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Université de Parakou Faculté de Droit et Science Politique (FDSP) Forces Armées Béninoises Ecole Nationale Supérieure des Armées (ENSA) MEMOIRE POUR L’OBTENTION DU MASTER PROFESSIONNEL ÈS SCIENCE POLITIQUE : ETUDES STRATEGIQUES, SECURITE, ET POLITIQUE DE DEFENSE OPTION : POLITIQUE DE DEFENSE THEME : LES ENJEUX DE LA COOPERATION ENTRE LES ARMEES DE L’AIR BENINOISE ET NIGERIANE Présenté et soutenu par : Le Capitaine Ibrahim CHABI Officier des Forces Armées Béninoises Sous la direction de : Moktar ADAMOU Maître de Conférences, Agrégé des Universités/CAMES Et de Dr Guillaume ATTOLOU MOUMOUNI Assistant à l’Université d’Abomey-Calavi ANNÉE ACADEMIQUE : 2020-2021 Université de Parakou Faculté de Droit et Science Politique (FDSP) Forces Armées Béninoises Ecole Nationale Supérieure des Armées (ENSA) MEMOIRE POUR L’OBTENTION DU MASTER PROFESSIONNEL ÈS SCIENCE POLITIQUE : ETUDES STRATEGIQUES, SECURITE, ET POLITIQUE DE DEFENSE OPTION : POLITIQUE DE DEFENSE THEME : LES ENJEUX DE LA COOPERATION ENTRE LES ARMEES DE L’AIR BENINOISE ET NIGERIANE Présenté et soutenu par : Le Capitaine Ibrahim CHABI Officier des Forces Armées Béninoises Sous la direction de : Moktar ADAMOU Maître de Conférences, Agrégé des Universités/CAMES Et de Dr Guillaume ATTOLOU MOUMOUNI Assistant à l’Université d’Abomey-Calavi ANNÉE ACADEMIQUE : 2020-2021 AVERTISSEMENT Les opinions exprimées dans ce mémoire sont purement personnelles à leur auteur. Elles ne reflètent en aucun cas la position du haut commandement des Forces Armées Béninoises, de l’Ecole Nationale Supérieure des Armées ou de l’Université de Parakou. i DEDICACE Aux regrettés KOUSSOUNON CHABI Imorou et BONI ZIME Mariam, A mon épouse Nadiath ZIME MAKO et ma fille Arifath Gnon Goura CHABI A mes frères Assane, Hamidou, Moukaïla, Azizou, Abdoul-Ramane, Roufaï, Sahadou, Léroine Tori et ma sœur Rabiatou CHABI IMOROU. ii REMERCIEMENTS Mes sincères remerciements vont à tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la rédaction de ce mémoire, en particulier : A l’endroit de l’administration de l’Ecole Nationale Supérieure des Armées et ses Cadres Professeurs de Groupe, pour la rigueur imprimée à la formation et la qualité de leurs enseignements ; Aux enseignants chercheurs-chercheurs de la Faculté des Sciences Politiques de l’Université de Parakou ; Au Professeur Moktar ADAMOU, ainsi qu’au Docteur Guillaume ATTOLOU MOUMOUNI, pour leur disponibilité tout au long du processus d’encadrement et surtout leurs conseils sur l’aspect rédactionnel de ce mémoire ; Au Docteur Azizou CHABI IMOROU, pour m’avoir toujours guidé ; Au Colonel SHOBO Babatounde, Attaché de Défense de la République Fédérale du Nigéria près le Bénin, pour sa disponibilité ; Aux Généraux de Brigade Etienne ADOSSOU et Adam TAFFA pour leur coaching ; Aux Colonels (ER) Abdoulaye GOGUE, Léonard BATOSSI et Charles GBAGUIDI pour leurs apports ; Au Colonel Hermann William AVOCANH pour son soutien ; Aux Lieutenant-Colonels Claude Raoul DJEHOUNGO, Valère ADAMASSOU, Hervé Sètondji ALLOTCHENOU et au Chef de Bataillon Saka Yerima YAROU DAFIA pour leurs orientations ; A mes chefs, les Commandants Amoussa Luc BIOBOU, Fiton Claude AHOUNOU, Thierry MONDA et Kocouvi Fernand SOHOU pour leurs conseils précieux ; Au Capitaine Idrissou BAKO pour son assistance ; Et à l’Adjudant-Chef Gaëtan POHOUEGBE pour le soutien dont il a fait montre tout au long du processus de recherche. iii DEFINITION DES SIGLES ET ABREVIATIONS AAB : Armée de l’Air du Bénin AIPMC : Aeronautical Company ALO : Aviation Légère d'Observation AMT : Assistance Militaire Technique ANAC : Agence Nationale de l’Aviation Civile APSA : Architecture Africaine de Paix et de Sécurité ASECNA : Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar AT : Armée de Terre AOAV : Action on Armed Violence BACA : Base Aérienne de Cana BACO : Base Aérienne de Cotonou BALPA : Base Logistique de Parakou BAM : Bataillon d'Artillerie Mixte CARIC : Capacités Africaines de Réaction Immédiate aux Crises CAS : Close Air Support CDB : Commandant de Bord CEAO : Communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest CEBELAE : Centre Béninois des Langues Etrangères CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest CEMAA : Chef d’Etat-Major de l’Armée de l’Air CER : Communauté Economique Régionale CERFA : Comité d’Etude des Relations Franco-Allemandes Industrial and Project Management iv CFOMP : Centre de Formation aux Opérations de Maintien de Paix CIFCA : Centre d'Instruction des Fusiliers Commando de l'Air CMAAOM : Centre Multinational d’Appui Aérien aux Opérations Maritimes CMCM : Centre Multinational de Coordination Maritime COFA : Commandant des Forces Aériennes DAO : Département de l’Appui Opérationnel DCMOP : Direction de la Coopération Militaire et des Opérations de Paix DCU : Déclaration de Caractéristiques de l’Unité DEM : Diplôme d'Etat-Major DOT : Défense Opérationnelle du Territoire EAA : Ecole de l’Armée de l’Air EAALAT : Ecole d’Application de l’Aviation Légère de l’Armée de Terre EAT : Escadron d'Avions de Transport EDG : Ecole de Guerre EEI : Engin Explosif Improvisé EH : Escadron d'Hélicoptères EMAA : Etat-Major de l’Armée de l’Air EMG : Etat-Major Général ENSA : Ecole Nationale Supérieure des Armées ENVR : Ecoles Nationales à Vocation Régionale ETM : Escadron de Transport Mixte EVASAN : Evacuation Sanitaire FAA : Force Africaine en Attente FAB : Forces Armées Béninoises FDS : Forces de Défense et de Sécurité v FFS : Full Flight Simulator GAT : Groupes Armés Terroristes GN : Garde Nationale IAC : International Aviation College IPOB : Indigenous People of Biafra ISR : Intelligence Surveillance and Reconnaissance ISTAR : Intelligence, Surveillance Reconnaissance MAEC : Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération MDN : Ministère de la Défense Nationale MEDN : Mouvement pour l’Emancipation du Delta du Niger MN : Marine Nationale NAF : Nigerian Air Force ONU : Organisation des Nations Unies PED : Pays en Développement RTC : Centre d’Entrainement des Bataillons SDN : Société des Nations SNU : Système des Nations Unies SOBEH : Société Béninoise des Hydrocarbures SSS : Société Sucrière de Savè SWOT : Strenghts Weaknesses Opportunities Threats TAB : Transports Aériens du Bénin UAV : Unmanned Aerial Vehicle UGV : Unmanned Ground Vehicle UP : UP : Université de Parakou Target Acquisition and vi LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 : Places de formation offertes par la NAF à l’AAB ( de 1979 à 2012) . ......... 29 Tableau 2: Types de drones militaires utilisés par les Forces Armées nigérianes ........... 32 Tableau 3: Matrice SWOT de l’AAB dans sa coopération avec le Nigéria. ..................... 40 Tableau 4: Calendrier de naissance des États francophones voisins du Bénin................ 46 Tableau 5: Matrice SWOT de la NAF dans sa coopération avec l’AAB. ......................... 50 vii LISTE DES PHOTOS Image 1 : Un avion HS-748 du Bénin .............................................................................. 19 Image 2: Pilote d'hélicoptère A-109 du Bénin en formation en Belgique. ....................... 21 Image 3: Une prise d'armes à la BACO ........................................................................... 24 Image 4: L’Aérospatiale Corvette immatriculé plus tard TY-BBK ................................... 27 Image 5: Un des deux avions Dornier Do-28 offerts par le Nigéria ................................ 28 Image 6: Carte des aérodromes du Bénin. ....................................................................... 38 Image 6: Quelques avions ABT-18 nigérians ................................................................... 76 Image 7: Présentation officielle du drone militaire nigérian « Gulma » en 2013. ........... 78 viii SOMMAIRE INTRODUCTION GENERALE __________________________________________ 1 PARTIE I: CHAPITRE 1: ETAT DES LIEUX _______________________________________ 15 HISTORIQUE ET ETAT DES LIEUX DE LA COOPÉRATION ENTRE L’AAB ET LA NAF ____________________________________________ 16 Section 1: Brève historique de l’Armée de l’Air du Bénin __________________ 16 Section 2: Etat des lieux de la coopération militaire entre l’AAB et la NAF ____ 24 CHAPITRE 2: ANALYSE DES FORCES ET FAIBLESSES, OPPORTUNITÉS ET MENACES (SWOT) DE L’AAB ET DE LA NAF ________________________ 34 Section 1: Les atouts et faiblesses de l’AAB _____________________________ 34 Section 2: Les opportunités nigérianes, les contraintes et les facteurs de risque _ 41 Conclusion partielle de la première partie ________________________________ 50 PARTIE II: LA MULTIPLICITE DES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES D’UNE MEILLEURE COOPERATION POUR LE BENIN __________________________ 52 CHAPITRE 3: LES ENJEUX MULTIPOLAIRES _______________________ 53 Section 1: De la nécessité d’appuyer les autres forces de défense ____________ 53 Section 2: Les enjeux de la participation aux opérations militaires régionales ___ 59 CHAPITRE 4: LES PERSPECTIVES DE COOPÉRATION EFFICACE _____ 66 Section 1: Le pôle formation et les possibilités de création des centres opérationnels de formation du personnel ____________________________________________ 66 Section 2: Le pôle maintenance des appareils et transfert de technologies ______ 71 Conclusion partielle de la deuxième partie________________________________ 79 CONCLUSION GENERALE ___________________________________________ 81 ix RESUME Au Bénin, l’Armée de l’Air, malgré ses diverses mutations, peine encore à relever son niveau opérationnel. Si pendant la guerre froide elle a disposé difficilement d’un strict minimum d’aéronefs militaires en bon état, la période actuelle est plutôt marquée par une baisse drastique d’activités aériennes qui entrave son opérabilité. L’insuffisance de ressources dédiées à la formation, à l’entretien du matériel et à l’opérationnalisation du personnel, ont progressivement condamné les aviateurs à l’utilisation de matériels vétustes puis accentué leur dépendance technique vis à vis des partenaires étrangers. Aujourd’hui, ce pays francophone, encore attaché à l’Assistance Militaire Technique française, manque de stratégies pour capitaliser les multiples atouts aéronautiques et technologiques de son vaste et dynamique voisin avec qui il partage les mêmes menaces. Les avantages à tirer d’une meilleure coopération bilatérale entre l’Armée de l’Air du Bénin (AAB) et la Nigerian Air Force (NAF) sont multiples et multidimensionnels. D’une part, en mettant en place des pôles aéronautiques, l’AAB et la NAF pourront ensemble soutenir les efforts quotidiens de leur Marine Nationale et de leur Armée de Terre engagées respectivement dans la lutte contre la piraterie maritime et le terrorisme transfrontalier, et d’autre part, assurer la maintenance du matériel volant ainsi que la formation du personnel en accord avec les ambitions communes. Pour y arriver, l’AAB doit élaborer et soumettre au gouvernement, une stratégie appropriée aux fins de mobilier les ressources suffisantes pour redynamiser cette coopération. Aussi, ce pays devra-t-il ajuster son budget de défense, afin de faciliter la mise en œuvre d’une communauté pluraliste de sécurité. Ainsi, l’AAB pourra désormais non seulement profiter de la rente onusienne en y engageant ses moyens volants, mais aussi jeter les bases du développement d’une industrie de défense. Mots-Clés : Afrique de l’Ouest, Armée de l’Air du Bénin, Nigerian Air Force (NAF), Coopération Militaire, Défense. x ABSTRACT Despite the various changes experienced, the Benin Air Force (AAB) is still struggling to raise its operational level. If during the Cold War, this service was hardly equipped with a few number of serviceable military aircrafts, the current era has witnessed the unfortunate reduction of air assets that lead consequently to a drastic drop of air activities, hindering its operability. Insufficient resources dedicated to training, equipment maintenance and personnel’s operationalization, have gradually condemned its airmen to the use of obsolete equipment and then worsen their technical dependency on foreign partners. Currently, Benin remains attached to the French Military Technical Assistance and lacks strategies to capitalize the wide range of aeronautical and technological advantages, that are available in the dynamic neighborhood country that shares the same threats. Multiple and multidimensional benefits can be drawn from a better bilateral cooperation between the AAB and the NAF. On the one hand, by setting up aeronautical poles, the AAB and the NAF will be able to support the daily efforts of their National Navy and Army engaged respectively in the fight against maritime piracy and crossborder terrorism, and on the other hand, ensure the maintenance of air assets as well as the training of the personnel in accordance with the common ambitions. To achieve this, the Benin air force authorities, should submit to their government an appropriate strategy to collect sufficient funds so as to revitalize this cooperation. This country will therefore have to adjust its defense budget in order to facilitate the implementation of a holistic security community with Nigeria. Consequently, the AAB will not only be able to benefit from the UN incomes by engaging its air assets to it, but also by establishing the prerequisites for the development of a national defense industry. Key words : Benin Air Force, Defense, Military Cooperation, Nigerian Air Force (NAF), West Africa. xi INTRODUCTION GENERALE Comme le souligne Lebœuf, « Les questions de sécurité exigent une approche intégrée, qui prenne en compte à la fois les aspects régionaux, les dynamiques technologiques et militaires mais aussi médiatiques et humaines, ou encore la dimension nouvelle acquise par le terrorisme ou la stabilisation post-conflit »1. C’est dire que ces questions nécessitent l’interopérabilité entre armées voisines en imposant aux africains, l’évolution progressive vers une coopération régionale pour un arrimage des actions engagées aux défis sécuritaires du moment. Ainsi, face au fléau du « terro-banditisme »2 grandissant, les Etats africains ne devront point envisager de pouvoir juguler tout seul, les dangers inhérents à cette nébuleuse. Aussi, les capacités industrielles actuelles des pays africains peuvent-elles difficilement aboutir à la conception unilatérale de matériels performants capables de combler leurs attentes sur le plan sécuritaire. C’est pourquoi, perçue comme une source d’excellence et d’innovations technologiques, l’industrie de défense peut être élaborée à travers le besoin sans cesse croissant des armées de l’air en matériels performants et simples d’emploi en opération. Ce sont ces besoins qui conduisent les techniciens et industriels aéronautiques à innover dans leur recherche de solutions pour exploiter les ruptures technologiques. Lesquelles permettent de guider l’application de la puissance aérienne pour protéger, prévenir et prendre l’avantage sur l’ennemi puis contribuer aux objectifs stratégiques communs à court et long termes. Cela exige des industriels et techniciens aéronautiques, un partage de doctrine et des procédures puis une communication permanente. En réalité aujourd’hui, plus que par le passé, l’intégration de la technologie aérienne (dont la coopération internationale est un inhibiteur) aux moyens traditionnels des forces de surface s’avère indispensable. 1 A. LEBOEUF, « Coopérer avec les armées africaines », Revue Ifri focus stratégique n°76, octobre 2017, p.5. 2 Terme utilisé pour désigner les activités menées par AQMI, le MUJAO et Ansar Eddine ; (cf. L. TOUCHARD, « Niger : les enjeux de la coopération sécuritaire avec la France », Jeune Afrique du 03 mars 2014. URL http:www.jeuneafrique.com, consulté le 27 septembre 2021 à 23 :45 1 Dans les contextes actuels marqués par l’internationalisation des menaces terroristes, la coopération militaire régionale est de plus en plus considérée comme un passage obligé pour les Etats. Tel que le concept de « complex interdependance », développé par Joseph Nye et Robert Keohane, à l'ère de la mondialisation, elle constitue une nécessité incontournable et les accords de coopération en constituent un fondement tangible. Elle se traduit par des relations militaires entre les composantes d’armées voisines, par des actions de formation ainsi que des manœuvres multinationales. En ce qui concerne particulièrement le Bénin et son grand voisin le Nigéria, « ces dernières années ont été marquées par des échanges réguliers dans le domaine du renseignement, de la surveillance des frontières, de la lutte contre la piraterie maritime, et des actions de formation ou de recyclage »3. Ce faisant, il importe d’apprécier les atouts et faiblesses de ce partenariat stratégique vieux des années 1980, afin de trouver les moyens de le rendre plus optimal au profit de la communauté ouest-africaine. C’est dans cette perspective que s’inscrit la présente réflexion intitulée : « Les enjeux de la coopération entre les Armées de l’Air Béninoise et Nigériane ». Afin de bien cerner cette thématique, il convient de clarifier trois concepts clés : l’enjeu, la coopération (militaire) et l’Armée de l’Air. En se référant au Robert historique de la langue française de 2019, le terme enjeu est étymologiquement issu du mot jeu, et provient de l’idée de mettre en jeu. « Il y a donc l’idée sous-jacente d’une relation (qui et avec qui ?) qui est déterminante puisqu’elle implique un gain ou une perte (qu’est-ce qui est en jeu ?) pour l’un ou l’autre »4. D’après l’office québécois de la langue française5, ce terme signifie : « ce que l’on peut gagner ou perdre, par exemple, dans un projet, une lutte, une élection ou une activité ». 3 Entretien avec un officier supérieur des FAB à la retraite, à Abomey-Calavi, le 13 mai 2021. G. Brisson, Exploration conceptuelle de la notion d’enjeu et de quelques termes apparentés, Rimouski, Québec, 2016, p. 6. 4 5 URL http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.as px?Id_Fiche=8362968, consulté le 20 mai 2021. 2 Quant au terme coopération, il revêt une double connotation. Au sens premier, il désigne l’action de coopérer qui signifie d'après le dictionnaire Larousse de la langue française édition 2017, « agir conjointement avec quelqu'un ». Au sens second, la coopération désigne « la politique d'échanges et d'actions conjointes dans les domaines économique, technique, financier, culturel, sportif ou de tout autre ordre, entre pays »6. Elle sous-entend un intérêt visible ou caché de chacune des parties. L'adjectif militaire fait référence à toute chose ayant trait à l'armée et à la défense. Un accord de coopération militaire est donc « un arrangement », une « entente mutuellement bénéfique » entre plusieurs pays proches par leurs idées ou leurs sentiments et désireux de collaborer dans le domaine militaire. En ce qui concerne l’Armée de l’Air, c’est la composante des Forces Armées d’un Etat, chargée de la mise en œuvre de la puissance aérienne pour la défense des Etats. Historiquement, la première armée de l’air a été créée en 1918 en Angleterre7. L’Armée de l’Air du Bénin (AAB)8 est l’une des composantes des Forces Armées Béninoises (FAB), créée le 1er Septembre 1961. L’Armée de l’Air du Nigéria, la Nigerian Air Force (NAF) a quant à elle été créée en 1964, par une loi de l’Assemblée Nationale du pays9, quelques années après son accession à l’indépendance. Des principaux rôles qui lui sont dévolus, figurent la défense de l’espace aérien et la participation au bien-être de la population10. 6 H.N. NJOYA, La coopération militaire camerounaise : enjeux et fonctionnement, Université de Yaoundé II, Master en Stratégie, Défense, Sécurité, Gestion des Conflits et des Catastrophes, 2010. 7 H. COUTAU-BEGARIE, « La pensée stratégique aérienne » in Traité de stratégie, Institut de stratégie comparée EPHE IV, Edition Economica, 2002, p. 636-637. L’armée de l’air est rendue autonome en Italie en 1923, en France en 1933 puis aux Etats-Unis en 1947. 8 Appellation générique de la composante aérienne des FAB, suite à la réforme constitutionnelle du 07 novembre 2019 ayant entraîné en Juillet 2020, la modification de la loi portant création des FAB et un changement de dénomination des Forces Aériennes en « Armée de l’Air ». 9 The Air Force Act of 1964. 10 Directorate of Public Relation, Documentary on Capacity Building in the Nigerian Air Force. M.youtube.com/watch ?v=PdHPm4ldMts consulté le 29/03/2021 à 21 :45. 3 Les enjeux de la coopération entre les Armées de l’Air nigériane et béninoise peuvent donc être considérés comme les défis de la politique d'échanges et d'actions conjointes dans le domaine de la défense aérienne de ces deux Etats et de leur participation à la Défense Opérationnelle du Territoire (DOT). C’est pourquoi, le cadre géographique de référence de cette étude est l’espace délimité par la République du Bénin et celle Fédérale du Nigéria. Ces deux pays de l’Afrique de l’Ouest « partagent longitudinalement plus de 800 kilomètres de frontières où se sont établies historiquement différentes populations dont l’ethnologie est très voisine »11. Les deux pays étant membres de la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), cet espace physique s’étend à cette organisation politique communautaire, créée le 28 mai 1975 à Lagos regroupant une population estimée en 2016 à 356 300 000 habitants et une superficie d’environ 5 114 240 km2 12 . La CEDEAO est composée de quinze (15) pays dont huit (08) francophones (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Sénégal et Togo), cinq (05) anglophones (Gambie, Ghana, Libéria, Nigéria, et Sierra Léone) et deux (02) lusophones (Cap-Vert, et Guinée Bissau). D’un point de vue historique l’année 1979 marque le début de la coopération entre les deux Armées de l’Air. C’est en effet, au cours de cette période que les deux pays aux traditions coloniales différentes vont entreprendre une coopération bilatérale dynamique et directe. L’année 2020 correspond à l’année d’une réforme majeure au sein de l’armée béninoise avec la transformation des forces aériennes en Armée de l’Air. C’est pourquoi les bornes chronologiques de l’étude se situent entre 1979 et 2020. En réalité, aux lendemains des indépendances des pays africains, la quasi-totalité des anciennes colonies françaises s’est engagée avec les anciens colonisateurs dans les accords de coopération dont les termes sont parfois tenus secrets. Si les clauses de ces contrats ont longtemps entravé toute autre coopération militaire avec les pays concernés, 11 A. L. SOSSOU-AGBO, Dynamique territoriale à la frontière bénino-nigériane: rôle des marchés du SudEst, Brit XI, Geneve/Grenoble, France, 2011, p.23. 12 URL www.ecowas.int consulté le 06 Août 2021 à 8 :32 :15. 