguments.
diss.
Leipzig-,
Stociens,
:
De
Ch.
op.
m.,
II, 12.
2.
8, p.
signifie pas l'uvre d'un Dieu extrieur au ment suivant, le monde est sa propre cause.
3.
Leg, alleg.,
III,
16.
321
mme
rapporte faussement Porphyre, ajoute auteur le monde est devenu, mais qu'il
que suivant
est coternel
le
au
(ysysvra-Gat. [j.v a-uvai8',ov Se tw 'n;7rot.T,x6':'.). Mais pourquoi la mention de Porphyre fausse pour le premier passage de Zacharie^ ne serait-elle pas vraie pour le second? De plus Philon annonce qu'il va traiter dans la fin perdue du trait les arguments pour la corruptibilit du monde et non pour l'ternit L'argumentation de dtail est trop oppose souvent ce que nous connaissons de Philon, pour qu'elle puisse reprsenter sa pense. Par exemple au chapitre VI, il s'lve avec une grande force contre le mythe des hommes ns de la terre , pour soutenir qu'il faut remonter l'infini dans les gnrations humaines. Cette argumentation, emprunte d'ailleurs Gritolas le pripatticien, est trop oppose renseignement biblique dont Philon admet cependant la lettre % pour rpondre sa pense. Il ne peut non plus admettre que le monde soit cause d'existence pour lui mme (chap. IX). Au contraire la longue critique de la
crateur
Philon.
II.
La
Il
du trait de la vie contemplative. Le grand intrt de ce trait est qu'il offre la peinture d'une pratique de cette vie religieuse, dont nous venons de donner la
le nom de thrapeutes des solitaires jene et l'abstinence, s'adonnant la lecture et au commentaire de la loi, la composition d'hymnes et de pomes religieux, enfin la mditation de Dieu et de ses vertus. Ce trait constitue un des problmes les plus captivants et peut-tre les plus insolubles des uvres de Philon; l'norme littrature qui s'y rapporte depuis les premiers tmoignages d Eusbe de Gsare jusqu' l'dition critique de Conybeare ^ n'a pas russi l'lucider entirement. Le trait est en ef^et la source unique que nous possdons sur ces solitaires. Eusbe qui est le premier en faire mention ne les connat que d'aprs Philon. Les phrases de Clment, d'Origne et de Lactance dont Conybeare et Wendland ont vu, peut-tre tort d'ailleurs*, le modle
thorie.
Il
dcrit, sous
le
vivant dans
1.
La phrase
finale
l,
du
trait l'indique.
2.
Qu. in Gen.,
4-
3. Philo,
4-
Clem.
Strom.,
V,
i,
322
APPENDICE
trait,
dans notre
du trait mais ne donneraient rien de nouveau sur les solitaires eux-mmes. Philon tmoig-ne qu'ils composaient des hymnes. On a cru dcouvrir dans des papyrus quelques-uns de ces hymnes \ Assurment Thymne de Dieterich appartient un cercle judogrec mais le genre de syncrtisme qu'on y rencontre, et qui est le syncrtisme evhmriste d'Eupolme, est une raison suffisante pour ne pas l'attribuer aux thrapeutes; ceux-ci emploient la mthode allgorique et restent parfaitement orthodoxes. Wendland ajoute que les hommes purs auxquels s'adresse l'hymne peuvent tre non pas les Essniens ou Thrapeutes, mais les Juifs
;
en gnral. Si nous nous nous tournons du ct de Philon lui-mme, les rapprochements ne manquent pas. Mais tous ils portent exclusivement sur la doctrine morale ou thologique des thrapeutes.
