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marathon diplomatique

Guerre Israël-Hamas : les États-Unis "piégés" par la promesse de réponse forte

Tout en reconnaissant à Israël "le droit de répondre et le devoir de riposter", à l’attaque meurtrière du Hamas, le président américain Joe Biden a appelé samedi à épargner les civils, à l’aube de l’offensive terrestre israélienne à Gaza. Pour le géopolitologue Pascal Boniface, Washington tente d’éviter un massacre qui pourrait avoir un impact désastreux sur l’État hébreu et ses alliés. Entretien.  

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken arrive à l'aéroport Ben Gurion de Tel Aviv, en Israël, le jeudi 12 octobre 2023.
Le secrétaire d'État américain Antony Blinken arrive à l'aéroport Ben Gurion de Tel Aviv, en Israël, le jeudi 12 octobre 2023. © Jacquelyn Martin / Pool via Reuters
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Les civils doivent avoir "accès à l'eau, à la nourriture et aux soins médicaux". Alors que l’offensive terrestre israélienne à Gaza est imminente, le président américain Joe Biden s’est entretenu, samedi 14 octobre, avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, soulignant l’importance de protéger les habitants prisonniers de conflit. Le même jour, il a également assuré au président palestinien Mahmoud Abbas son "soutien total" aux efforts d’apporter de l'aide humanitaire aux Palestiniens, "en particulier à Gaza". 

Après l’attaque meurtrière du Hamas contre l’Etat hébreu, samedi 7 octobre, Israël a lancé une campagne de frappes massive sur Gaza et coupé l’approvisionnements en eau, en électricité et en nourriture.    

Soutien inconditionnel d’Israël, les États-Unis ont reconnu au pays le "droit de répondre et le devoir de riposter", tout en appelant à une réponse proportionnée. Le secrétaire d’État Anthony Blinken est pour sa part attendu en Israël lundi après une mission diplomatique régionale avec des escales en Jordanie, au Qatar, aux Émirats, en Arabie saoudite ou bien encore en Égypte.   

Quel rôle Washington entend jouer dans la résolution de cette nouvelle crise qui agite le Moyen-Orient ? Eléments de réponse avec le géopolitologue Pascal Boniface.  

Les Américains se sont montrés très offensifs diplomatiquement et militairement depuis l’attaque du Hamas. Quels sont leurs principaux objectifs 

Pascal Boniface : Washington veut tout d’abord réassurer Israël du soutien inébranlable des États-Unis, illustré notamment par l’envoi de deux porte-avions en Méditerranée orientale. Ce renforcement militaire ne concerne pas le Hamas mais a plutôt une visée dissuasive vis-à-vis d’une éventuelle attaque iranienne si la situation était amenée à se détériorer. Il y a donc une volonté de réaffirmer un soutien à Israël qui fait partie de l’ADN de la diplomatie américaine.   

Néanmoins il y a un problème pour les Américains car si l’offensive terrestre sur Gaza fait un nombre de morts trop élevé et que les normes du droit international sont trop ouvertement violées, ce soutien inconditionnel mettrait alors les États-Unis en difficulté dans d’autres parties du monde. 

Outre le fait de diminuer le soutien d’Israël à l’échelle internationale, une telle opération rejaillirait négativement sur les principaux soutiens du pays hébreux que sont les pays occidentaux et en particulier les États-Unis. C’est pourquoi les Américains appellent à la retenue.

Washington tente également d’empêcher l’extension du conflit avec les forces du Hezbollah, à la frontière libanaise, ce qui ouvrirait un second front, et de calmer le jeu en Cisjordanie, où des affrontements entre colons et Palestiniens ont fait un nombre de morts relativement important depuis l’attaque du Hamas. On peut imaginer que de manière discrète, les Américains font pression sur Israël pour éviter les actes de représailles et que ne s’enflamment les violences intercommunautaires.  

On sait que Joe Biden est bien plus critique de l’action du Premier ministre israélien Netanyahu que ne l’était son prédécesseur Donald Trump. Cette crise ressoude-t-elle les liens entre les deux pays ?   

Joe Biden et Benjamin Netanyahu ont incontestablement des divergences. Le président américain est forcément gêné par l’entrée au gouvernement de ministres ouvertement racistes, avec qui le Premier ministre a formé une coalition pour sauver sa peau. Il désapprouve également la poursuite de la colonisation, sous l’influence forte des colons dans l’actuelle coalition.   

Malgré tout, on ne peut pas dire que la crise actuelle a ressoudé les liens car ceux-ci ne se sont pas distendus. Joe Biden n'a absolument rien remis en cause de ce qu'avait décidé Donald Trump, qu'il s'agisse des accords d'Abraham ou bien du transfert de l'ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem.

Avec le retour d’Israël au premier plan de l’actualité, il y a eu une réaffirmation des liens et d’une solidarité totale, du fait de l’ampleur inédite de l’attaque sur territoire israélien. En même temps, face à la promesse israélienne de réponse par la force, les États-Unis sont piégés car ils savent très bien que l’opération va déboucher sur une catastrophe humanitaire.  

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Anthony Blinken termine dimanche son marathon diplomatique dans les pays arabes. Qu’espère-t-il obtenir des partenaires régionaux ?   

Outre l’objectif de contenir un éventuel embrasement régional, le secrétaire d’État américain négocie le droit pour les quelque 600 Américains qui sont à Gaza de pouvoir franchir le point de passage entre l’enclave et l’Égypte. À cela s’ajoute la question du sort des otages américains détenus par le Hamas.    

À travers cette tournée, les États-Unis veulent montrer qu’ils sont à la manœuvre. Néanmoins nous savons qu’Israël va décider de son agenda seul et ne tiendra pas compte des demandes de Washington. Cela peut paraitre paradoxal vu l’ampleur de l’aide américaine mais c’est la situation qui prévaut entre les deux pays depuis le début du 21eme siècle. Comme les États-Unis s’interdisent toute pression réelle sur Israël, ses dirigeants savent bien qu’ils peuvent diriger comme ils l’entendent sans s’exposer à la menace de sanctions.  

Qu'en est-il des accords d'Abraham, initiés par l'administration Trump pour normaliser des rapports diplomatiques entre Israël et les pays arabes ? 

Les discussions sont, au mieux, sur pause. L'Arabie saoudite a suspendu les négociations avec Israël et il parait difficile aujourd'hui pour le roi du Maroc de poursuivre son rapprochement avec l'État hébreu. Même si les Émirats et Bahreïn ont condamné les attaques du Hamas, il sera compliqué pour eux de développer des liens avec Israël dans un futur proche.   

Il est inutile pour les États-Unis de s'en occuper car à l'heure actuelle il ne pourront pas les mettre en œuvre ou les revitaliser, et ce vis-à-vis de tout gouvernement arabe y compris les plus autoritaires. 

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