4 progressivement, certains pays développés ou émergents entretiennent aujourd’hui des coopérations militaires avec plusieurs pays africains. Ainsi, les Etats-Unis, la France, la Chine, l’Angleterre, le Canada, la Belgique, la Russie, le Japon, Israël, l’Allemagne, l’Inde, le Pakistan, l’Indonésie, le Brésil, etc, sont aujourd’hui des partenaires privilégiés de plusieurs armées africaines. Au-delà des intérêts de sécurité nationale recherchés, les leaders africains utilisent tant bien que mal, leurs forces armées pour promouvoir la sécurité collective à travers les Communautés Economiques Régionales (CER). Mise en place sous l’égide de l’Union Africaine (UA) à travers son système de sécurité collective appelé Architecture Africaine de Paix et de Sécurité (APSA), la Force Africaine en Attente en constitue la plus importante des composantes militaires. En revanche, très rarement la coopération militaire intra-africaine entre deux pays aura suffisamment été dynamique pour dépasser officiellement l’échange de stagiaires dans les écoles militaires nationales de formation. Il convient toutefois de souligner des cas inédits comme celui de l’entreprise sud-africaine Chute Systems qui gère depuis 2009 l’école de parachutisme namibienne13. L’histoire nous enseigne qu’en 1969, soixante-six ans après le vol inaugural des frères Wright14, l’aéronautique avait tellement pris une nouvelle dimension dans les pays développés que le premier drapeau national fut planté sur la lune par l’astronaute américain Nieil Amstrong. Suite à cet évènement mondial inédit, l’on assista à une montée en puissance des armées de l’air de plusieurs pays en voie de développement. Très tôt, l’Armée de l’Air qui à travers l’aviation, modifie les données de la puissance et le rapport de l’homme au territoire, se verra attribuer un rôle sans cesse croissant15 dans les conflits africains. Le Nigéria, prenant la mesure de cette capacité de l’arme aérienne s’est engagé dans les années 1980 à la développer tout en initiant une coopération entre son armée de l’air et celle du Bénin. Cette coopération, alors dynamique et directe s’est 13 L. Touchard, « Namibie », in, Forces armées africaines, createSpace edition, 2017, p.174. Les frères Orville et Wilbur Wright sont les pionniers de l’aviation ayant effectué le 17 décembre 1903, le premier vol motorisé. 14 M. DAUMAS, Sur les premières étapes de l’aérostation : Histoire générale des techniques. L’expansion du machinisme, Paris, P.U.F.,1968. p.413-419. 15 5 surtout axée sur la formation du personnel navigant et technique. A contrario, lorsqu’on évalue les nombreuses actions entreprises dans certains pays voisins dont le Bénin, les stratégies visent plutôt la montée en puissance de l’Armée de Terre (AT) et de la Marine Nationale (MN). Ces deux composantes de surface sont alors condamnées à coordonner les actions menées dans la troisième (3ème) dimension avec les armées étrangères. Mais ce modus operandi, utilisé dans des actions de défense contre le groupe Boko Haram16, a fini par montrer ses limites pour des raisons inhérentes à la nature même des armées africaines, et leur faible degré de professionnalisation. Dès lors, plusieurs pays africains ont opté pour la montée en puissance de leurs propres Armées de l’Air avec l’acquisition de plusieurs aéronefs de renseignement et d’attaque. Cette option stratégique qui requiert une coopération régionale pour une rapide autonomisation et professionnalisation, constitue le sous bassement de la mise en œuvre de solutions afro-africaines susceptibles de changements progressifs adaptés et soutenus comme cela fut le cas dans les pays de l’Organisation du Traité de l’Atlantique du Nord (OTAN). L’intérêt de notre étude est double : scientifique et pratique. D’une part, l’AAB a été créée en 1961 et s’est développée sous influence soviétique au nom d’une idéologie communiste17. C’est l’une des institutions militaires des FAB qui regorge le plus de personnels dotés de hautes capacités technologique et scientifique. Cependant, il y a eu un vide criard d’innovations technologiques qui s’explique par l’absence d’un cadre formel de recherche y dédié et la non activité des professionnels de l’aviation pouvant même créer vis-à-vis de l’Etat un contentieux pour droit de créance18. Ainsi, l’intérêt scientifique de l’étude réside dans le souci de contribuer modestement à l’approfondissement des connaissances existantes dans le domaine et au renforcement des capacités opérationnelles des personnels. Elle se propose également de participer à l’élaboration de documents doctrinaux de coopération au profit de cette composante 16 Une faction du groupe se fait désormais appeler « Province ouest-africaine de l’Organisation de l’État islamique (ISWAP)» à la suite de son allégeance au mouvement djihadiste État islamique (EI) début 2015. Augé Axel, Klaousen Patrick (dir.), Réformer les armées africaines. En quête d’une nouvelle stratégie, Paris, Karthala, 2010, p.228. 17 18 Le droit personnel ou droit de contraindre l’employeur (Etat) à exécuter l’obligation d’emploi. 6 militaire. Enfin elle pourrait servir de tremplin aux projets technologiques ultérieurs et de boussole à la mise en œuvre de projets technologico-industriels bilatéraux. D’autre part, étant un professionnel de l’aéronautique, spécialiste de la voilure tournante19 au sein de l’AAB, nous avons vécu des difficultés liées à la disponibilité et la maintenance des matériels volants. Les offres de formations et les appuis techniques prospectés, ont longtemps visé une coopération européenne au détriment des pays africains voisins dotés de potentialités techniques et partageant avec nous les mêmes menaces. C’est pourquoi, l’intérêt pratique de cette réflexion est de contribuer à mettre à la disposition des décideurs, des approches perfectibles pour la mise en formation du personnel, leur meilleure employabilité et la création de conditions favorables à l’émergence d’une industrie nationale de défense. Elle indiquera peut-être ainsi la marche à suivre aux autres Etats membres de la CEDEAO pour une coopération régionale de défense qui se veut à terme panafricaine. L’objectif général de l’étude est d’analyser les atouts d’une politique de coopération bilatérale entre l’AAB et la NAF et de dégager des pistes pour une optimisation de cette coopération dans la lutte contre les nouvelles menaces qui alimentent les débats du monde de l’après-guerre froide20. Notre analyse qui n'a pas la prétention de répondre à toutes les questions afférentes à la problématique, dégagera également des éléments essentiels à la clarification du double contexte socio-économique et sécuritaire sous-régional. De cet objectif général, découlent deux objectifs spécifiques : Objectif spécifique n°1 : Faire un diagnostic stratégique des atouts et faiblesses des Armées de l’Air du Nigéria et du Bénin ; 19 Terme utilisé pour désigner l’aéronef dont l’élément sustentateur est tournant tel qu’un hélicoptère. 20 Francis Fukuyama, The End of History and the Last man, New York, Free Press, Maxwell Macmillan International, 1992, p.202. 7 Objectif spécifique n°2 : Faire des propositions concrètes visant à l’optimisation de cette coopération dans le cadre de la lutte contre les nouveaux fléaux21. La question centrale dans le cadre de cette étude est la suivante : Quelle est la portée d’un renforcement de la coopération militaire entre les armées de l’air béninoise et nigériane ? Les deux questions subsidiaires qui en découlent sont : Question auxiliaire n°1 : Quels sont les atouts et faiblesses actuels de cette coopération dans le contexte de lutte contre les nouvelles menaces ? Question auxiliaire n°2 : Quelles sont les options stratégiques pour une meilleure coopération bilatérale entre les composantes aériennes béninoise et nigériane dans le contexte actuel ? En dépit de la pauvreté de la littérature sur la coopération militaire entre les armées africaines, il existe une floraison d’ouvrages et d’articles sur la coopération en général, les coopérations de défense entre les pays européens, américains, entre les puissances occidentales et les pays africains, sur les difficultés de coopération militaire entre pays africains, sur la coopération transfrontalière Bénin-Nigéria, et sur le renforcement des capacités des armées africaines. De façon générale, les écrits disponibles renseignent sur trois grandes approches de la coopération en matière de défense : - L’approche globale ou internationale La première approche qualifiée de globale ou internationale privilégie une coopération universelle au sein et autour du système onusien. Dominés par les Etats-Unis, les pays en fonction de leur puissance respective y assument des positions relatives. Kenneth Waltz plaide pour une hégémonie “bienveillante” des Etats-Unis dans le monde. Pour lui, « l’étude de la politique internationale en tant que système exige qu’on 21 Notamment le terrorisme, la piraterie maritime, la cybercriminalité et la criminalité transfrontalières. 8 se concentre sur les Etats qui comptent »22 Par contre, pour Delphine Deschaux-Dutard, « la paix ne se décrète pas par des traités. Elle dépend largement de l’instauration d’une communauté internationale capable d’agir comme un acteur collectif »23. C’est ce que confirment Guillaume Devin et Marie-Claude Smouts qui estiment que « la sécurité internationale est devenue progressivement un enjeu collectif qui est garanti non seulement par les Etats mais aussi par les organisations internationales »24. Questionnant la nature des relations au sein des sociétés Thomas Hobbes, quant à lui, place l’Etat et la guerre au cœur de tous les phénomènes. Pour ce théoricien du réalisme classique des relations internationales, « les relations entre les Etats, à l’instar des rapports entre les hommes, sont marquées par la « guerre de tous contre tous »25. C’est dans cette tradition que s’inscrit Hans Morgenthau dans ‘’Politics among Nations. The struggle for Power and Peace’’ pour qui, l’intérêt national dans les relations internationales se définit en termes de puissance26. Les Etats de ce fait, poursuivent tous un même but, la recherche de la puissance. Pour cet auteur, tout comme pour certains précurseurs comme Raymond Aron, ou encore Jean Jacques Rousseau, la caractéristique essentielle de la vie internationale réside dans cette absence d’autorité mondiale par opposition à la situation interne au sein des Etats. En revanche, pour les constructivistes comme Nicolas Onuf et Alexander Wendt, plus que les rapports de puissance, ce sont les identités et les perceptions qui guident le comportement des Etats dans les relations internationales. - L’approche multilatérale La deuxième approche dite multilatérale, opte pour une sécurité collective au sein des communautés pluralistes de sécurité. « La pratique consistant à négocier à plus de 22 K. N. Waltz, Theory of International Politics, New York, Random House, 1979, p.5. 23 D. DESCHAUX-DUTARD, Introduction à la sécurité internationale, Presses Universitaire de Grenoble, 2018, p.109. 24 G. DEVIN et M.C SNOUTS, Les organisations internationales, Armand Colin, Coll. U Science Politique, 2011, p.121. « Bellum omnium contra omnes » est la description que Thomas Hobbes donne à l’existence humaine dans l’expérience de l’état de nature qui le conduit au Léviathan. T. Hobbes, Leviathan, 1651, p.62. 25 26 J.J Roche, Théorie des Relations internationales, Montchrestien, 2004, p.33. 9 trois pour définir des règles communes est connue depuis le XVIIe siècle »27, « lors de grandes conférences diplomatiques qui vont fonder les ordres européens successifs, de la paix de Westphalie (1648) au Congrès de Vienne (1814) »28. Néanmoins, elle s’est institutionnalisée avec la création de la SDN (Société des Nations) et, plus encore, avec la création de l'Organisation des Nations Unies (ONU) en 1945. Stergios Skaperdas a démontré dans son article « On the Formation of Alliances in Conflict and Contests », que la clé du renforcement de la sécurité internationale réside dans la mise en œuvre de coopérations multilatérales. Pour ce faire, l’auteur prône la mise en œuvre des coopérations militaires multilatérales, puisque « les effets des efforts communs sont supérieurs à la somme des efforts individuels »29. Elles permettront en outre dans un monde unipolaire, d'influencer les politiques de défense des États tiers selon Stephanie G. Neuman30. C’est pourquoi, Han Dorussen, Emil J. Kirchner et James Sperling voient dans ce type de coopération, la possibilité pour les Etats européens d’atténuer le fardeau du coût qui leur est imposé individuellement. Selon eux, c’est la coopération sécuritaire multilatérale qui permet aux Etats membres de supporter le coût de la gouvernance sécuritaire grâce au partage de ce fardeau entre eux. En outre, d'un point de vue opérationnel, les coopérations multilatérales ont vocation disent-ils, sur le long terme à renforcer l'interopérabilité des forces armées, que ce soit sur le plan technique ou culturel31. En revanche, pour Serge Michaîlof, toutes les agences multilatérales sont caractérisées par une lourdeur bureaucratique qui entrave leur efficacité. Selon lui, elles sont « soumises à un très grand nombre de tutelles qui sont toutes soucieuses du bon 27 Voir à ce sujet Alexandra de Hoop Scheffer, Alliances militaires et sécurité collective, dans Bertrand Badie (dir.), Le Multilatéralisme, Paris, La Découverte, 2007, pp. 57-72. 28 G. DEVIN, « Les Etats-Unis et l'avenir du multilatéralisme », Cultures et conflits n°51, 2013, p.157. 29 S. SKAPERDAS, On the Formation of Alliances in Conflict and Contests, Public Choice, 1998, p. 25-42. 30 S. G. NEUMAN, « Power, Influence, and Hierarchy : Defense Industries in a Unipolar World », Defence and Peace Economics, 1/21, 2010, pp. 105-134. 31 Han Dorussen, Emil J. Kirchner et James Sperling, « Sharing the Burden of Collective Security in the European Union », International Organization, 4/63, 2009, pp. 789-810. 10 emploi de leur fonds »32. Pour l’illustrer, Niagalé Bagayoko a dépeint, dans un rapport du projet « Stabiliser le Mali », comment le multilatéralisme sécuritaire peine à être efficace en Afrique. Pour lui, « la réactivation de la Force Multinationale Mixte (FMM) dans le cadre de la Commission pour le Bassin du Lac Tchad (CBLT) tout comme la création du G5 Sahel et de sa Force conjointe ont indéniablement ajouté à la fragmentation institutionnelle qui caractérise le multilatéralisme au sein de l’espace sahélien »33. Pour Philippe Moreau-Desfarges, le multilatéralisme est simplement en train de s’essouffler surtout en matière de sécurité et de défense. Il serait aujourd’hui même en crise34 - La tendance bilatérale Enfin, la troisième tendance dite bilatérale est reconnue par excellence pour sa plus grande flexibilité selon Gabriella Blum35. Le politologue américain John Gerard Ruggie a, dans son article intitulé Multilateralism : The Anatomy of an Institution , démontré la capacité d’adaptation du bilatéralisme au cas par cas, quel que soit le choix du partenaire ou le contenu des accords36. Pour l’auteur, cette doctrine a été utilisée, en parallèle du multilatéralisme tout au long du XXe siècle. Notre étude s’appuiera sur la troisième tendance qui favorise à la fois un contournement des blocages du multilatéralisme et une accélération de la mise en œuvre de ce dernier. De plus, la plupart des Etats engagés dans une coopération multilatérale, recourent presque tous aux coalitions régionales, bilatérales ou de coalitions ad hoc S. Michaïlof, Bureaucratie assassine : pourquoi la lenteur des procédures de l’union européenne coûte cher aux pays du Sahel dans leur lutte contre Boko haram ? 2016, URL Bureaucratie assassine : pourquoi la lenteur des procédures de l'Union européenne coûte cher aux pays du Sahel dans leur lutte contre Boko Haram | Atlantico.fr . 32 N. Bagayoko, Multilatéralisme sécuritaire africain à l’épreuve de la crise sahélienne, Centre FrancoPaix, 2019, p. 91. 33 34 « Le multilatéralisme et la fin de l'histoire », Politique étrangère, n°69, 2004, pp. 575-586. 35 G. BLUM, « Bilateralism, Multilateralism, and the Architecture of International Law », Harvard International Law Journal, 2008, pp. 323-379. 36 R. J. GERARD, Multilateralism : The Anatomy of an Institution, art. cité, p. 57. 11 rassemblant ceux qui le désirent37. Enfin, parce que les accords bilatéraux entre Etats ouest-africains voisins sont susceptibles d’accélérer la coopération régionale de défense qui se veut à terme panafricaine. Dans ces conditions, quelle problématique peut se dégager de ce sujet ? « Une problématique peut se définir comme une question qui exprime et explicite les préoccupations en termes de vide à combler, de manque à gagner par rapport à la connaissance et aux enjeux du sujet »38 . Le problème posé par la présente étude est celui de l’efficacité de la coopération entre les armées de l’air nigériane et béninoise face aux défis sécuritaires communs du moment. Commencée en 1979, elle a drastiquement diminué à partir de 2007, bien que les années suivantes aient été marquées par l’émergence de groupes armés menaçant ces deux pays, tels que le Mouvement pour l’Emancipation du Delta du Niger (MEDN) et Boko Haram39. Aussi, ces deux armées peinent-elles à conjuguer leurs efforts pour procurer l’observation aérienne et l’appui feu nécessaires à la réussite des opérations menées par leurs marines nationales respectives, engagées dans une coopération pour la lutte contre la piraterie maritime notamment dans la « Zone E »40. Dès lors, il se pose la question de l’efficacité de ces deux composantes aériennes destinées à soutenir les forces de surface engagées dans la lutte contre les fléaux régionaux communs. Ainsi, vieille de 42 ans, cet engagement bilatéral nécessite une relecture sous le prisme des dynamiques mondiales en cours et des nouveaux contextes sécuritaires régionaux. La relecture envisagée devrait donc permettre « d’optimiser les points forts » et « d’atténuer les faiblesses ». D. KEOHANE, « Coopération militaire et défense nationale au sein de l’Union Européenne », Afrique et Francophonie, ASPJ, 2018, p.5. 37 Professeur M. ADAMOU, cours sur l’initiation méthodologique à la rédaction d’un mémoire, Ecole Nationale Supérieure des Armées, Porto-Novo, 22 mars 2021. 38 Ce groupe, proche d’Al-Quaïda et jugé trop extrémiste par l’Etat Islamique, est dirigé depuis la mort de Mohamed Yusuf en 2009 par Abubakar Shekau, lui-même décédé en mai 2021. 39 40 Zone maritime regroupant le Bénin, le Niger, le Nigéria et le Togo. 12 A cette question, l’hypothèse centrale proposée est la suivante : Hypothèse centrale : La coopération militaire entre l’AAB et la NAF, dynamique à ses débuts, s’est progressivement affaiblie au fil des années. Sous-hypothèse 1 : La coopération militaire en matière aérienne entre le Bénin et le Nigéria est un enjeu majeur pour les deux Etats. Sous-hypothèse 2 : La dynamisation de la coopération entre les armées de l’air des deux Etats passe par la formalisation de cette coopération et une réadaptation aux défis sécuritaires sous régionaux actuels. Etant donné que les questions qu’elle aborde sont d’ordres stratégique et militaire et prennent à la fois en compte les questions internes et externes, la présente étude est mixte : quantitative et qualitative. La population cible est constituée des militaires ainsi que des acteurs stratégiques chargés de la mise en œuvre de la coopération militaire (délégués militaires, diplomates, coopérants militaires, personnels militaires bénéficiaires d’action de formation). La démarche méthodologique adoptée s’articule autour de quatre grandes phases : la revue documentaire, l’analyse rétrospective ; les entretiens ; le traitement et l’analyse des informations. La phase de documentation a consisté à parcourir et exploiter toute la documentation nécessaire disponible pour comprendre le sujet et mieux orienter les analyses. Pour y parvenir, nous avons visité les structures ci-après : Bibliothèque Nationale, Ambassade de la République Fédérale du Nigéria, Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération (MAEC), Direction de la Coopération Militaire et des Opérations de Paix (DCMOP) du Ministère de la Défense Nationale (MDN), Etat-Major Général (EMG), Etat-Major de l’Armée de l’Air (EMAA). Dans ces services et centres de documentation, nous avons collecté la littérature scientifique et grise, les accords de coopération et plusieurs autres documents utiles. Cette documentation nous a permis de procéder à une revue de littérature sur le sujet. 13 Par la suite, nous avons procédé à une analyse rétrospective de la coopération militaire entre le Bénin et le Nigéria. Pour y parvenir, nous avons exploité les archives et autres littératures grises pour retracer l’historique ainsi que les acquis de cette coopération. Les interviews qui ont été menées dans le cadre de cette recherche sont des interviews directes avec des personnes ressources : responsables anciens et actuels de la hiérarchie militaire, responsables en charge de la coopération militaires, personnes ressources ayant une connaissance du domaine militaire, délégués militaires ou exdélégués militaires au Nigéria, coopérants, diplomates. Quant au traitement des données, il a été fait au moyen de la méthode descriptive sur Excel. Les interviews ont fait l’objet d’une transcription et d’un recoupement. L’analyse a été faite à travers la matrice du diagnostic stratégique de type SWOT (Force, Faiblesses, Opportunités et Menaces). Ainsi cette recherche s’articule essentiellement en deux parties. La première partie est consacrée à un état des lieux de la coopération en mettant en exergue dans le premier chapitre, l’historique et l’état des lieux de cette coopération, en évoquant l’histoire de l’Armée de l’Air du Bénin (section 1ère) et l’état des lieux de la coopération entre ces deux armées de l’Air (Section 2). Le deuxième chapitre traite de l’analyse des Forces et Faiblesses, Opportunités et Menaces (SWOT) de cette coopération en abordant les atouts et faiblesses de l’Armée de l’Air du Bénin (section 1) et les opportunités nigérianes et leurs contraintes et facteurs de risques pour le Bénin (section 2). La seconde partie, traite de la multiplicité des enjeux et les perspectives de coopération fructueuse pour le Bénin et le Nigéria. Pour ce faire, elle se penche d’une part, sur les enjeux multipolaires (chapitre 3) en évoquant la nécessité d’appuyer les autres forces de défense (section 1) et les enjeux de la participation aux opérations militaires régionales (section 2) et d’autre part, les perspectives d’une coopération efficace (chapitre 4) tant sur la formation du personnel (section 1) que sur la maintenance des matériels volants (section 2). 14 PARTIE I: ETAT DES LIEUX 15 CHAPITRE 1: HISTORIQUE ET ETAT DES LIEUX DE LA COOPÉRATION ENTRE L’AAB ET LA NAF Les armées de l’air du Bénin et du Nigéria entreprennent depuis 1979, une coopération directe, dynamique, dégressivement entretenue et légitimée par les accords de la CEDEAO. Section 1: Brève historique de l’Armée de l’Air du Bénin L’Armée de l’Air du Bénin41 (AAB) est une composante des Forces Armées Béninoise (FAB) héritières de l’Escadrille Nationale, des Transports Aériens du Bénin (TAB), et des Forces Aériennes. Créée le 1er septembre 1961 sous la dénomination d’un « Bureau Air » appelé « Escadrille Nationale », elle a connu quatre (04) mutations importantes, réparties sur deux périodes majeures : la période allant de 1961 à 1990 et celle allant de 1990 à 2020. Paragraphe 1: L’organisation de l’Armée de l’Air de 1961 à 1990 Les trois (03) premières décennies de l’existence de l’AAB sont celles au cours desquelles, cette composante changea trois (03) fois de dénomination et disposa d’une flotte utilitaire importante d'origine diverse. Cette période sera marquée par l’acquisition en 1961 d’un premier appareil immatriculé TY- AAA au Dahomey42, notamment l’ « AeroCommander 5008 ». En effet, en 1982, l’« Escadrille Nationale », fusionna avec la compagnie nationale civile « Air Bénin » pour donner naissance aux « Transports Aériens du Bénin » (TAB). Cinq ans après, en 1987, elle changea une nouvelle fois de dénomination pour devenir les Forces Aériennes du Bénin, une quatrième composante des Forces Armées Béninoises. 41 Quatrième composante des FAB en vertu de la loi 2020-15 du 03 juillet 2020, modifiant et complétant la loi n°90-016 du 18 juin 1990 portant création des Forces Armées Béninoises. 42 Ancienne appellation du Bénin. 