Les deux
la loi,
traits
y sont mme frquents. Mais nulle part Philon ne mentionne des personnages qui vivaient la faon des solitaires de la Vie contemplative. Si quelques traits de la vie religieuse, telle qu'elle se prsente dans les autres uvres de Philon, concident
avec la description de la Vie contemplative^ ces traits sont communs tous les Juifs et ne dsignent pas spcialement les thrapeutes. Ainsi
et
il
y a une grande ressemblance entre la lecture telle qu'on la pratiquait dans les syna-
gogues alexandrines et les runions hebdomadaires des thrapeutes pour commenter la loi ^ On y reconnat encore plusieurs les deux dtails qui correspondent au culte de Jrusalem prires matin et soir correspondent aux sacrifices quotidiens les phmreutes qui dsignent chacun leur place dans l'assemble sont Jrusalem les prtres du jour qui officient tour
:
de Vita Cont., 47^, peut se rattacher Qu. in Gen., IV, 20, 260 de Jos., i35 ibid., V, 4? 22, relate un proverbe trop banal pour le rattacher la Vit. Cont. Le texte de Lactance {div. instit., IV, 28) sur le faux mpris de l'argent chez les philosophes grecs est prs de vita cont., 473- Mais le texte de Lactance est plus complet; il prcise autrement l'anecdote de Dmocrite et ajoute d'autres exemples. Nous pensons plutt que ces deux textes se ramnent une mme source plus ancienne. Les deux apologtes juif et chrtien ont pu ici profiter des critiques des philosophes qui ne sont pas rares dans la littrature grecque.
(p. 2o3) lire
1.
Schr.
2.
Dieterich, Abraxa&^ p. i38. Wendland, Die Therapeuten u. die phil. vom bescfiautichen Leben [Jahrbb. /'. Kiass. P/iiiol., 1896), p. 751.
Vita ont.,
3, p.
476
et
Vit.
Mos.,
II,
211-217
de Som.,
II,
127.
323
de rle la table qui sert au banquet'^est rapproche par l'auteur lui-mme de la table des pains de proposition dans le temple ^ Mais sur les particularits de leur manire de vivre, leurs habitations, leurs ftes sacres, leurs hymnes, nous en somme.'f rduits ce trait. On a cru cependant trouver des allusions ^ Le texte du Decalogue (qui correspond au dveloppement du trait sur rivresse) contient un avertissement ne pas avoir sacrifier aux devoirs de pit envers Dieu les devoirs de justice envers les purs amis de Dieu ne possdent, dit-il, qu'une les hommes moiti de vertu. Ce texte ne peut s'appliquer aux thrapeutes dont la philanthropie est plusieurs fois vante ^ Le second texte, un peu plus prcis, reprsente le thiase des sag'es abandonnant volontairement les biens extrieurs et corporels, et rduits pour la vrit l'me, devenus des penses incorporelles ils se cachent, vitent la rencontre avec les mchants. Mais la suite,
;
:
(Fmigration de
la vie
mortelle
ici,
la vie
immortelle)
rels,
fait
bien voir
mais de purs Dirait-il en outre qu'ils esprits. sont si difficiles trouver chez les Barbares et chez les Grecs (35) aprs avoir dit dans la Vie contemplative'' qu'on les rencontre partout dans les pays g-recs et barbares et qu'ils surabondent en Egypte. Nous sommes donc bien en prsence d'une source unique dont l'existence nous est atteste la premire fois par Eusbe. Aussi toutes les hypothses ont pu se donner carrire ^ Nous laissons tout de suite de ct celle de Lucius qui, reprenant et modernisant une thse d'Eusbe, voit dans notre trait une uvre bien postrieure l'poque de Philon et qui dpeint une
communaut
que que l'on trouve la fin du chapitre o la supriorit des prtres du temple sur les thrapeutes est pose en principe, serait une raison suffisante pour la rejeter.
Plus intressante est
la
thse de Friedlsender ^
Il
est,
selon lui,
impossible que cet crit n drive pas des cercles judo-alexanibid., 10, 484V. C.., 8, 481 716 de decal., 108 Mut. nom., 32 35. oO ch. 2 fin 3. Vit. Gont., 2,473 fin, par opposition aux philosophes ^recs Lv. at(7v6pw7Ttav les relations filiales entre les vieux et les jeunes g, 4^2 fin thrapeutes. 4. ch. 3 au dbut. 5. Histoire de ces hypothses dans Lucius, die Therapeuten, p. 2 sq. (Strass1.
V.
C,
3,
475
et
de
Vict., 3;
p.
2.
Cites par
Wendiand,
;
burg-, 1880).
6.
Zur Entstehunggesch.
324
driiis
APPENDICE
mais
parti juif
il driverait, non de Phiion lui-mme, mais d'un que Phiion condamne. La preuve en serait faite par
l'opposition qu'il y a entre l'idal philonien et l'idal des thrapeutes. Ceux-ci, plus radicaux que Phiion, tireraient du principe
asctique de
la
les
plus extrmes en
ncessite l'usage
la
du corps
et
et
vie contemplative
solitaire.