16 La plus belle période d’activités aériennes de cette unité a été celle d’avant le renouveau démocratique, pendant la période socialiste du pays43. Un projet d’acquisition d’avion de chasse de type MIG-21 avait alors été entrepris et la ville de Cana, identifiée pour accueillir cet ambitieux projet de coopération soviétique. Ainsi, la Base Aérienne de Cana a été entièrement construite par les russes et des pilotes de cette machine, formés par la coopération soviétique. Au terme de la construction de la piste d’atterrissage de cette base, l’AAB avait acquis une certaine expérience aéronautique grâce à l’exploitation d’une gamme variée d’aéronefs. Elle disposait d’une flotte relativement dense. Plusieurs avions dont une Corvette, une dizaine d’avion C-47 "Dakota", trois MH M "Broussard", quelques Fokker 27 et 28, deux (02) avions Antonov AN-26, deux (02) Antonov AN-2, un Falcon 50 offert par la Lybie, deux avions Dornier Do 28 offerts par le Nigéria44 et deux hélicoptères de type Eurocopter AS350 B "Ecureuil" ont été exploités. Si cette armée n’était pas pleinement engagée dans les opérations militaires pendant cette période, elle disposait gracieusement cependant du strict minimum d’équipements militaires en bon état avec un plan de maintenance adéquat. Ceci en vertu de magnanimes accords de coopération visant à soutenir la rivalité entre les superpuissances. Mais à partir de 1990, l’on assistera à une diminution de cette flotte et à l’interruption du projet russe d’avions de chasse. Ainsi, au départ de la coopération russe, les Forces Aériennes45 ne disposaient plus que des deux hélicoptères légers mono-turbine et d’un seul avion monoplan utilitaire bimoteur "Twin Otter" de dix-neuf (19) places en état de vol. C’est le début d’une nouvelle ère pour cette armée. Paragraphe 2: L’Armée de l’Air du Bénin de 1990 à 2020 La période de 1990 à 2020 sera caractérisée par une intensification de la coopération avec les pays européens, une baisse d’activités aériennes, une succession De 1974 à 1990, le pays a connu le régime socialiste le plus virulent d’Afrique gouverné par un parti d’inspiration Marxiste-Léniniste. 43 44 URL: https://aerophile.over-blog.com/article-les-forces-aerienne-beninoises-en-1994-91156853.html, consulté le 20 mai 2021 à 23 :51 :17 . 45 Les TAB ont été transformées en Forces Aériennes du Bénin en 1987. 17 d’insatisfaisantes acquisitions de matériels volants et un dernier changement de dénomination. Avec l’avènement du renouveau démocratique dans le pays, un changement d’ « aéropolitique »46 intervint. L’on a ainsi assisté à une réorientation de la coopération militaire vers l’Europe de l’ouest et une baisse drastique des missions aériennes. L’insuffisance de ressources dédiées à la formation, à l’entretien et à l’opérationnalisation des personnels, a progressivement condamné les aviateurs à l’utilisation de matériels d’occasion et accentué leur dépendance technique vis à vis des partenaires étrangers. En effet, les enjeux nationaux ayant changé à partir de 199047, le renouvellement de la flotte n’était plus une priorité et les missions de l’AAB, réduites à quelques rares tâches logistiques, puis à celles communes à toutes les armées. C’est ainsi qu’en 2002 cette armée a été dotée de trois avions HS-748 Hawker Siddeley retirés du service dans l’Armée de l’Air belge après vingt-six (26) ans d’exploitation. L’un de ces avions devrait servir de pièces détachées aux deux autres. Mais moins de dix (10) ans après, l’un de ces deux avions de transport opérationnels a été transformé en pièces détachés au profit du second immatriculé TY-21A, lequel sera aussi arrêté de vol en 2015. Quant à l’avion DHC-6 Twin Otter, acquis en 1981 à l’état neuf, il a été arrêté de vol deux ans plus tôt en 2013 et est actuellement redevable d’une grande révision. L’aéropolitique se comprend comme la politique de stratégie aérienne adoptée par un Etat en fonction des possibilités que lui offre ses moyens aéronautiques militaires ainsi que l’orientation des alliances et partenariats transnationaux entrant dans ce cadre. 46 Le régime marxiste-léniniste dans lequel le pays s’était engagé en 1974 a été défait lors de la conférence des Forces Vives de la Nation en 1990. 47 18 Image 1 : Un avion HS-748 du Bénin Source : Base Aérienne de Cotonou, cliché 2012. Cinq ans après, soit en 2007, un avion Boeing 727 destiné au transport "VIP"48, a été acquis auprès de la compagnie Iberia. Cette machine sera plusieurs fois clouée au sol pour défaut de composantes aussi basiques que « l’eau méthanol » pourtant réalisable sur place49. Suite aux récurrentes difficultés d’entretien de cet aéronef, il sera finalement troqué en 2016 en Afrique du Sud au profit d’une version plus récente. Qualifiée « non conforme aux normes internationales en vigueur » par l’Agence Nationale de l’Aviation Civile (ANAC) après sa réception et son vol inaugural le 05 avril 2016, cette dernière sera retournée en Afrique du Sud50. Les VIP « Very Important Personalities » sont les autorités politico-administratives d’un pays. Ce terme inclue également les membres du haut commandement militaire constitué des Chefs d’Etat-Major d’Armées. 48 49 Entretien avec un ancien Chef d’Etat-Major des Forces Aériennes, à Cotonou le 12 avril 2021. Y. SOMALON et G. DJIMIDO, « Inspection du nouvel aéronef acquis par l’ex-chef d’Etat : Toute la vérité sur le Boeing 727 », Journal « l’Evènement précis » du 02 mai 2016. URL L'événement Précis – Inspection 50 19 Par ailleurs, avec la montée de l’insécurité maritime dans le Golfe de Guinée, devenue un véritable problème régional qui menace, à court terme, le commerce mondialisé et, à moyen et long termes, la stabilité des pays riverains dont le Bénin, deux avions légers d’observation ont été commandés auprès d’un jeune constructeur français. En effet, l’International Crisis Group51 avait recommandé aux gouvernements des Etats du golfe de Guinée (Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Bénin, Nigéria, Cameroun, Guinée équatoriale, São Tomé-et- Principe, Gabon, Congo-Brazzaville, République démocratique du Congo et Angola) de faire de la lutte contre la criminalité maritime une priorité52. Ainsi, dans le but d’appuyer les opérations maritimes par des missions d’observation aériennes, le Bénin a commandé en 2011, en qualité de premier acquéreur, deux avions légers LH-10 « Grand Duc ». Malheureusement en 2013, quelques semaines après la réception de la première machine immatriculée TY-25A, un contentieux lié au contrat d’acquisition, le clouera au sol. Malgré les nombreuses propositions faites par le constructeur à l’AAB, la machine ne sera pas remise en vol et la livraison du second sera suspendue. En ce qui concerne les hélicoptères, leur exploitation au sein de l’AAB n’a pas été moins éprouvée. En effet, suite à l’indisponibilité technique ayant conduit à l’arrêt de vol le 02 janvier 2007 de l’Eurocopter AS-350 B «Ecureuil », alors seul hélicoptère disponible, l’expérience d’acquisition d’aéronefs belges usagés sera rééditée. Ainsi cette même année, cinq (05) hélicoptères Agusta A-109 BA dont un (01) en réserve pour servir de pièces détachées seront acquis auprès de la composante aérienne de l’armée belge. Cette fois-ci, le contrat inclut outre la qualification des pilotes nationaux sur cette machine, la formation initiale et complète d’un officier pilote sur cet hélicoptère. Une fois encore, six ans après, tous ces hélicoptères ont été arrêtés de vol. du nouvel aéronef acquis par l’ex-chef d’Etat: Toute la vérité sur le Boeing 727 (levenementprecis.com), consulté le 22 mai 2021 à 14 :47 :53. ONG internationale basée à Bruxelles et chargée de prévenir et d’aider à résoudre les conflits meurtriers et les guerres. 51 52 Group, International Crisis, « LE GOLFE DE GUINEE : LA NOUVELLE ZONE A HAUT RISQUE », Rapport Afrique N°195, 2012, p. ii. 20 Image 2: Pilote d'hélicoptère A-109 du Bénin en formation en Belgique. Source : Interne, cliché en date du 12 février 2012. Une autre insatisfaisante acquisition du matériel volant survint en 2014 avec l’achat par la République du Bénin d’hélicoptères Agusta Westland AW-139. Aéronef italien de nouvelle génération, l’AW-139 a été acquis par le Bénin à l’instar de plusieurs pays voisins. Encore utilisé par l’Armée de l’Air du Nigéria, du Burkina-Faso, du Sénégal et de la Côte d’Ivoire notamment pour le transport VIP, il n’aura servi que moins de deux (02) ans au Bénin. C’est dans le cadre des recherches pétrolières, que le constructeur italien Agusta Westland avait livré en 2014 et en 2016 à la Société Béninoise des Hydrocarbures (SOBEH) deux (02) hélicoptères AW-139 flambant neufs53. Si à l’époque, ces machines ne faisaient pas partie du patrimoine de l’Armée de l’Air, ce sont des pilotes et mécaniciens hélicoptères de l’Armée de l’Air qui ont régulièrement été sollicités pour 53 Entretien avec un pilote militaire à Cotonou, le 19 avril 2021. 21 les exploiter. Après seulement 293 heures de vol à l’intérieur du pays, le premier hélicoptère immatriculé civile TY-ABC, subit un crash à Djougou le 26 décembre 2015 alors qu’il transportait le premier ministre Lionel ZINSOU. L’immatriculation à titre provisoire et la mise en service en 2016 de la seconde machine encore neuve sous emballage, n’aura duré que quelques semaines, le temps du changement de régime politique. Cette machine, immatriculée civile TY-SBH est alors arrêtée de vol depuis avril 2016. Reversée au patrimoine des Forces Armées Béninoises, elle attend indéfiniment une remise en vol prochaine. Ainsi, l’Armée de l’Air demeurera dépourvue d’hélicoptère en état de vol et ses pilotes militaires, maintenus en inactivité depuis ce malheureux accident dû à une défaillance technique54. Aujourd’hui, outre le nouvel avion MA-600 immatriculé TY-BDR, acquis en 2020 auprès de la République Populaire de Chine, les quelques vecteurs aériens dont dispose l’Armée de l’Air du Bénin sont tous cloués au sol. En ce qui concerne les effectifs réalisés et les pourcentages, l’on note une faible proportion de personnels naviguant et technique contre une forte proportion de personnels sans spécialité, majoritairement des aviateurs du rang. Seuls 1.58% sont des Personnels Navigants, 6,11% non navigants spécialistes contre 55,11% ceux des services généraux puis 37,2% sans spécialité55. Sur le plan organisationnel, l’AAB est dotée d’une organisation et d’un format perfectibles nécessitant la mise en œuvre de nouveaux partenariats et de profondes réformes pour la rendre plus sure, utile et rentable pour la nation. En effet, à l’instar des autres composantes des Forces Armées Béninoises, elle dispose d’un Etat-Major à trois (03) divisions, d’un service rattaché, le Service du Commissariat de l’Air et de quelques organismes formant corps. Il s’agit du Groupement Hors Rangs (GHR)56, du Centre d’Instruction des Fusiliers Commandos de l’Air (CIFCA), des Bases Aériennes de Cotonou (BACO) et de Cana (BACA), de la Base 54 Conclusion du rapport d’enquête. 55 Division des Ressources Humaines de l’Etat-Major de l’Armée de l’Air, 2020. Unité en charge de la gestion des personnels de l’Etat-Major de l’Armée de l’Air et ceux détachés auprès des organismes interarmées. 56 22 Logistique de Parakou (BALPA), du 1er Escadron d’Avions de Transport (1er EAT) et du 1er Escadron d’Hélicoptères (1er EH)57. Des trois Bases Aériennes dont elle dispose, seule la Base Aérienne de Cotonou58 est dotée d’aéronefs. La BACA, activée pour la première fois en 2012, partage ses installations avec le 1er Bataillon d’Artillerie Mixe (1er BAM) et le Centre de Formation aux Opérations de Maintien de Paix (CFOMP). Quant à la BALPA, on attend toujours son activation puisque les infrastructures militaires nécessaires à son opérationnalisation n’ont jamais été construites. Figure 1: Organigramme de l'Armée de l'Air du Bénin Source : Etat-Major de l’Armée de l’Air du Bénin. Le 1er EAT et le 1er EH sont deux unités nées de l’éclatement en 2013, de l’Escadron de Transport Mixe (ETM) de la Base Aérienne de Cotonou. 57 La Base Aérienne de Cotonou occupe l’aile Sud-Est de l’Aéroport International Cardinal Bernadin GANTIN de Cotonou. 58 23 Image 3: Une prise d'armes à la BACO Source : Base Aérienne de Cotonou, cliché 2020. Section 2: Etat des lieux de la coopération militaire entre l’AAB et la NAF Les armées de l’air béninoise et nigériane entreprennent dès 1979, une coopération directe, dynamique, dégressivement entretenue59 par manque d’intérêts communs et légitimée par les traités organisant un système de sécurité collective au sein de la CEDEAO. Paragraphe 1: Une coopération structurelle en déclin L’idée d’assistance et d’entraide entre armées des pays d’Afrique de l’Ouest a germé après la création à Lagos le 28 mai 1975 de la CEDEAO, une organisation qui regroupait à l’époque seize (16) Etats membres. Cette organisation économique, dont sont tous membres le Nigéria et le Bénin, s’est très tôt préoccupée des problèmes relatifs à la sécurité des Etats qui la composent. En effet, dès novembre 1976, soit un an et demi après sa création, la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement a adopté une résolution invitant à l’élaboration d’un 59 Entretien avec officier supérieur nigérian à Cotonou, le 14 avril 2021. 24 traité de non-recours à la force. Sur cette base, un Protocole de Non-Agression est signé le 22 avril 1978 à Lagos, et un Protocole d’assistance mutuelle en matière de défense fut adopté le 29 mai 1981 à Freetown. Le Protocole de Non-Agression, fait interdiction aux États membres de recourir à l’agression, à la subversion et à toute autre forme d’emploi de la force dans les relations entre États membres60. Il prévoit un système de règlement politique pour les différends qui viendraient à naître entre eux. Quant au Protocole d’assistance mutuelle en matière de défense, il organise un système de sécurité collective qui implique que les États membres se prêtent mutuellement main forte pour leur défense contre toute agression dont un des leurs est l’objet par un État tiers61. Il en est de même dans le cas où un conflit armé interne à un État membre est soutenu et entretenu activement de l’extérieur. Cependant, une des faiblesses des actions de cette organisation face aux conflits modernes est qu’il n’y a pas lieu à intervention des forces armées de la CEDEAO si le conflit reste purement interne62. « Suite aux changements et aux nouveaux mandats de la Communauté, un Traité révisé a été signé à Cotonou, en République du Bénin, en juillet 1993 par les chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO composée désormais de quinze (15) Etats membres après le départ de la Mauritanie »63. Partant de ce cadre juridique légitime qu’offre la CEDEAO, le Nigéria et le Bénin ont entrepris plusieurs projets de coopération dans divers domaines avant leurs élargissements au secteur de la défense. Il s’agit notamment du domaine économique à travers la Société Sucrière de Savè (SSS), la Cimenterie d’Onigbolo,64 mais aussi un projet porté par le feu F. M. DJEDJRO, La guerre civile du Libéria et la question de l’ingérence dans les affaires intérieures des états, Revue belge de droit international, Editions BRUYLANT, Bruxelles1993/2, p.405. 60 61 Ibid, p.413. Un conflit qui oppose, sur le territoire d’un seul Etat, les forces armées régulières à des groupes armés dissidents, ou des groupes armés entre eux. 62 63 Le nombre d’Etats membre est passé à quinze (15) après le départ de la Mauritanie. Ces deux projets ont été lancés suite au décret n°86-309 du 5 Août 1986 portant création d’un comité interministériel chargé d’étudier les conditions de commercialisation, au Nigéria, du sucre de la Société Sucrière de Savè (SSS) et du ciment de la Société des ciments d’Onigbolo. 64 25 professeur Albert TEVOEDJRE65 pour l’enseignement de la langue française par des béninois aux nigérians. En ce qui concerne la coopération militaire, elle a véritablement débuté par une assistance du Nigéria aux lendemains de l’agression aérienne du 16 janvier 197766. En effet, « plusieurs patrouilles ont été organisées sur ordres du président nigérian Olushegun Obasandjo, par la marine nigériane sur les côtes béninoises afin de protéger le pays contre une éventuelle nouvelle agression par la mer »67. Aussi, dans le cadre du projet linguistique, plusieurs officiers nigérians en stage au Centre Béninois des Langues Etrangères (CEBELAE), ont-ils été confiés au Général Basile C. DADELE, alors Capitaine, pour des modules de cours sur les terminologies militaires. L’enseignement des terminologies militaires aéronautiques était exclusivement dédié aux professionnels nigérians de l’aéronautique appelés à interagir lors des missions aériennes avec les francophones. C’est en échange de cette offre que les FAB ont commencé par envoyer des officiers béninois au cours d’instructeur de langue anglaise au Nigéria. Pour ce qui concerne particulièrement la coopération bilatérale entre les Armées de l’Air, elle a débuté en 1979 par l’envoi de neuf (09) lauréats des tests psychotechniques68 en formation dans les écoles de la NAF. Sortis brevetés en 1981, les trois (03) pilotes de transport et six (06) mécaniciens, ont constitué les premiers bénéficiaires de cette coopération naissante. Suite au tragique accident survenu le lundi 16 novembre 1981, à l’aéroport international Murtala Muhammed de Lagos de l’Aérospatiale Corvette des Transports Aériens du Bénin (TAB)69 immatriculé TY-BBK, cette coopération est devenue plus dynamique. En effet, selon le témoignage d’un 65 Une des plus éminentes figures intellectuelles du Bénin, décédé le 06 novembre 2019 à l’âge de 90 ans. 66 Le 16 janvier 1977, Bob DENARD a dirigé une invasion de mercenaires contre le régime du Président M. KEREKOU. Dénommée opération « crevette », les mercenaires étaient venus par les airs. 67 Entretien avec un ancien Chef d’Etat-Major des Forces Aériennes le 08 mai 2021 à Cotonou. 68 Organisées tous les deux ans par la coopération française, les tests psychotechniques constituent la seule voie de recrutement des professionnels de l’aéronautique dans les FAB. L’escadrille militaire nationale et la compagnie « Air Bénin » avaient déjà pratiquement fusionnée pour former les Transports Aériens du Bénin. L’immatriculation civile de cet avion avait alors été transformée en immatriculation militaire TY-BBK. 69 26 responsable militaire de l’époque, « le positionnement des unités d’artillerie nigériane à la frontière avec le Bénin justifié par l’ingérence des anciennes colonies sous influence française dans la guerre civile nigériane70, ajoutée à l’expérience et aux qualités professionnelles des deux pilotes FAVI Innocent Jean-Baptiste et KANHONOU Augustin qui étaient aux commandes de l’avion71, avaient laissé court à des spéculations » malgré les résultats officiels de l’enquête qui ont révélé une défaillance technique72. Image 4: L’Aérospatiale Corvette immatriculé plus tard TY-BBK Source : aerophile.over-blog.com, Jacques Moulin, cliché 1994. 70 Entretien à Cotonou avec un Officier Supérieur des Forces Aériennes à la retraite, le 04 juillet 2021. « Le Nigéria faisait partie des pays non alignés, luttant contre l’Apartheid et considérés comme pays de la ligne de front. Pour cette raison, les pays capitalistes ont tout fait pour ruiner l’économie. Ce qui a conduit à une crise économique sérieuse dans les années 80 conduisant au coup d’Etat du Général Buhari ». 71 Décret n° 1981-395 du 19 novembre 1981 portant création de la commission technique spéciale chargée de l'enquête sur l'accident survenu à l'avion Corvette de la Société Nationale de Transports Aériens Air Bénin le lundi 16 Novembre 1981. 72 Entretien avec un ancien Chef d’Etat-Major des Forces Aériennes à Cotonou, le 08 mai 2021. 27 Ainsi, la vitalité des échanges entre ces armées a abouti à la promesse de don de deux avions de type Dornier Do-28 et à l’offre de formation d’une deuxième vague de personnels béninois, constituée de quatre (04) officiers et deux (02) sous-officiers, à l’école des officiers ingénieurs de Kaduna. En joignant l’acte à la parole, la NAF a également assurée la qualification de cinq (05) pilotes dont un (01) Commandant De Bord (CDB) et sept (07) techniciens sur ledit aéronef. Image 5: Un des deux avions Dornier Do-28 offerts par le Nigéria Source : aerophile.over-blog.com, Jacques Moulin, cliché 1994. Malheureusement, au terme de l’assistance technique nigériane mise à disposition du Bénin, les offres de formation ainsi que les échanges entre les Armées de l’Air du Bénin et du Nigéria sont interrompus. Malgré, « la visite de travail au Nigéria conduite quelques années après, en 1988 par le Général Seydou MAMA SIKA, alors Commandant et Commandant des Forces Aériennes (COFA), pour rétablir le contact, aucune amélioration significative n’aura été apportée aux relations entre ces deux armées de 28 l’air »73. Il a fallu attendre l’année 2007 pour que six (06) places de formation initiale de sous-officiers techniciens aéronautiques soient accordées au Bénin par l’Armée de l’Air nigériane. Cette fois-ci, « cette coopération est entretenue par l’ambassade de la République Fédérale du Nigéria à travers des échanges officiels entre l’attaché de Défense au Bénin et le Sous-chef d’Etat-Major du Bénin, chargé des Relations Internationales »74. La dernière offre de formation au profit de l’AAB date de 2012 et est constituée d’une place de formation d’un (01) officier des services généraux. Aujourd’hui, les actions de coopération militaire entre ces armées se résument essentiellement à des offres de places de formation communes aux armées telles que le Diplôme d’Etat-Major (DEM), et l’Ecole de Guerre (EDG) au profit des personnels béninois et des voyages d’étude d’officiers nigérians de l’Académie Nationale Interarmées d’Etat-Major de Jaji en République du Bénin. Tableau 1 : Places de formation offertes par la NAF à l’AAB ( de 1979 à 2012) . FORMATION 1979 1982 1986 EDG 2003 2007 01 DEM OFFICIERS 03 PILOTES OFFICIERS 06 INGENIEURS OFFICIERS DES SERVICES COMMUNS QUALIFICATION SUR DO-28 SOUS-OFFICIERS BE/BS AVION TOTAL 2012 01 OBS 02 03 04 10 01 12 06 TOTAL 02 02 06 12 01 12 02 09 2008 01 08 7 pilotes 05 Mécaniciens 08 01 01 38 Source : Division des ressources humaines de l’Etat-Major de l’Armée de l’Air. 73 Entretien avec un Général de Division Aérienne à Abomey-Calavi, le 20 juin 2021. 74 Entretien avec un officier supérieur des FAB, le 14 avril 2021 à Cotonou. 29 Ainsi, pendant quarante-deux (42) ans de coopération, les formations offertes par la NAF au profit des personnels de l’AAB ont eu une évolution en « dents de scie » avec un pic en 1986, année où cette armée a reçu le don de deux (02) avions Dornier Do-28 de la NAF. Ces offres de formation ont connu une baisse drastique à partir de l’année 2007 et une interruption en 2013. Au total, trente-huit (38) formations dont trente-trois (33) spécialisées (23 techniques et 10 pour pilotage) et cinq (05) communes aux armées ont été offertes par la NAF aux aviateurs béninois. Leur répartition est illustrée par la figure ci-après. Figure 2: Répartition des formations offertes par la NAF à l’Armée de l’AAB Evolution des formations offertes par la NAF à l'AAB 14 40 12 35 30 10 25 8 20 6 15 4 10 2 5 0 0 1979 1982 1986 2003 2007 2008 2012 EDG DEM OFFICIERS PILOTES OFFICIERS INGENIEURS OFFICIERS DES SERVICES COMMUNS QUALIFICATION SUR DO-28 S-OFFICIERS BE/BS AVION TOTAL TOTAL Paragraphe 2: Une coopération opérationnelle qui peine à s’envoler Le rôle des aéronefs opérationnels, est crucial dans la lutte contre les groupes armés terroristes (GAT) en raison de l’étendue de la zone d’action de ces groupes, de leur mobilité et de leurs modes d’action. Les pays menacés par le terrorisme transfrontalier doivent donc se doter de moyens aériens nationaux autonomes et suffisants susceptibles d’être employés dans un cadre national et multinational tels que les opérations du G5 30 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad). Les Etats à moyens modestes comme le Bénin devront quant à eux, compter sur le développement d’une Coopération Militaire Opérationnelle-Air (CMO-AIR) pour surveiller et contrôler les lignes d’opérations qui leur sont assignées. Ce n’est qu’ainsi qu’ils pourront accroitre leurs capacités à renseigner (ISR)75, à transporter par les airs à travers l’aéromobilité et l’évacuation sanitaire (EVASAN) puis remplir des missions d’attaques en soutien aux forces de surface connues sous la dénomination de Close Air Support (CAS)76. La coopération bilatérale entre les armées de l’air béninoise et nigériane qui devrait s’y consacrer, a été particulièrement dynamique en ce qui concerne la formation du personnel au détriment du volet opérationnel et tactique, handicapé par l’indisponibilité de matériel adéquat au Bénin. Pourtant depuis plus d’une décennie, les plus sérieuses menaces à la stabilité de ces deux nations voisines que sont le terrobanditisme et la piraterie maritime sont communes. Le militantisme du Delta du Niger a certes vu officiellement la fin de son règne en 201477, mais « de nombreux actes de brigandage perpétrés sur les plateformes maritimes nigérianes et béninoises sont imputables aux combattants du Mouvement pour l’Emancipation du delta du Niger (MEDN) »78 et depuis 2012 de l’IPOB (Indigenous People of Biafra). S’il est vrai que le leader du mouvement indépendantiste du Delta du Niger, Alhaji Mujahid Asari-Dobuko s’est fait naturaliser par les béninois en 2013 et renoncé au militantisme violent, il n’en demeure pas moins que la synergie d’actions coordonnées qui devrait accroitre ensemble la résilience du Bénin et du Nigéria face aux menaces sécuritaires n’a pu être effective pour contribuer significativement à l’endiguement rapide du MEDN79. La vaste région 75 Intelligence, Surveillance and Reconnaissance. 