Au
contraire, Phiion,
plus
modr, exprime souvent la ncessit pour l'homme de se mler dans toutes ses manifestations. Les thrapeutes auraient ensuite essay de rattacher la vie religieuse Phiion, par le faux de la Vie contemplative. Mais l'opinion de Phiion sur la vie sociale parat tre plus complexe que ne le veut Friedlaender ^ Tous les textes utiliss par Friedlsender sont tirs du Commentaire, mais l'ide thrapeutique est, au contraire, en accord complet avec le dsir de solitude et de contemplation que Ton trouve exprim par exemple au dbut du livre III des Lois spciales. Pour le grand dveloppement du Commentaire ^ sur la vie pratique, nous ne pouvons y voir une condamnation des thrapeutes comme le veut Friedieender, mais seulement des cyniques qui sont indiqus assez prcisment au | 33. Enfin ce texte n'a peut-tre pas toute la porte qu'on lui donne. Phiion considre en effet, malgr tout, la vie pratique de l'homme comme exclusive de la vie contemplative, propre l'intelligence purifie. Celle-ci reste toujours pour lui le but le plus haut, et il a bien en ce sens le mme idal que les thrapeutes. Seulement il pense qu'on doit commencer par la vie pratique comme prlude de la vie contemplative. Or rien ne prouve qu'il n'en fut pas ainsi des leur proccupation de ne pas dtruire leurs thrapeutes richesses lorsqu'ils entraient dans la solitude, mais de les lais la vie sociale
;
ser leurs parents et leurs amis, ferait plutt croire le contraire. Ils
s'y sen-
taient prpars.
Donc on
Phiion un loge des thrapeutes. Mais il est impossible, en l'absence de tmoignages externes, d'arriver une conclusion
plus positive.
1, Cf.
Massebieau
et
De fuga
et inveni., 23-48.
INDEX ALPHABTIQUE
Les mots en italique indiquent les ouvrages et les auteurs anciens. Les petites capitales N.-B. indiquent les auteurs contemporains. Les chiffres gras renvoient aux pages o les sujets sont traits pour eux-mmes.
A
Acadmie
(Nouvelle), 290 sq.
162. 164.
Augurai
(Art), 181
Adam,
Aulu-Gelle, 160.
AUSFELD, 255.
Autodidacte (sage),
n.
164.
122. 282.
275-279.
179.
B
Baruch, i49 n.
Bernays, 3ig
n.
Berholet, 10 n.
Bien, 72. 91, 98. 96. 99. it5. 184. i53.
i53. 236. n.
Blme (Discours
Bois, 47-
de), 285.
Antiochus d'Ascalon, 268. 269 sq. 283 n. Antislhnes, 266 272 n Apathie, 254- 280 Apion, 238.
Apollon,
74.
n. 166.
i6g n.
n.
Brochard, 272
n.
Arche, ii3.
Archyfas, '18 sq.
Ariste, 46.
C
Caligula, 21.
Garnade, 167 n.
Casuistique, 206 sq.
78.
26.
160
sq.
197.
89 sq. 281.
i5i.
281 n. 819.
164 n.
Artapan,
46. 249.
196.
Aruspices, 181.
Gicron,
12.
25.
79.
129
n.
160.
180 n. 182. 188 n. 186. 192, 198. 194. 24) n. 254 n. 259. 260 n. 281. 288 n.
285 n. 290 n.
Glanthe, 265 n.
Astrologie, i58.
164-170.
282.
Glment d'Alexandrie,
89.
4o
n. 48. 821.
326
Clomde, 85. CoHN, 69 n.
86.
INDEX ALPH^^BTIQUE
E
Ecphante, 19. Education, 116. 280 sq. Effort moral, 266. 279, 295.
Comprhension, 201.
Confession, 3o4 sq.
Conflagration universelle, 88. iDg.
Egypte, 20. 81
n. 33. iio.
m.
i25. 129
237-249.
282.
Elments, 148. i63 sq. 172. 288. Eloge (Discours d'), 285.
Elter, 48. 49.
GONYBEARE,
Gor, 119.
.321.
Cornutns, 36. 38
235 n.
i48 n.
Empdocle, i63. 297. Empire romain, 21. 38. Encycliques, 167.280. 281 sq. Ensidme, 210. 212 sq.
128.
285 n.
Eschatologie,
4- 10.
Espace,
Esprit
81
Espoir, 3o4.
(llvsOijia),
95. 96.
112. 122.
124.
133-136.
Esther,
Essniens, 49-53.
D
Daremberg, 119 n. Dareste, 3i il, Darmesteter, i5i n. Decharme, 36. 109 n. 226 Deissmann, 48. Dmocratie, 82. 89.
Exgse palestinienne,
45.
196-205.
n.
219.
Extrme-onction, 299
Ezchiel, 128.
Dmons,
128. i3i.
F
4o.
Denis, 120.
Denys de Thrace,
Descartes, 3 18.
Falter, i53.
Fils de Dieu, 117. 170. 284 sq.
Flaccus, 806.
Foi en Dieu,
217-225.
99.
822.
FoucART, 4o
n. 119 n.
Dieu,
154.
69 82.
169.
Fraternit, 258.
Freudentiial, 159.
[61 n.
Diodore de Sicile, 28 n. 288 n. 287 n. Dion Ckrysostoine, 14. 119- 268. 265 n.
266. 268. 269. 272 n
G
Galien, i33 n. i84 n. 286 n.
Dionysos, 120.
Diotogne, 19 sq. Divination, 4i. 180.
91,
Dogmatisme, 207-209. Doxographes, i63. 210 sq. Dkummond, 46. 72. 76. 81.
n. 817.
186. 170 n.
Gouvernements,
82.
Grces (Xapirs),
108.
ii3.
1^7 sq.
Grammaire,
Jean
292.
le
n.
Grand-prtre, 117.
Guyon (Mme),
GUYOT,
72.
179 n.
H
Hads, 38. iio. 241
sq.
Judasme, 3-66.
Justice
(d/.vj),
70. i63.
Harmonie des
Hasard,
contraires, 87 n.
76. 89.
K
io3 n. iio n. ii5. i36.
Hcate d'Abdre, 23 1.
Heinze, 84. 85.
Heraclite, 48. 86. 87. 99. 161. 2i3. 297,
Hrsie, 298.
L
i25. 164. 238.
Jactance, 32 1.
Lefbure, 125 n.
Lgislateurs, 16.
18.
Hirogamie,
119.
n.
Lieu, 81.
HiLGENFELD, 3l9
Hippocrate, 286 n
ii-34.
11.
Loi naturelle,
117.
i4i
117. 118
Homre,
162 n. 243.
139,
Homme
idal,
ii3.
homme
ii4.
de Dieu, 82.
95. 96.
121-126.
i35. 189.
Lucain, 201.
Lucius, 323,
Homme
Lucrce, 37.
HOROWITZ,
i5i.
M
I
Macchabes,
Ides, 71. 72.82.97. 121. 122.
Idoltrie, 168.
29. 46.
i49-
152157.
Maa, 109.
Mal, 99. i3o. Malebranche, 3t4.
242.
Inspiration, 45. 106
i34.
i35.
Instruction, 23i. 279. 295. Intelligence, 92. g5. 96. io3. 120. 121.
123. 143. i52 sq. 160. 189. 202.
Manthon,
55.
Manilius, i63.
2o4 sq.
98-101.
112-158.
Maxime
Isiaques, 112.
Isis,
III. 120.
Mlange
{Kpat,),
i43.
15;. 159.
Isral, ii3.
Mmoire,
269.
328
Messie,
5.
INDEX ALPHABTIQUE
21.
Paul
121. i6g.
.
(St), 124.
Mtorologie, 287.
Microcosme,
Miracles, 181
182.
Mnmosyne,
Mose,
6. 7.
38. 206 n.
18. 21.
2g. 46.
Monarchie, 82.
Persuasion, 108.
Pessimisme,
191. 199. 241
Monde
I^harisiens, 49-
120. i5i.
,152-157.
245.
sq.
245, 296.
PhiLon d'Alexandrie, 8. 62, 227. 282. Philosophie, loi. 106 107. 288. 292-
Monothisme,
295.
Physique,
i44-
250-318.
Platon, 38.
i44.
125. i52.
242 246.
88.
807.
107.
quel, 197.
Mythes,
41.
m.
125.
129. i44.
126.
Gorgias, i4.
181.
i5 n. 290 n.
74.
Politique,
Sophiste,
II.
i5.
Rpublique,
Time,
i53.
71.
78 n. 79
80. 147
170. 214.
i65.
'
Notions communes,
x83.