76 Appui aérien rapproché. Ambassadeur L. LASEINDE, "Elaboration d’une stratégie de sécurité nationale, étude de cas du Nigeria", Centre d’Etudes Stratégiques de l’Afrique, 2020, p.2. 77 Echanges avec un officier supérieur de l’Armée de Terre à la retraite, ancien membre du haut commandement militaire, le 08 avril 2021 à Abomey-Calavi. 78 79 Un mouvement militant nigérian qui lutte contre « l'exploitation et l'oppression des peuples » du delta du Niger. 31 du Delta du Niger objet de la revendication du MEDN est constituée de neuf (09) Etats riches dotées de réserves pétrolières estimées à 37 milliards de barils de pétrole brut en 201780. Elle a été un foyer d’une violente instabilité au Nigéria pendant les deux dernières décennies81. Contrairement à la NAF qui exploite les vecteurs tels que le « JF-17 Thunder Fighter Jet », l’Alpha Jet, et l’A-29 « Super Tucano » dans la lutte anti-guérilla et celle contre Boko Haram, le Bénin n’est pas à ce jour doté d’une aviation de chasse dont l’exploitation consumerait son budget de défense. En revanche, ce pays a manqué l’occasion d’introduire progressivement dans ses opérations, les drones militaires en tant que moyens de reconnaissance et d’attaque depuis leur pleine utilisation par la NAF. Tableau 2: Types de drones militaires utilisés par les Forces Armées nigérianes Armée de l’Air Armée de Terre Marine Nationale En construction au Nigéria Drones militaires (UAV) • • • • • • • • • • Tsaigumi drone Amebo drone Gulma drone CH-3A UCAV Star Tiltrotor ADS Aerostar UAV VTOL voilure fixe Mugin commerciale RQ-11 RUAV82 Star Tiltrotor • • • DJI Phantom ADS Aerostar • RemoEye 002Bs « Ichoku » (Lancement à main) Source : Africanmilitaryblog.com83 80 T. M. EBIEDE, Instabilité dans le Delta du Niger : Programme Post-Amnistie et Consolidation de la Paix, Friedrich-Ebert-Stiftung, 2018, p. 6. 81 Idem. 82 Raven Unmanned Aerial Vehicle 83 URL www.africanmilitaryblog.com/2020/10/nigerian-military-drones-uav-current-army-air-force-andnavy-uav-inventory consulté le 12 juin 2021 à 01 :45 :07 32 De même, les armées de l’air nigériane et béninoise ont plusieurs fois exploité les mêmes types d’hélicoptères militaires sans qu’aucun entrainement ou manœuvre opérationnelle conjointe n’ait véritablement pu être conduit. Il s’agit notamment des hélicoptères Agusta A-109 et AW-139. Il en a été de même pour la formation de personnels techniques, sur ces machines qui aurait pu garantir le maintien opérationnel de ces aéronefs. En conséquence, bien que des solutions de maintenance existent dans les structures militaires et civiles du Nigéria, l’AAB n’a pu maintenir longtemps en état de vols ces hélicoptères. 33 CHAPITRE 2: ANALYSE DES FORCES ET FAIBLESSES, OPPORTUNITÉS ET MENACES (SWOT) DE L’AAB ET DE LA NAF Les Armées de l’Air béninoise et nigériane présentent chacune des Forces, Faiblesses mais surtout de plusieurs atouts et opportunités aéronautiques exploitables pour accroître la résilience de ces deux nations face aux menaces qui pour la plupart restent communes. Section 1: Les atouts et faiblesses de l’AAB Le Bénin a tant bien que mal eu le mérite en 2020 de contredire l’assertion selon laquelle « lorsque le Nigéria éternue, le Bénin s’enrhume »84. En effet, les frontières nigérianes ont été unilatéralement fermées par le gouvernement nigérian du 20 Août 2019 au 16 décembre 2020 afin de lutter contre la contrebande de riz, d’armes et de drogues. Bien que les économies de ces pays soient intimement liées, les mesures d’atténuation mises en place ont permis à l’économie béninoise de ne pas chanceler comme ce fut le cas en avril 1984, lorsque le Président Muhammadou Bouhari arriva au pouvoir par coup d’Etat. Cette résilience inédite du Bénin face au Nigéria témoigne de la capacité du pays, à s’engager dans un partenariat fécond avec son grand voisin de l’Est. En dépit des faiblesses de l’armée de l’Air du Bénin, elle dispose d’atouts aéronautiques exploitables par la coopération bilatérale bénino-nigériane. Paragraphe 1: Un personnel naviguant et technique qualifié mais longtemps restés en inactivité Au Bénin, le maintien en condition opérationnelle du personnel navigant et technique ainsi que la mise à jour régulière des diverses qualifications et licences de vol constituent un défi majeur pour les divers commandements. Ces personnels sont tous recrutés par tests psychotechniques, et titulaires d’un baccalauréat scientifique ou sortis des facultés des sciences et écoles techniques des universités nationales. Intellectuellement prometteurs pour l’avenir scientifique du Bénin et diplômés de grandes 84 Assertion largement partagée au Bénin depuis les années 1990. 34 écoles étrangères, ils pourront être employés dans les Opérations de Maintien de Paix (OMP), la surveillance et la collecte du renseignement ainsi que les opérations militaires régionales. Restant souvent en inactivité aérienne pendant plusieurs années du fait de l’indisponibilité de vecteurs aériens, ils constituent un atout précieux pour la coopération avec la NAF notamment dans la formation des personnels, l’entretien des aéronefs et les projets aéronautico-industriels. En effet, au terme de leur formation initiale, les pilotes et techniciens militaires passent de nombreuses années d’inactivité aérienne qui érodent progressivement leur motivation et capacité. La plupart des aéronefs militaires restent cloués au sol du fait du désengagement des partenaires internationaux des entretiens techniques coûteux, doublé d’une réduction radicale des budgets de la défense. Cet état de chose qui date des années 1990 peine à être résolu à ce jour. Déjà, « au terme de la coopération aérienne russe, tous les pilotes de chasse au Bénin ont dû subir une reconversion professionnelle. Plusieurs ont continué leur carrière d’officiers à l’Armée de Terre, à la Marine ou encore à la Gendarmerie Nationale »85. Les plus chanceux en terme d’activités aériennes ont été reconvertis pilotes de transport ou d’hélicoptères au sein de l’Armée de l’Air du Bénin. L’aéronautique n’étant pas développée dans le pays, la reconversion civile leur était moins accessible. Ainsi, comme pris dans un « piège de l’aviateur béninois », les personnels navigants se contentent d’une carrière de gestion administrative tandis que les personnels techniciens sous-officiers qualifiés quittent simplement l’institution militaire. Objets d’un traitement salarial moindre, ils sont enclins à des départs pour des horizons plus prometteurs à leurs yeux. C’est ainsi qu’on a pu noter le départ pour diverses raisons de quarante-quatre (44) sous-officiers techniciens qualifiés depuis 2000. L’absence de ces personnels, parfois détenteurs uniques d’une compétence technique86, a hypothéqué davantage le maintien opérationnel des aéronefs. 85 Entretien à Abomey-Calavi avec un pilote de chasse formé en Russie ayant passé toute sa carrière à l’Armée de Terre, le 08 avril 2021. 86 Entretien avec un sous-officier de l’Armée de l’Air à Cotonou, le 12 mai 2021. 35 Une autre conséquence de l’inactivité aérienne au sein de l’AAB est l’indisponibilité d’instructeurs pilotes et de Commandants De Bord (CDB)87 sur certains aéronefs, tributaires de l’insuffisance d’heures de vols requis aux pilotes béninois. En effet, généralement un pilote militaire obtient son brevet de pilote après cent cinquante (150) à trois cent (300) Heures De Vols (HDV) alors qu’un minimum de mille cinq cent (1500) HDV est requis pour devenir CDB88. Ainsi, de jeunes pilotes rentrés d’école de formation initiale, fougueux de leur jeunesse, disposant encore de qualités académiques à jour et disposés à servir l’AAB, sont maintenus en inactivité par manque d’instructeur ou de CDB pouvant assurer leur qualification opérationnelle sur le vecteur en dotation au sein de l’AAB89. En conséquence, au départ à la retraite des anciens, ces pilotes devenus officiers supérieurs, manquent d’expérience pour devenir CDB et ainsi conduire à leur tour, la formation des jeunes. Paragraphe 2: Un espace aérien et des aérodromes inexploités par l’armée faute de moyens volants Un des principes du droit international coutumier est la souveraineté de l’Etat sur l’espace aérien surplombant son territoire terrestre. Elle est affirmée par la Convention de Chicago qui stipule : « Les Etats contractants reconnaissent que chaque Etat a la souveraineté complète et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de son territoire90 ». Cependant, les capacités limitées de transport aérien de l’AAB, entravent gravement l’aptitude du pays à réagir face aux menaces transnationales, aux catastrophes naturelles D’après l’Agence Nationale de l’Aviation Civile du Bénin, c’est le pilote désigné par l’exploitant ou par le propriétaire dans le cas de l’aviation générale, comme celui qui commande à bord et qui est responsable de l’exécution sûre du vol. L’évolution dans la carrière de pilote militaire n’étant pas liée à la réglementation civile, ce quota horaire peut varier même si la majorité des armées de l’air du monde tendent à s’y conformer. En ce qui concerne la qualification de Pilote Instructeur, elle nécessite un stage dédié. 87 88 ANAC Benin, Règlementation Aéronautique Béninoise Licence de Pilote de Ligne R2-RAB-01- A, 2016, p.95. 89 Aéronef utilisé par l’Armée de l’Air du Bénin. 90 Convention de Chicago, art. 1er . 36 et aux autres défis relatifs à la sécurité. Bien que la surveillance et la défense de l’espace aérien soient ses principales missions, le « matériel majeur actuellement en dotation lui permet d’effectuer très peu de missions militaires »91. De plus, n’exploitant que faiblement son espace aérien, celui-ci est essentiellement utilisé par l’aviation civile et contrôlé à travers l’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA), pourtant non autorisée et équipée pour faire face à une intrusion hostile. Elle n’assure que la surveillance radar de l’espace par faute d’équipements adéquats en dotation dans l’AAB. La capacité des pistes d’atterrissage et les terminaux des aéroports de Cotonou (DBBB)92 et de Parakou-Tourou93 sont adéquats en général mais les dispositifs de contrôle du trafic aérien et de surveillance qui restent essentiellement civiles, nécessitent beaucoup d’amélioration. Quant à celui de la Base Aérienne de Cana (DBBC), sa longue piste d’atterrissage a la capacité d’accueillir des avions de chasse. En ce qui concerne les nombreuses pistes d’atterrissage en latérite, elles sont faiblement exploitées et contrôlées du fait de l’indisponibilité des aéronefs. Aujourd’hui au nombre de neuf (09), elles constituent des portes d’entrée insuffisamment contrôlées. Il s’agit des pistes des aérodromes de : Savè (DBBS), Parakou (DBBP), Djougou (DBBD), Bembèrèkè (DBBR), Natitingou (DBBN), Porga (DBBO), Kandi (DBBK) et les pistes d’atterrissage du Park W et de l’usine de la Nouvelle Cimenterie du Bénin (NOCIBE). Le pays peine ainsi à tirer leçon de la seule et véritable attaque subie qu’est l’agression par voie aérienne du 16 janvier 1977, pour relever les niveaux d’équipement et de professionnalisation de l’armée de l’air et ainsi accroître sa résilience face aux nouvelles menaces réputées pour leur multiformité. Une mise en formation continue des personnels et leur maintien en activité sont indispensables pour relever les défis sécuritaires contemporains de l’AAB au nombre desquels figurent les situations crisogènes engendrées par le faible contrôle de l’immigration irrégulière. En effet, malgré les efforts fournis par l’Agence Béninoise de 91 Entretien avec un officier supérieur de l’AAB à Cotonou le 16 avril 2021. 92 DBBB est le code attribué à cet aéroport par l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI). 93 Nouvel aéroport est destiné à remplacer celui de Parakou-Wansirou dont le code OACI est « DBBP ». 37 Gestion Intégrée des Frontières (ABEGIEF) et l’Unité Spéciale de Surveillance des Frontières (USSF), plusieurs immigrés empruntent les axes incontrôlés reliant le Bénin aux pays limitrophes comme le Burkina-Faso, le Nigéria et le Niger tous en lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme. C’est pourquoi le contrôle du flux migratoire mérite davantage d’attention et le déploiement de grands moyens. Une surveillance plus accrue au moyen d’aéronefs et de drones permettrait d’apprécier son importance et d’accroitre le rendement de l’USSF dans la sécurisation des espaces frontaliers à l’instar de ce qui se fait à la frontière mexico-américaine. Image 6: Carte des aérodromes du Bénin. NIGER BURKINA-FASO NIGERIA TOGO Source : openStreetMap Cliché 2021. 38 Plus particulièrement, la forte augmentation des naissances au Niger, pays où l’espace habitable est restreint, fait du Bénin un candidat potentiel à accueillir par milliers des immigrés en provenance de ce pays dans les prochaines années. La raison est qu’ « il sera difficile au Niger, pays semi-aride, de nourrir une population qui va passer de 11 millions d’habitants en 2012 à 50 millions d’habitants en 2050 »94. Déjà des communautés nigériennes deviennent de plus en plus nombreuses dans les régions de Malanville et de Karimama95, créant même parfois des villages entiers d’immigrés à l’image de leurs villages nigériens d’origine96. Les prévisions estiment que le phénomène migratoire sera une des causes d’«un accroissement d’environ 54% de l’incidence des conflits armés d’ici 2030 sur tout le territoire de l’Afrique subsaharienne97. Il est possible au Bénin de juguler ces situations crisogènes persistantes par des missions de surveillance aérienne des frontières conjointement menées avec les unités responsables sous l’égide l’ABEGIEF. Toutefois, les engagements régionaux ratifiés98 par le pays l’oblige à conformer sa politique de défense aux logiques développées par Joseph NYE, c'est-à-dire, au « hard power », (ou la politique de puissance coercitive), d'une part, et au « soft power », (ou la politique de puissance douce), exercées concomitamment99. Compte tenu du niveau d’opérabilité de l’AAB, une mutualisation de ses moyens et procédures opérationnelles avec ceux de la NAF serait susceptible de la rendre plus apte en lui apportant les changements progressifs adaptés dont elle a besoin pour sa pleine opérationnalisation. 94 L. A. TURNER, commentaires sur les perspectives internationales sur la santé sexuel et génésique. Niger : trop peu, trop tard, 2012, p.1. S. B. ALLAGBE, T.R. KADJEGBIN & G. GONZALLO, Enjeux socio-économiques de l’immigration, 2017, p195. 95 96 N. BAKO-ARIFARI, cours intitulé « diplomatie de la paix », ENSA,15 mars 2021. 97 L. A. TURNER, Loc.cit, p.1. 98 La libre circulation des personnes et des bien prévaut au sein de la CEDEAO. 99 J. NYE, Bound to Lead: The Changing Nature Of American Power, New York, Basic Books, 1990, p.261. 39 En somme, les Forces, Faiblesses, Opportunités et Menaces de l’AAB peuvent se résumer de la façon suivante : Tableau 3: Matrice SWOT de l’AAB dans sa coopération avec le Nigéria. FORCES FAIBLESSES Disponibilité des personnels qualifiés Personnels inexpérimentés et démotivés Disponibilité d’aérodromes militaires Espace aérien inexploité Proximité géographique avec Nigéria Absence de centre de formation Coopération existante Formation du personnel dépendante des pays étrangers Budget de défense réduit Accords d’Assistance Militaire Technique avec la France OPPORTUNITES RISQUES Formation régulière du personnel Domination nigériane Entraînement sur simulateur de vol Violation du secret défense Maintenance du matériel à coût réduit Présence permanente de la NAF Transfert de compétence Mise en cause d’accords de coopération militaires avec les pays ne partageant pas les mêmes orientations Mise en place d’une industrie de défense Appui aux missions des forces de surface (Armée de Terre et Marine Nationale) Meilleure surveillance terrestres et maritimes des frontières Engagement d’aéronefs aux missions ONU Acquisition d’expérience aéronautique aux personnels Immersion linguistique 40 Section 2: Les opportunités nigérianes, les contraintes et les facteurs de risque Puissance démographique et militaire ouest-africaine, la République Fédérale du Nigéria, fait partie des prochains pays émergeant du 21ème siècle connus sous l’acronyme des MINT (Mexique, Indonésie, Nigéria, Turquie). Bien que le Bénin soit un pays francophone de la CEDEAO, il est au sein de cette communauté l’un des pays avec lesquels le Nigéria partage une longue histoire et une culture commune. Du sud au nord, dans les Etats tels que Lagos, Ogoun, Kwara, Niger et Sokoto, ni la barrière des langues ni les frontières coloniales n’ont véritablement réussi à séparer des « communautés voisines très soudées partageant les mêmes cultures, les mêmes langues, les mêmes relations, la même histoire, les mêmes traditions »100. Dans ce contexte, un véritable exemple de partenariat bilatéral en matière de sécurité peut s’établir avant de s’étendre aux autres pays. Les atouts aéronautiques nigérians permettront à l’Armée de l’Air du Bénin, de prendre enfin son envol à condition que les diverses contraintes et facteurs de risques soient contenus. Paragraphe 1: Les opportunités aéronautiques, technologiques et économiques La NAF s’est au fil des années équipée d’une variété de moyens aériens et d’infrastructures aéronautiques en accord avec ses ambitions. Aujourd’hui, elle dispose de plus de cent quarante (140) aéronefs divers en service dont quarante-deux (42) hélicoptères, une trentaine d’avions de transport, une vingtaine d’avions de chasse et plus d’une cinquantaine dédiée à la formation du personnel 101 . L’acquisition en novembre 2020 des chasseurs de type « JF-17 Thunder Fighter Jet » conçu par l’Armée de l’Air Pakistanaise en collaboration avec la République Populaire de Chine et l’équipement de l’école de pilotage 401 en avions pakistanais légers de type « Supermushshak », traduisent les relations privilégiées qu’entretiennent la NAF et les pays en voie de développement 100 J. IGUE et A. ASWAJU, "The Nigeria-Benin Transborder Cooperation : Proceeding of the Bilateral Workshop" , Administrative Staff College of Nigeria, Topo, Badagry, 1988, pp.6-12. 101 Defense Nigeria, URL : https://mobile.twitter.com/DefenseNigeria/status/1371104692743368710, visité le 5 janvier 2021 a 17 :33 :21. 41 ou émergents. De même, l’acquisition de quelques exemplaires d’avions brésiliens de voltige turbopropulseur de type « A-29 Super Tucano » pour la lutte anti-guérilla, témoignent de la volonté de la République Fédérale de réorienter ses priorités en termes de partenariat. En outre, cette armée de l’air, « conduit depuis quelques années de façon autonome des formations complètes dans chacune des spécialités aéronautiques au profit de ses personnels dans six (06) écoles de formation » 102 dont : • Une école de pilotage et un Institut de Technologies de l’Armée de l’Air à Kaduna pour la formation initiale de jeunes pilotes et techniciens appelés à servir l’Armée de l’Air Nigériane ; • Une école à Kano103 pour le stage d’instructeur de vol et la formation avancée au pilotage d’avions de chasse ; • L’école Internationale d’Aviation (IAC)104 de Illorin, chargée de la formation des pilotes militaires de transport ; • Une école de pilotage sur hélicoptères de combat, « 305 Flying Training School » à Enugu105. Aussi, l’armée de l’air nigériane produit puis exploite-t-elle depuis quelques années des drones militaires tels que « Gulma », « Amebo » et « Tsaigumi »106, pour la surveillance côtière, des frontières et des bases aériennes. De même, l’expérience acquise par le Nigéria à travers la récente mise sur pied de l’escadrille K9, dédiée au dressage des 102 Entretien avec un Officier Supérieur nigérian, le 14 avril 2021 à Cotonou. Deuxième ville du Nigéria par sa population. Située au Nord du pays, elle est la capitale de l’Etat de Kano. 103 L’International Aviation College est une propriété de l’Etat de Kwara à l’Ouest du Nigéria à 230 Km de Parakou. 104 105 L’International Helicopter Flying School est situé à Enugu, la ville des collines au Sud-Est du Nigéria. Nigerian Made Drones – Peoples Trust Africa URL www.peoplestrustafrica.com/nigerian-madedrones/#.YKePVHmg_IU consulté le 21 mai 2021 à 12:45:12. 106 42 chiens de défense, de patrouille et de détection d’explosifs pourrait-être capitalisée par le Bénin à travers les accords de coopération. Par ailleurs, l’élan technologique amorcé par la Defence Industries Corporation of Nigeria (DICON), avec l’existence du centre d’études technologiques « Nigerian Air Force Institute of Technology (AFIT)» et les structures de maintenance telles que la 16ème Escadrille Logistique de Kainji et « CAVERTON Support Group » constituent des solutions efficaces de proximité à saisir par l’AAB107. En pratique, il s’agira dans le cadre de la coopération bilatérale de créer des conditions, suivies et pilotées par un comité, favorables à la disponibilité de matériels volants et des personnels technico-opérationnels. Le but étant d’accroître le potentiel aérien susceptible d’appuyer les forces de surface du duo de pays dans leur lutte contre les menaces communes. Partant de la signature d’un traité bilatéral, le comité de suivi aura pour mission d’analyser l’état des relations bénino-nigérianes sur les plans sécuritaire, politique et économique puis de mettre en lumière les questions et les problèmes concrets qu’elles posent à l’échelle gouvernementale. Pour ce faire, le comité fera régulièrement des propositions et suggestions pratiques qui s’imposent, afin d’approfondir et d’harmoniser l’ambition des deux pays sur la base des potentialités aéronautiques de chaque Etat. Cela passera par l’organisation régulière des rencontres et séminaires réunissant les hauts fonctionnaires, experts et auteurs de travaux de recherches dans les domaines d’intérêt commun. Cette coopération bilatérale pourra ainsi évoluer pour devenir un modèle d’intégration des forces armées d’Afrique de l’Ouest en mitigeant les risques liés aux velléités nationalistes inavouées et à l’emprise de la France sur ses anciennes colonies. 107 Entretien avec un officier de l’AAB le 08 avril 2021 à Cotonou. 