Plutarque,
109. ii3.
25.
26,
29
89.
61.
84.
189.
120.
129.
i3i.
187 n.
O
Oanns, 12b. Occasion (Katpo),
Ohle, 255 n.
Onirocritique, i85.
75.
Poimandres, 247.
Politique, i5.
194-196.
188.
Opinion vraie,
Oracles, 181.
187.
185-194.
Orphisme,
274.
Osiris, 109
[\o.
118.
119.
120.
217.
246.
Probst-Biraben
iio.
198.
120.
i25.
Ouranos,
88.
.
Prodicus, 265.
194. 244
Ouide, 198 n
Progrs
(Homme
i58.
en), 267.
P
Paix, 70. Pantias, 1G7. 259. Paradis, 95 n.
Prophtisme,
I*rosclytcs,
195-196.
12.
10 n.
807.
Paradoxes stociens,
Puissances divines,
89. 99.
118.
136-
151.
197-
INDEX ALPHABTIQUE
V
329
Stociens, i5.
36
38.
48
n.
73. 78.
84.
i33.
181.
Q
Questions stociennes, 267,
198.
217 sq.
240.
248.
252-259. 263
295. 3oi.
R
Reitzenstein,
18.
Remords,
Synagogue,
Syncrtisme,
238. 249.
i5i.
87. 87 n. 89. 97. i56. 161.
Reprsentation, 161.
Responsabilit^ 200.
T
Talmud,
12b.
Tantale, 38.
Tentation, 270
Terpandre, 120.
Thals, 287 n.
RODIER, i53.
Roi, 19 sq. 21.
Thophraste, 819 n.
S
Sabiens,
19.
Sacerdoce, 226.
Sacrifices, 77. 227 sq.
Typhon,
173. 218.
m.
'U
Sage,
6.
95.
143.
239.
25i.
255
112.
sq. 391.
82. 83. 92. 96
Unit, 90.
109.
Sagesse de Dieu,
ii4.
115-121
Varron, i63. 243.
V
Vertu, 26. 27. 5i. 92. ii5. 116. 118. 120.
i48.
252-253.
2o3.
.209-217.
Vesta, 38
Vide, 85.
Vierge, pouse de Dieu, 118. 119.
Virgile, 246 n
n.
Voyages, 283.
79 n. i48.
i63.
173 n.
W
Wellmann, Wendland,
109.
29. 48. 211. 255 n. 261. 284.
238. 257. 267, 281. 287 n. 288. 3oi. Sensation, 92. 160. 262. 292.
Wunderer, 3oo.
X
Xnophon, 265
sq.
Siegfried, 45.
Sirnes, 38.
Z
Zacharie, 320.
Songes, i3i.
Sophistes, 106. 181. 207. 212. 281.
288-
292.
Soranus, 212.
Znon, 258.
Zeus,
i48.
19. 37. 74-
84.
107. 109
119.
120.
Zieger, 246.
Pages
Introduction et bibliographie
i-xiv
LIVRE
i.E
JCDAIISilE
juif
;
1-66
CHAPITRE PREMIER.
Le peuple
3-io
L'avenir matriel du peuple juif comment il est dcrit dans VExposition de la Loi. L'ide du roi messianique sa parent avec celle du sage-roi des stociens. Dans le Mose wvve de propagande, l'avenir de la Loi se substitue l'avenir du peuple juif. Dans le Commentaire allgorique, les ides eschatologiques sont totalement absentes,
;
CHAPITRE
1.
II.
La Loi
juive
io-i4
io-35
La
loi
i4-i8
Lieux communs contre la loi civile issus de l'cole cynique. Emploi du Gorgias et du Politique de Platon. La politique et
parntique stocienne. Lois de Platon.
2.
la-
Critique des
lgislateurs
grecs,
des
Le lgislateur
Le portrait de Mose comme roi mgiste. Sa ressemblance avec
Mose avec celui du Messie
et
i8-23
et
4.
I.
L' Exposition de la Loi La Gense. Le de opificio comme prologue des Lois. II. Les patriarches comme lois non crites. Analogues grecs de celte littrature difiante. III. Les lois du code mosaque origine
;
Le gouvernement politique
;
32-37
sa
Les lieux communs sur les gouvernements. L'empire romain thorie de l'empire et de l'empereur. Philon est homme
de
332
g-ouveniement
juives.
et
rclame seulement
la,
CHAPITRE
III.
La mthode allgorique
Philon.
35-
Sa signifi-
La
les
Grecs
Tableau
37 45
philonienne
9..
Il
La mthode
n'y a
allgorique chez
les
45-6i
uvres judo-alexandrines antrieures Philon, Aristobule lui est postrieur. Le quod omnis probus liber tmoigne de la pratique de la mthode
allgorique chez les essniens critique de ce tmoignage. L'allgorie chez les Juifs palestiniens influence probable du judo-alexandrinisme. L'allgorie chez Philon et chez les Thrapeutes. Analyse des tmoignages de Philon sur la tradition
:
de l'allgorie.
La
part
Philon
et ses
adversaires juifs
61-84
LIVRE
II
^T liK
MOMOE.
67-176
Dieu
:
69-83
Dieu est l'Ide du Bien, Dieu suprieur toute Ide c'est la formule grecque d'une ide juive. Dieu sans qualits. Les dterminations de Dieu dans son rapport l'homme. Le Dieu de Philon et la religion populaire. Unit de la thorie de Dieu au point de vue du culte intrieur. Le problme de la
cration.
CHAPITRE
1
II.
Le Logos
thorie stocienne
83
12
Position du problme.
.
La
Logos
du
logos
et
84-86
d'un
et it
texte de Glomde.
2.
Le Logos diviseur
Le
quis reram div. hres et ses complments dans l'uvre de Philon. Le logos diviseur et le Dieu d'Hraclite. Le logos comme principe de changement (logos-Tych) se rattache Hraclite.
trait sur la division
86-89
dans
le
3.
I.
tre intelligible
intelligible
89-98
le
dans
intelII. Le monde Logos nombre sept. Commentaire allgoriqae est essentiellement le droit logos des stociens devenu entit intelligible,
de opifcio
mundi. Le
4.
......
98-101
333
Pages
Embarras de Philon dans la dtermination de la place du Logos par rapport Dieu. Le but de la conception du Logos intermdiaire n'est pas de rsoudre un problme cosmologique, mais un pi-oblme religieux.
5.
01-107
comme
iso \oyo<;
6.
107et
15
dans
la
du
trait
sur Isis que l'on trouve unis en un seul tre tous ces traits du Logos. Le Logos philonien et l'Herms de Gornutus, l'Osiris et l'Horus du trait sur Isis.
CHAPITRE m.
Les
intermdiaires
et le
11 2-
168
Les intermdiaires
1.
La S op /lia
divine.
ii5-i2i
:
Rapports du Logos et de la Sagesse les contradictions s'expliquent par l'origine mythologique. La Sagesse comme pouse comme fille de Dieu comme mre du Logos de Dieu comme pouse du Logos. Comparaison ou du monde avec le de Iside et les ides orphiques. Le mystre de-la fcon;
dation divine.
2.
"Av6pwTro
6sov
le
121-126
de opijcio est l'intelligence humaine. Dans le Commentaire, il est l'homme idal oppos l'intelligence humaine. La lgende juive du premier homme se combine avec l'ide stocienne du Sage. La mythologie postrieure de l'Homme de Dieu.
3.
Les Anges
26-1 33
Les Anges philoniens et les dmons de la philosophie grecque. Thorie de PluComparaison avec YEpinomis et le Phdre. tarque sur les dmons. Les thophanies de la Bible et l'anthropomorphisme. L'anglologie de Philon a une origine grecque.
4-
L'esprit
divin
33- 137
L'Esprit divin. Le souffle stocien. Il devient chez Philon le principe de l'inspiration. L'Esprit et les notions communes. Opposition de l'esprit et de la chair.
i36-i52
la thorie des puis-
sances
Elles rendent possible le culte
137-144
Les puissances
laire.
Rapport des
Grces.
334
III.
Le
monde
inlellig-ible
152-157
Les Ides sont non seulement des modles, mais des intelligences. Les Ides, Dieu et le Logos. La production des Ides par la division. Les Ides et les puissances.
CHAPITRE
1.
IV.
Le COSMOS
i58 2o5
1
Les
thories cosmologiques
58- 162
L'influence prpondrante
2.
du stocisme. L'anthropologie.
162-180
LIVRE
L.t:
III
cuiiTi!]
progu^ iioiiA^L
17-310
CHAPITRE PREMIER.
1.