43 Paragraphe 2: Les contraintes liées aux accords militaires avec la France (AMT) et les facteurs de risque liés aux velléités nigérianes inavouées Les armées africaines francophones, ne sortiront du cercle vicieux de l’assistance étrangère dans lequel ils se meuvent depuis plus d’un demi-siècle que lorsqu’elles s’orienteront vers une coopération libre entre elles. C’est d’ailleurs pourquoi la France encourage officiellement l’orientation de ses partenaires africains vers la coopération Sud-Sud en apportant son aide à la création des écoles nationales à vocation régionale et l’école de pilotage au Sénégal. Néanmoins, l’influence de cette nation sur tous les pays francophones d’Afrique constitue une donnée importante à prendre en compte lorsqu’il s’agit d’une coopération avec un autre pays en l’occurrence non francophone. Elle est en effet garantie par les accords militaires de Défense108, ceux de coopération à travers l’Assistance Militaire Technique (AMT) de la France. Ces accords de défense traitent du fonctionnement des comités de défense et de la coopération dans le domaine des matières premières et des produits stratégiques. Les accords spéciaux offrent la possibilité de « faire appel à la France » (pour la défense intérieure et extérieure du pays) 109. Certains de ces accords n’ont jamais été publiés à cause des clauses secrètes qu’elles comportent110. Une des entraves à la liberté de choix de partenaires pour l’émergence de l’aviation béninoise est la coopération établie avec l’ancienne puissance coloniale aux lendemains des indépendances. En effet, les accords de coopération111 signés en 1960 entre le Bénin et la France, limitent le choix des partenaires puisqu’ils comportent un texte principal stipulant le « devoir d’aide mutuelle des deux pays pour préparer et assurer leur défense ». C’est pourquoi, les questions de coopération militaire, la question 108 La France est liée par un accord de défense à huit pays africains : le Cameroun, la République centrafricaine, les Comores, la Côte d’Ivoire, Djibouti, le Gabon, le Sénégal et le Togo. 109 C. Evrard, « Retour sur la construction des relations militaires franco-africaines », Université de Toulouse Jean Jaurès, Relations Internationales n°165, 2016, p.5. 110 Rapport du Sénat n° 639 sur la session extraordinaire de 2009-2010, Présidence du Sénat français, 2010, p.10. 111 Des accords de coopération sont conclus par la France avec le Bénin, le Burkina Faso, le Mali, le Niger, la Guinée équatoriale ou encore le Tchad, mais ils ne constituent pas des accords de défense. 44 d’équipement des FAB et celle de son Armée de l’Air en particulier nécessitent la mise en place d’une véritable nouvelle « aéropolitique »112. C’est à elle que reviendra la charge de réorienter et suivre les partenariats ou à défaut, d’atténuer leurs effets négatifs sur l’élan de développement amorcé par le pays. De la mise en place effective des mesures d’atténuation va dépendre la réussite d’un projet de coopération militaire bilatérale entre les armées du Bénin et du Nigéria voisins à l’image de celle franco-allemande suivie par le Comité d’Etude des Relations Franco-Allemandes (CERFA) depuis 1954113. En ce qui concerne particulièrement les accords d’AMT, ils décrivent en détail la forme de collaboration avec la France, précisent avec exactitude l’appui à apporter ou fournir à l’armée, traitent du statut des membres des forces armées françaises sur le territoire béninois, et détaillent l’aide et les facilités mutuelles de chaque partie vis-à-vis de l’autre en matière de défense. En séparant les accords de défense de ceux de coopération, on remarque que tous les pays voisins du Bénin n’ont pas forcément signé les trois types de contrat. L’objectif visé était la transmission de l’appareil militaire français, organisation, compétences et matériel compris, tout en parant aux « dangers » les plus immédiats grâce à la possibilité de faire appel à l’armée française114. Les accords de coopération, de conventions d’assistance militaire technique ont permis à la France d’assurer la défense de certains États africains, la formation et l’équipement des armées nationales et d’intervenir le cas échéant sur le terrain. Mais en les examinant dans leur ensemble, on constate que la France n’intervient que lorsque ses intérêts à elle et non celles du pays africain concerné sont menacés. Les coopérants techniques français sont aujourd’hui uniquement présents au sein des positions les plus stratégiques de l’administration militaire béninoise (Marine Nationale, Etat-Major Général, Centres de formation opérationnelle, etc). La France n’assiste les pays concernés que lorsqu’elle y gagne quelque chose. Par exemple, l’AAB dont l’importance opérationnelle depuis quelques années est moindre, n’a plus techniquement été appuyée depuis le départ en 112 Définie plus haut p.20. D. Puhl, « coopération en matière d’armement entre la France et l’Allemagne, une entente impossible ? » visions franco-allemande, n°31, ifri, 2020 ; p.2. 113 114 C. Evrard, loc.cit, p.6. 45 2010 du dernier coopérant Air, le Lieutenant-Colonel Patrick VALLOT. Cette composante des Forces Armées Béninoises au regard des missions qui lui sont dévolues115, est particulièrement mal équipée, mal armée, mal entraînée et semble plutôt délaissée. Sans son appui, les autres armées, aussi modestement équipées par rapport à l’ampleur des nouvelles menaces, auront de grandes difficultés à assurer leurs fonctions régaliennes. En réalité, ces coopérants ont généralement accès aux informations sensibles au point où ils peuvent renseigner leurs pays sur l’opérabilité des troupes d’élite locale et s’assurer que l’aptitude de ces dernières n’excède pas le niveau fixé par leur hiérarchie. Dès lors, la multiplication des accords avec d’autres pays constitue une condition essentielle à la mise en œuvre d’une communauté de sécurité avec les pays voisins en l’occurrence ceux anglophones. Toute chose qui limiterait l’ingérence française à chaque fois que les intérêts de Paris seront menacés. Tableau 4: Calendrier de naissance des États francophones voisins du Bénin. Pays Proclamation des Républiques Transfert des Indépenda Signature compétences nce d’accords de défense ou de coopération Signature Adhésion d’AMT à la Admission à l’ONU communaut é rénovée Dahomey 4/12/1958 1/8/1960 Niger 18/12/1958 3/8/1960 Multipartite du 24/4/1961 Haute-Volta 11/12/1958 11/7/1960 5/8/1960 NON 24/4/1961 NON 20/9/1960 Togo 5/12/1958 Pays sous 27/4/1960 mandat, déjà virtuellement indépendants 10/7/1963 26/10/1961 NON 20/9/1960 Source : SHD, 10T211, affiches récapitulatives ; CHETOM, 15H80 : Capitaine René Massip, « Évolution de l’assistance militaire technique dans les pays d’expression française d’Afrique Noire au sud du Sahara et à Madagascar », 1973. Surveillance et défense de l’espace aérien, soutien aux autres armées, participation à la Défense Opérationnelle du Territoire, assistance aux Autorités, aux services publics et aux populations. 115 46 Les accords franco-africains de défense, de coopération et d’assistance militaire technique (AMT), signés entre le 22 juin 1960 et le 19 juin 1961 116, forment un solide maillage qui constitue sur le terrain la plus grande entrave aux tentatives d’unions exclusivement africaines. Ils occupent une place stratégique dans la recomposition des liens entre la France et ses anciennes colonies africaines après les indépendances. Bien entendu, la France cherche encore aujourd’hui à maintenir une présence militaire sur le continent en construisant une coopération non seulement avec ses anciennes colonies mais aussi avec les autres Etats africains dont le Nigéria. En dépit des clauses abusives des AMT et le succès rétrospectif qu’ils représentent pour la France en termes stratégiques et économiques, les élites politico-militaires béninoises disposent d’une marge de manœuvre qui est loin d’être nulle pour s’affranchir de la dépendance étrangère et consolider sa sécurité nationale. Ce faisant, les armées africaines francophones, ne sortiront du cercle vicieux de l’assistance étrangère dans lequel elles se meuvent depuis plus d’un demi-siècle que lorsqu’elles s’orienteront vers une coopération libre entre-elles. C’est pourquoi, dans sa position d’armée modeste d’un millier de personnes en coopération avec celle de dix-huit mille (18.000) personnels d’active117, l’AAB devra prendre des mesures pour mitiger les risques d’une domination impérialiste. Cela protégera le pays d’éventuelles influences et prétentions dominatrices, pendant que le Nigéria fait ce qu’il peut pour s’affirmer sur la scène régionale118. Historiquement, comme la plupart des pays voisins africains, les différends frontaliers existent entre le Bénin et le Nigéria. Longue de 773 km, la frontière entre ces pays débute sur le Golfe de Guinée et finit au fleuve Niger au Nord du Bénin. « L’espace frontalier entre ces pays est polarisé par les localités de Sèmè-Kraké, de Ifangni-Igolo, de 116 Id, p.5. 117 The Military Balance 2020, p.494. 118 Allusion faite au postulat réaliste de Thucydide « les forts font ce qu’ils peuvent et les faibles subissent ce qu’ils doivent » où la faiblesse des Méliens leur impose de céder aux prétentions d’Athènes dans La guerre du Péloponnèse, Paris, 1964 tel que relayé par G. LAGANE, Théorie des relations internationales. Des idées aux Etats, Ellipes Edition Marketing, 2016, p.2. 47 Nikki et de Sègbana. Située au Sud-Est, dans le département de l’Ouémé et à la frontière avec la conurbation de Cotonou, la localité de Sèmè-Kraké concentre d’importantes migrations »119. Quant à la zone frontalière allant de Nikki à Ségbana, elle abrite d’intenses activités commerciales et d’échanges culturels entre les peuples vivant de part et d’autre de la frontière. Si officiellement les conflits frontaliers entre ces deux pays frères ont été résolus en 2009120, des incidents perdurent. La récurrente fermeture unilatérale des frontières bénino-nigérianes en dépit des accords de libre circulation des personnes et des biens dans l’espace CEDEAO, n’est pas de nature à instaurer une paix durable entre ces deux nations. Il en est de même des velléités inavouées et ensevelies au plus profond des Etats comme les propos réfractaires à l’idée d’un rapprochement entre le Bénin et le Nigéria, parfois tenus par les plus hautes autorités des deux Pays. En effet, le président nigérian Muhamadou Buhari, en réaction aux critiques sur sa décision de construire aux frais du Nigéria (1.9 milliard $), un chemin de fer reliant la ville de Kano à celle de Maradi au Niger, déclare : « le Niger comme vous le savez, a aussi découvert le pétrole et nous ne souhaitons pas les voir le faire passer par la République du Bénin, nous voulons qu’ils passent par le Nigéria au lieu du Bénin »121. Aussi, les « efforts insuffisants » du Bénin contre l’ampleur de la contrebande camouflent-ils un certain intérêt pour les populations béninoises, enclins au commerce informel, au détriment de la République Fédérale du Nigéria. C’est donc dire qu’il n’est pas exclu qu’un incident diplomatique majeur puisse hypothéquer les cordiales relations entre le Bénin et le Nigéria. Pour Robert Keohane et Robert Axelrod, ce sont « les perceptions qui définissent les intérêts et pour comprendre le degré de réciprocité des intérêts il est indispensable de concevoir le processus par lequel les intérêts sont perçus A. AGBON, M. TCHIBOZO et O. THOMAS, Cartographie du risque d’insécurité systémique dans les communes frontalières du Bénin, p.454. 119 120 Revue Carto n°20, Annexion nigériane au Bénin, 2013, p.7. 121 Matin Libre, URL matinlibre.com, consulté le 07 aout 2021 à 10 :21 :42. 48 et les préférences sont déterminées »122. Par ailleurs, Sanders cherchant à déterminer « les limites de l’approche de la théorie des relations internationales fondée sur la théorie des jeux » dans les débats entre néoréalistes et néolibéralistes, a essayé de formuler le contenu des intérêts de l’État-nation sous l’aspect de leur perception chez les dirigeants qui le représentent. Il distingue pour ce faire deux types d’intérêts inhérents à un État national : économique et écologique, qui comprennent le bien-être économique et environnemental de la population à long terme; politique et de sécurité, qui visent à maximiser la capacité de l’État à répondre rapidement et efficacement aux menaces et défis externes123. En conséquence, le respect de la souveraineté et des intérêts étatiques doit être de mise pour une coopération fructueuse et durable entre ces deux armées de l’Air. En dépit des velléités économiques inavouées entre le Nigéria et le Bénin, et de l’insécurité à laquelle fait face le pays, la NAF regorge d’une gamme variée d’opportunités aéronautiques et industrielles à capitaliser par l’AAB. Ses personnels hautement qualifiés en aéronautique conduisent avec aisance et de façon autonome la formation des aviateurs et la maintenance du matériel volant avec l’appui des structures aéronautiques civiles du pays. La matrice SWOT de la NAF dans sa coopération avec l’AAB peut donc se présenter comme suit : 122 Axelrod R. Keohane R.O. Achieving cooperation under anarchy: strategies and institutions. In: Baldwin D. (ed.). Neo-realism and Neo-liberalism: The Contemporary Debate. New-York: Columbia University Press, 1993, p.85-115. 123 Sanders David. Relaţiile Internaţionale: neorealism şi neoliberalism. In: Manualul de ştiinţă politică / ed. Goodin Robert. Klingemann Hans-Dieter. Iaşi: Polirom, 2005, p.375-389. 49 Tableau 5: Matrice SWOT de la NAF dans sa coopération avec l’AAB. FORCES FAIBLESSES Personnels hautement qualifiés Insécurité du pays Diversité et qualité de matériel volant Concurrence inavouée entre les deux nations Existence d’une Industrie de Défense Marché aéronautique à proximité Barrière linguistique Formation autonome du personnel Proximité des deux pays Renforcement des capacités de maintenance grâce aux partenariats civils OPPORTUNITES RISQUES Exploitation de l’industrie de défense Faible rémunération financière Extension de son influence au sein de la CEDEAO Violation du secret défense Sabotage étranger Marché de défense Meilleur contrôle des frontières Ouest et maritimes Immersion linguistique Conclusion partielle de la première partie En définitive, la proximité et les atouts opérationnels dont regorgent les armées de l’air nigériane et béninoise militent en faveur d’un renforcement de la coopération bilatérale entre elles. L’Armée de l’Air du Bénin (AAB), malgré les diverses mutations qu’elle a connues ainsi que le dévouement et le professionnalisme de ses hommes, peine encore aujourd’hui à relever son niveau opérationnel. Si pendant la guerre froide elle avait disposé gracieusement d’un strict minimum d’aéronefs militaires en bon état, la période 50 suivante a été marquée par une baisse drastique d’activités aériennes qui ont entravé son opérabilité. L’insuffisance de ressources dédiées à la formation, à l’entretien et à l’opérationnalisation des personnels, ont progressivement condamné les aviateurs à l’utilisation de matériels vétustes et accentué leur dépendance technique vis à vis des partenaires étrangers. Aujourd’hui, ce pays francophone, encore attaché à l’Assistance Militaire Techniques française, manque de stratégies pour capitaliser les multiples atouts aéronautiques et technologiques de son vaste et dynamique voisin avec qui il partage les mêmes menaces. L’Armée de l’Air du Nigéria, la Nigerian Air Force (NAF) a quant à elle, depuis sa création subi une révolution opérationnelle qui lui a permis d’être aujourd’hui au centre des opérations nationales d’envergure et de devenir une référence sous régionale. Pourtant créée en 1964, elle ne disposait à ses débuts que de moyens modestes et dépendait essentiellement de l’assistance technique allemande et britannique. Devenue une composante indépendante des forces armées fédérales, elle est dotée en capacités de production d’aéronefs, de maintenance d’aéronefs et d’une opérabilité avérée. Ses nombreux centres autonomes de formations opérationnelles et technologiques ajoutés à l’étendue et la diversité de sa flotte d’aéronefs militaires témoignent d’un niveau de maturité inégalé dans la sous-région ouest africaine. Toutefois, son efficacité limitée dans la conduite des opérations contre les groupes djihadistes, remettent en cause le patriotisme et le professionnalisme de ses aviateurs. 51 PARTIE II: LA MULTIPLICITE DES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES D’UNE MEILLEURE COOPERATION POUR LE BENIN 52 CHAPITRE 3: LES ENJEUX MULTIPOLAIRES La mise en œuvre de la puissance aérienne en Afrique de l’ouest constitue un enjeu majeur en raison des quatre caractéristiques (hauteur, rapidité, allonge124 et permanence) qu’offre l’arme aérienne aux forces de surface dans leurs luttes contre les nouvelles menaces. En outre, la difficulté de projection des troupes béninoises lors des opérations nationales et celles de maintien de paix est une question à laquelle une meilleure politique de coopération bilatérale entre la NAF et l’AAB peut trouver une réponse adéquate. Section 1: De la nécessité d’appuyer les autres forces de défense Au regard des évolutions technologiques qu’a connu l’arme aérienne au Nigéria et l’introduction des drones militaires capables d’assurer la persistance sur zone, les armées de l’air du Bénin et du Nigéria sont plus disposées à coopérer efficacement avec les autres composantes des forces armées, lors des manœuvres terrestres et navales. Aussi, la coopération bilatérale entre ces deux armées de l’air devra-t-elle veiller à travers des pôles aéronautiques communs, à la formation des aviateurs et à faire des efforts pour la maintenance et l’exploitation de vecteurs aériens communs de sorte à garantir une interopérabilité entre partenaires au profit des composantes terrestre et maritime. Paragraphe 1: La marine dans la lutte contre la piraterie Lutter efficacement contre la piraterie maritime, requiert l’intégration et la coordination des tactiques et modes d’action aéromobiles à ceux des composantes de surface. Cette donnée constitue un paramètre essentiel à prendre en compte pour juguler ce fléau qui menace l’économie régionale. Ainsi, les efforts quotidiens consentis par les marines nationales béninoise et nigériane dans la lutte contre la piraterie, pouvaient d’avantage être renforcés par des actions conjointes des Armées de l’Air si la coopération opérationnelle entre les armées de l’air avait existé comme celle maritime. En réalité, la 124 Capacité d’intervention à longue portée. 53 fréquence de ces actes de piraterie maritime dans le Golfe de Guinée125 et l’importance stratégique de celui-ci a conduit à la naissance d’une certaine coopération entre les marines voisines. L’initiative de la création de la Zone maritime «E»126, est la manifestation la plus éloquente des louables efforts de la sous-région dans le domaine maritime. Le Docteur Charles Ukeje et le Professeur Wullson Mvomo Ela dans “Approche africaine de la sécurité maritime : cas du Golfe de Guinée“, affirment qu’il s’agit d’ « un espace maritime constitué d'environ seize (16) pays qui se partagent environ 600 kilomètres de littoral ininterrompu »127. Mais, dans son acception la plus large, le Golfe de Guinée est constitué du rentrant maritime qui s’étend de la Guinée à l’Angola. Cette conception prend en considération un espace constitué de seize (16) Etats riverains de l’Atlantique et couvrant un littoral de plus de 7.000 km dont le plus long est l’Angola avec 1.600 km et le plus court la RDC avec 37km128. En dépit de la réaction internationale pour faire face à cette menace, le phénomène de la piraterie s’est répandu dans le Golfe de Guinée ces dernières années. Plusieurs groupes rebelles y ont mené, à partir de la mer, des attaques contre des embarcations et des installations portuaires (navires aux larges des côtes maritimes béninoises), contre des forces militaires (exemple de la Péninsule de Bakassi), ou encore contre la résidence présidentielle à Bata (Guinée Equatoriale). En effet, le crime organisé qui se rapporte aux actes de piraterie n’a eu cesse de s’agrandir dans cette zone géographique en faisant d’elle, le nouvel épicentre de la piraterie maritime en Afrique. Parmi ces actes criminels, figure la piraterie maritime qui se manifeste par des actes de violence, de kidnapping, de vol ou de toute déprédation perpétrés en dehors des zones maritimes de souveraineté étatique. Elle fait partie des dix régions identifiées par l’Organisation Maritime Internationale 125 La superficie du Golfe varie de 475.000 km2 à 2.350.000 km2 selon les auteurs. 126 Zone maritime regroupant le Benin, le Niger, le Nigéria et le Togo. 127 Dr C. UKEJE & Prof. W. M. ELA, « Approche africaine de la sécurité maritime : cas du Golfe de Guinée », séries FES sur la Paix et la Sécurité en Afrique Friedrich-Ebert-Stiftung, n°11, Abuja, Nigéria, 2013, p. 9. 128 URL http://www.memoireonline.com/09/10/3846/m_Initiatives-diplomatiques-et-occupation-de- lespace africain-le-cas-du-golfe-de-guinee-2001-2003.html consulté le 28 septembre 2021 à 01 : 43. 54 (OMI) comme les plus dangereuses du monde où ont lieu ces actes criminels. Classée par le Bureau Maritime International (BMI) comme la seconde région la plus dangereuse après le Golfe d’Aden, le Golfe de Guinée est une région vaste, diversifiée et très importante. C’est pourquoi, l’initiative du gouvernement nigérian qui a lancé le 10 juin 2021 à Lagos l’opération « Deep Blue », devrait apporter une certaine quiétude dans cette zone maritime et susciter une coopération opérationnelle plus accrue avec les pays voisins de cette zone. Composée de plus de six cent (600) personnels équipés de deux (02) avions, trois (03) hélicoptères129 deux (02) navires et dix-sept (17) bateaux patrouilleurs, seize (16) véhicules blindés et quatre (04) drones, cette opération est destinée à la lutte contre la piraterie maritime au Nigéria et Golfe de Guinée 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 130. S’il est vrai que cette initiative unilatérale ne cadre pas avec les ambitions intégrationnistes qui préconisent une solution collégiale, il n’en demeure pas moins qu’elle vient à point nommé dans cette région en proie à la piraterie maritime. En réalité, le Nigéria et le Bénin, bien qu’ils aient plusieurs fois exploité des types d’aéronefs identiques, avaient jusque-là manqué d’entreprendre et coordonner leurs actions au profit des Marines Nationales en lutte contre cette menace galopante. La mise en place d’un Centre Multinational d’Appui Aérien aux Opérations Maritimes (CMAAOM) doté d’aéronefs (avions, hélicoptères et de drones militaires) pour des missions ISR permettrait de soutenir les efforts des marines nationales dans la lutte contre la piraterie maritime sur le littoral bénino-nigérian long de 978 km dont 125 km au Bénin et 853 km au Nigéria131. Ces aéronefs devront être équipés de matériel de transmission compatibles à ceux installés sur les patrouilleurs maritimes. Aussi le choix 129 Des avions Cessna 525B CitationJet CJ3 et des hélicoptères AW-109 LUH ont été choisis et livrés au Nigéria dans le cadre de ce projet. Nigeria’s Deep Blue Project, URL https:// www.harbourmaster.org/News/nigerias-deep-blue-project visité le 25 juin 2021 à 00 :32 :41. 130 131 A. BASSOU “Le Golfe de Guinée, zone de contrastes : Richesses et vulnérabilités“, 2016, p.9 . 