La prophtie
et l extase
180-196 180-196
La
divination La divination chez Philon. Critique de la divination inductive. Les prodiges et les miracles La divination intuitive; songes et oracles. La classification des songes revient celle de Posidoelle vient d'une mtamorphose nius. Thorie de la prophtie
:
et
d'oracles).
Deuxime
:
2.
L'extase
196-205
La science de
;
Dieu, rsultat non du raisonnement, mais du considre, sous l'influence de Platon, comme terme dsir de la dialectique rgressive Dieu reste incomprhensible, et science de Dieu est faite d'une exprience intime qui la n'est pas une connaissance mais le sentiment d'une amlioration intrieure.
CHAPITRE
I.
I.
II.
Le culte spirituel
206-249 207-225
Le scepticisme et la foi
scepticisme au dogmatisme athe. Expos de et Epicure). Il se forme de toutes II. Le les doctrines qui nient la causalit unique de Dieu. scepticisme. La rdaction philonienne des tropes d'Ensidme (de Ebriet. 171-20G). Philon emploie des sources doxographiques pour tablir ce scepticisme. Ces sources lui viennent par un intermdiaire sceptique. Le trait sceptique du de Josepho (i25-i43), appuy sur une argumentation hracliIII. La foi. Solution stotenne vient de la mme source. cienne la certitude est propre au sage. Solution propre la faiblesse et de l'ignorance est Philon le sentiment de
Philon oppose
ce
le
dogmatisme (Protagoras
335
Pages
;
en Dieu. La mditation spirituelle qui amne mais la foi. La notion de la foi a une source stocienne elle devient foi en Dieu. La foi impossible l'homme, possible seulement Dieu et la pure intelligence.
identique la
foi
2.
Les
le
culte intrieur
226-236
L Les dispositions morales ncessaires au culte extrieur {ExpoH. Le culte rduit au culte intrieur les sition de la Loi). critiques grecques du culte. Diffrence du culte intrieur et de La prire, l'action de grces. Les rgles la simple moralit. III. Les relations de l'me Dieu, de la vie intrieure. d'abord conues comme personnelles, subissent une transformation dans un sens mystique. Dieu comme matre, comme
ami,
3.
comme
pre,
comme
sauveur.
Origine
I,
237-249
Caractres propres du stocisme gyptien et son influence IL La thorie mystique de l'intelligence purifie sur Philon. III. est une interprtation de la thorie stocienne du sage. IV. La thorie des La thorie de l'immortalit chez Philon. mystres. V. La thorie de la pure intelligence et de sa destine est une sorte de Livre des morts, accompagne d'une interprtation allgorique. Gnralit de l'influence gyptienne sur le judasme alexandrin.
CHAPITRE
1.
III.
--
Le progrs moral
sa valeur
260262-258
L'idal stocien et
Le
bien et l'honnte. Thorie de la vertu. Les discours sur la vertu. La fraternit humaine. Les discours contre les passions. L'apathie. L' eupathie et la joie spirituelle. Portrait du sage. Les paradoxes Les problmes de casuistique. La question sur l'ivresse du sage (fe plantatione, 142 sq.).
2.
259-260
Philon etAntiochus d'Ascalon. La vie spculative et la vie politique. La morale pripatticienne n'a de valeur que pour l'imparfait.
3.
Ze cynisme
et l'asctisme
261-271
I.
de la morale cynique dans les Allgories (liv. thorie de l'effort moral. III. Les rgles de l'asctisme. Philon, IV. L'impuissance de l'effort humain. Musonius et Snque.
4.
La
272-294
336
5.
La conscience morale et
I.
:
pch
:
295-3io
description du pcheur incurable, La casuistique Le pch du pch. Les influences cyniques, H. La conscience morale
sources de Philon chez les potes tragiques et comiques. Texte de Polybe sur la conscience. La conscience et le Logos divin. IIL Le proCe que cette ide ajoute la notion populaire. grs moral. La consience du pch chez le pcheur. L'espoir: la confession des pchs. Le repentir comme relvement intil n'y a pas d'unit doctrinale dans la rieur. Conclusion morale de Philon elle est la premire morale de la conscience.
Conclusion.
3ii 3i8
Appendice
Index alphabtique
819-324
325
LAVAL,
IMPRIMERIE
L.
BARNOUD ET
C''.
mimm oftoronto
LIBRARY
(
o
H
Acme
PL,