55 du matériel commun et la conduite d’entraînements conjoints devront-ils faciliter ces opérations d’envergure. Ainsi, le CMAAOM à l’instar du Centre Multinational de Coordination Maritime (CMCM) viendrait renforcer la sécurité de la zone maritime « E » en général et du port de Cotonou en particulier. Ce port qui constitue le poumon de l’économie béninoise et celui qui dessert essentiellement le Nigéria, serait ainsi protégé des affres de ce phénomène. L’appui aux opérations maritimes ne constitue cependant pas la seule activité à laquelle devra se pencher la coopération entre la NAF et l’AAB. Paragraphe 2: L’armée de terre dans le combat contre le terro-banditisme et l’extrémisme violent Dans la conduite des opérations militaires, la coordination entre les opérations terrestres et aériennes constitue l’un des plus grands défis à relever par les forces armées africaines pour leur efficacité au combat. En effet, dans nombre de pays, les opérations aériennes se sont illustrées comme gage de réussite des opérations terrestres appelées à animer les domaines d’actions de surface. Puisque la dimension aérienne accroît les performances de l’armée de terre, son efficacité demeure essentielle pour la justesse dans l’action collective interarmées. C’est pourquoi, l’intégration des tactiques et modes d’action aéromobiles132 à ceux de l’armée de terre du Bénin dans la lutte contre le terrobanditisme permettra au pays d’être plus aguerri contre ce fléau. En réalité, à travers son action, l’armée de l’air peut satisfaire aux besoins en termes de mobilité en cas de crise majeure. Les possibilités de projection rapide des troupes en zones difficiles d’accès ainsi que l’observation aérienne et l’appui feux rapproché aux troupes qu’elle pourrait procurer dans la lutte contre ces groupes parait un grand atout pour les FAB. Sans l’action de l’Armée de l’Air, les terrains accidentés des montagnes et des forêts du Nord du pays déjà en proie aux velléités terroristes, rendraient difficiles les éventuelles offensives antiguérilla. J.C Allard, « L’aérocombat, futur de la manœuvre aéroterrestre, Comité d’études de Défense Nationale », Revue Défense Nationale 2015/2 N° 777, p. 93. 132 56 Le choix non clairvoyant du Nigéria en 2014 de placer l’armée de terre au centre des opérations de lutte contre Boko Haram au détriment de la NAF a été lourd de conséquences. Il a en effet privé en son temps la force engagée de groupements aéromobiles très manouvrants, capables de traquer en souplesse les insurgés de la secte par la troisième dimension. L’existence d’unités aériennes tactiques auraient entravé fortement la liberté d’action des terroristes du fait de leur capacité de projeter avec célérité les troupes dans les localités attaquées tout en s’affranchissant du risque d’embuscades sur les routes. A cette époque, la secte Boko Haram ne disposait que d’un armement antiaérien modeste constitué de mitrailleuses montées sur des pickups et quelques lanceroquettes antichars RPG-7. Aujourd’hui avec la prédominance des opérations aériennes, la menace est mieux contenue bien que les terroristes disposent d’un arsenal militaire plus développé qui a accru leur capacité de nuisance et leur rayon d’action. La multiplication des attaques terroristes dans des pays limitrophes dont les armées sont pour la plupart démunies face à Boko Haram impose une réorganisation et une mise en commun des moyens face à la secte islamiste. Malheureusement, les armées de l’air béninoise et nigériane n’ont encore jamais réussi à conduire une manœuvre multinationale de surveillance des frontières, régulièrement traversées par des groupes terroristes. Pourtant, au regard de l’évolution de la situation sécuritaire nationale, une meilleure stratégie s’impose pour le contrôle des frontières béninoises en l’occurrence celles du nord du pays. D’une part parce que tous les Etats voisins du Bénin excepté le Togo, sont quotidiennement engagés dans le combat contre les groupes Djihadistes et d’autre part, parce que ces groupes ont déjà opéré sur le territoire national en mai 2019 en y enlevant deux touristes français et leur guide dans le parc de la Pendjari avec la probable existence d’un Katiba133 terroriste dans la région de Kérou. Aussi, la présence de Boko Haram dans l’Etat du Niger qui est frontalier du Bénin est attestée depuis le 25 avril 2021 par l’implantation de leur drapeau134. 133 Unité ou camp d’une centaine de combattants. 134 URL https://www.aa.com.tr/en/africa/boko-haram-seizes , consulté le 12 juin 2021 à 16 :37 :33. 57 De même, certaines missions de l’armée de terre comme l’escorte de convoi et le contrôle de zone peuvent également se faire de concert avec l’armée de l’air en soutien aérien. Ces missions typiques aux aéronefs de l’Aviation Légère d’Observation (ALO) seront d’une grande efficacité pour les troupes béninoises engagées depuis quelques années dans l’opération « BOUINYINDOU135 » au nord du Bénin. Une unité d’aviation légère d’observation basée au DAP de Kandi pourrait ainsi être exclusivement dédiée à soutenir cette opération. Cela nécessitera outre l’acquisition du matériel volant, la construction d’un hangar, la construction de bâtiments et l’aménagement de l’aérodrome de Kandi afin de le rendre opérationnel en y affectant des personnels et moyens de l’AAB. L’acquisition rapide de ces moyens doit inclure des moyens d’appui feu et d’auto-défense au regard de l’avancée des groupes djihadistes dans la zone. L’aviation de transport léger et celle d’observation, bien adaptées aux menaces non conventionnelles pesant sur la sécurité du pays seront priorisées au détriment d’avions d’attaque coûteux qui risquent d’épuiser les ressources limitées du budget national de défense. En réalité, la guerre contre le terro-banditisme nécessite très peu l’aviation de chasse. En revanche, le pays pourrait grâce à la coopération nigériane mettre en place une QRF136 aérienne d’appui aux opérations terrestres dotée d’un chasseur nigérian A-29 Super Tucano ou de JF-17 Thunder, éclairé par des avions de reconnaissance Cessna CJ3, des drônes Gulma ou ADS Aerostar et plusieurs hélicoptères d’attaque de type Mi-17, Agusta AW-109 LUH ou A-101 qui sont réputés solides et rustiques. En conséquence, le Bénin devra envisager dans un futur proche, l’acquisition de chacun de ces vecteurs aériens susceptibles d’être exploités tant dans les opérations nationales que régionales. Mise en place suite à l’enlèvement sur le Parc W de deux touristes français, cette opération se sécurisation qui signifie « Paix » en langue locale Baatonu est conduite par un Bataillon constitué de cinq (05) unités subordonnées positionnées sur les parcs de la Pendjari et du W, à Médécali, à Nikki et à Ségbana. 135 136 La Quick Response Force est une unité d’intervention rapide. 58 Section 2: Les enjeux de la participation aux opérations militaires régionales Les dirigeants des Etats africains subsahariens font de la sécurité collective une condition essentielle à la bonne gouvernance. Ainsi chaque année, d’innombrables actions significatives sont conduites par l’organisation continentale et les organisations régionales africaines pour la mise en œuvre d’opérations militaires interafricaines de maintien de la paix. Le mécanisme employé reste cependant limité par plusieurs problèmes et les défis comme la capacité de projection des troupes et d’appui feux sont à relever pour son efficacité. Paragraphe 1: Les forces en attente et l’optimisation des budgets de défense de plus en plus croissants L’Union africaine (UA) à travers son Architecture de Paix et de Sécurité (APS) manque cruellement de moyens aériens stratégiques pour opérationnaliser la Force Africaine en Attente (FAA)137. C’est pourquoi elle s’appuie sur une poignée d’États membres, en particulier l’Afrique du Sud et le Nigéria puis des partenaires internationaux pour combler ce vide. Les besoins en capacités de transport aérien des FAA comprennent à la fois les moyens aériens pouvant acheminer des troupes et du matériel vers les zones d’opération et des moyens d’appui feu rapproché tels que les « Super Tucano » et les hélicoptères de combat. Mais les difficultés de l’APS de l’UA ne se limitent pas au manque de moyens aériens. L’incohérence et l’inefficacité des actions régionales ainsi que l’influence des forces étrangères imposent des actions de coopérations bilatérales et multilatérales à coordonner par les communautés régionales. Aujourd’hui encore, le continent africain est marqué par la multiplicité des blocs d’intégration. « La plupart des États africains sont membres de plusieurs communautés d’intégration qui se chevauchent »138. Si la coexistence au sein des communautés a des 137 La FAA est le futur bras armé de l'Union africaine. Elle doit être composée de cinq brigades, correspondant aux cinq blocs politico-économiques du continent : Afrique du Nord, de l'Ouest, centrale, australe et de l'Est. 138 C. T. DIEYE, « L'Afrique et le chevauchement des accords régionaux, D'un régionalisme à l'autre : intégration ou interconnexion? », Interventions économiques, n°55, 2016. 59 cohérences juridiques, des visions politiques et des objectifs économiques différents sont le plus souvent source d’incohérence et de difficultés dans la mise en œuvre de l’agenda d’intégration au sein des régions. C’est pourquoi, l’UA s’était proposé en 2015, de créer un dispositif transitoire en attendant l’opérationnalisation de la capacité de déploiement rapide de la FAA. Dénommée Capacité Africaine de Réaction Immédiate aux Crises (CARIC), elle est conçue pour répondre aux besoins de l’UA et exclut du processus de prise de décision politique, les CERs dont l’organisation continentale dépend pour le déploiement de la FAA139. Avec la CARIC, c’est donc un nouvel indicateur de rivalités entre les CERs et l’UA qui a été créé. Ainsi en 2015, l’ECOBRIG140 ayant été écartée et la CARIC ne donnant lieu à aucune application concrète, les Etats membres du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) ont décidé avec l’appui de la France de lancer leur force conjointe141. Avec désormais la Mauritanie et le Tchad aux côtés de pays membres de la CEDEAO, un autre acteur vient encore d’apparaître dans cette rivalité entre l’UA et les organisations concurrentes exacerbées par l’influence de la France en reconquête d’une zone d’influence presque perdue. En réalité, les Etats africains sont de moins en moins sujets à l’influence extérieure dans leur volonté de mutualiser leurs efforts, afin d’établir une communauté de sécurité. Grâce aux accords bilatéraux entre Etats membres d’une même CER, les mécanismes continentaux de gestion de crise pourront se renforcer pour annihiler les menaces exercées par des forces extérieures. De l’efficacité dans la mise en œuvre de ces accords va dépendre l’engagement de chacun des Etats à respecter les termes du partenariat qu’il soit bilatéral, multilatéral ou régional. Il s’en suit que l’engagement des Etats sera respecté dans la durée à condition que celui-ci soit bénéfique à chacune des parties mais affaibli ou interrompu dès que l’un estimera son gain inférieur à ceux des autres parties. En effet, l’une des caractéristiques des relations internationales est que les Etats sont préoccupés A. GNANGUENON, L’Union Africaine et les Communautés économiques régionales Une coopération à géométrie variable, FRIEDRICH-EBERT-STIFTUNG, 2019, p.4. 139 140 Brigade de la FAA pour CER d'Afrique de l'Ouest. 141 Ibidem. 60 par des gains relatifs142. Ainsi, maintenir ou faire évoluer la coopération sécuritaire entre le Bénin et le Nigéria, exige de la part des deux parties une forte communauté d’intérêts, l’acceptation des règles de gouvernance, un degré de subordination et l’engagement de chacun à appliquer les clauses de solidarité et de sécurité communes. Les questions du développement et d’indépendance des armées africaines sont aujourd’hui si importantes qu’il faille rompre avec les situations d’assistance permanente des anciens colonisateurs. C’est en tout cas, le pas à franchir par le Bénin, géographiquement, historiquement et culturellement proche du Nigéria, pour embarquer dans le wagon du développement industriel amorcé par ce dernier. Si sa situation financière lui impose l’évolution vers une communauté de sécurité avec le Nigéria, le Bénin dans sa volonté de juguler les dangers inhérents au terro-banditisme galopant, doit forcer le respect en assumant sa souveraineté militaire. C’est aussi au travers d’un partenariat durable que la force et la violence éventuelle entre et sur ces deux nations seront évitées au profit d’une coopération efficace en matière de sécurité. En effet, l’unité étatique est crainte lorsque le duo l’est, et respecter la communauté, c’est respecter les unités. Mais la vie au sein des communautés de sécurité nécessite le difficile arrimage des budgets de défense de chacun des Etats aux ambitions communautaires communes. En réalité, l’argent, qui est le nerf économique de la guerre, reste également celui de la capacité de financement des armées. Les dépenses militaires totales de l’Afrique qui étaient de 25 milliards de dollars en 2012 sont passées à 44,9 milliards en 2013. En Afrique subsaharienne où le Nigéria est le plus gros contributeur, elles étaient de l’ordre de 21,6 milliards de dollars en 2017143 et « devraient se situer à plus de 60 milliards d’ici dix (10) ans »144. C’est pourquoi, les solutions novatrices à privilégier sont celles soutenues dans le long terme par des communautés pluralistes de sécurité. L’objectif étant Les gains absolus sont des avantages nets que gagne un État lors d’une négociation. Les gains relatifs impliquant que sans avoir obtenu d’avantages nets, un État a amélioré sa position par rapport aux autres, en raison des concessions ou pertes acceptées par ces derniers. 142 143 Institut International de Recherche sur la Paix, « Rapport sur les dépenses militaires des pays de l’Afrique Subsaharienne », 2018. 144 P. HUGON et N. E. ANGO, Les armées nationales africaines depuis les indépendances, Essai de périodisation et de comparaison, Avril 2018. 61 pour les Etats voisins de mutualiser leurs moyens pour vaincre le terro-banditisme à travers un processus sécuritaire bilatéral inclusif et non contrôlé par les puissances extérieures. Elles exigent des décideurs de permanents arbitrages pour un arrimage des efforts individuels aux ambitions sous régionales. Au Bénin par exemple, les dépenses militaires en 2019, 2020 et 2021 représentent respectivement : 3.16, 2.69 et 3.25% du budget national. Les dépenses au profit de l’Armée de l’Air ont quant à elles représenté respectivement 6.87%, 8.28% et 6.36% de ces dépenses militaires annuelles145. Alors que l’indice de paix est en pleine détérioration dans le pays146, le budget de défense demeure restreint et l’équipement militaire inadéquat aux nouvelles menaces sous régionales. Ce pays a vécu la pire détérioration de l’indice de paix de tous les pays du monde en 2020. Ce qui lui valut une chute de trente-quatre (34) places sur son classement par rapport à l’indice mondial de paix147. Avec l’avènement du terrorisme, les dépenses militaires doivent avoir la primauté du financement publique comme cela est déjà le cas au Niger. Initialement contraint de consacrer 10% de son budget aux dépenses militaires au détriment des dépenses sociales en 2015 148 , le Niger est passé à 20% en 2020 avec l’accentuation de la lutte contre le djihadisme. Cela s’explique par le fait que les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) luttent à la fois contre le terrorisme et les groupes armés qui vivent de trafics et de prélèvements sur les populations. Cette volonté nigérienne d’en découdre résolument avec les groupes terroristes crée malheureusement une spirale entre déstructuration du tissu économique, hausse des déplacés et réfugiés, des tensions et des possibilités de recrutement de jeunes désœuvrés149. Au Togo, c’est 25 % du budget national qui est généralement alloués aux forces armées soit la plus grosse enveloppe Entretien à Cotonou avec un responsable financier de la Direction de l’Administration et des Finances du Ministère de la Défense Nationale, le 24 mai 2021. 145 146 Global Peace Index Rankings, Institute for Economics & Peace , 2020, p.19. 147 Idem . 148 Serge Michailof, « Africanistan : L'Afrique en crise va-t-elle se retrouver dans nos banlieues ? » Fayard, 2015, De Boeck Supérieur, Afrique contemporaine, 2015/4 n° 256, pages 164 à 166. 149 P. HUGON, Les armées nationales africaines depuis les indépendances, Essai de périodisation et de comparaison, Avril 2018. 62 budgétaire du pays150. En ce qui concerne le Nigéria, le budget opérationnel est décentralisé et l’armée de Terre, la Marine et l’armée de l’Air disposent chacune, pour les dépenses renouvelables, du pouvoir d’administrer leurs propres contrats151. Ainsi la sécurité apparaît primordiale pour certains alors qu’elle l’est moins pour d’autres. Cette disparité des ressources nationales dédiées à la défense n’est pas de nature à faciliter la coopération intra-africaine. Outre les opérations militaires régionales, les acteurs africains sont de plus en plus incités à prendre leurs responsabilités à travers l’envoi des troupes aux opérations de paix se déroulant sur le continent. Paragraphe 2: La participation aux opérations onusiennes de maintien de paix Depuis les années 1990, les opérations de maintien de la paix constituent une des activités essentielles du Système des Nations Unies (SNU) au service de la paix et de la sécurité internationale. Très prisées sur le continent, plusieurs raisons expliquent l’engouement des armées africaines à participer à ces opérations internationales. Outre l’impact de l’engagement des contingents dans ces opérations sur les politiques extérieures et intérieures des États, les armées africaines y voient une opportunité de renouveler leur matériel avec l’accès à de nouvelles ressources financières et la professionnalisation tant recherchée de leurs armées. Toutefois, le déploiement de contingents dans ces opérations de paix requiert de la logistique avec du matériel certifié aux normes onusiennes. Le coût lié à l’usure de ces matériels étant entièrement pris en charge par les Nations Unies à travers un mécanisme de compensation efficace, les pays africains contributeurs exploitent cette opportunité pour renouveler leur matériel. En effet les ressources tant convoitées générées par ces opérations proviennent des remboursements des matériels et équipements militaires ainsi Centre d’Etudes Stratégiques de l’Afrique, rapport d'analyse n° 6 : pour la professionnalisation des forces armées en Afrique. 150 151 E. Ouédraogo, « Pour la professionnalisation des Forces Armées en Afrique », Papier de recherche du Centre d’études stratégiques de l’Afrique N°6, p.32, 2014 63 que des compensations versées au pays pour les troupes engagées. En ce qui concerne particulièrement les matériels non référencés dans le SUR152 comme les aéronefs, les hélicoptères, les drones, les moyens de détection radars, etc, ils font l’objet d’un mémorandum d’accord entre le pays contributeur et l’ONU à travers la Division du Soutien aux Capacités en Uniforme qui elle-même relève du Département de l’Appui Opérationnel (DAO)153. C’est ainsi que les pays africains conscients des enjeux liés aux Opérations de Maintien de Paix, ont pu renouveler leurs équipements et même en ont acquis d’autres à l’état neuf154. Malheureusement, de la vingtaine de missions à laquelle les FAB ont pris part jusqu’en 2020, aucun matériel volant de l’AAB n’a pu être engagé. Pourtant à travers une coopération bien établie avec la NAF, le Bénin pourrait former ses personnels et garantir la disponibilité du matériel volant de sorte à mieux profiter de la rente onusienne de la paix155 en mettant ceux-ci à la disposition de l’ONU. Ainsi non seulement les aéronefs mis à disposition seront entretenus, mais aussi le personnel concerné sera en pleine activité et les pays bénéficieront d’un remboursement pour la maintenance et l’usure du matériel. En outre, les membres d’équipage reçoivent des primes pour leurs capacités habilitantes et le pays bénéficiera d’une reconnaissance internationale en tant que pays 152 La Statement of Unit Requirements est la Déclaration de Caractéristiques de l’Unité (DCU). Ce document détaille la composition de l’unité, sa structure et ses effectifs, la liste des matériels exiges, les conditions du soutien logistique sur le terrain ainsi que les taches qui seront dévolues à l’unité au sein de la Mission. 153 Général Bruno Mignot, Stratégies africaines de sécurité être acteur des opérations de paix des nations unies, Guide pratique des pays contributeurs, l’Harmattan, 2019, p.117. 154 Des entreprises comme le groupe français OMP Solutions ou encore Sovereign Global se sont spécialisées dans l’optimisation des achats effectués pour les OMP. 155 Les sociologues-anthropologues qui se sont intéressés aux projets de développement en Afrique, notamment, ont produit des analyses microsociologiques fines des interactions entre acteurs impliqués dans la gestion des projets et des ressources énormes qui sont souvent en jeu. Cf. les travaux du réseau APAD, Olivier de Sardan, Chauveau, Bierschenk, Blundo, Jacob, Tidjani Alou, etc. 64 fournisseur majeur de paix. Cela exige cependant que les contingents soient formés selon les règles et standards définis par l’ONU156. En effet, le déploiement de contingents aux d’opérations de paix, nécessite une formation spécifique. C’est pourquoi les troupes en attente de déploiement sont formées dans les centres nationaux et régionaux pour l’acquisition des compétences requises. Depuis plus d’une décennie, les soldats de la paix africains sont, mieux préparés aux nouvelles missions d’interposition et de maintien de la paix qu’ils accomplissent avec brio. Plusieurs pays se sont ainsi dotés de centres pour profiter du marché continental de la formation au maintien de la paix. Ces formations sont financées par la coopération internationale à travers les programmes militaires d’équipement, de formation et d’entraînement puis conduites en particulier sous l’égide de la France et des États-Unis. C’est ainsi qu’ont été créés le Kofi Annan International Peacekeeping Training Center (KAIPTC) au Ghana, l’Ethiopian International Peacekeeping Training Center (EIPKTC) en Éthiopie, l’International Peace Support Training Centre au Kenya, le Centre de Formation aux Opérations de Maintien de la Paix à Cana (CFOMP-C) au Bénin, ainsi que plusieurs centres au Nigeria. L’AAB pourra donc à travers les missions onusiennes, conserver l’opérabilité de ses aviateurs et la disponibilité du matériel volant susceptibles d’être exploités en cas de crise nationale majeure. Pour ce faire, cette armée devra veiller à la formation technique et opérationnelle de ses hommes grâce à une coopération efficace. 156 M. Luntumbue, Contribuer à la génération de force des OMP de demain ? Fractures capacitaires et défis des pays contributeurs, publication n°1 de l’Observatoire Boutros-Ghali du maintien de la paix, Octobre 2017, p.3. 65 CHAPITRE 4: LES PERSPECTIVES DE COOPÉRATION EFFICACE Section 1: Le pôle formation et les possibilités de création des centres opérationnels de formation du personnel La formation du personnel est le moyen par excellence de transmission du savoir et savoir-faire indispensables pour façonner de véritables militaires professionnels. En tant que démultiplicateur de performance, elle reste un atout essentiel à la réussite des missions militaires qui, à l’évidence, sont de plus en plus dans une dynamique d’évolution rapide au gré des mutations qui affectent le monde d’aujourd’hui. C’est aussi à travers elle que sont développés une culture militaire commune et un socle de compétences communs à l'ensemble des unités de l'environnement opérationnel. C’est pourquoi, la formation des personnels navigant et techniciens aéronautiques doit être au cœur de la coopération entre les deux armées de l’Air béninoise et nigériane. Elle permettra de disposer de véritables aviateurs béninois capables de conduire efficacement des manœuvres multinationales conjointes. Pour ce faire, elle devra s’axer sur les domaines que sont la formation initiale et les entrainements ou recyclage périodiques. Paragraphe 1: La formation initiale Devenir Aviateur ne s’improvise pas. Cela requiert une formation de plusieurs années, adaptée au type de carrière (officier ou sous-officier) et à la spécialité aéronautique envisagée. Les sous-officiers reçoivent une formation en conformité avec les responsabilités afférentes à leur catégorie. En particulier, les qualités indispensables à l’exercice du métier de mécanicien aéronautique (motivation, rigueur, méthode et patience) seront inculquées aux sous-officiers techniciens aéronautiques appelés à intervenir sur des systèmes complexes et coûteux. Quant aux officiers, ingénieurs aéronautiques et pilotes, ils sont astreints à une formation militaire et professionnelle qui leur permet à terme d’acquérir les compétences attendues à la fois en tant que combattant et chef militaire, opérateurs d’aéronefs et expert du milieu aéronautique voire spatial. Contrairement à l’AAB qui n’a aucun centre de formation en aéronautique, la NAF, dispose de six (06) écoles qui lui permettent d’atteindre ses objectifs opérationnels 66 et de s’affranchir de la dépendance extérieure pour la disponibilité du personnel naviguant. Ces centres constituent des atouts exploitables par la coopération bilatérale entre ces deux armées. L’Ecole de Pilotage 401, est le centre de formation de jeunes gens appelés à servir dans l’Armée de l’Air Nigériane (Ab-initiaux). Ce centre autonome de formation située dans la ville de Kaduna est équipé de divers avions ainsi que des infrastructures académiques adéquates. Elle exploite les avions de type DA-40 et Super Mushshack, et a la capacité de former une soixantaine de pilotes par an. Elle partage les infrastructures de la Base Aérienne de Kaduna avec l’Institut de Technologies de l’Armée de l’Air en charge de la formation du personnel technique. Le centre nigérian de formation avancée au pilotage d’avions de chasse est l’école de pilotage 403. Il forme les apprenants ayant démontré des aptitudes avérées au pilotage d’avion de chasse lors de leur formation à l’école de pilotage 401. Ce centre, situé à Kano157 est équipé de plusieurs Alpha Jet et L-39ZA Albatros et assure également la formation des pilotes instructeurs. Quant à l’école de formation sur hélicoptères de combat, elle est située à Enugu158 et constitue le vivier de l’Armée de l’Air Nigériane en personnels spécialistes de la voilure tournante. Créée en 2012 et baptisé 305 Flying Training School, elle forme les pilotes d’hélicoptères de l’armée de l’air nigériane ayant terminé leur formation basique au 301 Flying Training School de Kaduna. Cette école est dotée d’hélicoptères de type Agusta Westland AW109E/LUH, Mil Mi-24Vs, Mi-24P et des Mi-35 Hind. Enfin l’Ecole Internationale d’Aviation (IAC)159 de Illorin est chargée de la formation des pilotes militaires de transport. Fruit d’un partenariat public-privé, cette Deuxième ville du Nigéria par sa population. Située au Nord du pays, elle est la capitale de l’Etat de Kano. 157 158 L’International Helicopter Flying School est situé à Enugu, la ville des collines au Sud-Est du Nigéria. L’International Aviation College est une propriété de l’Etat de Kwara à l’Ouest du Nigéria à 230 Km de la ville béninoise Parakou. 159 67 école créée en 2011 est dotée d’équipements et d’infrastructures conformes aux normes internationales. Partant de l’opportunité qu’offrent ces différents centres et en s’inspirant du modèle franco-allemand, un véritable partenariat en matière de formation pourrait s’établir. En effet, suite à l’introduction du nouvel hélicoptère de combat «Tigre», l’Allemagne et la France ont développé le projet d’une formation commune de pilotes et de techniciens160. Inaugurée le 1er juillet 2003, l’école commune de pilotage a été basée au Luc-en-Provence, sur le site de l’Ecole d’application de l’aviation légère de l’armée de terre (EAALAT), et celle de formation du personnel technique à l’Ecole technique de l’armée de l’air allemande (Technische Schule der Luftwaffe) à Fassberg, en Basse-Saxe. Aujourd’hui, les missions opérationnelles actuelles confiées à l’Armée de l’Air Béninoise qui pour la plupart restent communes aux armées, nécessitent une évolution pour s’adapter aux nouvelles menaces sous régionales. Pour ce faire, un accent particulier devra être mis sur la formation opérationnelle et sur les échanges interactifs avec l’Armée de l’Air nigériane pour profiter de son expérience. Par exemple, la mise en place d’un cadre de concertation permettrait aux instructeurs du Centre d’Instruction des Fusiliers commandos de l’Air (CIFCA), d’échanger et partager les connaissances avec leurs homologues du Centre d’Entrainement des Bataillons (RTC) de l’Armée de l’Air Nigériane. L’objectif étant d’harmoniser les techniques spécifiques à la défense des Bases Aériennes dans un environnement en proie aux menaces asymétriques et former les personnels aussi bien à la guerre conventionnelle que celle asymétrique. Outres la formation initiale du personnel, les professionnels pilotes et techniciens aéronautiques pourront aussi uniformiser un tant soit peu leur savoir et savoir-faire lors des stages de recyclage et ceux opérationnels, gage d’une efficacité lors des opérations militaires conjointes. 160 S. B. GAREIS et N. LEONHARD, La coopération militaire franco-allemande : fer de lance des forces armées européennes ?, p.492. 68 Paragraphe 2: Les recyclages, stages et pôles opérationnels Les simulateurs de vol, grâce à l’environnement ultra réalistes de vol qu’ils offrent, permettent la préparation des pilotes et le maintien de leur qualification à un coût réduit. Ils sont de plus en plus utilisés tant dans la formation initiale que dans la formation continue des pilotes professionnels. Les conditions opérationnelles des pilotes d’hélicoptères appelés à opérer des aéronefs sans possibilité d’éjection ni de planer 161 en cas de panne moteur exigent d’eux une réactivité immédiate dès les premiers instants. C’est pourquoi un entraînement annuel aux procédures d’urgence de diverses pannes telles que les autorotations162 et la rupture du torque anti-couple163 leur est prescrit dans les FAB. Ainsi les pilotes béninois spécialistes des voilures tournantes sont astreints à un entraînement annuel dans les pays étrangers du fait de l’indisponibilité du matériel adéquat sur le territoire national. Aujourd’hui, outre les possibilités d’entrainement dans les centres de formation de la NAF, l’entreprise nigériane CAVERTON offre la possibilité aux pilotes d’hélicoptères de s’entraîner sur son simulateur de vol de nouvelle génération. Créé en 2002, CAVERTON est une entreprise civile nigériane de soutien logistique en Afrique Subsaharienne, capable de procurer des solutions complètes de maintenance des plateformes maritimes et aéronautiques. Elle dispose depuis avril 2021, grâce au contrat avec THALES, d’un centre d’entraînement sur simulateur de vol d’hélicoptère AW-139 « Thales Reality H » de niveau 3D « Full Flight Simulator ». La République Fédérale du Nigéria a connu une longue période d’instabilité politique et vécu l’expérience douloureuse de la guerre civile. Aussi, ce pays fait-il face depuis quelques années à l’une des manifestations les plus violentes du terrorisme avec Voler sans aucune aide motorisée, juste par le seul soutien de l’air. Les hélicoptères n’ont pas cette capacité en raison de leur voilure tournante par une boite de transmission reliée au moteur. 161 Un état de vol d’urgence où le rotor principal d’un hélicoptère tourne sous l’action de l’air en lieu et place du moteur. En réalité, l’hélicoptère tombe sous l’effet de la gravité et le vent que rencontre le rotor dans sa chute, le fait tourner. 162 Rotor auxiliaire de petite taille situé à l’arrière d’un hélicoptère et dont le pas des pales est actionné par les pédales pour contrôler la machine et l’empêcher vriller sur l’effet du rotor principal. 163 69 les affres de la secte Boko Haram164. C’est donc fort de cela que les forces armées de ce pays, ont acquis une certaine expérience en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme que les personnels béninois pourraient capitaliser à travers des stages opérationnels. Le Bénin, relativement stable depuis 1972165, traverse depuis bien longtemps, une période de paix qui nécessite la prise de mesures adéquates pour anticiper sur le terrorisme transfrontalier de plus en plus menaçant. Outre l’enlèvement au parc Pendjari par un groupe djihadiste de deux touristes français le 04 mai 2019 au cours duquel leur guide touristique a été abattu, le pays demeure stable. L’unique agression qu’a connu le pays remonte à l’invasion aérienne des mercenaires du 16 janvier 1977 conduite par le célèbre mercenaire français Bob Denard qui s’est illustré au cours de sa carrière par ses nombreux faits d’armes sur le continent (Angola, Comores, Katanga, Cabinda). En effet, au petit matin de ce jour, un avion DC-7 s’est posé à l’improviste sur la piste de la Base Aérienne de Cotonou et a débarqué une centaine de mercenaires armés. L’« Opération crevette » qui échoua contre le président Mathieu KEREKOU aurait été contenue sur le tarmac si le pays était doté d’une armée de l’air équipée. Heureusement, ces mercenaires furent repoussés dans leur offensive dans la ville grâce en partie aux militaires nord-coréens présents à Cotonou en vertu des accords militaires entre républiques socialistes. En dépit de cet acte qui révèle la fragilité du dispositif de défense aérienne, l’inactivité opérationnelle aérienne s’est accrue et n’a eu cesse d’éroder de plus en plus la motivation des personnels, qui à la recherche d’expérience et d’intérêts financiers, enchainent les missions onusiennes. C’est pourquoi, au-delà de l’assistance nigériane dont elle bénéficie de façon sporadique, il urge que le Bénin trouve des valeurs d’échange pour profiter de l’expérience aéronautique de son voisin afin d’assurer au terme sa propre sécurité. En 84 attaques en 2015 selon l’ONG britannique Action on Armed Violence (AVOA) et plus de 100 attaques en 2021 selon BBC Afrique. 164 165 Longtemps considéré comme «l'enfant malade de l'Afrique» en raison de son instabilité chronique, le Dahomey a connu, de 1960 à 1972, une douzaine de coups d'États (dont cinq réussis, en 1963, 1965, 1967, 1969 et 1972), une dizaine de présidents (six militaires et cinq civils) et changea cinq fois de Constitution et connu dix-sept ans d'un régime militaire d'inspiration marxiste-léniniste. 70 réalité comme le souligne Joseph Gieco dans ’’Anarchy and the limits of Cooperation : A Realist Critique of of the Newest Liberal Instutionalism’’, « les pays doivent veiller à leur propre sécurité parce qu’il n’existe aucune autorité capable d’empêcher d’autres Etats d’employer la violence ou les menaces de violence pour les détruire ou les asservir »166. A cet égard, une mise à disposition permanente de personnels instructeurs dans les écoles nigérianes parait une piste exploitable. La mise en place de quelques pôles aéronautiques militaires conjoints pour des projets opérationnels communs en accord avec les réformes engagées par le Bénin, pourrait accroître les efforts de ce pays, renforcer les liens inter-Etats et accroitre sa résilience contre le terro-bantitisme. L’un de ces pôles serait formé d’une unité exploitant entre autres des aéronefs et drones militaires dédiés à la surveillance des côtes maritimes et des frontières terrestres. Ces pôles pourront s’intégrer au projet de réforme de l’Armée de l’Air du Bénin qui prévoit un redéploiement opérationnel de l’AAB constitué de deux Bases Aériennes à Cana et Parakou et des Détachements Aériens Permanents (DAP) à Kandi, Natitingou et Cotonou. La Base Aérienne de Cotonou, qui concentre actuellement les activités aériennes, devenue DAP, pourrait donc abriter l’unité équipée de drones militaires. L’efficacité de ces pôles opérationnels dépend de la disponibilité de structures de maintenance du matériel volant en accord avec les ambitions partagées. Section 2: Le pôle maintenance des appareils et transfert de technologies En ce qui concerne la maintenance du matériel aéronautique et abordant la question des contrats onéreux d’entretien de matériels volants à l’étranger, une solution visant à l’autonomisation technique et au transfert de technologie par la mise en place d’un centre commun de maintenance du matériel volant avec le Nigéria, est préconisée. 166 J. GRIECO, « Anarchy and the limits of Cooperation : A Realist Critique of of the Newest Liberal Instutionalism », International Organization 42, n°3, 1998, pp.485-507. 71 Paragraphe 1: La maintenance des appareils sur place ou à proximité Les capacités aéronautiques des armées d’Afrique subsaharienne ne seront renforcées que lorsque sera rompu le cercle vicieux de l’indisponibilité technique des aéronefs du fait des contrats onéreux d’entretien dont ils font l’objet. Pour ce faire, les Etats partenaires régionaux et les entreprises civiles nationales devront mettre sur pied une initiative conjointe afin d’assurer des niveaux élevés de maintenance du matériel volant. A cet égard, le Nigéria qui dispose d’une sérieuse avance en terme de développement aéronautico-industriel sur ses voisins ouest-africains, devra servir de leader dans cette marche vers l’émancipation des armées africaines. En effet, le Nigéria dispose de plusieurs unités de maintenance de matériel et des solutions dans des entreprises civiles nationales. La 16ème Escadrille Logistique de Kainji dans l’Etat du Niger au Nigéria a pour rôle d’assurer la maintenance des matériels volants majeurs de la NAF. Après l’acquisition de matériels techniques et les stages de renforcement des capacités au Canada offerts aux personnels de cette unité, elle a aujourd’hui acquit une complète autonomie technique. Les unités de maintenance déconcentrées telles que la 401 Aircraft Maintenance Depot de Ikeja et la 403 Electronic Maintenance Depot de Shasha quant à elles, assurent la disponibilité permanente des aéronefs militaires nigérians dans leurs différentes zones d’opération. Outre ces structures militaires, la NAF est aussi engagée dans un partenariat avec l’entreprise civile nationale CAVERTON pour la maintenance de ses hélicoptères militaires en particulier l’AW-139, l’AW-109, l’A-109 Power et le Bell 412. Aussi, appert-il nécessaire que soit mis en place dans la sous-région, un programme commun et concerté d’acquisition et de maintenance de vecteurs aériens. En effet, les coûts de maintenance et d’acquisition de pièce de rechange sont réduits lorsque les commandes sont effectuées en gros auprès d’un même fournisseur. Sans un tel programme, les pays comme le Bénin qui ne disposent pas d’un nombre suffisant d’appareils ou de capacités de maintenance pour garantir la disponibilité opérationnelle de leurs appareils volants, la stabilité sécuritaire régionale sera difficile à atteindre. Le nombre insuffisant d’aéronefs ne leur permettra pas d’assurer simultanément les activités de maintenance au dépôt, d’entraînement et de service opérationnel au profit de la 72 communauté de sécurité régionale. Au sein de l’AAB, 6.11% 167 des personnels détiennent une qualification technique aéronautique. Ces spécialistes ont au fil des années acquis des connaissances théoriques et pratiques à travers plusieurs stages de qualification à l’étranger. En revanche, l’équipement et les infrastructures militaires de maintenance se résument à ceux en dotation à la BACO et le budget de défense peine à en accroître de manière visible les capacités. Cette politique entretient un cycle contre-productif décourageant et mène inexorablement à l’impasse168. L’inexistence d’une flotte aérienne importante, et des structures civiles privées capables d’assurer la maintenance de haut niveau et la fourniture des pièces de rechanges ont exacerbé la sempiternelle et fastidieuse question de l’opérabilité de l’AAB. Si le projet de la Base Logistique de Parakou, peine encore se concrétiser, il pourrait aujourd’hui servir à un projet bilatéral avec la NAF en matière de maintenance du matériel. Ainsi, à travers la coopération entre la NAF et l’AAB, la maintenance du matériel volant pourra trouver une réponse adéquate dans un centre commun et par la même occasion, rendre possible le transfert de compétences technologiques tant recherché par l’AAB. En réalité, la difficulté qu’a le Bénin à se doter d’une armée de l’air équipée, efficace et respectée tout comme celle relative à la mise en place une coopération militaire durable et efficace avec le Nigéria, tiennent principalement aux facteurs politiques. Seules les initiatives aériennes soutenues peuvent affronter les incitatifs politiques fondamentales qui s’opposent jusque-là, à la reforme devant aboutir à la dotation de l’AAB en matériels volants très coûteux pour l’économie du pays. La multiplicité des menaces internes et externes nécessite une réforme du secteur de sécurité nationale avec la participation de toutes les forces vives afin de redéfinir le mandat des Forces Armées Béninoises. Pour ce faire, il faut poursuivre le projet de la restructuration de l’AAB à l’image de la réforme ayant abouti à la création de la Police Républicaine et la Garde 167 Etat-Major de l’Armée de l’Air, 2020. 168 Ryan McCaughan, Commandant USAF, « les défis de la mobilité aérienne en Afrique subsaharienne, ASPJ Afrique & Francophonie », 2017, p.91. 73 Nationale169. Modifier le format des troupes et moyens aériens jusque-là regroupées dans deux (02) Bases Aériennes, à de plus petites unités légères, mobiles et modulables en fonction de la mission et équipés puis formées aux tactiques d’observation de l’aviation légère. Adapter les missions et équipements de l’Armée de l’Air aux nouvelles menaces et intégrer ces missions au sein d’une stratégie de défense globale. En effet, très peu de pays africains disposent aujourd’hui d’une stratégie de sécurité nationale bien définie, pour que leurs armées disposent d’un plan d’acquisition de matériels et de formation opérationnelle du personnel adéquat. Un tel guide est pourtant essentiel pour l’arrimage des ressources militaires aux priorités nationales. Il permettra à l’Etat de coordonner les efforts et fixer les responsabilités des secteurs d’activité de sorte que les institutions civiles et les FDS bénéficient de ressources convenables. Cela favorisera en outre le nonchevauchement des missions de défense et celles de sécurité publiques, fréquemment observé et qui font du militaire béninois un « homme à tout faire sauf ce en quoi il est qualifié ». Il revient donc aux élites politico-militaires d’identifier clairement la mission des institutions de sécurité et les intégrer au processus de planification stratégique afin de former la troupe et lui fournir les ressources adéquates. C’est à cette carence stratégique que l’on doit la diminution drastique des capacités aériennes des FAB après la fin de la Guerre froide. La coopération bilatérale avec la NAF est en mesure de garantir dans un jeu à somme nulle ou du dilemme du prisonnier170 développé par Robert Axelrod dans ‘’L’évolution de la coopération’’, un entraînement conjoint avec l’AAB puis la fourniture 169 Quatrième composante des FAB en vertu de la loi 2020-15 du 03 juillet 2020, modifiant et complétant la loi n°90-016 du 18 juin 1990 portant création des Forces Armées Béninoises. 170 Le dilemme du prisonnier est développé dans l’ouvrage ‘’Comment réussir dans un monde d’égoïstes’’ ou du classique ‘’L’évolution de la coopération’’ de Robert Axelrod, publiés en 1984 qui explorent les possibilités de coopération dans un schéma où chacun peut faire cavalier seul. Si les deux décident de coopérer, le bénéfice est maximum pour les deux. Mais si l’un des deux trahit, le coopérant se retrouvent totalement perdant. 74 des services d’acquisition de pièces et d’entretien du matériel à un coût réduit. En revanche l’armée de l’air béninoise devra compter sur le soutien du secteur industriel national pour développer les compétences et capacités nationales capables de soutenir les efforts bilatéraux. Paragraphe 2: Effets d’entraînement de l’industrie de défense nigériane Enjeu central de la politique de coopération nationale, le développement d’une industrie de défense déjà élaborée par le Nigéria, doit être intégrée à la coopération bilatérale entre l’AAB et la NAF. En effet, les efforts nécessaires pour un développement technologique et industriel ne se trouvent que dans la mise en place d’une industrie de défense, terreau de la souveraineté nationale et exploitable pour insuffler un élan économique au pays. De nombreux pays en développement (PED) aux lendemains de la guerre froide, comme l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud, aujourd’hui considérés comme émergents, se sont penchés sur le développement d’une industrie de défense autonome. L’impact technologique qui en a découlé s’est étendu sur de nombreux secteurs industriels de haute technologie, comme l’automobile ou l’aéronautique civile. En France, l’industrie de défense constitue un secteur stratégique et un levier conduit par le gouvernement des mains de maître pour ses politiques publiques. C’est « un des rares secteurs avec l’aéronautique à contribuer positivement à la balance commerciale du pays »171. Une des plus grandes réalisations industrielles militaires partagée à l’échelle européenne est la construction par Airbus Military Company (France, Royaume-Uni, Allemagne, Belgique, Espagne) de l’avion de transport de troupes et de matériel A400 M. A contrario, il est noté une quasi-inexistence du secteur au Bénin et sa renaissance au Nigéria qui a consacré en 2019 un budget de 1,6 milliard de dollar US à la défense en prévoyant porter ce chiffre à 2,2 milliards d’ici 2024172. En effet, c’est dans les années 171 URL Secteurs d'intervention : Défense - GICAT - Groupement des Industries françaises de Défense et de Sécurité terrestres et aéroterrestres. DUBLIN- Business Wire, L’avenir de l’industrie nigériane de la défense-attractivité du marché, paysage et prévision à 2024, 2019 172 75 1980, que la NAF, dans le cadre du programme d’ingénierie aéronautique et industrielle (AIEP), avait réussi à produire localement un avion léger dédié à la formation du personnel baptisé Air Beetle ABT-18. En 1988, ses capacités technologiques étant en plein essor, soixante (60) exemplaires de cet avion furent produits. L’Air Beetle ABT-18 a été utilisé par la NAF pour la formation du personnel navigant en remplacement au Bulldog123173. C’est cet exploit qui a constitué pour ce pays, le pas précurseur d’une ambition de se hisser parmi les pays constructeurs d’avions. Si ce projet a été abandonné, il convient de souligner qu’il a significativement contribué au développement industriel du Nigéria. Aussi, ce pays va-t-il grâce à l’assistance technique chinoise, lancer le NigComSat-1 en 2007, puis le NigComSat-1R en 2011. Image 7: Quelques avions ABT-18 nigérians Source : www.defensenigeria.wordpress.com174 URL https://www.businesswire.com/news/home/20190322005154/en/The-1.6-Billion-NigerianDefense-Industry-2019-to2024-Market-Attractiveness-Competitive-Landscape-and-Forecasts consulté le 24 mai 2021 à 00 :45 :51. D.A Olawuyi, S. Thomas, P.O Jemitola, A.G Udu, D.S Nyitamen, “methodology for cost estimation and manufacturing framework for the modification of ABT-18 aircraft to an Unmanned Aerial Vehicle”, Academy Journal of Science and Engineering 9 (1), 2015 p. 65. 173 174 URL https://defensenigeria.wordpress.com/2018/04/30/who-is-to-blame-the-death-of-nigeriasdefense-industry/amp/ consulté le 04 avril 2021. 76 Le Nigéria peut ainsi profiter du cadre que lui offre la coopération pour promouvoir ses produits à travers une exploitation de ses Unmanned Aerial Vehicle175 (UAV) ou drones produits localement au sein de la communauté régionale. En effet, l’Armée de l’Air nigériane produit depuis quelques années des drones militaires tels que « Gulma », « Amebo » et « Tsaigumi »176 et a créé une unité opérationnelle chargée de la conduite des missions d’Intelligence, de Surveillance et de Reconnaissance (ISR). L’avion télé-piloté « star tilt-rotor » a par exemple démontré ses capacités à effectuer efficacement des missions de surveillance aérienne. Il décolle verticalement, peut aller jusqu’à cinq kilomètres et peut être équipé d’une bombe de 250 kg. De même, suite au décès d’un spécialiste des Engins Explosifs Improvisés (EEI) en pleine activité à Kaduna, la NAF a développé un prototype amélioré de son robot de désamorçage des EEI. Connu sous le nom d’UGV-2177 et utilisé dans les bases aériennes, ce robot a été construit pour remplacer les humains dans les situations très dangereuses telles que la manipulation d’EEI et de bombes. Un profil de carrière a ainsi été créé pour les spécialistes (pilotes, mécaniciens et ingénieurs de conception) des robots et aéronefs télépilotés. Cela constitue une véritable avancée sous régionale ouest africaine dont devrait s’inspirer l’aviation béninoise. L’omniprésence de ces engins télé pilotés dans les opérations contemporaines, impose à l’Armée de l’Air du Bénin d’en faire une de ses priorités dans ses échanges avec l’Armée de l’Air nigériane. 175 Engin Aérien sans pilote. 176 Nigerian Made Drones Peoples Trust Africa URL 6 177 Unmanned Ground Vehicle ou engin terrestre sans pilote. 77 Image 8: Présentation officielle du drone militaire nigérian « Gulma » en 2013. Source : (icirnigeria.org) cliché Décembre 2013. Avec de tels appareils accessibles à l’AAB à travers la coopération, ces deux armées pourraient coordonner leurs actions dans la conduite des missions de reconnaissance et d’attaque, de contre-insurrection, ainsi que des missions de surveillance des frontières. Aujourd’hui, chacune des composantes de l’Armée Nigériane est équipée de drones et les premiers pilotes drones ont été entièrement formés à l’école de pilotage 401 de Kaduna en 2018178. Tous ces efforts industriels et opérationnels constituent autant de L’armée de l’air nigériane obtient les premiers pilotes de drones formés localement - defenceWeb . URL https://www.defenceweb.co.za/aerospace/aerospace-aerospace/nigerian-air-force-graduates-firstlocally-trained-uav-pilots/ . 178 78 potentialités inexploitées par la coopération entre la NAF et l’AAB. La mise en œuvre d’une coopération opérationnelle pourrait ainsi accroître la résilience des armées aux défis sécuritaires communs. Le Bénin et les pays de la région ouest-africaine, dont la coopération militaire régionale reste insuffisante contre Boko Haram pourront alors mettre en place une cellule multinationale de coordination en matière de renseignement fournis par les drones typiquement africains comme Gulma179. Conclusion partielle de la deuxième partie En somme, la création et l’opérationnalisation de quelques pôles aéronautiques en accord avec les ambitions communes ainsi que la formation des personnels demeurent essentielles pour l’optimisation de la coopération bilatérale entre l’AAB et la NAF. La conduite de mission ISR coordonnées à partir d’un Centre Multinational d’Appui Aérien aux Opérations Maritimes soutiendrait les efforts des marines nationales dans la lutte contre la piraterie maritime sur les côtes bénino-nigérianes. De même, la mise en place d’une QRF aérienne dotée d’avions de chasse, de reconnaissance, de drones et d’hélicoptères de combat appuierait les opérations terrestres. Cela exige de permanents arbitrages pour un arrimage des budgets de défense aux ambitions communautaires. Pour ce qui est de la maintenance du matériel aéronautique, une autonomisation technique et un transfert de technologie seront garantis avec la mise en place d’un centre commun de maintenance du matériel volant. Par ailleurs, l’entraînement et la formation des personnels dans des centres communs aux deux armées de l’Air, garantiront de véritables aviateurs capables de conduire efficacement des manœuvres conjointes. Et avec de tels professionnels, l’AAB pourra à travers les missions onusiennes, maintenir l’opérabilité de ses aviateurs et la disponibilité du matériel en engageant ceux-ci dans les missions de maintien de paix pour profiter de la rente onusienne de la paix. 179 Gulma signifie « rumeurs » en Haoussa. 79 Enfin, enjeu central à la politique de coopération nationale, le développement d’une l’industrie de défense déjà existante au Nigéria, doit être intégrée à la politique de coopération bilatérale entre l’AAB et la NAF. 80 CONCLUSION GENERALE Somme toute, la coopération militaire entre l’AAB et la NAF, dynamique à ses débuts, s’est progressivement affaiblie au fil des années. Elle constitue effectivement un enjeu majeur dont la redynamisation passe par sa formalisation et une réadaptation aux défis sécuritaires sous régionaux actuels. La proximité et les atouts opérationnels des armées de l’air nigériane et béninoise militent en faveur d’un renforcement de la coopération bilatérale entre elles. En réalité, malgré l’écart opérationnel entre l’AAB et la NAF, la création et l’opérationnalisation de quelques pôles aéronautiques et la formation des personnels, permettraient à cette coopération bilatérale de devenir davantage utile aux deux nations dans leur lutte contre le terro-banditisme. D’un côté, l’Armée de l’Air du Bénin (AAB), malgré les diverses mutations qu’elle a connues ainsi que le dévouement et le professionnalisme de ses hommes, peine toujours à relever son niveau opérationnel. Si pendant la guerre froide elle avait disposé d’un strict minimum d’aéronefs militaires en bon état, la période suivante aurait été marquée par une baisse drastique d’activités aériennes qui a entravé son opérabilité. L’insuffisance de ressources dédiées à la formation, à l’entretien et à l’opérationnalisation des personnels, a progressivement condamné les aviateurs à l’utilisation de matériels d’occasion et accentué leur dépendance technique vis à vis des partenaires étrangers. Le faible développement du secteur aéronautique dans le pays, a conduit les personnels navigants et techniques au « piège de l’aviateur béninois ». Si les premiers se contentent d’une carrière de gestion administrative, les seconds sont enclins à quitter l’institution militaire pour des horizons plus prometteurs à leurs yeux hypothéquant davantage le maintien opérationnel des aéronefs. Aujourd’hui, ce pays francophone, tributaire de l’Assistance Militaire Techniques française, manque de stratégies pour capitaliser les multiples atouts aéronautiques et technologiques de son vaste et dynamique voisin avec qui il partage les mêmes menaces. De l’autre, l’Armée de l’Air du Nigéria, la Nigerian Air Force (NAF) a, à sa création subi une révolution opérationnelle qui lui a permis d’être aujourd’hui au centre des opérations nationales d’envergure et de devenir une référence sous régionale. Pourtant à ses débuts en 1964, elle ne disposait que de moyens modestes et dépendait 81 essentiellement de l’assistance technique allemande et britannique. Devenue aujourd’hui une composante indépendante des forces armées fédérales, elle est dotée en capacités de production d’aéronefs, de maintenance technique et de capacités opérationnelles avérées. Ses nombreux centres autonomes de formation et de maintenance ajoutés à l’étendue et la diversité de sa flotte d’aéronefs militaires témoignent d’un niveau de maturité inégalé dans la sous-région ouest africaine. Toutefois, son efficacité limitée dans la conduite des opérations contre les groupes djihadistes, remettent en cause le patriotisme et le professionnalisme de ses aviateurs. En réalité, l’Armée de l’Air du Bénin est victime d’une sclérose opérationnelle plusieurs décennies après les indépendances et la fin de la guerre froide. Elle devient de plus en plus oisive alors que les opérations aériennes sont essentielles pour la conduite des actions militaires. Faible de ses capacités, elle demeure sans menace ennemie définie ou extérieure à contrer.180 Son niveau opérationnel peine à se relever à partir des potentialités nationales propres et celles des partenaires à travers une coopération indépendante. C’est pourquoi, la coopération militaire entreprise par les armées de l’air béninoise et nigériane, vieille de 42 ans nécessite une réorientation au regard des dynamiques mondiales en cours et des nouveaux contextes régionaux. La relecture envisagée devrait permettre « d’optimiser les points fort » et « d’atténuer les faiblesses ». La sensibilité du domaine (aéronautique militaire) et les coûts liés à son existence militent en faveur d’une réflexion stratégique aiguë. La stratégie de bon voisinage longtemps adoptée par le Bénin, n’est plus adaptée à la situation sécuritaire sous-régionale. En réalité, la situation actuelle de ce pays nécessite un aguerrissement des Forces de Défense et de Sécurité. La menace aujourd’hui étant le terrorisme et la criminalité transnationale, une armée non équipée d’aéronefs pourvus de système d’armes et de moyens d’observation aérienne contribuera difficilement à la lutte contre cette menace. Ainsi, la conduite de mission ISR coordonnées à partir d’un Centre Multinational d’Appui Aérien aux Opérations Maritimes soutiendrait les efforts des marines nationales L’un des postulats énoncés par Stanislaw Andrzejewski est que « les forces armées oisives, sans menace extérieure à contrer, risquent davantage de s’ingérer dans la politique intérieure ». 180 82 dans la lutte contre la piraterie maritime sur les côtes bénino-nigérianes. De même, la mise en place d’une QRF aérienne dotée d’avions de chasse, de reconnaissance, de drones et d’hélicoptères de combat appuierait les opérations terrestres. Cela exige de permanents arbitrages pour un arrimage des budgets de défense aux ambitions communautaires. En ce qui concerne la maintenance du matériel aéronautique, une autonomisation technique et un transfert de technologie seront garantis avec la mise en place d’un centre commun de maintenance du matériel volant. Par ailleurs, l’entraînement et la formation des personnels dans des centres communs aux deux armées de l’Air, pourraient former de véritables aviateurs capables de conduire efficacement des manœuvres conjointes. Avec de tels professionnels, l’AAB pourra à travers les missions onusiennes, maintenir l’opérabilité de ses aviateurs et la disponibilité du matériel en engageant ceux-ci dans les missions de maintien de paix pour profiter de la rente onusienne de la paix. Enfin, l’intégration du développement d’une industrie de défense devra être un enjeu central à la politique de coopération bilatérale entre l’AAB et la NAF. Elle rendrait accessible non seulement les plateformes industrielles d’une armée à l’autre mais aussi créerait les conditions favorables aux innovations technologiques militaires communes. En prélude à cela, l’accessibilité des drones nigérians tels que « Gulma », « Amebo » et « Tsaigumi », à l’AAB, permettrait aux duo d’armées de coordonner leurs actions dans la conduite des missions de reconnaissance et d’attaque, ainsi que des missions de surveillance des frontières. Mais un renforcement de la coopération bilatérale entre l’AAB et la NAF ne nécessite-t-il pas que la diplomatie des deux pays soit convaincue de son opportunité dans une sous-région déjà engagée dans une coopération sécuritaire qui se veut à terme panafricaine ? 83 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES I• Ouvrages généraux AUGE, A., KLAOUSEN, P., 2010, (dir.), Réformer les armées africaines. En quête d’une nouvelle stratégie, Paris, Karthala ; • DESCHAUX-DUTARD, D., 2018, Introduction à la sécurité internationale, Presses Universitaire de Grenoble ; • DEVIN, G. et SNOUTS, M.C, 2011, Les organisations internationales, Armand Colin, Coll. 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THOMAS, P.O JEMITOLA, A.G UDU, D.S NYITAMEN, Methodology for cost estimation and manufacturing framework for the 86 modification of ABT-18 aircraft to an Unmanned Aerial Vehicle, Academy Journal of Science and Engineering 9 (1), 2015; • E. OUEDRAOGO, Pour la professionnalisation des Forces Armées en Afrique, Papier de recherche du Centre d’études stratégiques de l’Afrique N°6, 2014 ; • F. M. DJEDJRO, La guerre civile du Libéria et la question de l’ingérence dans les affaires intérieures des états, Revue belge de droit international, Editions BRUYLANT, Bruxelles1993/2 ; • G. BLUM, « Bilateralism, Multilateralism, and the Architecture of International Law », Harvard International Law Journal, 2/42, 2008; • H. DORUSSEN, E. J. KIRCHNER ET J. SPERLING, « Sharing the Burden of Collective Security in the European Union », International Organization, 4/63, 2009; • H. MORGENTHAU, « Politics among Nations. 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V- Instruments juridiques A- Instruments internationaux 1- Universels • Convention de Chicago. 2- Régionaux B- Instruments nationaux • Décret n° 1981-395 du 19 novembre 1981 portant création de la commission technique spéciale chargée de l'enquête sur l'accident survenu à l'avion Corvette de la Société Nationale de Transports Aériens Air Bénin le lundi 16 Novembre 1981 ; • Décret n°86-309 du 5 Août 1986 portant création d’un comité interministériel chargé d’étudier les conditions de commercialisation, au Nigéria, du sucre de la Société Sucrière de Savè (SSS) et du ciment de la Société des ciments d’Onigbolo ; • Group, International Crisis, Rapport Afrique N°195- LE GOLFE DE GUINEE : LA NOUVELLE ZONE A HAUT RISQUE, 2012 ; • Institut International de Recherche sur la Paix, Rapport sur les dépenses militaires des pays de l’Afrique Subsaharienne, 2018 ; • Loi 2020-15 du 03 juillet 2020, modifiant et complétant la loi n°90-016 du 18 juin 1990 portant création des Forces Armées Béninoises ; • The Air Force Act of 1964 (Nigéria). 88 Webographie • Canada-United States relations URL https://www.international.gc.ca/countrypays/us-eu/relations.aspx?lan=eng , consulté le 07 juin 2021 à 23 :01 :25 ; • Directorate of Public Relation, Documentary on Capacity Building in the Nigerian Air Force. M.youtube.com/watch ?v=PdHPm4ldMts consulté le 29/03/2021 à 21 :45 ; • URL http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.as px?Id_Fiche=8362968; • URL https://defensenigeria.wordpress.com/2018/04/30/who-is-to-blame-the- death-of-nigerias-defense-industry/amp/ ; • URL https://www.aa.com.tr/en/africa/boko-haram-seizes , consulté le 12 juin 2021 à 16 :37 :33 ; • URL https://www.businesswire.com/news/home/20190322005154/en/The-1.6- Billion-Nigerian-Defense-Industry-2019-to2024-Market-AttractivenessCompetitive-Landscape-and-Forecasts consulté le 24 mai 2021 à 00 :45 :51 ; • URL https://www.ecowas.int/profil-type-de-la-cedeao/?lang=fr , consulté le 06 août 2021 à 10 :21 :23 ; • URL www.africanmilitaryblog.com/2020/10/nigerian-military-drones-uav- current-army-air-force-and-navy-uav-inventory consulté le 12 juin 2021 ; • URL www.peoplestrustafrica.com/nigerian-made-drones/#.YKePVHmg_IU consulté le 21 mai 2021 à 12:45:12 ; • URL www.peoplestrustafrica.com/nigerian-made-drones/#.YKePVHmg_IU consulté le 21 mai 2021 à 12:45:12 ; • URL : https://mobile.twitter.com/DefenseNigeria/status/1371104692743368710 , visité le 5 janvier 2021 a 17 :33 :21 ; • URL: https://aerophile.over-blog.com/article-les-forces-aerienne-beninoises-en1994-91156853.html , consulté le 20 mai 2021 à 23 :51 :17 ; • Y. SOMALON et G. DJIMIDO, Inspection du nouvel aéronef acquis par l’exchef d’Etat : Toute la vérité sur le Boeing 727, Journal « l’Evènement précis » du 02 mai 2016. URL L'événement Précis – Inspection du nouvel aéronef acquis par 89 l’ex-chef d’Etat: Toute la vérité sur le Boeing 727 (levenementprecis.com) consulté le 22 mai 2021 à 14 :47 :53 ; 90 ANNEXES Annexe n°1 : Liste des personnes interviewées N° GRADE NOM PRENOM QUALITE OU SERVICE 1 GDA (ER) MAMA SIKA Seydou Ancien COFA 2 GBA (ER) ADAM Taffa Ancien DCM/MDN et ancien COFA ancien Pilote de Chasse/Pilote Hélico 3 GBR (ER) ADOSSOU Etienne Ancien Pilote de Chasse 4 COL (ER) GOGUE Abdoulaye Ancien CEMFA/Ingénieur 5 COL (ER) BATOSSI Léonard Ancien CEMFA/Pilote Hélico 6 COL (ER) GBAGUIDI Charles Ancien CEMFA/Pilote Avion 7 COL ALAO Bariou Chef PSRI/EMG 8 COL (NIG) SHOBO Babatounde Attaché de Défense du Nigéria 9 COL AVOCANH Hermann CEMAA 10 LCL OSSENI Rachidi DRH/EMAA 11 CDT BIOBOU Luc Pilote Hélico 12 CDT AHOUNOU Claude Pilote Hélico 13 CDT SOHOU Fernand Pilote Hélico 14 CNE BAKO Idrissou Officier de l’AA 15 LTN LOFFA Lambert Officier de l’AA/Technicien 16 LTN AKPA Comlan Officier de l’AA/Pilote Avion 17 LTN ZINSOU Bertrand Officier de l’AA 18 ADC POHOUEGBE Gaëtan Technicien Avion/Hélico 19 SCH ZOGBOCHI Victor Technicien Avion/Hélico 20 SCH BABATOUNDE Hermann Technicien Avion/Hélico 21 Mr DOSSOU Bénoit DCMOP/MDN a 22 Mr TAIROU M. Aboudou DAF/MDN 23 Mr HOUNKPONOU Roméo DAAMO/MAEC 24 Mr AKPOHA Bienvenu Consultant en RI 25 Mr (NIG) EWERINDE O. Jerôme Chef Protocole Nigéria au Bénin ambassade du b Annexe n°2 : Guide d’Entretien Introduction Salut militaire, formules de salutations d’usage au Bénin et selon le rang social de l’informateur : santé de la famille, état des activités. Je suis le Capitaine CHABI Ibrahim, j’entreprends un travail de recherche sur la coopération entre les armées de l’air béninoise et nigériane ; ceci dans le cadre des travaux de recherches pour l’obtention d’un Master II Professionnel en Etudes Stratégiques, Sécurité et Politique de Défense organisé par l’université de Parakou en partenariat avec les Forces Armées Béninoises. Ce travail est réalisé sous la supervision du Docteur Guillaume ATTOLOU MOUMOUNI et du Professeur Moktar ADAMOU. Les données collectées seront couvertes d’anonymat et restent confidentielles. Je vous remercie d'avoir accepté de m’accorder cette interview malgré vos multiples occupations et vous prie de vous mettre à l'aise au cours de l’échange qui va durer environ 20 à 45 minutes. Vous avez été sélectionné pour nous permettre de recueillir vos opinions sur l’histoire de cette coopération et l’opportunité d’un renforcement de la politique de coopération entre l’AAB et la NAF afin de dégager des pistes pour son optimisation dans la lutte contre les nouvelles menaces. L’objectif principal est de faire un diagnostic stratégique des atouts et faiblesses de ces deux composantes aériennes afin de proposer des solutions concrètes visant à l’optimisation de leur coopération. 0. Identification de la cible c 0.1. Nom et prénom(s) : 0.2. Sexe : 0.3. Age : 0.4. Grade 0.5. Formation de base : 0.6. Fonction précédente : 0.7. Fonction actuelle : 0.8. Lieu de résidence : 1. Historique et état des lieux de la coopération 1.1. Historique de la coopération entre l’AAB et la NAF 1.2. Fondements juridiques 1.3. Actions de coopération ayant eu lieu 1.4. Offre de formation 1.5. Etat des lieux de la coopération entre l’AAB et la NAF 1.6. Difficultés 1.7. Coopérations courantes 2. Analyse des Forces et Faiblesses, Opportunités et Menaces (SWOT) de L’AAB et de la NAF 2.1. Atouts et difficultés de l’AAB 2.2. Opportunités béninoises pour le Nigéria 2.3. Atouts et faiblesses de la NAF 2.4. Opportunités nigérianes pour le Bénin 2.5. Contraintes et facteurs de risque de la coopération bilatérale d 3. 4. Enjeux et perspectives d’une meilleure coopération 3.1. Enjeux sous régionaux 3.2. Enjeux multipolaires 3.3. Formation du personnel 3.4. Maintenance et acquisition du matériel 3.5. Mécanismes de financement 3.6. Appui aux forces de surface 3.7. Perspectives d’une coopération efficace Innovations technologiques et industrie de défense 4.1. Transfert technologique 4.2. Nécessité d’une autonomisation technologique 4.3. Opportunité d’une industrie de défense Merci pour votre participation e Table des matières AVERTISSEMENT _____________________________________________________ i DEDICACE ________________________________________________________ ii REMERCIEMENTS _________________________________________________ iii DEFINITION DES SIGLES ET ABREVIATIONS ___________________________ iv LISTE DES TABLEAUX __________________________________________ vii LISTE DES PHOTOS _____________________________________________ viii SOMMAIRE __________________________________________________________ ix RESUME ____________________________________________________________ x ABSTRACT __________________________________________________________ xi INTRODUCTION GENERALE __________________________________________ 1 PARTIE I: ETAT DES LIEUX _______________________________________ 15 CHAPITRE 1: HISTORIQUE ET ETAT DES LIEUX DE LA COOPÉRATION ENTRE L’AAB ET LA NAF ____________________________________________ 16 Section 1: Brève historique de l’Armée de l’Air du Bénin __________________ 16 Paragraphe 1: L’organisation de l’Armée de l’Air de 1961 à 1990 __________ 16 Paragraphe 2: L’Armée de l’Air du Bénin de 1990 à 2020 _________________ 17 Section 2: Etat des lieux de la coopération militaire entre l’AAB et la NAF ____ 24 Paragraphe 1: Une coopération structurelle en déclin _____________________ 24 Paragraphe 2: Une coopération opérationnelle qui peine à s’envoler _________ 30 CHAPITRE 2: ANALYSE DES FORCES ET FAIBLESSES, OPPORTUNITÉS ET MENACES (SWOT) DE L’AAB ET DE LA NAF ________________________ 34 Section 1: Les atouts et faiblesses de l’AAB _____________________________ 34 Paragraphe 1: Un personnel naviguant et technique qualifié mais longtemps restés en inactivité ___________________________________________________ 34 Paragraphe 2: Un espace aérien et des aérodromes inexploités par l’armée faute de moyens volants ___________________________________________________ 36 f Section 2: Les opportunités nigérianes, les contraintes et les facteurs de risque _ 41 Paragraphe 1: Les opportunités aéronautiques, technologiques et économiques 41 Paragraphe 2: Les contraintes liées aux accords militaires avec la France (AMT) et les facteurs de risque liés aux velléités nigérianes inavouées _______________ 44 Conclusion partielle de la première partie ________________________________ 50 PARTIE II: LA MULTIPLICITE DES ENJEUX ET LES PERSPECTIVES D’UNE MEILLEURE COOPERATION POUR LE BENIN __________________________ 52 CHAPITRE 3: LES ENJEUX MULTIPOLAIRES _______________________ 53 Section 1: De la nécessité d’appuyer les autres forces de défense ____________ 53 Paragraphe 1: La marine dans la lutte contre la piraterie __________________ 53 Paragraphe 2: L’armée de terre dans le combat contre le terro-banditisme et l’extrémisme violent _______________________________________________ 56 Section 2: Les enjeux de la participation aux opérations militaires régionales ___ 59 Paragraphe 1: Les forces en attente et l’optimisation des budgets de défense de plus en plus croissants _____________________________________________ 59 Paragraphe 2: La participation aux opérations onusiennes de maintien de paix _ 63 CHAPITRE 4: LES PERSPECTIVES DE COOPÉRATION EFFICACE _____ 66 Section 1: Le pôle formation et les possibilités de création des centres opérationnels de formation du personnel ____________________________________________ 66 Paragraphe 1: La formation initiale ___________________________________ 66 Paragraphe 2: Les recyclages, stages et pôles opérationnels ________________ 69 Section 2: Le pôle maintenance des appareils et transfert de technologies ______ 71 Paragraphe 1: La maintenance des appareils sur place ou à proximité ________ 72 Paragraphe 2: Effets d’entraînement de l’industrie de défense nigériane _____ 75 Conclusion partielle de la deuxième partie________________________________ 79 CONCLUSION GENERALE ___________________________________________ 81 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ___________________________________ 84 ANNEXES ____________________________________________________________ a g Annexe n°1 : Liste des personnes interviewées _____________________________ a Annexe n°2 : Guide d’Entretien __________________________________________ c h